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18/05/2017 | FRANCE | N°14/07908

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 18 mai 2017, 14/07908


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 18 Mai 2017

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/07908



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Février 2007 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERGY PONTOISE RG n° 11/3759



APPELANT

Monsieur [H] [X] [X]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 2] (ESPAGNE)r>
comparant en personne, assisté de Me Catherine AMSELLEM DJORNO, avocat au barreau de PARIS, toque : E1044



INTIMEE

SA LA POSTE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Eléon...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 18 Mai 2017

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/07908

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Février 2007 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERGY PONTOISE RG n° 11/3759

APPELANT

Monsieur [H] [X] [X]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 2] (ESPAGNE)

comparant en personne, assisté de Me Catherine AMSELLEM DJORNO, avocat au barreau de PARIS, toque : E1044

INTIMEE

SA LA POSTE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Eléonore BALLESTER LIGER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0435

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Février 2017, en audience publique, double rapporteur devant la Cour composée de :

Madame Catherine BEZIO, Président de chambre

Madame Patricia DUFOUR, Conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine BEZIO, Président de chambre

Mme Patricia DUFOUR, conseiller

Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-président placé

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine BEZIO, Président et par Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, greffière présente lors du prononcé.

FAITS ET PROCEDURE

Par contrat de droit privé à durée indéterminée en date du 13 février 1998 Monsieur [X] [X] a été embauché par LA POSTE, en qualité de distributeur d'imprimé publicitaire, coefficient ACC I-I, au sein du centre de diffusion postale [Localité 4] ADP.

La relation de travail est régie par la convention collective commune de la POSTE FRANCE TELECOM

La moyenne mensuel brut de ses trois derniers mois de salaire était de 1892,43€.

Monsieur [X] [X] a exercé à compter de septembre 2000, parallèlement à ses fonctions de salarié, les mandats représentatifs suivants: Représentant du personnel, membre titulaire de la commission consultative paritaire, membre titulaire du CHSCT, conseiller prud'homal.

Par courrier en date du 26 octobre 2001 Monsieur [X] [X] s'est vu notifier une mise à pied disciplinaire pour une durée de 2 mois avec demi-traitement du 1er novembre au 31 décembre 2001, pour des faits de violence verbale à l'encontre de Monsieur [G] son supérieur hiérarchique.

Au cours de l'année 2003, LA POSTE a mis en 'uvre un projet de déploiement et de redécoupage

de son activité de publicité non adressée (PNA), entrainant la fermeture du centre de rattachement

de Monsieur [X] [X].

Un dispositif d'accompagnement social est établi en concertation avec les partenaires sociaux afin

de réorienter au sein de LA POSTE les agents de la PNA touchés par le déploiement de cette activité.

Au titre de sa réorientation professionnelle Monsieur [X] [X] est alors reçu par la conseillère mobilité Madame [Y] le 21 juin 2004, lors de cet entretien il indique vouloir rester affecté à la PNA.

Suite à la fermeture du centre, Monsieur [X] [X], est placé en dispense d'activité à compter du 1er janvier 2005 avec maintien de sa rémunération.

Le contrat de travail n'a pas été rompu à ce jour.

Le 20 octobre 2003 Monsieur [X] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de CERGY--PONTOISE aux fins d'annuler la sanction prise à son encontre et d'obtenir des dommages et intérêts pour discrimination syndicale.

Par jugement en date du 14 février 2007, le conseil a annulé la mise à pied disciplinaire prononcée

en octobre 2001 et a condamné LA POSTE à payer à Monsieur [X] [X], outre un rappel de salaire pour la période de mise à pied et une somme au titre des frais irrépétibles, deux sommes de 7200€ à titre de dommages et intérêts, l'une au titre de la perte de chance d'avancement et l'autre en réparation du préjudice moral.

Par arrêt du 20 janvier 2010, la cour d'appel de VERSAILLES a confirmé l'annulation de la mise à pied disciplinaire, statué sur le rappel de salaire et condamné LA POSTE au paiement des sommes de 20000€ à titre de dommages et intérêts toutes causes de dommages et intérêts confondues, et de 2000€ pour défaut de visites médicales périodiques, outre une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle a rejeté les demandes formées en reconstitution de carrière.

Cet arrêt a été partiellement cassé par la chambre sociale du la Cour de cassation le 28 septembre 2011 en ce qui concerne les demandes liées à la discrimination syndicale, sur le fondement de la réparation intégrale du préjudice subi.

Dans l'intervalle LA POSTE a formulé par écrit trois propositions de postes de facteur au niveau ACC I-2 les 5 octobre 2010, 22 novembre 2010 et 2 mars 2011 qui ont été refusées par le salarié.

Saisie sur renvoi, la cour d'appel de VERSAILLES a, par un arrêt du 22 novembre 2012, confirmé

le jugement initial en ce qu'il a rejeté la demande de reconstitution de carrière et porté à 70000€ l'indemnité de la perte de chance dans l'évolution de carrière.

De nouveau dans l'intervalle le salarié est affecté à un poste de facteur sur le site [Localité 4] le 13 décembre 2012, effectif au 2 janvier 2013. Monsieur [X] ne s'est pas présenté à son poste, LA POSTE a en conséquence suspendu son salaire à compter du 2 janvier 2013. Sur demande de son syndicat Monsieur [X] [X] a accepté un détachement à compter du 8 avril 2013.

L'arrêt du 22 novembre 2012 a été cassé dans toutes ces dispositions par la chambre sociale de la Cour de cassation le 7 mai 2014 au motif que la cour d'appel était tenue de répondre à toutes les prétentions et moyens formulées devant elle relativement à la discrimination syndicale, qu'elle se devait en conséquence d'établir la dite discrimination.

Par déclaration de saisine enregistrée au greffe le 17 juin 2014 l'affaire a été portée devant la cour de céans.

Monsieur [X] devant la juridiction de renvoi présente les demandes suivantes :

- Confirmer le jugement du Conseil des prud'hommes de Cergy-Pontoise du 14 février 2007 en ce qu'il a annulé la mise à pied du 26 octobre 2001 et alloué à Monsieur [X], les sommes de 1 615,78 euros à titre de rappel de salaire et de 161,58 euros au titre des congés payés y afférents, outre celles de 7.200 euros au titre de dommages et intérêts pour perte de chance concernant l'avancement et 7.200 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

- Réformer les autres dispositions du jugement entrepris.

- Dire et juger que la mise à pied disciplinaire prononcée le 26 octobre 2001 a constitué une sanction à tort entraînant une incidence sur la notation de Monsieur [H] [X]

[X].

- Dire et juger que la notation résultant de l'entretien d'évaluation de 2002 ainsi que l'absence de promotion constituent une double sanction pour des faits similaires.

- Dire et juger que l'avancement de Monsieur [H] [X] [X] a été délibérément bloqué depuis la date de son embauche jusqu'à ce jour, soit depuis dix-huit ans et neuf mois.

- Dire et juger que Monsieur [H] [X] [S]Z a subi une discrimination personnelle et syndicale par rapport à l'ensemble de ses autres collègues en ne bénéficiant

d'aucun entretien d'évaluation et de promotion,

-Dire et juger que Monsieur [H] [X] [S] a été victime d'une discrimination personnelle et syndicale ayant eu des incidences préjudiciables sur sa carrière et condamner en conséquence LA POSTE à payer à Monsieur [H] [X] [X] les sommes suivantes :

**63.487 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination salariale personnelle et syndicale.

**31.743 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

**20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour exécution déloyale du contrat de travail et du fait des manquements de l'employeur à son obligation de prévention des faits de harcèlement moral, d'une part et à son obligation de sécurité de résultat, d'autre part.

- Dire et juger que la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu et ordonner en conséquence le reclassement de Monsieur [H] [X] [S] en poste de qualification ACC III-3 avec toutes conséquences de droit et notamment sur le montant de sa rémunération mensuelle.

- Fixer la moyenne des salaires et avantages de Monsieur [H] [X] [X] à la somme de 2 645,32 € brute mensuelle correspondant au salaire et compléments mensuels bruts moyens d'un poste de qualification ACC III-3 avec une ancienneté de service de dix-huit ans et deux enfants à charge ;

- Condamner LA POSTE à payer à Monsieur [H] [X] [X] les sommes de 116.240,88 euros au titre de rappel des salaires et de 11.624,08 euros au titre des congés payés y afférents suite au reclassement de Monsieur [X] [X];

- Condamner LA POSTE à remettre à Monsieur [H] [X] [S] l'ensemble des bulletins de paie rectificatifs à compter du mois d'août 2003 jusqu'à ce jour, sous astreinte de

300 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, la juridiction

d'appel se réservant la possibilité de liquider l'astreinte.

- Ordonner à LA POSTE de rétablir Monsieur [H] [X] [X] dans le déroulement

normal de sa carrière à peine d'une astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt, en lui reconnaissant la classification ACC III-3, la juridiction d'appel se réservant la possibilité de liquider l'astreinte.

- Assortir l'ensemble des condamnations prononcées à l'encontre de LA POSTE avec intérêts aux

taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes et ordonner la capitalisation des intérêts ;

- Condamner LA POSTE à payer à Monsieur [H] [X] [S] la somme de

10.000 euros au titre de l'Article 700 du Code de Procédure Civile.

- Condamner LA POSTE aux entiers dépens de l'instance.

LA POSTE , société intimée, à titre incident demande à la cour de renvoi de:

A titre principal:

- Infirmer le jugement prononcé le 14 février 2007 par le conseil de prud'hommes de Cergy-

Pontoise, en ce qu'il a annulé la mise à pied disciplinaire prononcée le 26 octobre 2001 et

condamné la Poste à payer à Monsieur [X] 1.615,78 à titre de rappel de salaire, et les

congés payés y afférents, 7.200 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance

concernant l'avancement, 7.200 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

700 euros au titre de l'article 700 du CPC et les dépens et débouté La Poste de sa demande reconventionnelle ;

Statuant à nouveau:

- Dire et juger que Monsieur [X] n'a fait l'objet d'aucune discrimination syndicale

- Débouter Monsieur [X] de ses demandes de rappel de salaire, de dommages et

intérêts pour discrimination syndicale et de reconstitution de carrière sur un niveau III-3 ;

A titre subsidiaire:

- Réduire le quantum de ses dommages et intérêts sollicités relativement au préjudice subi par Monsieur [X] [X].

En tout état de cause et statuant à nouveau:

- Débouter Monsieur [X] de toutes ses autres demandes ;

- Condamner Monsieur [X] au paiement de la somme de 3.000 euros

au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

MOTIVATION

Sur la caractérisation de la discrimination syndicale

Considérant qu'aux termes de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L.1134-1 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte , au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Considérant qu'il résulte de la convention commune applicable à la relation de travail que l'accession d'un agent à un niveau supérieur ne dépend pas uniquement de ses capacités professionnelles et de son ancienneté, mais également des besoins fonctionnels des services et principalement de la candidature de ce salarié à un poste à pourvoir ;

Considérant que Monsieur [X] [X] soutient que la POSTE a délibérément négligé son avancement en omettant la mise en 'uvre d'un entretien annuel d'évaluation pendant 18 années conduisant de fait à un défaut d'information sur les besoins fonctionnels des services qui aurait permis au salarié de présenter sa candidature aux postes de niveau supérieur ;

Considérant que la poste soutient qu'il n'existe aucun avancement automatique lié à l'ancienneté et que l'évaluation annuelle est sans conséquence sur la promotion du salarié;

Considérant cependant que l'article 15 de la circulaire du 4 novembre 2004 applicable à Monsieur [X] [X] prévoit que « la promotion est ouverte aux salariés employés à temps complet ou à temps partiel, et appréciés E ou B lors du dernier entretien d'appréciation », Qu'il en résulte que l'appréciation et l'évaluation du salarié est une condition permettant sa promotion ;

Qu'ainsi, l'absence d'entretien d'évaluation, hormis ceux des années 1999 et 2002 produits au débat, est de nature à priver Monsieur [X] [X] d'une possibilité de promotion laissant supposer l'existence d'une discrimination salariale ; sans que l'employeur ne justifie par des éléments objectifs cette situation ;

Considérant au surplus, que dans le cadre de la réorganisation du service PNA et contrairement au plan de redéploiement et de redécoupage signé le 3 juillet 2007, qui impose à l'employeur de proposer par écrit 3 offres d'emplois aux salariés concernés par la fermeture des sites, Monsieur [X] [X] bien que convoqué par Madame [Y] conseillère mobilité, n'a bénéficié d'aucune proposition écrite avant 2010 et a été placé en dispense d'activité au 1er janvier 2005 ;

Considérant que LA POSTE ne verse au débat aucune pièce permettant de justifier par des éléments objectifs ce manquement alors qu'il est démontré que d'autres salariés ont pu bénéficier d'un suivi et de propositions fermes, précises et écrites ;

Qu'en outre, il résulte des pièces produites et notamment du bilan d'orientation du 30 novembre 2004 versé au débat que Monsieur [X] [X] a été considéré par LA POSTE comme « détaché partiel » ; que ce statut qui ne correspond à aucune réalité, le salarié ayant été placé de manière unilatérale en dispense d'activité rémunérée, laisse présumer une discrimination relative aux activités syndicales du salarié ;

Or considérant que la justification énoncée par LA POSTE -selon laquelle Monsieur [X] [X] a contribué à cette situation, en ne f aucun souhait précis lors de ses entretiens avec Madame [Y],- s'avère dépourvue de pertinence ; qu'en effet, l'absence de souhait émis par le salarié n'exonère pas l'employeur de son obligation de reclassement ;

Considérant en conséquence que la dispense d'activité imposée à Monsieur [X] [X] à partir du 1er janvier 2005 alors qu'aucune proposition de reclassement ne lui a été formulée par écrit avant le 5 octobre 2010, caractérise l'existence d'une discrimination liée à ses activités syndicales puisque l'employeur ne justifie pas objectivement les manquements qui lui sont ainsi imputables ;

Considérant que la discrimination salariale et syndicale est dès lors bien établie ;

Sur les demandes liées au harcèlement moral et le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur

Considérant que l'appelant sollicite la somme de 31743 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et de 20 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité pour n'avoir pas prévenu ces faits de harcèlement;

Mais considérant que l'appelant n'objective pas de faits de harcèlement moral, que les faits allégués sont ceux qui caractérisent la discrimination syndicale dont il a fait l'objet; que ces faits ne sauraient par conséquent recevoir une double qualification;

Considérant qu'en l'absence de harcèlement moral , la demande fondée sur un prétendu manquement de la POSTE à son obligation de sécurité, pour n'avoir pas prévenu le harcèlement moral, est dépourvue de fondement ;

Considérant que Monsieur [X] [X] sera débouté de ces chefs de demande;

Sur la réparation du préjudice subi du fait de la discrimination salariale et syndicale

Considérant que selon l'article L2141-5 du code du travail, « Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail »; cette disposition étant selon l'article L2141-8 d'ordre public et toute mesure prise par l'employeur contrairement à cette disposition est considérée comme abusive et donne droit à des dommages et intérêts ;

Qu'il résulte des éléments développés précédemment que le salarié doit être indemnisé en raison d'une discrimination syndicale et salariale fondée à la fois sur l'absence de proposition de reclassement suite à la fermeture de son centre de rattachement et sur l'absence d'appréciation annuelle obligatoire ayant conduit à défaut dans l'avancement et l'évolution de la carrière du salarié ;

Considérant que Monsieur [X] [X] sollicite outre son reclassement, la somme de 63487€ à titre de dommages et intérêts; qu'au soutien de sa demande il démontre qu'à la suite de sa dispense d'activité il ne perçoit plus que son strict salaire et les augmentations générales obligatoires sans avoir reçu d'augmentation individuelle en dehors de celles liées à son ancienneté; qu'au surplus un certain nombre d'éléments de sa rémunération ou avantages acquis lui ont été supprimés;

Qu'il convient, en conséquence, au regard de son ancienneté, de sa situation familiale et de ses droits à la retraite de condamner LA POSTE à lui verser la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la discrimination syndicale et salariale dont Monsieur [X] [X] a fait l'objet;

Sur la reconstitution de carrière de Monsieur [X] [X] :

Considérant que la réparation intégrale d'un dommage oblige à placer celui qui l'a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n'avait pas eu lieu et que les dispositions des articles L. 2141-5 à L. 2141-8 du code du travail ne font pas obstacle à ce que le juge ordonne le reclassement d'un salarié victime d'une discrimination prohibée;

Considérant que Monsieur [X] [X] demande son reclassement dans le coefficient de rémunération auquel il aurait pu prétendre en l'absence de discrimination et si son déroulement de carrière n'avait pas été délibérément négligé par son employeur;

Qu'il considère au regard de la convention commune et de l'unique notation dont il a bénéficié en 1999 qu' il aurait du atteindre le niveau ACC III-3 en août 2005 en se basant sur une promotion annuelle et automatique à compter du niveau I-2 et du mois d'août 1998.

Considérant que LA POSTE soutient que la reconstitution de carrière n'est possible que lorsque les règles statutaires ou les accord collectifs fixent de manière objective les règles d'avancement, et que selon l'employeur les promotions dépendent des besoins fonctionnels des services et des résultats obtenus lors des épreuves de promotion;

Que le caractère aléatoire et non automatique de l'avancement des salariés dans l'entreprise ne permet pas de reclasser Monsieur [X] [X], que seul des dommages et intérêts correspondant à la perte de chance du salarié peuvent à titre subsidiaire être alloués à ce dernier;

Considérant que les dispositions des textes relatifs à la promotion des agents contractuels relevant de la convention commune LA POSTE-FRANCE TELECOM issues des accords d'entreprise du 24 avril 1998, complétés par la circulaire du 4 novembre 2004 prévoient un processus élaboré et complexe permettant la promotion des salariés;

Que les conditions de candidature relèvent à la fois de l'appréciation du salarié par son supérieur hiérarchique lors de son entretien annuel d'appréciation et de son ancienneté qui doit être de 3 ans d'activité dans le niveau de fonction, à l'exception des candidatures pour l'accès aux fonctions de niveau I-2 qui requiert une ancienneté de 6 mois, mais aussi des besoins fonctionnels de l'entreprise;

Qu'au surplus, la candidature du salarié est soumise à l'appréciation d'une commission de validation des candidatures, puis d'un jury qui statue sur l'aptitude du salarié à exercer les fonctions du poste auquel il prétend.

Considérant que si Monsieur [X] [X] est recevable à demander son reclassement dans la mesure où, du fait de la discrimination qu'il a subie, il a été empêché de présenter sa candidature, il ne démontre pas, par des éléments probants, l'étendue du préjudice allégué et la certitude de son accession au ni,veau ACC III-3 à compter du mois d'août 2005;

Qu'en effet, Monsieur [X] [X] se base sur une promotion annuelle et automatique, alors que l'accession aux postes de niveaux supérieur au niveau ACC I-2 requiert déjà une ancienneté de 3 ans, présente un caractère aléatoire relevant de l'appréciation du salarié par une commission, puis un jury et dépend des besoins fonctionnels de l'entreprise;

Que l'employeur démontre au contraire que sur tous les salariés embauchés en 1998 sur un grade équivalent à celui de Monsieur [X] [X] seul 0,1% de ces salariés ont atteint au 31 août 2012 le niveaux ACC III-3 revendiqué par l'appelant; qu'en revanche 48,3% d'entre eux ont atteint le niveau ACC II-2, 31,9% le niveau ACC I-3 et 10,5% le niveau ACC II-1;

Qu'au surplus les métiers correspondant au niveau de classification ACC III-1, III-2 et III-3 sont des métiers d'encadrement qui requiert des capacités particulières et un niveau de compétence que Monsieur [X] [X] ne démontre pas avoir acquis;

Qu'il en résulte que, si Monsieur [X] [X] n'apporte aucun élément permettant d'apprécier les conditions légitimant son accès au niveau de classification III-3 revendiqué, les pièces précitées de LA POSTE et les éléments développés commandent, afin de réparer le préjudice subi du fait de la discrimination syndicale, d'ordonner la classification de l'appelant au niveau ACC I-2 à compter du 13 août 1998, au niveau ACC I-3 à compter du 13 août 2001, et au niveau ACC II-1 à compter du 13 août 2004;

Considérant, toutefois, que les éléments versés au débat ne permettant pas de statuer avec précision sur les conséquences de ce reclassement la Cour, avant dire droit sur le montant du rappel de salaire et des congés payés afférents, ordonne la réouverture des débats comme dit ci-après au dispositif et invite les parties à conclure sur le calcul et le montant dudit rappel ;

Sur les demandes relatives à l'annulation de la mise à pied dont a fait l'objet Monsieur [X] et ses conséquences

Considérant que les dispositions de l'article 125 du code de procédure civile prévoit la possibilité pour le juge de relever d'office la fin de non recevoir tirée de la chose jugée;

Que cependant, lorsqu'une juridiction décide de relever d'office un moyen, elle est tenue en toute circonstance de faire respecter le principe du contradictoire; que les dispositions de l'article 444 du code de procédure civile permettent au président d'ordonner la réouverture des débats.

Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 623, 624 et 625 du code de procédure civile

que le dispositif de l'arrêt de la Cour de Cassation détermine la portée de la cassation et limite la saisine de la Cour d'appel de renvoi; que sur les points qu'elle atteint, la cassation replace les parties

dans l'état où elle se trouvaient avant le jugement cassé.

Qu'il en résulte que, s'agissant d'une cassation partielle, la cour de renvoi ne peut plus être saisie des points jugés antérieurement au prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation n'ayant pas donné lieu à cassation;

Or considérant qu'en l'espèce, par son jugement en date du 14 février 2007, le conseil a annulé la mise à pied disciplinaire prononcée en octobre 2001 à l'encontre de Monsieur [X] [X] et a condamné LA POSTE à payer , outre un rappel de salaire pour la période de mise à pied et une somme au titre des frais irrépétibles, deux sommes de 7200€ à titre de dommages et intérêts, l'une, au titre de la perte de chance d'avancement et l'autre, en réparation du préjudice moral;

Que par arrêt du 20 janvier 2010, la cour d'appel de VERSAILLES a confirmé l'annulation de la mise à pied disciplinaire, statué sur le rappel de salaire afférent et condamné LA POSTE au paiement des sommes de 20000€ à titre de dommages et intérêts toutes causes de dommages et intérêts confondues, et de 2000€ pour défaut de visites médicales périodiques, outre une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; qu' elle a rejeté les demandes formées en reconstitution de carrière ;

Que par arrêt du 28 septembre 2011, la chambre sociale de la cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel pré-cité, «mais seulement en ce qui concerne les demandes liées à la discrimination syndicale», sur le fondement de la réparation intégrale du préjudice subi;

Que par arrêt du 7 mai 2014 cette même chambre sociale au visa des articles 623,624 et 625 du code de procédure civile, a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt, en date du 22 novembre 2012, de la cour d'appel de renvoi, saisie après le premier arrêt de cassation, au motif que celle-ci était « tenue de répondre aux prétentions et moyens formulés devant elle relativement à la discrimination syndicale invoquée par le salarié » et non pas s'en tenir au simple arbitrage du juste préjudice subi ;

Considérant qu'il résulte des énonciations précédentes que les parties sont replacées dans l'état où elle se trouvaient avant l'arrêt, cassé en toutes ses dispositions, du 22 novembre 2012 ;

Considérant cependant, que la cassation partielle de l'arrêt de la cour d'appel du 20 janvier 2010 par la chambre sociale le 28 septembre 2011, intervenue exclusivement sur les dispositions relatives à la discrimination, avait précisément circonscrit le litige au seul examen de l'établissement et de la réparation de la discrimination syndicale dont a pu faire l'objet Monsieur [X] [X] ;

Qu'il s'en suit que l'annulation de la sanction disciplinaire et la condamnation en conséquence de LA POSTE au paiement du rappel de salaires et des congés payés afférents apparaissent revêtir un caractère définitif, dans la mesure où ces chefs de demandes -qui ont été jugés par la cour d'appel le 21 janvier 2010, n'ont pas été atteints par la cassation en date du 28 septembre 2011 et bénéficient par conséquent de l'autorité de la chose jugée ;

Qu'il convient, conformément aux termes des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile qui imposent le respect du principe du contradictoire et dans le cadre de la réouverture des débats précédemment ordonnée ci-dessus, d'inviter les parties à s'expliquer et à conclure sur la recevabilité de ces demandes. ;

Considérant qu'au stade actuel du litige, il y a lieu de surseoir à statuer sur les demandes relatives à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de réserver les dépens ;

PAR CES MOTIFS LA COUR,

-DIT que la discrimination salariale et syndicale envers Monsieur [X] [X] est caractérisée ;

-EN CONSEQUENCE,

CONDAMNE LA POSTE à verser à Monsieur [X] [X] la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de ce jour qui se capitaliseront lorsqu'ils seront dus pour une année entière ;

-DIT que Monsieur [X] [X] doit être reclassé au niveau ACC I-2 à compter du 13 août 1998, au niveau ACC I-3 à compter du 13 août 2001, et au niveau ACC II-1 à compter du 13 août 2004 ;

-ORDONNE le rétablissement de Monsieur [X] [X] dans le déroulement normal de sa carrière aux conditions qui précèdent ;


-AVANT DIRE DROIT sur le montant du rappel de salaire, ordonne la réouverture des débats à l'audience du 30 novembre 2017 à 9h00 [Localité 5]

-INVITE les parties à conclure pour cette date sur le calcul et le montant dudit rappel ;

-DIT également que dans le cadre de cette réouverture des débats, et pour la même audience,les parties sont invitées à s'expliquer et à conclure sur la recevabilité des demandes relatives à l'annulation de la sanction de Monsieur [X] [X], au regard de l'autorité de la chose jugée , attachée à l'arrêt de la chambre sociale du 28 septembre 2011 ;

-DIT que la présente décision vaut convocation pour l'audience du 30 novembre 2017.

-RESERVE l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

La greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 14/07908
Date de la décision : 18/05/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°14/07908 : Décision tranchant pour partie le principal


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-05-18;14.07908 ?
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