Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4- Chambre 1
ARRÊT DU 02 JUIN 2017
(no, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/ 04649
Décision déférée à la Cour : Jugement
Jugement du 16 Janvier 2015- Tribunal de Grande Instance de paris-RG no 12/ 13388
APPELANTS
Monsieur Laurent X...
né le 25 Juin 1975 à IVRY SUR SEINE (94200)
et
Madame Aude Y... épouse X...
née le 16 Décembre 1977 à paris (75015)
demeurant...
Représenté tous deux et assistés sur l'audience par Me Franck GODET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0103
INTIMÉES
Mademoiselle Christelle Z... (Es qualité de tutrice de Jean-Christophe, Michel, Georges A...- ...)- fin de fonction
demeurant...
Madame Mauricette B...
née le 20 Juillet 1945 à VALENCIENNES (59300)
demeurant...
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistée sur l'audience par Me Chantal GREGOIRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : PN169
SARL IMMOBILIERE LEGENDRE prise en la personne de ses représentants légaux
No SIRET : 449 83 4 8 45
ayant son siège au 180 Rue LEGENDRE-75017 PARIS
Représentée et assistée sur l'audience par Me Bruno LEPLUS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1230
PARTIES INTERVENANTES :
Madame Georgette Fernande Z... veuve A... venant aux droits de Jean-Christophe, Michel, Georges A...
intervenante volontaire
née le 2 mai 1941 à PARIS 15 (75015)
demeurant...
Représentée par Me Christophe THÉVENET de l'AARPI THEVENET DECAP McGREEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : R183
Assistée sur l'audience par Me Jacqueline BENICHOU, avocat au barreau de NANTERRE
Mademoiselle Christelle Georgette Z... venant aux droits de Jean-Christophe, Michel, Georges A...
intervenante volontaire
née le 25 novembre 1981 à SEVRES (92)
demeurant...
Représentée par Me Christophe THÉVENET de l'AARPI THEVENET DECAP McGREEVY, avocat au barreau de PARIS, toque : R183
Assistée sur l'audience par Me Jacqueline BENICHOU, avocat au barreau de NANTERRE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Avril 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Présidente
Monsieur Dominique GILLES, Conseiller
Madame Sophie REY, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
-rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Suivant acte sous seing privé du 8 janvier 2010, Jean-Christophe A... et Mme Mauricette B... ont vendu à M. et Mme X..., par l'entremise de la société Immobilière Legendre, un bien immobilier indivis leur appartenant situé 32 rue Davy à Paris 17ème, moyennant le prix de 80. 000 €.
Le notaire pressenti pour recevoir l'acte en la forme authentique s'étant inquiété de la capacité de Jean-Christophe A..., le juge des tutelles a été saisi à son sujet d'une demande de protection des majeurs et, par jugement du juge des tutelles du 6 juin 2011, l'intéressé a été placé sous la tutelle de Mme Z.... Le 9 août suivant, le juge des tutelles a autorisé la vente moyennant un prix minimum de 155. 000 € net vendeur.
C'est dans ces conditions que, par actes extra-judiciaire des 3 et 22 août 2012, M. et Mme X... ont assigné Jean-Christophe A... représenté par sa tutrice, Mme Christelle Z..., et Mme Mauricette B... à l'effet de voir dire la vente parfaite au prix de 80. 000 € et d'en entendre ordonner la réitération forcée.
Suivant acte extra-judiciaire du 8 avril 2013, Jean-Christophe A... représenté par sa tutrice a attrait à l'instance la société Immobilière Legendre à l'effet de la voir condamner à des dommages-intérêts in solidum avec les époux X....
Par jugement du 16 janvier 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :
- constaté la nullité du compromis de vente du 8 janvier 2010,
- débouté M. et Mme X... de leur demande de réitération de la vente,
- les a déboutés de leur demande indemnitaire contre Jean-Christophe A... et Mme Mauricette B...,
- débouté Mme Mauricette B... de sa demande de dommages-intérêts,
- débouté Jean-Christophe A... de ses demandes de dommages-intérêts dirigées contre M. et Mme X... et la société Immobilière Legendre,
- condamné M. et Mme X... à verser à Jean-Christophe A... et Mme Mauricette B... une somme de 3. 000 € chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.
M. et Mme X... ont relevé appel de ce jugement dont ils poursuivent l'infirmation demandant à la Cour, par dernières conclusions du 10 mars 2017, de :
- au visa de l'article 1589 du code civil, dire la vente parfaite,
- enjoindre à Mmes Z... et B... de régulariser l'acte authentique dans les deux mois du présent arrêt sous astreinte de 150 € par jour de retard, délai passé lequel le présent arrêt vaudra vente et sera publié comme tel,
- condamner in solidum Mme Mauricette B... et Mmes Georgette et Christelle Z... à leur payer la somme de 8/ 000 € à titre d'indemnisation forfaitaire de leur préjudice,
- les condamner in solidum au paiement de la somme de 1. 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens.
Jean-Christophe A... étant décédé le 23 octobre 2015, l'instance a été reprise par Mmes Georgette et Christelle Z... qui prient la Cour, par dernières conclusions du 7 mars 2017, de :
- confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts dirigée contre M. et Mme X... et la société Immobilière Legendre,
- statuant à nouveau, dire que la société Immobilière Legendre a manqué à son obligation de conseil et a commis des manœuvres dolosives en vue de parvenir à la signature du compromis litigieux et à la vente du bien à un prix lésionnaire en tentant de tromper la religion du juge des tutelles,
- condamner M. et Mme X... in solidum avec la société Immobilière Legendre à leur payer la somme de 24. 972 € en réparation de leur préjudice,
- condamner la société Immobilière Legendre à les relever et garantir de toutes éventuelles condamnations qui viendraient à être prononcées contre elles,
- condamner M. et Mme X... à leur payer la somme de 6. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la société Immobilière Legendre à leur régler la même somme sur ce fondement, en sus des dépens.
Mme Mauricette B... prie la Cour, par dernières conclusions du 13 juin 2016, de :
- confirmer le jugement entrepris,
- débouter M. et Mme X... de leur demande de dommages-intérêts,
- les débouter de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner, chacun, au paiement de la somme de 3. 000 €
La société Immobilière Legendre prie la Cour, par dernières conclusions du 17 juillet 2015, de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts dirigée contre elle,
- condamner Mme Z..., en sa qualité de tutrice de Jean-Christophe A..., à lui payer une somme de 8. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus des dépens.
SUR CE
LA COUR
Sur l'appel principal
Au soutien de leur appel, M. et Mme X... font valoir que l'acte sous seing privé du 8 janvier 2010 constitue un accord définitif sur la chose et sur le prix et qu'il n'est pas établi que Jean-Christophe A..., qui ne faisait l'objet d'aucune mesure de protection à cette date, aurait été affecté d'un trouble mental au moment de sa signature ;
Ces moyens ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts que la Cour adopte sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ;
En effet, il ressort :
- du compte rendu d'hospitalisation du 30 juin 2009 de Jean-Christophe A... au service de neurologie de l'hôpital Tenon entre le 10 juin et le 3 juillet 2009, antérieurement à la signature de l'acte de vente, que la dernière IRM cérébrale du patient, pratiquée en 2007, montrait de multiples zones de démyélinisation de la substance blanche ventriculaire et sous-corticale avec syndrome cérébelleux cinétique et statique avec ataxie, que la nouvelle IRM pratiquée mettait en évidence de multiples lésions en hyper signal péri-ventriculaires avec atrophie du corps calleux, que les tests neuropsychologiques avéraient un déficit des fonctions exécutives caractérisées par un ralentissement, un déficit de mémoire de travail, un défaut de stratégie spontanée et que Jean-Christophe A... se clochardisait à son domicile, faisant preuve d'incurie, ayant coupé l'eau depuis 4 ans pour cause de fuite, urinant dans des bouteilles, vivant dans le noir depuis un an,
- du jugement de tutelle du 8 juin 2011 se référant au certificat du 20 mai 2010 du docteur E... et à l'audition de l'intéressé du 14 septembre 2010, des certificats et documents médicaux produits aux débats,
- de la lettre de la SCP notariale Lemogne à M. et Mme X... du 19 avril 2010 selon laquelle « la dégradation de santé de M. A... rencontré à son domicile le 16 avril courant ne semble plus lui permettre d'exprimer son consentement »,
- du prix de vente de 80. 000 € fixé audit acte alors que des estimations d'agences immobilières l'évaluent dans une fourchette de 155. 000 € à 165. 000 € et, surtout de la circonstance que Jean-Christophe A... n'avait envisagé aucune solution de relogement pour lui après la vente de son domicile,
- enfin, de la signature tremblée, maladroite et illisible portée à l'acte de vente sous seing privé,
que l'altération des facultés mentales de Jean-Christophe A..., atteint d'une sclérose en plaques évolutive depuis 1991 et invalidante ne lui permettait pas de gérer ses biens ni d'exprimer un consentement lucide lors de la signature de l'acte de vente sous seing privé du 8 janvier 2010 ;
Au vu de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a constaté la nullité du compromis de vente du 8 janvier 2010, débouté M. et Mme X... de leur demande de réitération de la vente et de leur demande indemnitaire dirigée contre Jean-Christophe A... ;
Sur l'appel incident de Mmes Z...
Mmes Z... imputent à faute à M. et Mme X..., d'une part, à la société Immobilière Legendre, d'autre part, l'immobilisation du bien litigieux depuis 2012 : toutefois, c'est par de justes motifs que le tribunal a rejeté cette demande, M. et Mme X... n'ayant pas fait dégénérer en abus leur droit de requérir la réitération de la vente consentie par acte sous seing privé et aucun élément n'établissant que la société Immobilière Legendre aurait manqué à son obligation de conseil ou délibérément sous-évalué le bien lors de sa mise en vente, ce grief étant au demeurant sans lien de causalité avec l'immobilisation du bien depuis la signature de l'acte de vente sous seing privé ;
Quant au « squat » de l'appartement laissé à l'abandon, il n'est pas imputable à M. et Mme X... ou à la société Immobilière Legendre mais au manque de précautions des dames Z... pour le protéger des intrusions ;
Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;
Les conditions d'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ne sont pas réunies au cas d'espèce au bénéfice de l'une ou l'autre des parties.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Rejette toute autre demande,
Condamne M. et Mme X... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,