Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 16 MAI 2017
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/13483
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mai 2016 - Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 15/04662
APPELANTE
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Barthélémy LEMIALE de l'AARPI VALMY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0386
Ayant pour avocat plaidant Me Karine DABOT de la SELARL MATHIEU-DABOT-BONFILS,
substituée par Me Guillaume ISOUARD de la SELARL MATHIEU-DABOT-BONFILS, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE
INTIMÉ
Maître [K] [P]
né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1]
demeurant : [Adresse 2]
Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocate au barreau de PARIS, toque : L0034
Représenté par Me Jean-Pierre FABRE de l'ASSOCIATION FABRE GUEUGNOT ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : R044 substitué par Me Timothée de HEAULME de BOUTSOCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : E1979
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Mars 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre
Madame Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère
Monsieur Laurent BEDOUET, Conseiller
qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.
GREFFIÈRE, lors des débats : MAdame Corinne de SAINTE MARÉVILLE
MINISTÈRE PUBLIC : l'affaire a été communiquée au Ministère public.
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente et par Madame Mariam ELGARNI-BESSA, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
Par acte authentique du 22 juillet 1999, M. [F] a contracté auprès de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes-Provence (le Crédit Agricole) un prêt hypothécaire destiné à financer l'acquisition en état futur d'achèvement, par la SCI Les Bastides De Puyricard, de lots dépendant d'un ensemble immobilier situé à [Localité 2], sur lesquels elle avait inscrit le 23 septembre 1999 un privilège de prêteur de deniers et une hypothèque conventionnelle.
Par jugement du 24 avril 2001 le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé le redressement judiciaire de la société en commandite Groupe Victor Hugo SCA et a désigné Me [Z] [K] en qualité de représentant des créanciers.
Par jugement en date du 22 août 2001, le même tribunal a prononcé le redressement judiciaire de M. [Q] [F], associé commandité de la SCA Groupe Victor Hugo, puis, par décision du 9 octobre 2011 a désigné Me [K] [P] en qualité d'administrateur judiciaire.
Par jugement du 20 novembre 2001, le tribunal de commerce de Bobigny a étendu la procédure de redressement judiciaire de M. [F] à la SCI Mirabeau SG, à la SCI Bougainvil CA, à la SCI Du Roy, à la SCI Mazarin, à la SAS Sainte Victoire Invest et à la SCI Chevalier, soit six sociétés dont il était le représentant légal.
Suite au redressement judiciaire de M. [F], le Crédit Agricole a déclaré sa créance au passif et a été admis à hauteur de 273 930,77 euros.
Par jugement en date du 28 octobre 2002, le tribunal de commerce de Bobigny a arrêté le plan de continuation présenté par M. [F] pour une durée de dix ans, a mis fin à la mission de l'administrateur judiciaire et a maintenu Me [Z] [K] en qualité de représentant des créanciers. Maître [P] a été désigné commissaire à l'exécution du plan.
Par arrêt infirmatif du 19 février 2009, la cour d'appel de Paris a prononcé la résolution du plan de continuation, a ouvert la procédure de liquidation de M. [F] et des sociétés auxquelles la procédure avait été étendue, et a désigné Me [Z] [K] en qualité de liquidateur judiciaire à la liquidation.
Durant la période d'exécution du plan de continuation, M. [F] avait vendu un certain nombre d'immeubles, grevés d'hypothèque.
C'est ainsi que trois ventes de gré à gré sont intervenues, le 24 février 2006 concernant les lots n°21, 78 et 122 au prix de 151 000 euros, le 12 septembre 2006 concernant les lots n°66 et 104 au prix de 141 000 euros et le 5 décembre 2008 concernant les lots n° 20 et 71 au prix de 143 780 euros. Au titre de cette dernière vente, Maître [Z] [K] devenu liquidateur judiciaire ensuite de la résolution du plan a, le 26 décembre 2012, adressé au Crédit Agricole un règlement de 158.486,91 euros.
Par acte en date du 18 mars 2015, le Crédit agricole a assigné Maître [K] [P], à titre personnel, afin de l'entendre condamner à lui payer la somme de 33 2614,25 euros, outre intérêts à compter du 28 août 2014, soutenant avoir été lésé dans la distribution des dividendes et lui reprochant de ne pas avoir dressé d'état de collocation suite aux ventes intervenues.
Par jugement du 11 mai 2016, les demandes ont été déclarées irrecevables comme prescrites.
Le Crédit Agricole a interjeté appel du jugement le 17 juin 2016.
Vu les conclusions de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes-Provence en date du 23 janvier 2017, par lesquelles elle demande à la cour de :
- Infirmer le jugement,
- Constater qu'elle n'a pas eu connaissance des faits qu'elle reproche à Me [K] [P] avant le 18 juin 2014, et que donc l'action n'était pas prescrite au 18 mars 2015, date de l'assignation,
- Dire que Me [K] [P] a commis une faute en n'opérant pas un partage du produit des ventes immobilières conformément à la loi, à tout le moins en ne séquestrant pas le produit des ventes pour qu'il y soit procédé ultérieurement,
- Condamner Me [K] [P] à lui payer la somme de 332 614, 15 euros outre intérêts à compter du 27 août 2014 au taux de 4,70%,
- Ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, conformément à l'article 1154 ancien et 1343-2 nouveau du code civil,
- Condamner Me [K] [P] à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner Me [K] [P] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, ceux d'appel distraits au profit de Me Barthélémy Lemiale, avocat.
Vu les conclusions de Me [K] [P], en date du 4 novembre 2016, par lesquelles il demande à la cour de :
- Déclarer irrecevables comme prescrites les demandes formées par le Crédit Agricole suivant assignation en date du 18 mars 2015,
- Confirmer le jugement,
- Dire que le Crédit Agricole n'établit pas l'existence d'un préjudice indemnisable compte tenu des paiements qu'il a reçus,
- Débouter le Crédit Agricole de l'ensemble de ses demandes,
- Subsidiairement, dire que le préjudice ne saurait excéder la somme de 158 816,91 euros et que seuls les intérêts au taux légal sont applicables, à compter de la décision à intervenir,
- Condamner le Crédit Agricole à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner le Crédit Agricole aux entiers dépens.
SUR CE,
Dans ses dernières conclusions, le Crédit Agricole reproche au commissaire à l'exécution d'avoir laissé dissipé le produit des deux ventes immobilières intervenues pendant l'exécution du plan, sans avoir procédé à une procédure de distribution provenant de ces ventes.
Pour rejeter la demande du Crédit Agricole, le tribunal a considéré que celle-ci était prescrite pour avoir été intentée le 18 mars 2015, alors que selon lui les faits dont le Crédit Agricole avait nécessairement connaissance se sont produits en 2006, 2007 et 2008, de sorte que plus de 5 ans se sont écoulés.
Il résulte de l'article 2270-1 alinéa 1 du code civil dans sa rédaction issue de l'article 43 de la loi n°98-468 du 17 juin 1998, abrogé par l'article 1 de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, que « Les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation. »
Il résulte de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 que « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
Par ailleurs, selon l'article 2222 du code civil, en cas de réduction de la durée de la prescription, pour les actions dont le délai n'est pas expiré, le nouveau délai de 5 ans institué par la loi du 17 juin 2008 commence à courir à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, soit du 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
En l'espèce, les ventes étaient intervenues les 24 février et 12 septembre 2006, de sorte qu'au 19 juin 2008 la prescription décennale n'était pas acquise.
Le Crédit Agricole soutient qu'aucun délai de prescription n'a pu courir, au motif que le fait fautif à l'origine de son préjudice réside dans l'omission de la part du commissaire à l'exécution du plan d'ouverture d'une procédure d'ordre en vue du partage du produit de la vente.
Selon l'article 78 de la loi du 25 janvier 1985, applicable à la présente espèce, lors de l'exécution d'un plan de continuation, en cas de vente d'un bien grevé d'une hypothèque, les créanciers bénéficiaires de ces sûretés sont payés sur le prix après paiement du privilège des salaires. Ils reçoivent les dividendes à échoir d'après le plan, réduits en fonction du paiement anticipé, selon l'ordre de préférence existant entre eux et le commissaire à l'exécution du plan est tenu d'établir une procédure d'ordre et de répartir le prix entre les créanciers privilégiés conformément aux articles 140 et suivants du décret du 27 décembre 1985.
Or il résulte des pièces au débat que les ventes immobilières litigieuses ont été conclues en 2006, que le Crédit Agricole en sa qualité de créancier hypothécaire avait été informé par le notaire dès 2003, des projets de ventes, qu'il lui appartenait, en cette qualité, de s'enquérir du sort des fonds obtenus.
Il est constant que le commissaire à l'exécution du plan n'a versé aucun dividende au Crédit Agricole, que son avocat lui a, le 6 décembre 2006 écrit pour lui demander le paiement des dividendes en invoquant la vente intervenue, ce qui confirme sa connaissance de leur existence.
Or, ce n'est que par assignation du 18 mars 2015, soit plus de 8 ans après qu'elle en a sollicité le paiement.
Dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont déclaré sa demande irrecevable comme étant prescrite.
Le jugement sera donc confirmé.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens.
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes-Provence sera condamnée aux dépens.
Aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement,
Condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes-Provence aux dépens avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
Rejette les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE