RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 27 Avril 2017
(n° 282 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01122
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY RG n° 13/02469
APPELANT
Monsieur [C] [H]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
né le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 1]
représenté par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : C 159
INTIMEE
SA AIR FRANCE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Aurélien BOULANGER, avocat au barreau de PARIS, toque : T03 substitué par Me Laurence JULIEN-LAFERRIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : T03
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 Février 2017, en audience publique, double rapporteur devant la Cour composée de :
Madame Catherine BEZIO, Président de chambre
Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-président placé
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Catherine BEZIO, Président de chambre
Mme Patricia DUFOUR, conseiller
Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-président placé
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine BEZIO, Président et par Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, greffière présente lors du prononcé.
Faits et procédure :
Monsieur [C] [H] a été engagé par la Société AIR FRANCE par un contrat à durée indéterminée à compter du 12 décembre 1977, en qualité d'agent de vente « statutaire », puis a été titularisé le 01 janvier 1982.
Monsieur [H] a quitté les effectifs de l'entreprise le 30 septembre 2008 après un licenciement pour cause réelle et sérieuse. Il a souhaité faire procéder à la liquidation de sa pension de retraite auprès des organismes de sécurité sociale et de retraite complémentaire le 1er octobre 2011.
Compte-tenu du montant des salaires retenus par les organismes de retraite mentionnés dans son relevé de carrière, et en l'absence d'éléments transmis par la Société AIR FRANCE malgré ses demandes réitérées, Monsieur [H] a saisi le Conseil de Prud'hommes de PARIS, en référé, afin d'obtenir la production de ses bulletins de salaire pendant ses périodes d'expatriation.
Par décision en date du 24 mai 2013, confirmée par arrêt de la Cour d'Appel de PARIS en date du 20 février 2014, le Conseil de Prud'hommes de PARIS s'est déclaré incompétent au profit du Conseil de Prud'hommes de BOBIGNY.
Par jugement en date du 18 décembre 2014, le Conseil de Prud'hommes de PARIS a débouté Monsieur [H] de l'intégralité de ses demandes.
Monsieur [H] a interjeté appel de cette décision dont il sollicite l'infirmation. Il demande à la Cour d'ordonner à la SA AIR FRANCE de lui remettre ses bulletins de salaire entre mai 1986 et décembre 1989 inclus, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard et par document. Il demande également à la Cour de se réserver la liquidation de l'astreinte. Il sollicite en outre la condamnation de la SA AIR FRANCE au paiement de la somme de 4000 euros à titre de dommages-intérêts en vertu des dispositions de l'article L 1222-1 du Code du travail. Il sollicite la capitalisation des intérêts. Enfin, Monsieur [H] demande la condamnation de la SA AIR FRANCE au paiement de la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre 35 euros au titre de l'article 1635 bis Q du Code général des impôts.
L'employeur conclut à la confirmation du jugement et au rejet de l'ensemble des demandes de Monsieur [H]. Il demande également la condamnation de Monsieur [H] au paiement de la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 9 février 2017, reprises et complétées à l'audience.
MOTIVATION,
La Cour relève que la Société AIR FRANCE ne fait valoir aucun moyen quant à la prescription éventuelle de l'action intentée par l'appelant.
S'agissant de l'obligation de remise des bulletins de salaire, la Société AIR FRANCE affirme les avoir remis à Monsieur [H], soulignant que ce dernier n'a formulé aucune réclamation au cours de la relation de travail et ajoutant qu'il ne verse aucun élément de nature à démontrer l'absence de remise desdits documents. Elle ajoute qu'avant la loi du 02 juillet 1998, qui impose aux employeurs de conserver pendant 05 ans un double des bulletins de paie des salariés ou des bulletins de paie remis aux salariés sous forme électronique, elle n'était tenue par aucune obligation de conservation.
Monsieur [H], après avoir rappelé qu'il dispose de 30 ans pour réclamer la remise des bulletins de salaire que son employeur ne lui a pas remis auparavant, en application de la prescription de droit commun résultant des dispositions de l' ancien article 2262 du Code civil, expose que son employeur ne lui a jamais remis ses bulletins de salaire lorsqu'il était expatrié au Vietnam puis en Chine (entre le 18 mai 1986 et le 31 décembre 1989), se contentant de lui adresser des documents nommés « bilto » en lieu et place de ses bulletins de salaire, versés aux débats.
Il résulte des dispositions de l'article L 3243-2 du Code du travail, lors du paiement du salaire, l'employeur remet aux personnes mentionnées à l'article L 3243-1 une pièce justificative dite bulletin de paie.
Dès lors, il appartient à l'employeur d'établir qu'il a exécuté son obligation de remise du bulletin de paie au salarié.
Or la Société AIR FRANCE se borne à affirmer qu'elle a remis ses bulletins de paie à Monsieur [H] et qu'elle est déchargée de l'obligation de conservation de ces documents.
Cependant, la société AIR FRANCE ne verse aucun élément de preuve établissant cette remise, alors que le bulletin de salaire est portable , et le moyen relatif à l'absence d'obligation de conservation d'un double des bulletins de salaire, antérieurement à la loi du 2 juillet 1998, s'avère inopérant : cette obligation de conservation est, en effet, distincte et indépendante de l'obligation préalable de remise du bulletin de salaire qui incombe à l'employeur .
Compte-tenu de l'obligation de remise du bulletin de salaire et de la charge de la preuve de cette remise -non rapportée en l'espèce- c'est à bon droit que Monsieur [H] sollicite que soit ordonnée à la société AIR FRANCE , la remise de ses bulletins de salaire correspondant à la relation de travail entre le 18 mai 1986 et le 31 décembre 1989.
Au regard de l'absence de diligences utiles au cours de la procédure écoulée, déjà longue, et au regard des enjeux relatifs à l'évaluation du montant de sa retraite, pour Monsieur [H], il convient d'assortir cette décision d'une astreinte, dont la Cour se réserve la liquidation. De même, toujours au regard des enjeux lié à la retraite, du temps écoulé et de l'absence de démarches constructives de la part d'une société dont la taille et les moyens doivent lui permettre de répondre utilement à la demande d'un de ses anciens salariés, il y a lieu de fixer l'astreinte à la somme de 150 euros par jour et par document, l'astreinte courant deux mois après la notification de la présente décision pendant un délai de 6 mois.
Les énonciations qui précèdent permettent de caractériser, envers lui, un manquement de la Société AIR FRANCE à l' obligation d'exécution loyale du contrat de travail, prescrite par les dispositions de l'article 1222-1 du code du travail. En réparation du préjudice moral et matériel qui en résulte pour l'appelant, la cour alloue à celui-ci une indemnité de 3000 € .
Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé, en toutes ses dispositions.
En application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile il y a lieu de condamner la Société AIR FRANCE au paiement de la somme requise de 1500 euros à Monsieur [H] et aux entiers dépens en ce compris le coût du timbre de procédure s'élevant à 35 euros.
PAR CES MOTIFS,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
STATUANT à nouveau et Y AJOUTANT,
ORDONNE à la Société AIR FRANCE de remettre à Monsieur [H], les bulletins de salaire pour la période du 18 mai 1986 au 31 décembre 1989, sous astreinte de 150 euros, par jour et par document, commençant à courir deux mois après la notification du présent arrêt, et ce, pendant un délai de six mois passé lequel il sera, à nouveau, statué ;
DIT que la Cour se réserve la liquidation de l'astreinte,
CONDAMNE la Société AIR FRANCE au paiement à Monsieur [H] de la somme de 3000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision,
CONDAMNE la Société AIR FRANCE aux entiers dépens, en ce compris la somme de 35 euros, coût du timbre de procédure,
CONDAMNE la Société AIR FRANCE au paiement à Monsieur [H] de la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La Greffière Le Président