Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRÊT DU 28 AVRIL 2017
(no , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/22575
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Septembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG no 14/00853
APPELANTS
Monsieur Renato X...
né le 29 septembre 1942 à CASACANDITELLA (ITALIE)
demeurant ...
Représenté par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
Madame Corinne Y...
né le 23 avril 1969 à PARIS
demeurant ...
Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
INTIMÉ
Monsieur Jean-Pierre Z...
né le 10 janvier 1964 à VALENCIENNES (59600)
demeurant ... SUR MER
Représenté par Me Charles-hubert OLIVIER de la SCP LAGOURGUE et OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029
Assisté sur l'audience par Me Eric GOURDIN SERVENIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1850
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Mars 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Présidente
Madame Christine BARBEROT, Conseillère
Mme Laure COMTE, Vice-présidente placée,
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : M. Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique DOS REIS, Présidente, et par M. Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision à été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Alléguant être bénéficiaires d'une promesse de vente consentie par Madeleine A... veuve Z..., décédée le 9 septembre 2009, portant sur le bien qu'ils occupent ... en vertu d'un bail du 22 juillet 2004, M. X... et Mme Y... ont, suivant acte extra-judiciaire du 4 mars 2010 publié à la Conservation des Hypothèques de Paris, assigné M. Jean-Pierre Z..., en sa qualité de seul ayant droit de la défunte, en vente forcée dudit bien.
Le tribunal de grande instance de Paris a, par jugement avant dire droit du 19 mars 2013, ordonné une vérification d'écritures des documents contestés par M. Jean-Pierre Z..., confiée à Mme B..., laquelle a déposé son rapport le 3 décembre 2013.
Par jugement du 2 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :
- débouté M. Jean-Pierre Z... de sa demande de nullité pour faux de l'acte du 27 janvier 2006,
- dit toutefois que la promesse de vente alléguée n'était pas prouvée,
- débouté M. X... et Mme Y... de toute demande à ce titre et de toute demande accessoire à la vente forcée,
- débouté M. Jean-Pierre Z... de sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice lié à des actes de faux et usages de faux non établis à l'encontre de M. X... et Mme Y...,
- s'est déclaré incompétent au profit du tribunal d'instance du 9ème arrondissement pour connaître du litige relatif à la validité du bail, à l'occupation sans droit ni titre et à l'expulsion de M. X... et Mme Y... ainsi qu'à la fixation d'indemnité d'occupation,
- condamné solidairement M. X... et Mme Y... à payer à M. Jean-Pierre Z... une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens,
M. X... et Mme Y... ont relevé appel de ce jugement dont ils poursuivent l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions signifiées le 30 mai 2016, de :
au visa des articles 1134, 1142, 1322 à 1332, 583, 1589, 1591 et suivants, 1382 du code civil, 243 et suivants, 246 du code de procédure civile,
- dire valide la promesse de vente du 27 janvier 2006,
- dire qu'ils sont propriétaires des lots no 103, 118 et 130 de l'immeuble sis ..., moyennant le prix de 124.200 € et ce, depuis le 17 mars 2010, date de publication de l'assignation,
- dire que le présent arrêt emportera vente forcée et sera publié à la Conservation des Hypothèques (Service de la publicité foncière) de Paris,
- condamner M. Jean-Pierre Z... à leur payer la somme de 50.000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par sa réticence dolosive, de 9.406,38 € représentant le coût des peintures et enduits pratiqués en 2009 et du remplacement de la chaudière, ainsi qu'au remboursement de toutes les factures d'électricité sur production des factures,
- ordonner la compensation entre les dettes et créances respectives des parties,
- dire que le dépôt du solde du prix de vente à la Caisse des Dépôts et Consignations les libérera,
- condamner M. Jean-Pierre Z... au paiement de la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.
M. Jean-Pierre Z... prie la Cour, par dernières conclusions signifiées le 4 avril 2016, de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la promesse de vente alléguée n'était pas prouvée, et renvoyé les parties devant le tribunal d'instance du 9ème arrondissement pour le surplus,
- condamner M. X... et Mme Y... au paiement de la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens,
- subsidiairement, dire que l'acte intitulé : « annexe au contrat de location », daté du 27 janvier 2006 et enregistré le 30 janvier 2006, est nul et de nul effet, qu'il ne peut constituer une promesse de de vente valable du bien dont s'agit,
- dire nul et de nul effet l'acte intitulé : « contrat de location » daté du 8 février 2006 et enregistré le 13 février 2006,
- dire nul et de nul effet l'acte intitulé « contrat de location » daté du 1er février 2006,
- condamner M. X... et Mme Y... au paiement de la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens,
- renvoyer la cause et les parties devant le tribunal d'instance du 9ème arrondissement pour ce qui regarde la validité des contrats de location, l'exécution du bail, l'occupation sans droit ni titre, l'expulsion de M. X... et Mme Y..., la fixation d'indemnités d'occupation.
SUR CE
LA COUR
Il ressort des documents produits aux débats que les lots no 103, 118 et 130 de la copropriété du ..., qualifiés de « réserve » par le règlement de copropriété, ont été donnés à bail à Mme Y... par Madeleine A... veuve Z... le 22 juillet 2004 pour six années, le loyer mensuel, fixé à 690 € n'étant exigible qu'après l'exécution de travaux d'aménagement destinés à transformer ce local, inhabitable en l'état, pour l'habitation ; il était ainsi précisé que des travaux seraient entrepris par l'entreprise SND en vue de la création d'une cuisine, d'une salle de bains et WC, de l'installation d'un chauffage central et de l'électricité, de parquets, plafonds, peintures ;
Madeleine A... veuve Z... n'étant pas en mesure de financer ces travaux par la vente de l'un de ses biens, situé à Cagnes-sur-Mer et occupé par son fils adoptif M. Jean-Pierre Z..., a demandé à Mme Y... de les réaliser à ses frais moyennant engagement ferme de sa part de lui vendre ce bien moyennant douze fois le loyer annuel, et une annexe au contrat de location a été signée le 27 janvier 2006 pour récapituler les engagements des parties, modifiée par la suite avec l'acceptation de M. X... pour porter le chiffre des loyers représentant le prix de vente à quinze mois ; ce contrat a été enregistré à la Recette des Impôts du 10ème arrondissement le 30 janvier 2006 ;
Un nouveau contrat de location a été établi le 8 février 2006 entre Madeleine A... et les consorts Y... X..., enregistré le 13 février suivant à la Recette des Impôts ;
M. Jean-Pierre Z... soutient que les ratures et ajouts figurant auxdits actes, les différences constatées par l'expert entre les diverses signatures qui y sont apposées par Madeleine A... veuve Z... en compromettent l'authenticité et la valeur probante ;
Toutefois, il apparaît des pièces du dossier que Madeleine A... veuve Z... usait de signatures différentes et, en particulier, la rature apposée sur le chiffre « douze » sur le contrat du 27 janvier 2006 pour l'apposition du chiffre « quinze » en surcharge ne révèle pas de falsification qui pourrait être imputée à M. X... et Mme Y..., cette modification étant en faveur de Madeleine A... veuve Z... : le contrat récapitulatif du 8 février 2006 indique ainsi :
« Le montant des travaux payés par le preneur s'imputera intégralement sur le loyer.
Cette imputation s'appliquera à l'intégralité des sommes versées jusqu'à leur apurement. Le preneur renonce expressément à se prévaloir de l'absence de conformité aux normes minimales de confort et d'habitabilité et ne pourra solliciter aucune diminution de loyer en raison de l'état des lieux.
Le preneur s'engage à faire l'avance du règlement de tous les travaux exécutés par l'entreprise SND, mandatée par Madeleine A... veuve Z..., dans la limite de 35.000 € HT.
En contrepartie, le bailleur consent au preneur l'engagement ferme et irrévocable de lui vendre les biens immobiliers objet du contrat, moyennant le prix fixé à quinze fois le loyer annuel et ce durant dix années à compter de ce jour. Dés manifestation de cette volonté, laquelle devra intervenir dans les dix années à compter de ce jour, la vente sera parfaite puisque l'accord sur la chose et sur le prix seront réputés acquis. La signature de l'acte authentique interviendra dans les trois mois à compter de cette manifestation d'acquérir. La partie qui refuserait de signer l'acte pourra y être contrainte par toutes voies de droit et, notamment, par l'obtention d'un jugement valant cession forcée et transfert de propriété. Par cet engagement, le bailleur renonce à vendre à toute autre personne lesdits biens immobiliers, sauf décharge expresse du preneur contenant renonciation à la vente projetée. Faute de manifestation du preneur dans le délai imparti, le présent engagement sera caduc à l'issue d'un délai de dix ans. Toutes ces clauses s'imposent aux héritiers de Madeleine A... veuve Z... » ;
La teneur des engagements de Madeleine A... veuve Z..., certes confus et évolutifs, est néanmoins confortée par d'autres documents, notamment une lettre manuscrite adressée par celle-ci à M. X... et Mme Y... le 7 février 2006, ainsi que par un « État des comptes et décharges de loyers par compensation » qu'elle a rédigé, daté du 14 février 2006 ;
Il ressort encore d'extraits de jugements et d'arrêts produits aux débats que Madeleine A... veuve Z..., propriétaire de nombreux biens immobiliers en mauvais état, avait coutume de les donner en location moyennant exécution de travaux, puis de consentir une promesse de vente aux locataires en place sur les mêmes biens ;
Il suit de ces éléments que les dissemblances de signatures et de paraphes, bizarreries diverses de rédaction relevées par l'expert, minutieusement énumérées par M. Jean-Pierre Z... à ses écritures, ne sont pas significatives, d'autant plus que cet expert n'a pas disposé de pièces de comparaison lui permettant de vérifier la diversité des signatures de Madeleine A... veuve Z... ; dès lors, les contradictions et anomalies de détail dont s'agit n'affectent pas l'authenticité et la teneur globale des engagements de Madeleine A... veuve Z... qui sont suffisamment avérés par :
- les conclusions du rapport d'expertise de Mme B... qui indique, s'agissant des écrits des 27 janvier 2006, 1er février 2006, 8 février 2006 et 14 février 2006, « pour toutes les pages de l'ensemble de ces documents en mettant à part celles où l'authenticité même est rejetée de manière formelle, la mention « lu et approuvé » et la signature apposées sont « vraisemblablement » de la main de Madeleine A... veuve Z... », et qui émet l'hypothèse d'un montage pour certaines signatures sans être toutefois affirmative à cet égard,
- l'attestation du 16 décembre 2014 de Mme Danino, avocat dans le cabinet duquel lesdits actes ont été signés et qui témoigne de ce qui suit :
«J'ai longtemps hésité à vous répondre directement pour éviter tout conflit d'intérêts. Mais effectivement, en signant les actes en mon cabinet, je suis contrainte de vous considérer également comme étant mes clients. Compte tenu des règles déontologiques relatives au secret professionnel, je ne peux aborder que les questions relatives aux actes signés concernant la location et la vente du bien que vous occupez.
J'affirme que :
- l'entrée en jouissance, initialement fixée après les travaux d'aménagement et de remise en état n'a pu intervenir en janvier 2005 et vous désiriez alors renoncer à la location,
- des propositions vous ont alors été formulées à charge pour vous de faire l'avance des travaux et moyennant l'engagement de vous vendre les biens,
- le coût des travaux, initialement de l'ordre de 26.000 €, a été largement dépassé pour atteindre environ 35.000 €,
- tous les actes de cette affaire ont été établis par mes soins et conformément aux demandes de Mme Z... et à vos accords,
- tous les actes ont été signés dans mon bureau en présence de toutes les parties et Mme Z... était toujours présente,
- les originaux ont toujours été remis aux parties moyennant décharge signée par toutes les parties en mon cabinet et en ma présence,
- l'acte authentique devait être reçu par un notaire parisien auquel tous les documents avaient été transmis en vue d'une signature début janvier 2010... »,
ainsi que par l'enregistrement de ces accords qui a été effectué à la recette des impôts du 4ème arrondissement de Paris ;
La mention du loyer nominal initial aux différents contrats de location ne révèle aucune anomalie et a été logiquement reprise puisque ce loyer n'était exigible qu'à compter de l'entrée en jouissance des locataires, sans cesse reportée sous différents prétextes par Madeleine A... veuve Z... ;
Contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, la promesse de vente, dûment enregistrée dans les dix jours de son acceptation en application des dispositions de l'article 1589-2 du code civil, l'acceptation de cette promesse unilatérale par ses bénéficiaires résultant non seulement de l'apposition de leurs signatures sur ce document enregistré le 30 janvier 2006, mais encore de la phrase « les parties décident d'apporter les modifications suivantes au contrat », est valide et fait foi des engagements réciproques des parties, M. X... et Mme Y... s'engageant à exécuter 35.000 € de travaux et Madeleine A... veuve Z... s'engageant en contrepartie à leur vendre les biens désignés audit acte moyennant quinze fois le loyer annuel, soit 124.200 €, d'où il suit que la promesse de vente comporte les éléments essentiels relatifs à la vente : l'exécution des travaux pour un montant de 35.000 € avancé par M. X... et Mme Y... résultant des justificatifs versés aux débats, tels que constats d'huissier, facture et quittance de la société SND, il échet de constater la perfection de la vente par suite de l'échange des consentements sur la chose, soit un bien situé ... comprenant une entrée et deux pièces - et sur le prix – soit quinze loyers annuels - et d'en ordonner la réitération dans les termes fixés au dispositif ci-après, le jugement étant infirmé en toutes ses dispositions ;
M. X... et Mme Y... seront déboutés de leurs demandes accessoires, dès lors que leurs droits de propriétaires ne peuvent être fixés par anticipation à la date de signification de l'assignation introductive d'instance, qu'il n'est pas établi que M. Jean-Pierre Z... aurait fait dégénérer en abus sa résistance à leurs demandes, que le coût des travaux de réfection engagés en 2009, de travaux d'électricité et de remplacement de la chaudière ne saurait incomber à M. Jean-Pierre Z... qui n'a pas donné son accord pour l'exécution de ces travaux, tandis que le paiement de factures d'électricité incombe normalement au locataire ;
Le prix de vente étant fixé par la promesse de vente à la somme de 124.200 €, il appartiendra à M. X... et Mme Y... de consigner ce prix ou son solde à la CDC et d'en justifier pour en être valablement libérés ;
Le présent arrêt valant vente devra être publié au Service de la publicité foncière compétent ;
En équité, M. Jean-Pierre Z... sera condamné à payer à M. X... et Mme Y... la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Dit parfaite la vente conclue entre :
- d'une part, Jean-Pierre Z..., né le 10 janvier 1964 à Valenciennes (59300), demeurant ..., en sa qualité d'ayant droit de Madeleine A... veuve Z..., de nationalité française,
- d'autre part, Mme Corinne Y..., née le 23 avril 1969 à Paris, de nationalité française, demeurant ..., et M. Renato X..., né le 29 septembre 1942 à Casacanditella (Italie), de nationalité italienne, demeurant ...,
et portant sur les lots no 103, 118 et 130 du règlement de copropriété de l'immeuble sis ..., cadastré : Commune Paris 09 BF 38, publié le 1er août 1969 volume 2639 no 11, dont l'état descriptif de division a été publié le 9 février 1967 volume 6732 no 14,
moyennant le prix de vente de 124.000 €,
Dit qu'à défaut pour les parties de se présenter chez le notaire choisi par les acquéreurs, dont les références auront été dénoncées à M. Jean-Pierre Z... par lettre recommandée avec avis de réception, dans les trois mois de l'envoi de ladite lettre recommandée avec avis de réception, le présent arrêt vaudra vente et devra être publié comme tel au Service de la publicité foncière compétent,
Dit que le prix de vente étant fixé par la promesse de vente à la somme de 124.000 €, il appartiendra à M. X... et Mme Y... de consigner ce prix et d'en justifier pour en être libérés,
Ordonne la publication de l'arrêt au Service de la publicité foncière,
Condamne M. Jean-Pierre Z... à payer à M. X... et Mme Y... ensemble la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute autre demande,
Condamne M. Jean-Pierre Z... aux dépens de première instance incluant les frais d'expertise et d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,