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01/06/2017 | FRANCE | N°15/00288

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 01 juin 2017, 15/00288


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 01 JUIN 2017

(n° 354 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/00288



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/03064





APPELANTE

Madame [R] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1]

comparante en

personne, assistée de Me Kossi AMAVI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC92



INTIMEE

Sas MEDOTELS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Marie-Estelle NIVOIT NOEL, av...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 01 JUIN 2017

(n° 354 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/00288

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/03064

APPELANTE

Madame [R] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 1]

comparante en personne, assistée de Me Kossi AMAVI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC92

INTIMEE

Sas MEDOTELS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Marie-Estelle NIVOIT NOEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1258

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Février 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Mourad CHENAF, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine BEZIO, Président de chambre

M. Mourad CHENAF, conseiller

Mme Patricia DUFOUR, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia DUFOUR, conseiller, pour le président empêché, et par Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, greffière présente lors du prononcé.

EXPOSE DU LITIGE

Le 8 janvier 2001, Madame [R] [S] a été embauchée par la S.A.S. MEDOTELS qui gère un établissement pour personnes âgées dépendantes sous l'enseigne KORIAN JARDINS D'ALESIA en qualité de cuisinière.

Par avenant du 1er juin 2002, Madame [S] a été nommée Second de cuisine, catégorie employé, moyennant un salaire mensuel brut de 1700 €.

Madame [S] a été victime d'un accident du travail le 13 mars 2012; elle a été en arrêt de travail à compter du 25 juin 2012 pour maladie jusqu'au 6 mars 2013; à l'issue des visites de reprise du 7 mars 2013 et du 21 mars 2013, le médecin du travail l'a déclarée inapte de manière définitive à son poste et apte à un poste administratif sans manutention ni port de charge ; le 8 janvier 2014, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

La S.A.S. MEDOTELS applique la convention collective de l'hospitalisation privée et occupe habituellement 5000 salariés.

Au dernier état, Madame [R] [S] percevait une rémunération mensuelle brute de 1998,43 €.

Madame [R] [S] a contesté son licenciement devant le Conseil de Prud'hommes de PARIS ; elle a réclamé le paiement l'indemnité compensatrice de préavis, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause et une indemnité au titre des frais irrépétibles.

Par jugement du 28 novembre 2014, le Conseil des prud'hommes a déclaré le licenciement de Madame [S] fondé sur une cause réelle et sérieuse et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Madame [S] a régulièrement interjeté appel de cette décision dont elle demande l'infirmation en toutes ses dispositions.

Par conclusions visées par la greffière d'audience le 17 février 2017 maintenues et soutenues oralement à l'audience, Madame [S] :

- reproche à son employeur d'avoir failli à son obligation de reclassement dans la mesure où elle aurait pu travailler sur un poste d'administratif,

- observe que l'employeur n'a procédé à aucune recherche sérieuse au sein du groupe auquel il appartient ni au sein de sa filière administrative,

- fait valoir que l'employeur s'est précipité à engager une procédure de licenciement alors même qu'elle attendait des précisions sur les postes proposés,

- relève que l'employeur n'a consulté les délégués du personnel qu'en fin de procédure,

- soutient que le licenciement est privé de cause et réclame la somme de 1988,84 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 198,84 € de congés payés afférents, et la somme de 29 976,45 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause,

- indique que le licenciement lui a causé un préjudice important après 13 années de bons et loyaux services,

- réclame la remise des documents sociaux conformes à la décision à intervenir,

- sollicite la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles et la condamnation de l'employeur aux dépens.

Par conclusions visées au greffe le 17 février 2017 maintenues et soutenues oralement à l'audience, la S.A.S. MEDOTELS :

- prétend qu'elle a satisfait à son obligation de reclassement, qu'elle a effectué des recherches en son sein et au sein du groupe auquel elle appartient, que l'interdiction posée par le médecin du travail du port de charge de plus de 1 kilogrammes prohibait tout reclassement sur un poste en cuisine et tout aménagement du poste de Second de cuisine, que les compétences, l'expérience et la formation initiale de la salariée limitaient les possibilités de reclassement , qu'un reclassement était possible sur un poste d'agent d'accueil mais qu'un tel poste a été pourvu avant la consultation des délégués du personnel, que la salariée a refusé tous les postes qui lui ont été proposés par la suite,

- estime le licenciement bien fondé,

- demande le rejet des prétentions de la salariée et sa condamnation à lui verser la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à acquitter les dépens de l'instance.

A la suite des débats, les parties ont été entendues en leurs dires et observations et avisées que l'affaire a été mise en délibéré pour un arrêt rendu le 20 avril 2017, prorogé au 1er juin 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement :

Aux termes de l'article L.1226-10 du Code du Travail, 'lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin de travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise, l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître, par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions'.

Il ressort de l'application de ces dispositions notamment que la recherche des possibilités de reclassement du salarié doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, les recherches doivent être loyales, sérieuses et personnalisées.

L'employeur a licencié Madame [R] [S] pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Les 7 et 21 mars 2013, le médecin du travail a déclarée Madame [R] [S] inapte de manière définitive à son poste de Second de Cuisine, a préconisé un reclassement et/ou une formation, a interdit le port de charges de plus de 1 kilogramme et la manutention et l'a déclarée apte à un poste administratif sans port de charge.

Le 8 avril 2013, l'employeur a adressé un courrier à la responsable du département carrière du groupe KORIAN et il a exposé de manière concrète la situation de Madame [R] [S], son emploi, son inaptitude et ses souhaits ; elle précise que les bourses de l'emploi recensent tous les mois les postes disponibles au sein du groupe et sont exhaustives.

Il n'est pas contesté que la S.A.S. MEDOTELS a bien recherché et proposé à la salariée divers postes vacants compatibles avec son état de santé comme cela résulte des courriers échangés avec la responsable du département carrière du groupe KORIAN en mai 2013, juin 2013 et août 2013 par lesquels l'employeur a demandé une recherche de poste approfondie au sein du groupe et auprès de l'ensemble des établissements en vue du reclassement d'une salariée.

Il convient toutefois de relever que le poste d'agent d'accueil identifié par le responsable du département carrière en mai 2013 a été pourvu par un autre salarié avant que l'employeur ne consulte les délégués du personnel, que les deux postes à caractère administratif proposés à la salariée par lettre du 15 juillet 2013 ont été jugés trop éloignés de son domicile par la salarié et que s'agissant du poste d'agent d'accueil disponible à l'établissement de [Localité 2], Madame [S] n'a pu accepter ce poste en l'absence d'informations précises sur le profil du poste, ce qui a conduit l'employeur a engager une procédure de licenciement.

Cependant force est de constater que l'employeur n'a procédé à aucune diligence pour étudier la possibilité d'adaptation ou d'aménagement de postes déjà existants au sein des établissements de l'entreprise et des sociétés du Groupe afin de prendre en compte les préconisations de la médecine du travail.

La S.A.S. MEDOTELS ne démontre pas non plus avoir réaliser une étude de poste, ni avoir vérifié que l'ensemble des postes vacants ne pouvaient pas faire l'objet d'adaptations ou d'aménagements afin de pouvoir être occupés par Madame [S] après une courte formation d'adaptation alors qu'elle a pourtant démontré par son parcours au sein de la S.A.S. MEDOTELS une réelle capacité d'adaptation, ce qui aurait pu permettre son reclassement au sein de la société dans un emploi compatible avec son état de santé.

La S.A.S. MEDOTELS méconnaît ainsi les exigences légales en matière de reclassement professionnelles posées à l'article L1226-10 du code du travail.

Il s'en suit que le licenciement de Madame [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et que le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les conséquences pécuniaires du licenciement :

En application des articles L1234-1 et L1234-5 du code du travail et en l'absence de contestations sérieuses sur le montant sollicité par la salariée, Madame [S], qui justifie d'une ancienneté de plus de 13 ans au sein de la société, est fondée à obtenir la somme de 1988,45 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 198,84 € au titre des congés payés afférents.

Aux termes des articles L. 1235-1, alinéa 4 et L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, le juge justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie.

Compte tenu de l'effectif de la société, des circonstances de la rupture du contrat de travail, de l'ancienneté du salarié, de sa rémunération et de l'évolution de sa situation postérieurement au licenciement, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il convient d'allouer à Madame [S] la somme de 20 000 € en réparation du préjudice résultant du caractère injustifié de la perte de son emploi.

Sur la remise de documents :

Il sera ordonné à la S.A.S. MEDOTELS de remettre à Madame [S] un certificat de travail, une attestation POLE EMPLOI et des bulletins de salaire conformes à la présente décision.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

L'équité commande d'allouer à Madame [S] une somme de 2500 € au titre de se frais irrépétibles.

La S.A.S. MEDOTELS, qui succombe à l'instance, doit supporter les dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Madame [R] [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la S.A.S. MEDOTELS à verser à Madame [R] [S] les sommes suivantes :

- 1988,84 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 198,84 € de congés payés afférents,

- 20 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Dit que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du Conseil de Prud'hommes, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées ;

Ordonne à la S.A.S. MEDOTELS de remettre à Madame [R] [S] les documents sociaux conformes à la présente décision,

Y Ajoutant,

Condamne la S.A.S. MEDOTELS à verser à Madame [R] [S] la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la S.A.S. MEDOTELS du chef de cette demande,

Condamne la S.A.S. MEDOTELS aux entiers dépens de première instance et en cause d'appel.

La greffière Pour le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 15/00288
Date de la décision : 01/06/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°15/00288 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-06-01;15.00288 ?
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