Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4- Chambre 1
ARRÊT DU 23 JUIN 2017
(no, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/ 08940
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mars 2015- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 13/ 10920
APPELANTS
Monsieur Karim X...
né le 12 Avril 1975 à COLOMBES (92)
demeurant ...
Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assisté sur l'audience par Me Victor CHAMPEY de l'ASSOCIATION Laude Esquier Champey, avocat au barreau de PARIS, toque : R144
Madame Marie-Caroline Y...
née le 12 Juin 1975 à PARIS (75014)
demeurant ...
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistée sur l'audience par Me Victor CHAMPEY de l'ASSOCIATION Laude Esquier Champey, avocat au barreau de PARIS, toque : R144
INTIMÉE
SASU SR3 FOCH FLANDRIN agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
No Siret : 504 891 490
ayant son siège au 6 place de la Madeleine-75008 PARIS
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Assistée sur l'audience par Me Emily JUILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E026, substitué sur l'audience par Me Gallig DELCROS, avocat au barreau de PARIS, toque : E261
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mai 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Présidente
Mme Laure COMTE, Vice-présidente placée
Madame Sophie REY, Conseillère
qui en ont délibéré
Madame Dominique DOS REIS a été entendue en son rapport
Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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* *
Suivant acte sous seing privé rédigé par devant notaire le 17 octobre 2012, la société SR3 Foch Flandrin a promis de vendre à M. Karim X... et Mme Marie-Caroline Y... (consorts X...- Y...), qui se sont réservé la faculté d'acquérir, un appartement et une cave dans l'immeuble sis 92-94 boulevard Flandrin et 83 avenue Foch à Paris 16ème, moyennant le prix de 2. 100. 000 €, sous condition suspensive d'obtention d'un prêt de 1. 500. 000 € par les bénéficiaires. La date de réalisation de la condition suspensive, initialement prévue au 17 novembre 2012, a été reportée par deux avenants successifs au 24 novembre puis au 1er décembre 2012.
Une indemnité d'immobilisation de 210. 000 € a été stipulée dont la moitié, soit 105. 000 €, a été séquestrée entre les mains du notaire par les consorts X...- Y....
Le 5 décembre 2012, les consorts X...- Y... ont notifié le refus de prêt de la banque HSBC aux promettants qui ont refusé de libérer le séquestre de la somme de 105. 000 €.
C'est dans ces conditions que, suivant acte extra-judiciaire du 18 juillet 2013, les consorts X...- Y... ont assigné la société SR3 Foch Flandrin afin de la voir condamner à la restitution de la somme de 105. 000 € séquestrée et au paiement des sommes de 21. 000 € de dommages-intérêts et de 4. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.
Reconventionnellement, la société SR3 Foch Flandrin a conclu à l'attribution de l'indemnité d'immobilisation de 210. 000 € incluant la somme de 105. 000 € séquestrée.
Par jugement du 23 mars 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :
- rejeté les demandes principales et subsidiaires des consorts X...- Y...,
- dit que l'indemnité d'immobilisation de 210. 000 € était entièrement acquise à la société SR3 Foch Flandrin en exécution de la promesse de vente du 17 octobre 2012 et de ses deux avenants,
- autorisé le tiers dépositaire désigné dans la promesse de vente à se libérer de la somme de 105. 000 € correspondant à la moitié de l'indemnité d'immobilisation, les consorts X...- Y... étant solidairement condamnés à payer cette somme à la société SR3 Foch Flandrin,
- condamné in solidum les consorts X...- Y... à payer à la société SR3 Foch Flandrin la somme de 105. 000 € au titre du solde de l'indemnité d'immobilisation prévue,
- rejeté les demandes de dommages-intérêts présentées par les consorts X...- Y...,
- condamné in solidum les consorts X...- Y... à payer à la société SR3 Foch Flandrin la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejeté la demande présentée par les consorts X...- Y... sur ce fondement,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné in solidum les consorts X...- Y... aux dépens.
M. X... et Mme Y... ont relevé appel de ce jugement dont ils poursuivent l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions signifiées le 17 juillet 2015, de :
au visa des articles 1134, 1176 et 1178 du code civil, L. 312-16 du code de la consommation, 1226 et 1152 du code civil,
- dire que la condition suspensive d'obtention d'un prêt stipulée à l'article 3-2. 3-1 de la promesse de vente du 17 octobre 2012 a défailli par suite d'un refus de prêt de la banque non imputable à une faute, négligence ou fraude de leur part, mais à un événement extérieur indépendant de leur volonté,
- dire qu'ils ne sont pas redevables de l'indemnité d'immobilisation stipulée à la promesse de vente et doivent recevoir restitution de la somme séquestrée de 105. 000 €,
- condamner la société SR3 Foch Flandrin à leur payer cette somme de 105. 000 € et, pour le cas où elle serait toujours séquestrée, ordonner au séquestre de s'en délivrer entre leurs mains,
- condamner la société SR3 Foch Flandrin à leur payer les intérêts au taux légal sur la somme de 105. 000 €, majorés de moitié à compter du 15ème jour suivant la mise en demeure du 8 avril 2013, soit à compter du 23 avril 2013,
- dire que la société SR3 Foch Flandrin retient abusivement depuis le 5 décembre 2012 la somme de 105. 000 € et leur a causé préjudice de ce fait,
- condamner la société SR3 Foch Flandrin à leur payer à chacun la somme de 30. 000 € de dommages-intérêts en raison de l'immobilisation abusive de leurs fonds,
- subsidiairement, dire que le montant de la pénalité stipulée à la promesse de vente est manifestement excessif et doit être réduit à 1 € symbolique compte tenu d'une indisponibilité du bien durant seulement sept semaines, outre que la société SR3 Foch Flandrin n'établit aucun préjudice du fait de cette brève indisponibilité,
- en conséquence, condamner la société SR3 Foch Flandrin à leur payer la somme de 104. 999 € qu'elle a perçue et, pour le cas où elle serait toujours séquestrée, ordonner au séquestre de s'en délivrer entre leurs mains,
- en tout état de cause, condamner la société SR3 Foch Flandrin à payer à chacun d'eux une somme de 20. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.
La société SR3 Foch Flandrin a été dite irrecevable à conclure par ordonnance du conseiller de la mise en état du 25 février 2016. Ses conclusions et son dossier de premier instance ont été produits aux débats.
SUR CE
LA COUR
Suivant la condition suspensive d'obtention d'un prêt insérée à la promesse unilatérale de vente, les consorts X...- Y... devaient solliciter un prêt de 1. 500. 000 € remboursable sur une durée maximale de 25 ans et à un taux maximum d'intérêt de 3, 5 % (hors assurance et frais de sûreté) ;
Au soutien de leur appel, les consorts X...- Y... font essentiellement valoir que la condition suspensive d'obtention d'un prêt a défailli par suite d'un événement extérieur et indépendant de leur volonté, qu'en effet, s'il est exact qu'ils ont sollicité un emprunt de 1. 535. 000 € supérieur de 35. 000 € à celui convenu, cela n'a pas empêché la banque HSBC de donner son accord de principe le 14 novembre 2012, accord sur lequel elle est revenue quand elle a été informée de la prochaine perte d'emploi de M. X... ;
Dans ses conclusions de première instance, la société SR3 Foch Flandrin soutenait que les consorts X...- Y... avaient tenu en échec la réalisation de la condition suspensive d'obtention d'un prêt en demandant un prêt non conforme aux stipulations contractuelles, soit, selon la première attestation de la banque HSBC, un emprunt de 1. 535. 000 € dont 340. 000 € en prêt-relais sur 12 mois et 1. 215. 000 € sur 240 mois, qu'ils avaient par la suite fait tenir au notaire une deuxième attestation de complaisance de la même banque portant, cette fois, sur un prêt de 1. 500. 000 € sur une durée de 25 ans, en sorte que, les bénéficiaires ne démontrant pas avoir demandé un prêt conforme aux caractéristiques convenues, la condition suspensive est réputée réalisée ; elle ajoute que la perte d'emploi alléguée par M. X... ne résulte que sa seule volonté car il adhéré à un plan de départs volontaires et n'a pas été licencié par son employeur, le Groupe Carrefour ;
Suivant l'article 1178 du code civil, la condition est réputé accomplie lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement ; par suite, il incombe à la société SR3 Foch Flandrin de prouver que le dépôt par les consorts X...- Y... de demandes de prêts non conformes aux caractéristiques convenues à la promesse a empêché cet accomplissement ;
La bonne foi et la matérialité des diligences déployées par les consorts X...- Y... pour obtenir leur prêt sont établies par :
- la demande de prêt adressée à la banque HSBC qui a émis, le 14 novembre 2012 un accord sur le prêt sollicité, assorti de réserves sur, notamment, la délégation d'assurances,
- les démarches entamées auprès du courtier en assurances Allègre Assurances et l'établissement de 13 projets d'assurance par les assureurs Cardif et April mis en concurrence,
- l'obtention d'avenants destinés à mettre au point le plan de financement ;
Or, il s'évince de l'attestation délivrée par la banque HSBC le 19 décembre 2012 que le prêt sur lequel elle avait donné un accord de principe le 14 novembre précédent n'a pas été refusé au mois de décembre en raison de son montant, mais du fait de la prochaine perte d'emploi de M. X..., Directeur Développement Produit chez Carrefour, au salaire brut mensuel de 12. 060 € ;
La circonstance que, profanes en la matière, les consorts X...- Y... aient demandé à leur banque de leur délivrer une attestation différente de la lettre de refus initiale pour « coller » à la promesse comme demandé par le notaire du vendeur ne traduit aucune intention de tromper la venderesse mais seulement de se conformer à cette requête du notaire ; en tout état de cause, la discordance de ces attestations successives est indifférente car il apparaît sans conteste que le prêt sollicité a été refusé par la banque HSBC non pas parce qu'il portait sur une somme de 1. 535. 000 € au lieu de 1. 500. 000 € contractuellement prévus, mais en raison de la perte d'emploi prochaine de M. X..., ainsi que le démontre la troisième et dernière attestation de la banque HSBC confirmant son refus de financer le projet immobilier des consorts X...- Y... « quelles que soient les conditions de financement » ;
A cet égard, il ne saurait être reproché à M. X... d'avoir informé la banque prêteuse de cette prochaine perte d'emploi compromettant pour lui toute possibilité de remboursement d'échéances mensuelles d'un prêt important, sauf à tromper la banque sur sa capacité de remboursement ; par ailleurs, il importe peu que cette perte d'emploi soit consécutive à un plan de départs volontaires accompagné de mesures financières de la part de l'employeur plutôt qu'à un licenciement « sec », dès lors que cette perte d'emploi était inéluctable dans un futur proche en raison de la restructuration du groupe Carrefour en difficulté économique et de la suppression du poste de M. X... qui lui avait été notifiée fin novembre 2012 ainsi qu'en atteste le groupe Carrefour Marchandises Internationales et la Direction Juridique du Groupe ; les conséquences de cette perte d'emploi étaient identiques pour la banque soit que M. X... adhérât à un plan de départs volontaires soit qu'il préférât attendre d'être licencié pour motif économique, car dans les deux cas il se trouvait dans l'impossibilité d'honorer le prêt consenti ; la mise en œuvre de ce plan de départs volontaires par le groupe Carrefour s'est en effet non seulement traduite par la perte d'emploi de M. X... le 22 février 2013 mais encore par celui, le 5 avril 2013, de Mme Y... « Brand Director Beauté » chez Carrefour au salaire brut de 11. 723 € ;
Il s'ensuit que la société SR3 Foch Flandrin ne démontre pas que la condition suspensive d'obtention d'un prêt aurait défailli par la faute des consorts X...- Y... qui en auraient empêché l'accomplissement, cette défaillance résultant d'un événement extérieur imprévu, la perte d'emploi de M. X... ; la promesse étant caduque par suite de la défaillance de cette condition suspensive, l'indemnité d'immobilisation n'est pas acquise à la promettante ;
En conséquence, le jugement sera infirmé et la société SR3 Foch Flandrin déboutée de sa demande d'attribution de l'indemnité d'immobilisation, la somme séquestrée devra être libérée entre les mains des consorts X...- Y..., et la société SR3 Foch Flandrin sera condamnée, le cas échéant, à la restituer aux consorts X...- Y... ; en tout état de cause, elle devra payer aux consorts X...- Y... les intérêts échus sur ce montant de 105. 000 € au taux légal majoré de moitié à compter du 15ème jour suivant la mise en demeure du 8 avril 2013, soit à compter du 23 avril 2013 ;
Il sera, enfin, rappelé que le présent arrêt infirmatif emporte restitution de toutes sommes perçues en vertu de l'exécution provisoire assortissant le jugement, assorties des intérêts au taux légal à compter de sa signification ;
Les consorts X...- Y... n'établissent pas avoir subi un préjudice complémentaire à cette restitution assortie d'intérêts de retard, qui justifierait l'allocation de dommages-intérêts et ils seront par conséquent déboutés de cette demande ;
En équité, la société SR3 Foch Flandrin sera condamnée à leur payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile une somme de 8. 000 €.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau,
Dit la promesse du 17 octobre 2012 caduque,
Déboute la société SR3 Foch Flandrin de sa demande d'acquisition de l'indemnité d'immobilisation,
Ordonne la libération de la somme de 105. 000 € séquestrée entre les mains des consorts X...- Y...,
Condamne, en tant que de besoin la société SR3 Foch Flandrin à restituer cette somme de 105. 000 € aux consorts X...- Y..., et en tout état de cause, la condamne à régler aux consorts X...- Y... les intérêts échus sur ce montant de 105. 000 € au taux légal majoré de moitié à compter du 15 ème jour suivant la mise en demeure du 8 avril 2013, soit à compter du 23 avril 2013,
Rappelle que le présent arrêt infirmatif emporte restitution de toutes sommes perçues en vertu de l'exécution provisoire assortissant le jugement, assorties des intérêts au taux légal à compter de sa signification,
Condamne la société SR3 Foch Flandrin à payer aux consorts X...- Y... une somme de 8. 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne la société SR3 Foch Flandrin aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,