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27/04/2017 | FRANCE | N°16/14063

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 27 avril 2017, 16/14063


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 8



ARRÊT DU 27 AVRIL 2017



(n° 307/17 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/14063



Décision déférée à la cour : jugement du 22 juin 2016 -juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris - RG n° 16/81013





APPELANTES



Sarl Crystal

N° SIRET : 319 114 351 00020

[Adresse

1]

[Localité 1]



Sarl Pralong

N° SIRET : 775 728 124 00030

[Adresse 1]

[Localité 1]



Sas société des Hôtels d'altitude

N° SIRET : 494 474 737 00017

[Adresse 1]

[Localité 1]



représentée...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8

ARRÊT DU 27 AVRIL 2017

(n° 307/17 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/14063

Décision déférée à la cour : jugement du 22 juin 2016 -juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris - RG n° 16/81013

APPELANTES

Sarl Crystal

N° SIRET : 319 114 351 00020

[Adresse 1]

[Localité 1]

Sarl Pralong

N° SIRET : 775 728 124 00030

[Adresse 1]

[Localité 1]

Sas société des Hôtels d'altitude

N° SIRET : 494 474 737 00017

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentées par Me Benoît Boussier de la Selarl Delsol Avocats, avocat au barreau de Paris, toque : P0513

assistées de Me Virginie O. Delannoy, avocat au barreau de Paris, toque : P0513

INTIMÉE

Société Gorsoan Limited, agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal ou statutaire domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

Chypre

représentée par Me Florence Guerre de la Selarl Pellerin - De Maria - Guerre, avocat au barreau de Paris, toque : L0018

assistée Me Ivan Urzhumov, avocat au barreau de Paris, toque : L0051

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 mars 2017, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Marie Hirigoyen, présidente de chambre

Mme Anne Lacquemant, conseillère

M. Gilles Malfre, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : M. Sébastien Sabathé

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Marie Hirigoyen, président et par M. Sébastien Sabathé, greffier présent lors du prononcé.

Faits procédure prétentions des parties

Par ordonnance du 18 décembre 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a autorisé la société de droit chypriote Gorsoan Ltd à pratiquer diverses mesures conservatoires à l'encontre des trois sociétés de droit français, Crystal, Pralong et société Hôtels d'altitude, ayant leur siège social à [Localité 1], pour garantie du paiement d'une créance d'indemnisation d'un montant en principal de 16 947 384 euros.

Les sociétés Crystal et Pralong dont les parts sociales ont été attribuées en totalité à la société Hôtels d'altitude, étant propriétaires de parcelles de terrain à [Localité 3], commune de [Localité 4], sur lesquelles ont été édifiés des hôtels lesquels ont été donnés en location ou en location-gérance aux sociétés Hotel Plan Ltd et Coucou Casse Cou, ont été diligentées :

- le 13 janvier 2016, une saisie conservatoire des loyers entre les mains de la société Hôtel Plan, dénoncée le 18 janvier 2016 à la société Crystal,

- le 13 janvier 2016, une saisie conservatoire des loyers entre les mains de la société Coucou Casse Cou, dénoncée le 18 janvier 2016 à la société Pralong,

- le 14 janvier 2016 des saisies conservatoires de valeurs mobilières ou droits d'associés entre les mains des sociétés Crystal et Pralong, dénoncées le 18 janvier 2016 à la société des Hôtels d'altitude.

Par ailleurs, un nantissement judiciaire provisoire a été inscrit sur le fonds de commerce de l'hôtel du [Localité 5], dénoncé le 25 janvier 2016 à la société Pralong.

Autorisées à assigner à bref délai, les sociétés Crystal, Pralong et Hôtels d'altitude ont, par acte d'huissier du 25 mars 2016, délivré assignation à la société Gorsoan aux fins de rétractation de l'ordonnance du 18 décembre 2015 et mainlevée des mesures conservatoires.

Par jugement en date du 22 juin 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a rejeté l'ensemble des demandes, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné les sociétés demanderesses aux dépens.

Le 24 juin 2016 les sociétés Crystal, Pralong et Hôtels d'altitude ont relevé appel de la décision.

Par dernières conclusions en date du 28 février 2017, elles demandent à la cour, vu les règlements CE n° 44/2001 du 22 décembre 2001 dit Bruxelles I et CE n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 dit Bruxelles I bis, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, les articles R. 121-12, R. 512-1, L. 111-7, L. 121-2, L. 512-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, 706-143 et 706-145 du code de procédure pénale, de rejeter des débats les pièces en langue grecque ou anglaise numérotées 8/ 8 bis, 14,/14 bis et 18/18 bis, de débouter la société Gorsoan de l'intégralité de ses demandes, d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de dire et juger que le juge de l'exécution n'avait pas compétence pour autoriser les saisies conservatoires pratiquées entre les mains des sociétés Hôtels Plan Limited, Coucou Casse Cou, Crystal, Pralong et Hôtels d'altitude compte tenu des décisions exécutoires dont bénéficie la société Gorsoan, en conséquence, d'ordonner la rétractation de l'ordonnance sur requête en date du 18 décembre 2015, d'ordonner la mainlevée de l'intégralité des mesures conservatoires pratiquées par la société Gorsoan en vertu de cette ordonnance, de condamner la société Gorsoan Limited à payer à chacune des sociétés Crystal, Pralong et société des Hôtels d'altitude la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions en date du 25 janvier 2017, la société Gorsoan demande à la cour, vu le règlement CE 44/2001 du 22 décembre 2000 et le règlement UE n°1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matières civile et commerciale, vu les articles L. 511-1 et suivants et R. 511-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, 493 et 498 du code de procédure civile, de débouter les appelantes de leur demande de rejet des pièces par elle communiquées sous les numéros 8/8 bis, 14/14 bis et 18/18 bis, de les débouter de l'intégralité de leurs demandes, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel et de condamner les sociétés Pralong, Crystal et Hôtels d'altitude, à lui verser la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

SUR CE

- Sur la demande de rejet de pièces

Les appelantes sollicitent le rejet des débats des pièces communiquées par Gorsoan numérotées 8/8bis, 14/14bis, 18/18bis, au motif que la pièce n°14 (Résolution n°1 du 24 mars 2004 adoptée par Rigroup Inc portant la décision de constituer la société Rigroup OOO ) n'est accompagnée que d'une traduction libre et les pièces 8 et 18 (contrat de cession n°1 du 12 avril 2010 entre Gazprombank et Gorsoan et rapport du mandataire judiciaire de la société Moitk en date du 24 janvier 2013) de traduction d'extraits pertinents alors que seules des traductions assermentées et intégrales des pièces produites en langue étrangère sont recevables.

Mais, avec ses dernières conclusions, la société Gorsoan a communiqué la traduction intégrale et assermentée de la pièce n°14.

Par ailleurs, la recevabilité des pièces rédigées en langue étrangère n'est pas subordonnée à la production d'une traduction intégrale de sorte que les pièces 8 et 18, accompagnées de traductions assermentées d'extraits pertinents sont parfaitement recevables, étant observé qu'il n'est pas contesté que les mêmes pièces 8 et 18 traduites par extraits ont été produites en première instance sans critique de la part des sociétés appelantes.

Il n'y a donc pas lieu à rejet de pièces.

- Sur la compétence du juge français

La société Gorsouan critique le jugement pour avoir retenu la compétence du juge français au visa de l'article 35 du règlement UE n°1215/2012 du 12 décembre 2012, dit Bruxelles I bis, nonobstant l'introduction auprès du tribunal de district de Limassol d'une procédure au fond, toujours pendante. Elle soutient que, saisie en premier, la juridiction chypriote a compétence exclusive pour ordonner des mesures conservatoires ou des mesures d'exécution comme elle l'a déjà fait, que procéder différemment et selon la tentative de Gorsoan, qui sollicite du juge français une mesure conservatoire, serait en outre une atteinte au principe de l'unicité du procès dès lors qu'elle permettrait à un plaignant de saisir deux juridictions différentes au seul motif qu'elles seraient de deux ordres de juridictions différents pour solliciter, en méconnaissance du principe de l'autorité de la chose jugée, les mêmes mesures.

L'article 35 du règlement UE n°1215/2012 du 12 décembre 2012 admet la compétence des juridictions d'un Etat membre pour statuer sur une demande de mesures provisoires ou conservatoires même si les juridictions d'un autre Etat membre sont compétentes pour statuer sur le fond du litige, dès lors qu'existe un lien de rattachement réel entre l'objet de la mesure sollicitée et la compétence territoriale de l'Etat du juge saisi.

Les mesures provisoires ou conservatoires visées s'entendent des mesures qui, dans les matières relevant du champ d'application du règlement, sont destinées à maintenir une situation de fait ou de droit afin de sauvegarder des droits dont la reconnaissance est par ailleurs demandée au juge du fond.

Tel est le cas des mesures de saisie conservatoire et de nantissement provisoire sollicitées du juge de l'exécution, lesquelles portent sur des biens situés en France.

La procédure introduite par la société Gorsoan devant le tribunal de district de Limassol à Chypre, Etat membre, ne fait donc pas obstacle à la compétence du juge français résultant de l'article 35 du règlement UE précité auquel ne dérogent pas les articles 39 à 41 relatifs à la reconnaissance réciproque des titres exécutoires, dont les appelantes se prévalent à tort au soutien de leur exception.

L'exception d'incompétence a été rejetée à juste titre.

- Sur l'autorité de chose jugée

Il est constant que la société Gorsoan et la société de droit russe Gazprombank OJSC, la première aux droits de la seconde, ont assigné devant le tribunal de Limassol trente défendeurs dont les trois sociétés Crystal, Pralong et société des Hôtels d'altitude en responsabilité et paiement de dommages et intérêts à raison de leur participation à des transactions frauduleuses, l'assignation en date du 3 août 2012 explicitant ainsi les fautes dont il est recherché réparation : "fraude ou complot visant à commettre une escroquerie, escroquerie des créanciers, complot illicite, assistance à une violation de contrat, interférence illicite, dommage occasionné par des moyens illicites, assistance malhonnête à l'abus de confiance ou au manquement à l'obligation fiduciaire".

Le tribunal de Limassol a rendu deux décisions en date des 14 août 2012 et 6 mars 2013.

L'ordonnance du 14 août 2012 fait interdiction "aux défendeurs 1 à 15 [dont font partie les trois sociétés] et à chacun des défendeurs individuellement, directement ou indirectement, par l'intermédiaire de leurs employés, de leurs mandataires ou de toute autre personne morale ou physique, de transférer, remettre par donation, vendre, transmettre, gager, hypothéquer, aliéner ou minorer, de quelque manière que ce soit, leurs actifs à Chypre et/ou en tout lieu dans le monde à hauteur du montant de 26 344 765 US dollars [ ou 16 947 384 euros]...que ces actifs soient à leur nom ou au nom d'autres personnes, ou leur appartiennent exclusivement, conjointement ou individuellement, en tant que tels ou en tant que fonds de dépôt ou tout autre forme de propriété, directement ou indirectement par l'intermédiaire d'autres entités physiques ou morales' jusqu'à la conclusion définitive de l'action en justice'.

La même décision a réservé le droit des sociétés visées d'engager des dépenses pour la satisfaction des obligations commerciales usuelles, ainsi que pour les frais de justice conformément aux barèmes du tribunal applicables à la présente affaire, dans la limite de 10 000 dollars US par mois, en énonçant : « Il est entendu que la présente ordonnance n'empêche pas les Défendeurs 1-15 ou l'un d'entre eux d'engager des dépenses selon les modalités suivantes...".

Le 6 mars 2013, le tribunal du district de Limassol a enjoint aux défendeurs dont les sociétés Crystal, Pralong et société des Hôtels d'altitude de divulguer l'ensemble de leurs avoirs d'une valeur supérieure à 10 000 euros en ces termes:

« 1. L'ordonnance ['] comme elle fut fixée le 14/08/2012 par le Tribunal, devient absolue par la présente.

2. [Le Tribunal] ordonne aux défendeurs 1 à 15 et à chacun d'entre eux, dans un délai de 14 jours de la signification de la présente ordonnance, de divulguer dans une déclaration sous serment tous leurs avoirs à Chypre et/ou à quelque endroit que ce soit dans le monde entier, d'une valeur de plus de €10.000, ainsi que leur endroit, qu'ils en soient les seuls propriétaires ou qu'il y ait une propriété partagée ou conjointe de manière absolue ou par le moyen de fiducie ou autre forme de propriété et directement ou indirectement par le moyen d'autres personnes ou sociétés et d'annexer à la déclaration concernée tous les documents pertinents, justifiant l'existence et l'endroit des avoirs concernés. »

Les deux ordonnances des 14 août 2012 et 6 mars 2013 ont fait l'objet de déclarations du greffier en chef du tribunal de grande instance de Paris en date des 1er février et 27 mai 2013 constatant leur caractère exécutoire conformément au règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, qui ont été confirmées par arrêt de cette cour d'appel du 20 mai 2014.

Le 19 mars 2015, Mme [F], défenderesse désignée par la société Gorsouan comme bénéficiaire économique des sociétés propriétaires des hôtels et véritable maître de l'affaire, a saisi le tribunal du district de Limassol d'une demande de sursis à exécution de l'injonction de divulguer qui a été rejetée par jugement du 30 décembre 2016.

Les sociétés appelantes invoquent le caractère exécutoire des ordonnances des 14 août 2012 et 6 mars 2013 pour soutenir que le juge français ne pouvait à nouveau se prononcer sur l'opportunité de mesures conservatoires sans violer le principe de reconnaissance d'une décision d'un Etat membre et l'autorité de chose jugée y attachée.

Cependant, l'autorité de chose jugée invoquée, qui est l'autorité négative ayant pour effet d'empêcher le renouvellement du procès, suppose la triple identité de parties, d'objet et de cause. Or, les mesures ordonnées par le juge chypriote n'ont pas le même objet que celles autorisées en France.

La mesure ordonnée le14 août 2012 est une interdiction de toutes opérations sur les actifs des sociétés où qu'ils soient situés, dans la limite d'une certaine somme, aboutissant au gel des avoirs. Une telle injonction, connue dans les systèmes de common law comme injonction Mareva, est reconnue dans l'ordre public international comme une mesure provisoire et conservatoire de nature civile. Elle a pour objet d'empêcher que le débiteur n'organise son insolvabilité en lui interdisant de disposer de ses biens, sous la forme d'une injonction personnelle assortie de sanctions et se distingue de la saisie conservatoire du droit français de l'exécution en ce que, opérant in personam et non in rem, elle ne rend pas juridiquement indisponibles les biens visés.

La réserve qui permet aux sociétés dont les avoirs sont gelés de disposer d'une somme de 10 000 dollars par mois pour leurs frais de fonctionnement, est un simple aménagement de l'interdiction qui ne modifie pas la nature de celle-ci, étant observé que les appelantes prétendent sans en justifier que les mesures litigieuses entravent l'accès au seuil de liquidités maintenu à leur disposition alors même qu'elles n'ont pas déféré à l'injonction de divulgation qui permet de vérifier la mise en oeuvre effective du gel comme il est rappelé dans le jugement du tribunal de Limassol du 30 décembre 2016 ayant rejeté la demande de suspension de l'ordonnance de divulgation.

L'objet des mesures conservatoires litigieuses dont la société Gorsoan souligne qu'il s'agit de mesures complémentaires, est donc distinct de celui de la mesure de gel des avoirs prononcée par le juge chypriote.

Il s'ensuit que l'autorité de chose jugée attachée aux décisions du juge chypriote ne prive pas les créanciers du droit de solliciter les mesures conservatoires propres à garantir le recouvrement de leurs créances et ce, y compris dans un autre Etat membre où se trouvent les avoirs gelés dès lors que la condition du lien de rattachement réel est remplie.

En conséquence, le premier juge doit être approuvé pour avoir dit que les mesures autorisées ne contrevenaient pas à l'autorité de la chose jugée par les juridictions chypriotes.

- Sur le bien fondé des mesures conservatoires

Selon l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

La société se prévaut d'une créance délictuelle à l'encontre d'un groupe de personnes dont les trois sociétés appelantes qui auraient participé à la mise en 'uvre d'opérations frauduleuses ayant provoqué ou aggravé l'insolvabilité de trois sociétés de droit russe, aujourd'hui en liquidation judiciaire, débitrices de Gorsoan, elle-même aux droits de la société Gazprombank, au titre d'emprunts obligataires qu'elles ont émis ou garantis, objet de l'action soumise au tribunal de Limassol.

Les sociétés intimées dénoncent des affirmations péremptoires et estiment qu'il n'est pas caractérisé de créance apparente en l'absence d'une décision au fond. Elles font grief au jugement de retenir les allégations de la société Gorsoan sans se livrer à une analyse permettant de déterminer la réalité d'une créance apparente et sans s'interroger sur l'absence de responsabilité in solidum pourtant expressément retenue par les juridictions chypriotes.

Le principe de créance est caractérisé à suffisance par les décisions du tribunal de Limassol ayant accordé puis confirmé la mesure de gel des avoirs laquelle est subordonnée par l'article 32 de la loi chypriote 14/60 à une demande "à première vue fondée" et ayant de bonnes chances d'aboutir et par les décisions de la même juridiction en date des 15 novembre 2013 et 6 octobre 2014 ayant rejeté les exceptions d'incompétence et de nullité soulevées par les défendeurs, toutes décisions qui ont autorité de chose jugée.

Il convient de souligner que la décision du 6 mars 2013 admet les faits constitutifs de fraude en relevant à partir des documents produits "que les fonds reçus [de l'émission] des obligations n'ont pas servi aux fins pour lesquelles ils avaient été collectés mais ont été dirigés vers des sociétés dans divers pays au profit des conspirateurs" et en mettant en évidence "la relation de chacune des défenderesses essentielles avec la fraude". Par ailleurs, le rejet de la demande d'annulation de l'assignation au fond, prononcé par la décision du 15 novembre 2013, se réfère notamment au contenu de la déclaration sous serment du 10 août 2012 "qui montre qu'il existe une demande valable présentée par les demandeurs contre tous les défendeurs".

De plus, une information pénale ayant été ouverte des chefs de blanchiment en bande organisée, détournement de fonds publics et faux et usage de faux administratifs, par ordonnance du 21 août 2015, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris a autorisé la saisie pénale des biens de Mme [F], situés en France, aux motifs que l'ensemble des éléments permettent de soupçonner que les biens acquis en France en 2006 et 2007 correspondent à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit indirect des délits commis en Russie, qu'il semblerait que ces biens ont pour véritable propriétaire Mme [F] laquelle a tenté de dissimuler cette réalité au travers de sociétés fictives, opaques, créées à cette seule fin ou encore de montages juridiques sans justification et qui est le bénéficiaire économique des deux hôtels de [Localité 3].

Le principe de créance est ainsi établi à l'égard des trois sociétés saisies, la société Gorsouan poursuivant une condamnation solidaire des coauteurs du délit dont les liens sont suffisamment caractérisés.

Quant au risque sur le recouvrement de la créance, il résulte suffisamment de la nature pénale des faits à l'origine de la créance, du montant même de cette créance supérieure à 16 millions d'euros, du défaut d'exécution de l'injonction de divulgation des biens d'une valeur supérieure à 10 000 euros, de l'absence de publication des comptes des societés Pralong et Crystal depuis 2002 et des saisies pénales opérées sur les hôtels, publiées le 1er septembre 2015 soit antérieurement à l'inscription de l'hypothèque judiciaire déposée par Gorsouan le 27 octobre 2015, étant souligné que la sûreté antérieure dont font état les sociétés appelantes au bénéfice de la société Gorsouan correspond en réalité à la publication des déclarations constatant le caractère exécutoire des ordonnances du tribunal de Limassol en date des 14 août 2012 et 6 mars 2013.

La société Gorsouan produit en outre un rapport du cabinet d'investigations ARCA dont il résulte que les sociétés appelantes ne disposent pas de comptes bancaires en France.

Ainsi, l'existence d'un risque quant au recouvrement de la créance est avérée et les mesures autorisées n'apparaissent pas disproportionnées au regard du montant de la créance d'indemnisation.

Il sera relevé qu'il a été satisfait à la condition d'introduction d'une procédure au fond dans le mois de l'exécution de la mesure conservatoire dès lors que la saisine du tribunal de Limassol est antérieure aux mesures en cause.

C'est donc par une juste appréciation que le premier juge a débouté les sociétés de leur demandes en rétractation d'ordonnance et mainlevée des mesures conservatoires.

Le jugement mérite confirmation également en ce qu'il a par voie de conséquence débouté les sociétes Pralong, Crystal et Hôtels d'altitude de leur demande de dommages et intérêts. La demande de dommages et intérêts complémentaires pour saisies abusives sera rejetée faute de preuve d'un quelconque abus.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de condamner les sociétés Pralong, Crystal et Hôtels d'altitude à payer à la société Gorsouan la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Parties perdantes les sociétés Pralong, Crystal et Hôtels d'altitude supporteront les dépens ce qui conduit à les débouter de leurs demandes d'indemnisation de leurs propres frais.

PAR CES MOTIFS

Dit n'y avoir lieu à rejet de pièces,

Confirme le jugement,

Y ajoutant

Condamne les sociétés Pralong, Crystal et Hôtels d'altitude à payer à la société Gorsouan la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre demande,

Les condamne aux dépens d'appel

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 16/14063
Date de la décision : 27/04/2017

Références :

Cour d'appel de Paris G8, arrêt n°16/14063 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-27;16.14063 ?
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