Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4- Chambre 1
ARRÊT DU 19 MAI 2017
(no, 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 11723
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Avril 2013- Tribunal de Grande Instance de MEAUX-RG no 09/ 04697
APPELANT
Monsieur Christophe Bernard Désiré Y...
né le 30 Juillet 1959 à EPERNAY (51200)
demeurant ...
Représenté par Me Audrey LANCESSEUR, avocat au barreau de PARIS, toque : B0521
Assisté sur l'audience par Me Thierry PELLETIER, avocat au barreau de REIMS
INTIMÉS
Madame Francine, Hélène, Suzanne Z... épouse A...
née le 16 Octobre 1961 à JOUARRE (77640)
demeurant...
Représentée par Me Christine LIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0208
Assistée sur l'audience par Me Estelle FALLET, avocat au barreau de REIMS
Madame Christiane Philomène Louise B... épouse C... ci-devant et actuellement...
née le 20 Novembre 1927 à SAACY SUR MARNE (77730) (77730)
demeurant...
Représentée par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998
Monsieur Pierre Lucien B... ci-devant et actuellement...
né le 10 Février 1935 à SAACY SUR MARNE (77730) (77730)
demeurant...
Représenté par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998
Maître Nicole D... Notaire
demeurant...
Représenté par Me Herve-bernard KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0090
Assisté sur l'audience par Me François DE MOUSTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C2018
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Avril 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, et M. Dominique GILLES, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre
M. Dominique GILLES, Conseiller
Madame Sophie REY, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX
M. Dominique GILLES a été entendu en son rapport
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Suivant acte authentique reçu le 26 mai 1983 par M. Henri E..., notaire à Rebais (77), enregistré et publié à la conservation des hypothèques de Meaux le 12 juillet 1983, Mme Christiane B..., épouse C..., et M. Pierre B... ainsi que leur mère, Marie F..., veuve de Lucien B..., ont vendu à Mme Francine Z... une parcelle de terre sise au lieudit " Les Picherettes " à Saâcy-sur-Marne (77), d'une superficie de 6a 85ca, cadastrée section C no 99 au prix de 2 000 francs. Marie F..., veuve B..., est décédée le 23 juillet 1983, laissant pour lui succéder Mme Pelletier et M. B... (les consorts B...). Suivant acte authentique reçu les 11 et 19 mars 2002 par Mme Nicole D..., notaire à Saâcy-sur-Marne, publié le 18 avril 2002 à la conservation des hypothèques de Coulommiers, les consorts B... ont vendu à M. Christophe Y... la même parcelle, ainsi qu'un verger cadastré section C no 56, au prix global de 16 007, 15 €. La parcelle C no 99 ayant été admise en zone d'appellation " Champagne " dans les années 2000, Mme Francine Z..., épouse A..., a demandé au comité interprofessionnel des vins de Champagne l'autorisation de planter son terrain. Ce dernier ayant été planté de vignes par M. Y..., l'autorisation a été refusée à Mme A... le 10 octobre 2008. Par acte d'huissier de justice du 12 juin 2009, Mme A..., a formé en référé une action possessoire contre M. Y..., puis l'a assigné au fond le 8 septembre 2009 en revendication de propriété. Par actes des 30 octobre et 2 novembre 2009, M. Y... a assigné en intervention forcée les consorts B... et Mme D....
C'est dans ces conditions que, par jugement du 11 avril 2013, le Tribunal de grande instance de Meaux a, notamment, :
- dit que Mme A... était seule propriétaire de la parcelle litigieuse et ordonné la publication de cette décision à la conservation des hypothèques de Coulommiers,
- dit que M. Y... pouvait garder les fruits et produits générés par cette parcelle jusqu'au 12 juin 2009 et qu'il devait les restituer après cette date, à charge pour Mme A... de lui rembourser les frais déboursés pour la perception des fruits,
- ordonné une expertise pour estimer les fruits, dire s'il existait des produits et les estimer, donner un avis sur le montant des restitutions dues par M. Y... à Mme A...,
- ordonné l'expulsion de M. Y...,
- rejeté la demande d'astreinte,
- débouté Mme A... de ses demande de dommages-intérêts contre les consorts B...,
- débouté M. Y... de sa demande de garantie et de ses autres demandes contre les consorts B...,
- débouté M. Y... de sa demande de garantie contre Mme D...,
- déclaré irrecevable la demande de nullité de l'assignation de Mme D...,
- condamné M. Y... à payer à Mme A... la somme de 2 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
- rejeté les autres demandes formées en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
- réservé les dépens.
Par déclaration du 11 juin 2013, M. Y... a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 25 septembre 2014, cette Cour a :
- confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait :
. dit que Mme A..., était seule propriétaire de la parcelle litigieuse et ordonné la publication de sa décision à la conservation des hypothèques de Coulommiers,
. ordonné l'expulsion de M. Y...,
. rejeté la demande d'astreinte,
. déclaré irrecevable la demande de nullité de l'assignation de Mme D...,
. débouté Mme A... de ses demandes de dommages-intérêts contre les consorts B...,
- infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait débouté M. Y... de sa demande de garantie contre Mme D...,
- et statuant à nouveau :
. dit que Mme D..., notaire, avait commis une faute engageant sa responsabilité professionnelle,
- avant dire droit :
. invité les parties à conclure sur le fondement de la garantie d'éviction telle qu'elle résultait des articles 1626 à 1640 du Code civil,
. révoqué la clôture et ordonné la réouverture des débats.
Après réouverture des débats, par arrêt du 26 mars 2015, cette Cour a :
- confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait dit que M. Y... pouvait garder les fruits et produits générés par cette parcelle jusqu'au 12 juin 2009 et qu'il devait les restituer après cette date, à charge pour Mme A... de lui rembourser les frais déboursés pour la perception des fruits,
- ajoutant au jugement :
. dit que M. Y... avait droit au remboursement intégral de ses dépenses et qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte du montant des amortissements comptables et fiscaux que celui-ci avait pu réaliser grâce au coût des travaux de plantation,
. débouté M. Y... de sa demande de condamnation de Mme A... au paiement d'une somme au titre de la valorisation de la parcelle,
- infirmé le jugement entrepris pour le surplus et statuant à nouveau :
. dit que M. Y... était acquéreur évincé au sens de l'article 1630 du Code civil et que les consorts B... lui devaient garantie, notamment du prix et de son augmentation éventuelle dans les conditions de l'article 1633 du même Code,
. dit que Mme D... serait tenue de payer in solidum avec les consorts B..., l'augmentation éventuelle du prix dans les conditions de l'article 1633 du Code civil, telle qu'elle sera déterminée après expertise,
. dit que Mme D... devait garantir M. Y... de la restitution du prix à la mesure de l'insolvabilité des consorts B...,
. condamné in solidum les consorts B... et Mme D... à payer à M. Y... la somme de 10 000 € de dommages-intérêts au titre des frais judiciaires et celle de 5 000 € au titre de son préjudice moral,
. débouté M. Y... de ses demandes de remboursement par les consorts B... du coût des plantations sur la parcelle, ainsi que de ses demandes à l'encontre de ces derniers et de Mme D... au titre de la perte de chance d'exploiter la parcelle et de remboursement des frais de contrat,
. dit que les consorts B... et Mme D... devaient garantir le remboursement à M. Y... des frais qu'il avait déboursés pour la perception des fruits en cas d'insolvabilité de Mme A...,
. dit que Mme D... devait garantir les consorts B... des condamnations prononcées au profit de M. Y... au paiement de la somme de 10 000 € de dommages-intérêts au titre des frais judiciaires et celle de 5 000 € au titre de son préjudice moral, de la condamnation au montant de l'augmentation éventuelle du prix dans les conditions de l'article 1633 du Code civil, du remboursement des frais déboursés pour la perception des fruits en cas d'insolvabilité de Mme A...,
. débouté les consorts B... de leur demande de garantie formée contre le notaire au titre de la restitution à M. Y... du prix de la parcelle,
- avant dire droit, sur l'évaluation des restitutions et indemnisations admises dans la partie définitive du cet arrêt, ordonné une expertise et désigné en qualité d'expert M. Yves G... demeurant... avec pour mission de :
. se rendre sur les lieux, soit une parcelle sise au lieudit " Les Picherettes " à Saâcy-sur-Marne (77), d'une superficie de 6a 85ca, cadastrée section C no 99, en présence des parties et de leurs conseils ou celles-ci dûment avisées, entendre les parties et tout sachant, se faire remettre tout document utile à sa mission,
. donner les éléments permettant de ventiler le prix global de16 007, 15 € entre la parcelle litigieuse et le verger de 60 centiares à la date de la vente des 11 et 19 mars 2002,
. estimer la valeur des fruits et produits éventuels générés par la parcelle précitée depuis le 12 juin 2009 jusqu'à la date la plus proche de la restitution,
. évaluer le coût des matériaux et le prix de la main d'oeuvre à la date du remboursement, exposés par M. Y..., compte tenu de l'état dans lequel se trouvaient les plantations,
. dire si la parcelle vendue le 19 mars 2002 avait augmenté de prix à la date du l'arrêt et dans l'affirmative, chiffrer cette augmentation et fixer le prix de la parcelle à la date de l'arrêt,
. donner les éléments permettant au juge d'évaluer le préjudice de M. Y... à la suite de son éviction.
M. G... a déposé son rapport le 8 janvier 2016.
Par arrêt du 27 octobre 2016 (no 15-21. 495), la Cour de cassation (3e chambre civile) a rejeté le pourvoi principal de Mme D... et les pourvois incidents formés, respectivement, par Mme A... et M. Y... contre l'arrêt du 26 mars 2015.
Par dernières conclusions du 17 mars 2017, M. Y..., appelant, demande à la Cour de :
- vu les articles 544 et suivants, 1147, 1382, 1603, 1626 à 1640, 2261 et 2272 du Code civil,
- prononcer la résolution de la vente du 11 mars 2002,
- condamner Mme A... à lui verser la somme de 2 814 € au titre des frais déboursés pour la perception des fruits,
- condamner les consorts B... et Mme D... à le garantir de ce remboursement en cas d'insolvabilité de Mme A...,
- dire que le prix de la parcelle est évalué à la somme de 15 972 € et condamner les consorts B... à lui verser cette somme, outre les intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2002 avec anatocisme,
- condamner Mme D... à le garantir de la restitution de ce prix, outre les intérêts à la mesure de l'insolvabilité des consorts B...,
- condamner in solidum les consorts B... et Mme D... à lui verser la somme de 45 186 € au titre de l'augmentation du prix de la parcelle depuis son acquisition,
- dire que seuls les revenus issus des loyers de la parcelle pourront être restitués par lui à Mme A... au titre des fruits et produits depuis le 12 juin 2009 et condamner les consorts B...
à le garantir de cette restitution,
- condamner in solidum les consorts B... et Mme D... à le garantir de toutes les sommes mises à sa charge et de celles qui resteraient à sa charge à la suite de l'éviction,
- condamner Mme D... in solidum avec les consorts B... à prendre en charge tous ses préjudices,
- débouter les autres parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- en tout état de cause : condamner tout succombant à lui verser la somme de 15 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 17 mars 2017, Mme A... prie la Cour de :
- vu les articles 544, 1240 et suivants du Code civil,
- à titre principal : condamner M. Y... à lui verser la somme de 19 009 € de dommages-intérêts au titre de la perte de chance d'exploiter,
- à titre subsidiaire : condamner M. Y... à lui verser la somme de 12 644, 75 € au titre de la restitution des fruits et produits générés par la parcelle de 2009 à 2015,
- à titre extrêmement subsidiaire :
. condamner M. Y... à lui verser la somme de 8 100 € au titre des fruits civils et naturels perçus à compter du 12 juin 2009 et celle de 2 199, 80 € HT au titre de la restitution du prix de vente de la réserve individuelle,
. dire que les frais exposés par M. Y... qu'elle devra rembourser ne pourront excéder la somme de 2 800 €,
- en tout état de cause,
- débouter M. Y... et toute autre partie de toutes demandes plus amples ou contraires,
- ordonner la compensation légale,
- condamner tout succombant à lui verser la somme de 15 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 21 mars 2017, les consorts B... demandent à la Cour de :
- leur donner acte de ce qu'ils s'en rapportent sur la valeur de la parcelle évaluée à 15 972 €, étant rappelé que Mme D... doit les garantir de la restitution de ce prix à la mesure de leur insolvabilité,
- débouter M. Y... de sa demande en paiement des intérêts au taux légal à compter du 11 mars 2002 avec anatocisme,
- leur donner acte de ce qu'ils s'en rapportent sur la demande en paiement de la somme de 45 186 € au titre de l'augmentation du prix de la parcelle, étant rappelé que cette somme est due in solidum avec Mme D...,
- débouter M. Y... de sa demande formée contre eux tendant à ce qu'ils le garantissent du montant des restitutions des fruits et produits à Mme A... dès lors que l'arrêt du 26 mars 2015 avait jugé que cette garantie était également due par Mme D...,
- débouter M. Y... de toute autre demande,
- condamner Mme D... à les garantir de toute autre condamnations pouvant être prononcées contre eux, ainsi qu'au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner Mme D... à leur payer la somme de 5 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 17 mars 2017, Mme D... demande à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes formées contre elle,
- y ajoutant, vu les arrêts des 25 septembre 2014 et 26 mars 2015
- dire qu'il n'est ni démontré ni allégué que les consorts B... et Mme A... seraient insolvables,
- débouter M Y... de sa demande de restitution du prix de la parcelle outre les intérêts à la mesure de l'insolvabilité des consorts B...,
- débouter M Y... de sa demande de garantie de la restitution des frais déboursés et des fruits à la mesure de l'insolvabilité de Mme A...,
- dire que le préjudice afférent à la plus-value due à l'acquéreur en vertu de l'article 1633 du Code civil ne saurait s'évaluer comme l'a fait l'expert,
- rapporter le dommage de M. Y... du chef de l'augmentation du prix à de plus justes proportions,
- dire que M. Y... et les consorts B... ne caractérisent pas leurs autres dommages ni dans leur principe ni dans leur quantum,
- débouter M. Y... du surplus de ses demandes et les consorts B... de leur demande de garantie et du surplus de leurs demandes,
- condamner M. Y... à lui payer la somme de 1 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus.
SUR CE
LA COUR
Les précédents arrêts de cette Cour des 25 septembre 2014 et 26 mars 2015 n'ayant pas explicitement statué sur le sort du contrat des 11 et 19 mars 2002 par la disposition qualifiant M. Y... d'acquéreur évincé, la demande de ce dernier, tendant à ce que la résolution de cette vente, soit prononcée est recevable. Les vendeurs n'ayant plus à ces dates le droit de disposer de la parcelle cadastrée section C no 99, cette vente doit être déclarée nulle dès lors que les consorts B... l'ont, néanmoins, vendue à M. Y....
Concernant les rapports entre Mme A... et M. Y..., il a été jugé par l'arrêt du 26 mars 2015 que M. Y... devait restituer à Mme A..., sur le fondement de l'article 549 du Code civil, les fruits et produits générés par cette parcelle à compter du 12 juin 2009 à charge pour Mme A... de lui rembourser les frais déboursés pour la perception des fruits au sens de l'article 555, alinéa 3, du même Code. Ainsi, Mme A..., propriétaire de la parcelle, agit sur le fondement du droit d'accession au sens des articles 547 et suivants du Code civil, de sorte que son moyen, relatif à l'indemnisation d'un préjudice analysé comme une perte de chance d'exploiter, ainsi que celui, subsidiaire, relatif à la réparation de son préjudice en calculant les fruits qu'elle aurait pu, elle-même, obtenir, sont inopérants, la restitution à laquelle M. Y... est tenu devant être évaluée par application de l'article 549 précité.
M. Y... ayant donné la parcelle à bail à ferme à la SCEA Financière Moulin des 3 frères, dont il est le gérant, l'expert judiciaire a évalué à la somme de 4 300 € les fruits civils, soit les fermages perçus par le bailleur, générés par la parcelle C no 99 depuis le 12 juin 2009 jusqu'au 30 septembre 2015, et à 3 836 € les fruits naturels perçus pendant cette même période par le preneur. Dans le cadre du calcul de l'augmentation du prix, l'expert judiciaire indique (§ 3. 4. 2 du rapport) que la valeur de rendement est rarement utilisée pour la recherche de valeur de terres agricoles ou viticoles en Champagne dans la mesure où l'encadrement des loyers par arrêté préfectoral rend le rendement locatif faible et minimalise de manière outrancière la valeur. M. Y... ayant choisi d'exploiter la parcelle par l'intermédiaire d'une société qu'il dirige, à laquelle il a donné la parcelle à bail et de laquelle il perçoit une rémunération, il y a lieu de retenir au nombre des restitutions qu'il doit à Mme A..., en vertu de l'article 549 précité, les fruits naturels perçus par la société que l'expert a évalué à la somme de 3 836 € pour la période concernée, de sorte que M. Y... doit restituer à Mme A... la somme de 4 300 € + 3 836 € = 8 136 €.
Mme A..., selon facture du 1er février 2017 établie par la société Moulin des 3 frères qui exploitait la parcelle litigieuse, a acheté pour 2 199, 80 € HT la réserve individuelle de production, obligatoirement constituée, pour les années 2009 et 2011, en application des règles professionnelles régissant l'appellation " Champagne ". Cette production stockée, destinée à la vente dans des conditions réglementées, est attachée à la mise en oeuvre des droits à produire afférents à la parcelle restituée ; par conséquent, elle devait nécessairement être restituée avec celle-ci, en application des dispositions de l'article 549 du code civil ; il s'en déduit que Mme A... a droit au remboursement par M. Y... du montant de la facture acquittée. La somme des restitutions dues à Mme A... s'élève donc à 10 335, 80 €
Selon l'article 555, alinéa 3, du Code civil, Mme A..., qui préfère conserver la propriété des plantations, doit, à son choix, rembourser à M. Y..., tiers évincé, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main d'oeuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent les plantations. Mme A..., qui conclut, à titre principal, au débouté de la demande de M. Y..., et qui soutient, à titre subsidiaire, que les frais déboursés par M. Y... ne peuvent excéder la somme de 2 814 € calculée par l'expert, a, ainsi, opté pour la seconde branche de l'alternative précitée.
L'expert judiciaire a relevé que M. Y... avait planté la parcelle litigieuse en appellation " Champagne " et que le bloc dans lequel se trouvait la parcelle présentait un bon état d'entretien, de sorte que, bien que les justificatifs comptables réclamés par Mme A... ne soient pas produits, la réalité des frais exposés pour les plantations est établie. Dès lors, l'évaluation de l'expert selon la valeur d'usage doit être retenue et Mme A... doit rembourser à M. Y... la somme de 2 814 €.
En conséquence, M. Y... doit être condamné à payer à Mme A... la somme de 8 136 €-2 814 € = 5 322 €.
Les consorts B... doivent être condamnés à garantir M. Y... du montant de cette condamnation. S'agissant d'une restitution, le notaire ne sera condamné à garantir M. Y... qu'à la mesure de l'insolvabilité les consorts B..., ces derniers étant, eux-mêmes, garantis par le notaire à la mesure de leur propre insolvabilité.
Concernant les rapports de M. Y... avec les époux B..., ces derniers lui ont vendu en mars 2002 les parcelles cadastrées section C no 99 et no 56, au prix global de 16 007, 15 €. M. Y... n'étant évincé que de la parcelle cadastrée section C no 99, seule la fraction de prix de cette dernière doit être restituée par les consorts B.... Eu égard à la superficie de 60 ca de la parcelle C no 56 en nature de verger, la fraction du prix, soit la somme de 15 972 € calculée par l'expert pour la parcelle C 99 doit être retenue, de sorte que les consorts B... doivent être condamnés à restituer cette somme à M. Y... avec intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2014, date des conclusions de M. Y... devant cette Cour par lesquelles il demandait la restitution du prix, les mettant, ainsi, en demeure. La capitalisation des intérêts échus doit être ordonnée dans les conditions de l'article 1154 du Code civil.
Il convient de rappeler que Mme D... doit garantir M. Y... de la restitution du prix à la mesure de l'insolvabilité des consorts B..., ainsi qu'il a été jugé par l'arrêt du 26 mars 2015 passé en force de chose jugée, étant précisé que M. B..., âgé de 87 ans, est non imposable et que Mme Pelletier, âgée de 90 ans, est également non imposable.
L'arrêt de cette Cour du 26 mars 2015 a dit que les consort B... devaient à M. Y... l'augmentation éventuelle du prix dans les conditions de l'article 1633 du Code civil. L'expert judiciaire a relevé que la parcelle cadastrée section C no 99, payée 15 972 €, aurait une valeur de 61 158 € au 26 mars 2015, étant plantée de vignes, soit une augmentation de prix de 45 186 €. Tandis que les consorts B... s'en rapportent à justice sur cette évaluation, Mme D... demande qu'elle soit ramenée à de plus justes proportions. Mais l'expert judiciaire a justifié son évaluation par la méthode par comparaison qu'il a utilisée dans son rapport. En conséquence, les consorts B... doivent être condamnés, in solidum avec Mme D... ainsi qu'il a été dit par l'arrêt du 26 mars 2015, à payer à M. Y... la somme de 45 186 € au titre de l'augmentation de prix au sens de l'article 1633 du Code civil.
Les dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût de l'expertise, seront supportés par Mme D....
La solution donnée au litige implique le rejet de la demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile de Mme D....
L'équité commande qu'il soit fait droit aux demandes de M. Y..., des consorts B... et de Mme A... comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Déclare nulle la vente, par acte authentique reçu les 11 et 19 mars 2002 par Mme Nicole D..., notaire à Saâcy-sur-Marne, publié le 18 avril 2002 à la conservation des hypothèques de Coulommiers, entre Mme Christiane B..., épouse C..., et M. Pierre B..., vendeurs, et M. Christophe Y..., acquéreur, de la parcelle de terre sise au lieudit " Les Picherettes " à Saâcy-sur-Marne (77), d'une superficie de 6a 85ca, cadastrée section C no 99 ;
Ordonne la publication de l'arrêt au service de la publicité foncière compétent ;
Fixe à la somme de 10 335, 80 € le montant des fruits et produits que M. Christophe Y... doit restituer à Mme Francine Z..., épouse A..., au sens de l'article 549 du Code civil ;
Fixe à la somme de 2 814 € les frais que Mme Francine Z..., épouse A..., doit rembourser à M. Christophe Y... en vertu de l'article 555, alinéa 3 du Code civil ;
En conséquence, condamne M. Christophe Y... à payer à Mme Francine Z..., épouse A..., la somme de 5 322 € ;
Condamne in solidum Mme Christiane B..., épouse C..., et M. Pierre B... à garantir M. Christophe Y... du montant de cette condamnation ;
Dit que Mme Nicole D... doit garantir M. Christophe Y... du montant de cette restitution à la mesure de l'insolvabilité de Mme Christiane B..., épouse C..., et de M. Pierre B..., ces derniers étant garantis par le notaire à la mesure de leur propre insolvabilité ;
Condamne in solidum Mme Christiane B..., épouse C..., et M. Pierre B... à restituer à M. Christophe Y... la somme de 15 972 € au titre du prix de la parcelle cadastrée section C no 99, avec intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2014 et dit que les intérêts échus seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil ;
Rappelle qu'en vertu de l'arrêt du 26 mars 2015, Mme Nicole D... doit garantir M. Christophe Y... de la restitution du prix à la mesure de l'insolvabilité de Mme Christiane B..., épouse C..., et de M. Pierre B... ;
Condamne in solidum Mme Christiane B..., épouse C..., M. Pierre B... et Mme Nicole D... à payer à M. Christophe Y... la somme de 45 186 € au titre de l'augmentation de prix au sens de l'article 1633 du Code civil ;
Rappelle qu'en vertu de l'arrêt du 26 mars 2015, Mme Nicole D... doit garantir Mme Christiane B..., épouse C..., et M. Pierre B... du montant de cette dernière condamnation ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne Mme Nicole D... aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût de l'expertise, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ;
Condamne Mme Nicole D..., en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile, à payer à :
- Mme Christiane B..., épouse C..., et M. Pierre B..., la somme de 5 000 €,
- M. Christophe Y..., la somme de 10 000 €,
- Mme Francine Z..., épouse A..., la somme de 10 000 €.
Le Greffier, La Présidente,