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21/09/2017 | FRANCE | N°14/03547

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 21 septembre 2017, 14/03547


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 21 septembre 2017

(n° 545 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/03547



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Février 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/00932





APPELANTE

Madame [V] [J] épouse [Q]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 2] - MALI


représentée par Me Laurence SOLOVIEFF, avocat au barreau de PARIS, toque : A0007

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/021573 du 02/06/2014 accordée par le bu...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 21 septembre 2017

(n° 545 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/03547

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Février 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/00932

APPELANTE

Madame [V] [J] épouse [Q]

[Adresse 1]

[Localité 1]

née le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 2] - MALI

représentée par Me Laurence SOLOVIEFF, avocat au barreau de PARIS, toque : A0007

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/021573 du 02/06/2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEES

Sas TFN PROPRETE ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 339 718 421

représentée par M. [U] [D] ( juriste de l'entreprise) en vertu d'un pouvoir général

SARL SNP

[Adresse 3]

[Localité 4]

N° SIRET : 512 465 642

représentée par Me Eric CATRY, avocat au barreau de VAL D'OISE, toque : 101 substitué par Me Raphaël CABRAL, avocat au barreau de VAL D'OISE, toque : 101

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Patricia DUFOUR, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine BEZIO, Président de chambre

Mme Patricia DUFOUR, conseiller

Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-président placé

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Véronique BESSERMAN-FRADIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine BEZIO, Président et par Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, greffière présente lors du prononcé.

FAITS ET PROCEDURE

Suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel de 86h67 mensuelles, la Société ENG a embauché Madame [V] [J], épouse [Q], en qualité d'agent de propreté. La durée du travail a été portée à 119,17 heures par avenant en date du 19 mai 2008, durée répartie sur deux sites situés à [Localité 5] :

- 54,17 heures sur le site d' ORSAY AVOCATS

- 65 heures sur le site de BANQUE D'ORSAY.

En 2008, à la suite du rachat de la Société ENG par TFN GROUPE ATALIAN GLOBAL SERVICES, les deux sites ont été ainsi répartis entre deux sociétés du Groupe :

- le site d'ORSAY AVOCATS à la société TFN PROPRETE ILE DE FRANCE, ci-après TFN IDF

- le site de BANQUE D'ORSAY à la société TFN TECHNOPARC POISSY.

Alors que Madame [Q] était en congés du 7 octobre au 10 novembre 2011, la Société TFN PROPRETE IDF a perdu le marché de nettoyage, repris à compter du 15 octobre 2011 par la SARL SNP(Service de Nettoyage Professionnel).

La Société TFN PROPRETE IDF a remis à la Société SNP les documents nécessaires au transfert des contrats des salariés remplissant les conditions, dont Madame [Q], ce qui a permis, le 14 octobre 2011 à l'entreprise entrante de procéder à la Déclaration Unique d'Embauche. Toutefois, la SAS TFN PROPRETE a omis d'indiquer à la SARL SNP que Madame [Q] était en congés jusqu'au 10 novembre 2011.

S'étonnant de l'absence de Madame [Q] lors de la reprise du marché, le 15 octobre 2011, la Société SNP a contacté l'entreprise sortante le 29 octobre 2011 l'informant de sa décision de ne pas reprendre la salariée qui, se présentant sur son lieu de travail habituel le 14 novembre 2011, se verra refuser l'accès aux locaux après avoir appris que l'entreprise TFN PROPRETE IDF n'était plus titulaire du contrat de nettoyage.

Au motif qu'en l'absence de reprise de son contrat de travail par la Société SNP, celui-ci s'était poursuivi avec la Société TFN IDF, Madame [Q] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 26 janvier 2012 d'une demande tendant à le voir condamner la Société TFN IDF au paiement des salaires et à ordonner sa réintégration. Au cours de la procédure, la Société TFN PROPRETE IDF a appelé dans la cause la Société SNP.

Par jugement en date du 4 février 2014, le conseil de prud'hommes a :

- mis hors de cause la SARL SNP,

- prononcé la résiliation du contrat de travail entre la SAS TFN PROPRETE IDF et Madame [Q],

- condamné, avec intérêts au taux légal, la SAS TFN PROPRETE IDF à payer à Madame [Q] les sommes de :

** 8.500 € à titre de rappel de salaire,

** 850 € au titre des congés payés,

** 225 € à titre de prime d'ancienneté,

- débouté Madame [Q] du surplus de ses demandes,

- condamné la SAS TFN IDF aux dépens.

Le 27 mars 2014, Madame [Q] a fait appel de la décision.

Elle demande à la Cour:

A titre de principal : Sur le maintien du contrat de travail de Madame [Q] et la demande de rappels de salaire depuis le 14 novembre 2011 :

- de constater que son contrat de travail n'a été ni rompu par la société TFN PROPRETE IDF ni repris par la SARL SNP,

- de condamner en conséquence, à titre principal, la Société TFN PROPRETE IDF, et à titre subsidiaire, la Société SNP à poursuivre ou reprendre son contrat de travail en lui fournissant du travail selon les conditions contractuelles convenues, soit 54,17 heures travaillées par mois moyennant une rémunération mensuelle brute de 565,36 € en qualité d'agent de propreté et ce, sous astreinte de 300 € par jour de retard à l'expiration d'un délai de 8 jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir,

-de condamner, à titre principal, la Société TFN PROPRETE IDF et, à titre subsidiaire, la SARL SNP à lui payer les sommes suivantes :

** 35.232,62 € bruts à titre de rappel de salaire du 14 novembre 2011 au 31 mars 2017,

** 3.523,26 € au titre des congés payés afférents,

sommes à parfaire en fonction du prononcé de l'arrêt à intervenir et en deniers et quittances à hauteur de 7.541,689 € nets versés au titre de l'exécution provisoire par la SAS TFN PROPRETE IDF,

- de condamner à titre principal la société TFN PROPRETE IDF et, à titre subsidiaire, la SARL SNP, à lui remettre les bulletins de salaire pour la période du 17 octobre 2011 à la date du prononcé de l'arrêt, sous astreinte de 300 € par document et par jour de retard à l'expiration d'un délai de 8 jours après le prononcé de l'arrêt,

A titre subsidiaire : Sur le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail avec effets au jour de l'arrêt à intervenir :

-de constater que le contrat de travail n'a été ni repris ni rompu à ce jour,

-de condamner, en conséquence, la Société TFN PROPRETE IDF et, à titre subsidiaire, la Société SNP à lui payer les sommes suivantes :

** 35.232,62 € à titre de rappel de salaire du 14 novembre 2011 au 31 mars 2017,

** 3.523,26 € au titre des congés payés afférents,

sommes à parfaire en fonction du prononcé de l'arrêt à intervenir et en deniers et quittances à hauteur de 7.541,689 € nets versés au titre de l'exécution provisoire par la SAS TFN PROPRETE IDF,

-de condamner la société TFN PROPRETE IDF et, à titre subsidiaire, la SARL SNP, à lui remettre les bulletins de salaire pour la période du 17 octobre 2011 à la date du prononcé de l'arrêt, sous astreinte de 300 € par document et par jour de retard à l'expiration d'un délai de 8 jours après le prononcé de l'arrêt,

-de prononcer, en outre, la résiliation du contrat de travail au jour du prononcé de l'arrêt à intervenir, aux torts à titre principal, de la Société TFN PROPRETE IDF et, à titre subsidiaire, aux torts de la Société SNP,

- en conséquence, de condamner la SAS TFN PROPRETE IDF et, à titre subsidiaire, la SARL SNP, à lui payer mes sommes suivantes :

** 13.568 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

** 1.130,72 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

** 113 € au titre des congés payés afférents,

** 1.319,17 € à titre de l'indemnité légale de licenciement,

** 1.200 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation des droits au DIF,

** 565,36 € à titre d'indemnité pour procédure irrégulière,

-de condamner la société TFN PROPRETE IDF et, à titre subsidiaire, la SARL SNP, à lui remettre les bulletins de salaire pour la période du 17 octobre 2011 à la date du prononcé de l'arrêt, sous astreinte de 300 € par document et par jour de retard à l'expiration d'un délai de 8 jours après le prononcé de l'arrêt,

A titre infiniment subsidiaire : Sur le pronocné de la résiliation judiciaire du contrat de travail avec effets au jour du jugement entrepris en date du 4 février 2014

-de constater que le contrat de travail n'a été ni repris ni rompu jusqu'au jour du jugement entrepris prononcé le 4 février 2014,

-de condamner, en conséquence, la Société TFN PROPRETE IDF et, à titre subsidiaire, la Société SNP à lui payer les sommes suivantes :

** 14.040,39 € à titre de rappel de salaire du 14 novembre 2011 au 4 février 2014,

** 1.404,03 € au titre des congés payés afférents,

sommes à parfaire en fonction du prononcé de l'arrêt à intervenir et en deniers et quittances à hauteur de 7.541,689 € nets versés au titre de l'exécution provisoire par la SAS TFN PROPRETE IDF,

-de condamner la société TFN PROPRETE IDF et, à titre subsidiaire, la SARL SNP, à lui remettre les bulletins de salaire pour la période du 17 octobre 2011 au 4 février 2014, sous astreinte de 300 € par document et par jour de retard à l'expiration d'un délai de 8 jours après le prononcé de l'arrêt,

-de prononcer, en outre, la résiliation du contrat de travail au jour du prononcé de l'arrêt à intervenir, aux torts à titre principal, de la Société TFN PROPRETE IDF et, à titre subsidiaire, aux torts de la Société SNP,

- en conséquence, de condamner la SAS TFN PROPRETE IDF et, à titre subsidiaire, la SARL SNP, à lui payer les sommes suivantes :

** 13.568 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

** 1.130,72 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

** 113 € au titre des congés payés afférents,

** 1.319,17 € à titre de l'indemnité légale de licenciement,

** 1.200 € à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation des droits au DIF,

** 565,36 € à titre d'indemnité pour procédure irrégulière,

-de condamner la société TFN PROPRETE IDF et, à titre subsidiaire, la SARL SNP, à lui remettre les bulletins de salaire pour la période du 17 octobre 2011 au 4 février 2014, sous astreinte de 300 € par document et par jour de retard à l'expiration d'un délai de 8 jours après le prononcé de l'arrêt,

Dans tous les cas : Sur le préjudice subi par l'absence de paiement de salaires depuis le 14 novembre 2011,

-de condamner la SAS TFN PROPRETE IDF et, à titre subsidiaire, la SARL SNP, à lui payer la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudicie matériel et psychologique causé par l'absence de paiement des salaires et indemnités journalières de sécurité sociale pendant la période de maladie,

-d' assortir les condamnations aux intérêts au taux légal et en ordonner la capitalisation,

-de fixer au 1er février 2016 son ancienneté et à la somme de 565,36 € la moyenne de ses salaires,

-de condamner la partie succombante aux dépens et au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 alinea 2 dont distraction au profit de Maître Laurence Solovieff.

La SAS TFN PROPRETE IDF demande à la Cour :

A titre principal,

- de constater que les conditions du transfert du contrat de travail de Madame [Q] étaient réunies à la date du 14 octobre 2011,

- de prononcer sa mise hors de cause,

- d'infirmer le jugement déféré,

- de condamner Madame [Q] et la Société SNP aux dépens,

A titre subsidiaire,

-de constater que la rupture du contrat de travail la liant à Madame [Q] est intervenue le 14 octobre 2011,

-de limiter, en conséquence, les condamnations qui pourraient être mises à sa charge, à de plus justes proportions et ordonner, en tout état de cause, la compensation de ces sommes avec celle de 9.605 € déjà versée à Madame [Q],

-d' infirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 4 février 2014,

A titre infiniment subsidiaire,

-de fixer la date de la rupture de son contrat de travail avec Madame [Q] au 4 février 2014,

-de limiter ses condamnations à de plus justes proportions, et au surplus à la somme de 5.525,37 €, congés payés inclus, compte-tenu des sommes déjà versées,

-de débouter Madame [Q] et la SARL SNP du surplus de leurs demandes.

La SARL SNP demande à la Cour de :

- confirmer la décision déférée en ce qu'elle l'a mise hors de cause,

A titre principal,

- dire et juger que le transfert du contrat de Madame [Q] n'a pu se faire par la faute de la Société TFN PROPRETE IDF,

En conséquence,

- dire et juger que la Société TFN PROPRETE IDF est demeurée l'employeur de Madame [Q],

- débouter Madame [Q] des demandes formées à son encontre,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que le contrat de travail de Madame [Q] a été rompu en date du 4 février 2014,

- dire et juger que la moyenne des salaires s'établit à la somme mensuelle brute de 522,99 €,

- revoir à de plus justes proportions la demande de Madame [Q] au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dire et juger que Madame [Q] est mal fondée à solliciter :

** une indemnité compensatrice de préavis supérieure à 1.045,98 €,

** une indemnité légale de licenciement supérieur à 836,78 €,

** un rappel de salaire pour la période entre novembre 2011 et février 2014 à 13.686,46 €,

- débouter Madame [Q] de l'ensemble de ses autres demandes,

En tout état de cause :

- condamner la Société TFN PROPRETE IDF à la SARL SNP aux dépens et au paiement de la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 28 mars 2017.

MOTIVATION

Selon les dispositions de l'article 7-2 de la convention collective nationale des entreprises de propreté du 26 juillet 2011, en cas de perte d'un contrat commercial ou d'un marché, l'entreprise entrante est tenue de reprendre 100% du personnel remplissant certaines conditions de qualification, notamment les agents de propreté, dès lors qu'ils justifient d'un contrat à durée indéterminée, d'une affectation sur le site concerné d'au mois six mois à la date de l'expiration du contrat ou du marché et, s'ils sont affectés sur plusieurs sites, passent plus de 30 % de leur temps de travail sur le site concerné par le contrat commercial ou le marché transféré.

Cet article précise que le transfert du contrat de travail s'opère de droit, s'impose au salarié et qu'il incombe au nouvel employeur d'établir un avenant qui mentionne le changement d'employeur et reprend les clauses du contrat initial, cet avenant devant être remis au salarié au plus tard le jour du début effectif du travail.

Selon les dispositions de l'article 7-3 et afin de permettre le transfert des contrats de travail des salariés concernés, il appartient à l'entreprise sortante dans les huit jours après que l'entreprise entrante s'est fait connaître, de lui communiquer, pour les salariés concernés par le transfert, :

- les six derniers bulletins de paie,

- la dernière fiche d'aptitude médicale,

- la copie du contrat de travail et, le cas échéant, les avenants,

- s'agissant des travailleurs étrangers, l'autorisation de travail.

Par ailleurs, il revient aussi à l'entreprise sortante d'informer par écrit ses salariés bénéficiant de la garantie d'emploi, de leur obligation de se présenter sur le chantier le jour du changement de prestataire.

Le texte conventionnel précise que la carence de l'entreprise sortante dans la transmission de ces renseignements ne peut empêcher le changement d'employeur que dans le seul cas où cette carence met l'entreprise entrante dans l'impossibilité d'organiser la reprise effective du marché.

Sur la demande de « réintégration » :

En l'espèce, il résulte des pièces versées au dossier qu'à la suite de la perte du contrat de nettoyage du site d'ORSAY AVOCATS par la Société TFN PROPRETE IDF, celle-ci a transmis à l'entreprise entrante, la SARL SNP, les éléments concernant les salariés qui remplissaient les conditions pour le transfert de leur contrat de travail. Parmi les personnels transférés figurait Madame [Q] pour laquelle la SAS TFN PROPRETE IDF a communiqué l'intégralité des documents ci-dessus mentionnés, tout en omettant d'indiquer que celle-ci était en congés payés jusqu'au 10 novembre 2011 et ne reprendrait son travail qu'à compter du 14 novembre 2011.

Il apparaît que Madame [Q] remplissait les conditions pour être reprise par l'entreprise entrante et que la SARL SNP était en possession de tous les éléments utiles pour rendre effectif ce transfert, et ce d'autant que le 14 octobre 201, veille de la reprise du marché , elle a procédé à la Déclaration Unique d'Embauche de l'appelante qui, à compter du 15 octobre, est devenue sa salariée.

Dès lors, l'argument de la SARL SNP selon lequel l'absence d'information sur les congés payés et l'absence de la salariée lors de la reprise effective du contrat de travail, le 14 octobre 2011, empêchait le transfert du contrat de travail de Madame [Q] ne peut être retenu, d'autant qu'elle ne verse aux débats aucun élément matériel probant démontrant, ainsi qu'elle l'affirme, que l'absence d'information sur les congés de la salariée et son absence le jour de la reprise la mettait dans l'impossibilité d'organiser la reprise effective du marché.

Dans ces conditions, même si la salariée ne s'est pas présentée sur le site le 15 octobre, la SARL SNP n'était pas fondée à écrire à la SAS TFN PROPRTE IDF pour l'informer le 19 octobre 2011 de son refus de reprendre le contrat de travail de Madame [Q] et, pour ce motif, ne pouvait refuser à la salariée l'accès aux locaux, ainsi qu'elle l'a fait le 14 novembre 2011 lorsque l'appelante, de retour de congés s'est présentée sur le site, a appris que le marché de nettoyage du site d'ORSAY AVOCATS avait été repris, s'est vue refuser l'accès aux locaux et a été invitée à retourner vers son ancien employeur, la SAS TFN PROPRETE IDF.

En effet, dès lors que le transfert du contrat était devenu effectif, Madame [Q] était devenue sa salariée, la SARL SNP, si elle voulait rompre la relation de travail, était tenue de mettre en 'uvre à l'encontre de l'appelante une procédure de licenciement et, en l'absence de toute procédure démontrant sa volonté de mettre fin au contrat de travail, il convient donc de considérer que le contrat s'est poursuivi au sein de la SARL SNP.

Au surplus, en lui refusant l'accès à ses locaux, la SARL SNP a manqué à son obligation de fournir du travail à sa salariée , alors que Madame [Q] affirme, sans être contredite utilement, s'être toujours tenue à la disposition de l'employeur pendant les horaires qu'elle effectuait sur le site d' ORSAY AVOCATS. Au demeurant, la SARL SNP ne peut reprocher à Madame [Q] d'avoir sollicité la SAS TFN PROPRETE IDF pour la poursuite de son contrat de travail alors que c'est elle-même, en ne respectant pas ses obligations, qui a contribué à ce que l'appelante se retrouve sans emploi effectif.

Par ailleurs, si, ainsi que le soutient la SARL SNP, il résulte des dispositions de l'article L.1235-3 du Code du travail que la réintégration d'un salarié licencié sans cause réelle et sérieuse nécessite l'accord des parties, il n'en demeure pas moins qu'en l'espèce, cet article ne s'applique pas puisqu'elle n'a jamais licencié Madame [Q] et que le contrat de travail n'a jamais été rompu.

En conséquence, il convient de faire droit à la demande de Madame [Q] et d'ordonner sa « réintégration » dans les effectifs la SARL SNP et ce, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision, étant précisé que la réintégration s'effectuera sur un emploi d'agent de propreté , qualification AS 1 A, à hauteur de 54,17 heures mensuelles de travail moyennant un salaire brut de 565,36 €, prime d'ancienneté conventionnelle comprise .

Au vu des éléments du dossier il existe un risque de non-exécution de la décision ce qui justifie que la réintégration soit ordonnée sous astreinte de 100 € par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de la présente décision.

Selon les obligations de l'article L.1221-1 du Code du travail, l'employeur est tenu d'exécuter avec loyauté le contrat de travail. Pour se faire, il doit respecter ses obligations et notamment celle de fournir du travail à son salarié dès lors que celui-ci se tient à sa disposition. Il en résulte que l'employeur qui refuse de fournir du travail commet un grave manquement qui justifie le paiement des salaires.

En l'espèce, les pièces versées aux débats établissent qu'à compter du 14 novembre 2011, la SARL SNP a refusé de fournir du travail à Madame [Q] et que, depuis, celle-ci se tient à sa disposition pour reprendre ses activités sur le site d' ORSAY AVOCATS.

Au vu des pièces produites, la SARL SNP est condamnée à payer à Madame [Q] les sommes suivantes :

** 35.232,62 € à titre de rappels de salaires du 14 novembre 2011 au 31 mars 2017,

** 3.523,26 € au titre des congés payés afférents,

** les salaires sur la base mensuelle fixée ci-dessus à compter du 1er avril 2017 jusqu'à la date effective de réintégration, outre les congés payés afférents.

Il convient d'ordonner à la SARL SNP de remettre à Madame [Q] les bulletins de salaire correspondant à l'intégralité des salaires dus à compter du 14 novembre 2011 jusqu'à la « réintégration » effective.

Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a

- mis hors de cause la SARL SNP,

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail entre Madame [Q] et la SAS TFN PROPRETE IDF à compter du 4 février 2014,

- condamné la SAS TFN PROPRETE IDF à payer à Madame [Q] les sommes suivantes :

** 8.500 € à titre de rappel de salaires,

** 850 € au titre des congés payés afférents,

** 225 € à titre de prime d'ancienneté.

Au vu des éléments précités, la SAS TFN PROPRETE IDF ne peut être tenue pour responsable du refus de l'entreprise entrante de rendre effectif le transfert.

Toutefois, et ainsi que le soutient et le démontre Madame [Q], en n'omettant d'informer la SARL SNP qu'elle était en congés payés dûment autorisés du 7 octobre au 10 novembre 2011, en répondant tardivement aux lettres recommandées par lesquelles la SARL SNP l'informait de l'absence de Madame [Q] le 15 octobre 2011, jour de la reprise du marché et de sa décision de ne pas reprendre le contrat de travail puis lui avait fait part des difficultés rencontrée avec Madame [Q] qui s'était présentée sur le site le 14 novembre et de sa décision de lui refuser de reprendre son travail, la SAS TFN PROPRETE a commis des fautes.

De même, les pièces versées aux débats établissent que la SAS TFN PROPRETE IDF n'a pas respecté les dispositions conventionnelles de l'article 7-3 précitées puisqu'elle ne démontre pas avoir informé par écrit Madame [Q] de son obligation de se présenter au nouveau prestataire, absence d'information confirmée par le courrier adressé par la SARL SNP à la SAS TFN PROPRETE IDF qui a relaté la surprise de l'appelante, de retour de congés lorsqu'elle s'est présentée sur son site habituel de travail et a appris qu'il y avait un nouveau titulaire du marché et qu'elle ne travaillait plus sur le site.

Les fautes ainsi commises par la SAS TFN PROPRETE IDF sont à l'origine de la situation précarisée de la salariée,renvoyée par une société à l'autre, sans qu'aucune d'elles ne se reconnaisse comme son employeur ; le préjudice moral et financier persistant, causé en conséquence à Madame [Q], sera réparé réparé par la condamnant de la société TFN à lui payer la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts, étant précisé qu'il n'y a pas lieu d 'ordonner une quelconque compensation avec les sommes déjà versées au titre de l'exécution provisoire de la décision du conseil de prud'hommes, puisque tant le jugement déféré que la présente décision sont exécutoires et que toute difficulté d'exécution relève de la compétence du juge de l'exécution du tribunal de grande instance.

Madame [Q] est déboutée du surplus de ses demandes.

La SAS TFN PROPRETE et la SARL SNP supporteront par moitié les dépens.

Pour faire valoir ses droits, Madame [Q] a dû engager des frais non compris dans les dépens. Au vu des éléments du dossier, la SAS TFN PROPRETE IDF et la SARL SNP sont condamnées « in solidum » à payer à Maître Laurence SOLOVIEFF, Avocate, la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 alinéa 2 du Code de procédure civile.

Par ces motifs, la cour,

- infirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- dit que le contrat de travail liant la société TFN PROPRETE IDF à Madame [Q] a été transféré à la SARL SNP et se poursuit au sein de celle-ci depuis le 14 novembre 2011,

- ordonne à la SARL SNP de réintégrer dans ses effectifs Madame [Q] sur un emploi d'agent de propreté, qualification AS 1 A, pour un temps partiel de 54,71 € moyennant un salaire brut de 565,36 €, prime d'ancienneté conventionnelle comprise. et ce, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la présente décision et sous astreinte de 50 € par jour de retard , commençant à courir 45 jours à compter de la notification de la présente décision,

- condamne la SARL SNP à payer à Madame [Q] les sommes suivantes :

** 35.232,62 € à titre de rappels de salaires du 14 novembre 2011 au 31 mars 2017,

** 3.523,26 € au titre des congés payés afférents,

** les salaires sur la base mensuelle fixée ci-dessus à compter du 1er avril 2017 jusqu'à la date effective de réintégration, outre les congés payés afférents,

- ordonne à la SARL SNP de remettre à Madame [Q] les bulletins de salaire conformes à la présente décision,

- condamne la SAS TFN PROPRETE IDF à payer à Madame [V] [Q] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral subi,

- rappelle que toutes difficultés d'exécution de décisions exécutoires relève de la compétence du Juge de l'exécution du tribunal de grande instance,

- déboute Madame [Q] du surplus de ses demandes,

- Fait masse des dépens, dit qu'ils seront supportés par moitié par la SAS TFN PROPRETE IDF et par la SARL SNP et condamne « in solidum », la SAS TFN PROPRETE IDF et la SARL SNP à payer à Maître Laurence SOLOVIEFF, avocat, la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 alinéa 2 du Code de procédure civile.

La greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 14/03547
Date de la décision : 21/09/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°14/03547 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-21;14.03547 ?
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