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26/04/2017 | FRANCE | N°16/00342

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 7, 26 avril 2017, 16/00342


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 7



ARRET DU 26 AVRIL 2017



(n° 17 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/00342



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Novembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 15/00862





APPELANTE



SAS LE PARISIEN LIBERE Éditrice du journal LE PARISIEN, agissant poursuites et diligences en

la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 332 89 0 3 599



Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avoca...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 7

ARRET DU 26 AVRIL 2017

(n° 17 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/00342

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Novembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 15/00862

APPELANTE

SAS LE PARISIEN LIBERE Éditrice du journal LE PARISIEN, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 332 89 0 3 599

Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515, avocat postulant

Assistée de Me Basile ADER, avocat au barreau de PARIS, toque : T11, avocat plaidant

INTIME

Monsieur [M] [G]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 1]

Représenté et assisté par Me Alexandre BLONDIEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D1517, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 Février 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sophie PORTIER, Présidente de chambre

M. Pierre DILLANGE, Conseiller

Mme Sophie- Hélène CHATEAU, Conseillère

qui en ont délibéré sur le rapport de Sophie-Hélène CHATEAU

Greffier, lors des débats : Mme Maria IBNOU TOUZI TAZI

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Sophie PORTIER, président et par Mme Maria IBNOU TOUZI TAZI, greffier présent lors du prononcé.

*

* *

[M] [G] a assigné, par acte en date du 9 janvier 2015, la société LE PARISIEN LIBÉRÉ,éditrice du journal Le Parisien, au visa des articles 9 du Code civil et 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, demandant au tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de :

Débouter la société LE PARISIEN LIBÉRÉ de sa demande de requalification de l'action et par conséquent de constater la validité de l'acte introductif d'instance,

Condamner la société LE PARISIEN LIBÉRÉ à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte portée à son droit à l'image, outre la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Le demandeur exposait qu'avait été mis en ligne le 20 mars 2014, sur le site internet www.leparisien.fr, à la suite d'un article intitulé « Champs-Elysées : une voiture s'engouffre dans une bouche de métro » rapportant la mésaventure du demandeur qui, au volant de son automobile, avait confondu l'entrée d'un parking avec une bouche de métro sur les marches de laquelle sa voiture était restée bloquée, un tweet comportant un cliché photographique le représentant à coté de sa voiture engagée sur les marches donnant accès au métro, tenant à la main un téléphone portable, entouré d'une foule de badauds et que, travaillant « comme manager dans l'automobile », une atteinte avait été portée à son image, par la reproduction de ce cliché lui ayant occasionné de nombreuses moqueries de ses collègues ;

Par les conclusions, signifiées par voie électronique le 3 mars 2015, la société LE PARISIEN LIBÉRÉ sollicitait, à titre liminaire, en application de l'article 12 du Code de procédure civile la requalification des faits incriminés sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881, la nullité de l'assignation et la prescription de l'action en application des articles 53 et 65 de ladite loi, subsidiairement, l'irrecevabilité de la demande faute d'identification du demandeur et, en tout état de cause, au débouté des demandes en l'absence d'atteinte au droit à l'image et à l'allocation d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure;

Par jugement contradictoire, en date du 9 novembre 2015, la 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris statuant en matière civile,

a débouté la société LE PARISIEN LIBÉRÉ de sa demande de requalification des faits et de celles tendant à la nullité de l'assignation et à la prescription de l'action,

a déclaré [M] [G] recevable en son action,

a condamné la société LE PARISIEN LIBÉRÉ à verser à [M] [G], à titre de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée à son droit à l'image sur le site internet www.leparisien.fr, la somme de 4 000 (quatre mille) euros, outre celle de 3 000 (trois mille) euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

a ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

a débouté les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,

a condamné la société LE PARISIEN LIBÉRÉ aux dépens.

La société LE PARISIEN LIBÉRÉ a interjeté appel le 16 décembre 2015.

Par conclusions, signifiées par RPVA le 22 janvier 2016, la société appelante demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

A titre liminaire, vu l'article 12 du Code de procédure civile,

de requalifier l'action sur le fondement de l'article 29 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881.

de constater la nullité de l'assignation en application de l'article 53 de cette loi, et la

prescription de l'action en application de son article 65.

De dire en tout cas l'action irrecevable et mal fondée.

En conséquence,

de débouter Monsieur [G] de l'intégralité de ses demandes.

Le condamner à rembourser la somme de 7.000 € versées à l'intimé en raison de l'exécution provisoire du jugement

Le condamner à verser à la concluante une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article700 du code de procédure civile, et en tous les dépens de l'instance dont distraction, pour ceux qui le concernent, au profit de Maître Nadia BOUZIDI-FABRE qui pourra en effectuer le recouvrement selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions, signifiées par RPVA le 26 février 2016, [M] [G] demande à la cour de :

Vu l'article 12 du Code de procédure civile,

Vu les articles 29 alinéa 1, 53 et 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse,

Vu l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales,

Vu l'article 9 du Code civil,

Confirmer en toutes ses dispositions le Jugement du 9 novembre 2015,

En conséquence,

Débouter l'appelante de toutes ses demandes,

Condamner la société Le Parisien Libéré à verser la somme de 3.000 euros à Monsieur [G] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2017 avant l'ouverture des débats le 22 février 2017

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.

SUR CE,

LA COUR,

Considérant que la société LE PARISIEN demande à la Cour, d'infirmer le jugement et de requalifier l'action dont il est saisi sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881, de constater que l'assignation ne s'est pas conformée aux dispositions de l'article 53 de cette loi, et d'annuler celle-ci et de constater la prescription de l'action, en application de son article 65, estimant qu'il est très clair que le préjudice que le demandeur entend voir réparer par le tribunal est exclusivement un préjudice d'atteinte à sa réputation, celui ci ayant fait l'objet de 'moqueries, la nouvelle ayant jeté le discrédit sur sa personne et ses capacités intellectuelles', alors que Monsieur [G] a, à l'évidence, commis une infraction, que ce comportement routier aurait pu avoir des conséquences très dommageables, et qu'il il s'agissait bien d'un fait dont l'imputation porte atteinte à l'honneur et à la considération au sens des dispositions de l'article 29 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881 ;

Considérant que s'il est exact que l'article 12 du Code de procédure civile impose au juge de « donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux », obligation d'autant plus impérative lorsqu'est en cause le principe à valeur constitutionnelle de la liberté d'expression qui implique que lorsque les faits incriminés relèvent d'une des infractions définies par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, le demandeur ne puisse, notamment pour échapper aux contraintes procédurales de cette dernière, se prévaloir pour les mêmes faits, de qualifications juridiques distinctes restreignant la liberté protégée par cette loi dans des conditions qu'elle ne prévoit pas, c'est toutefois par des motifs pertinents que les premiers juges ont estimé que le fait imputé au demandeur par le cliché photographique incriminé, à savoir la commission d'une maladresse sans conséquences dommageables pour autrui, ne saurait être considéré comme portant atteinte à l'honneur et à la considération au sens des dispositions de l'article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881; que c'est donc à juste titre que Monsieur [G] soutient que le débat ne porte pas sur la commission d'une éventuelle contravention au code de la route qui porterait atteinte à son honneur ou à sa considération , mais bien d'une atteinte à son image protégée par l'article 9 du code civil et l'article 8 de la CEDH , quelle que soit l'argumentation sur l'étendue du dommage qu'il allègue ; que la cour confirmera donc le jugement en ce qu'il a débouté la société LE PARISIEN de sa demande de requalification ;

Considérant que l'appelante soutient que la photographie ne permet pas de reconnaître le demandeur, avec la certitude qui pourrait le rendre recevable en son action ; qu'il serait un de ceux, parmi les 12 personnes visibles sur cette photographie, dont les traits sont difficilement identifiables en raison de la petite taille des visages ; que rien, dans l'attitude particulière d'une des personnes visibles sur la photographie, ne permet d'identifier le conducteur puisqu'elles sont plusieurs qui entourent la voiture, et qu'au moins cinq d'entre elles tiennent à la main un téléphone portable ;

Considérant que si effectivement sa seule silhouette penchée sur son téléphone à l'extérieur du véhicule ne permet pas de le reconnaître, cependant, la conjugaison de celle ci avec l'image de son véhicule, connu et reconnaissable par sa marque et numéro d'immatriculation par son entourage professionnel, a permis à quelques collègues de le reconnaître, tel qu'il ressort des mails et attestations produits, ce qui est suffisant pour caractériser son identification ; que la cour confirmera donc la recevabilité de la demande ;

Considérant que toute personne a sur son image un droit exclusif et absolu et peut s'opposer à sa fixation, à sa reproduction ou à son utilisation sans autorisation préalable, mais que ce droit doit se combiner avec l'exercice de la liberté de communication des informations, ce dont il résulte qu'une personne ne peut s'opposer à la réalisation et à la divulgation de son image chaque fois que le public a un intérêt légitime à être informé ;

Considérant donc que c'est à juste titre que l'appelant fait valoir que « le droit de l'individu sur son image peut céder devant la liberté d'informer dans l'intérêt légitime du public lorsque la personne en question a été impliquée dans un événement public », estimant qu'en l'espèce le cliché illustre de manière pertinente l'actualité de la veille au soir consacrée à « une scène insolite » qui s'est déroulée sur les [Localité 2], avec laquelle elle est en « lien direct » et ne porte nullement atteinte à la dignité de la personne humaine ; qu'en effet, la photographie litigieuse illustre de façon appropriée une information portant sur un fait divers particulièrement cocasse intervenu sur 'une des plus belles avenues du Monde' attirant un nombre de badauds important ; qu'il était légitime d'informer les lecteurs d'un journal local d'une telle situation rocambolesque et inédite située sur un lieu public particulièrement prestigieux, suscitant l'amusement de la foule ; que cette scène a été relayée par de nombreux autres journaux et sites Internet ; qu'ainsi la publication de cette photographie du demandeur, même prise dans des circonstances de sa vie étrangères à ses activités professionnelles, dès lors qu'elle n'a pour objet que d'illustrer un article concernant un événement d'actualité régionale dans lequel il était impliqué, est licite dans la mesure où elle ne présente pas une image de lui dégradante ou indigne ;

Qu'il ne peut pas plus être reproché au journal de ne pas avoir 'flouté' l'image de Monsieur [G] dont rien n'indiquait qu'il était le conducteur, celui-ci étant à l'extérieur du véhicule , penché sur son portable parmi d'autres spectateurs de la scène, également occupés à utiliser leur portable pour photographier ladite scène et qui n'a pu être reconnu par ses proches que par le lien qu'ils ont pu faire entre son véhicule et sa silhouette, laquelle n'est pas mise en évidence et se confond avec celle d'autres badauds ;

Considérant au surplus qu'il n'est résulté aucun préjudice de la diffusion litigieuse, les attestations produites ne faisant état que de son sentiment personnel et non pas des réactions de son entourage, si ce n'est humoristique ;

Considérant que la cour infirmera donc le jugement ayant retenu l'atteinte au droit à l'image et déboutera Monsieur [G] de ses demandes de dommages et intérêts ;

Sur les frais et dépens

Considérant que l'équité justifie que l'intimé, qui succombe à l'instance, supporte les frais irrépétibles exposés par la partie adverse ; qu'une somme de 3000€ est allouée à ce titre;

Qu'au surplus, il est condamné aux dépens de la procédure d'appel dont distraction, pour ceux qui le concernent, au profit de Maître Nadia BOUZIDI-FABRE qui pourra en effectuer le recouvrement selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société LE PARISIEN LIBÉRÉ de sa demande de requalification des faits et de celles tendant à la nullité de l'assignation et à la prescription de l'action,

Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré [M] [G] recevable en son action,

Infirme le jugement en ce qu'il a retenu l'atteinte au droit à l'image de [M] [G],

Déboute [M] [G] de l'intégralité de ses demandes,

Condamne [M] [G] à verser à la société LE PARISIEN une somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu' aux dépens de la procédure d'appel dont distraction, pour ceux qui le concernent, au profit de Maître Nadia BOUZIDI-FABRE qui pourra en effectuer le recouvrement selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE PRÉSIDENTLE GREFFIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 16/00342
Date de la décision : 26/04/2017

Références :

Cour d'appel de Paris C7, arrêt n°16/00342 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-04-26;16.00342 ?
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