La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/03/2017 | FRANCE | N°16/00207

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 31 mars 2017, 16/00207


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 2









ARRET DU 31 MARS 2017



(n°61, 11 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 16/00207





Décision déférée à la Cour : jugement du 22 septembre 2015 - Tribunal de commerce de PARIS - RG n°20130539







APPELANTS





M. [I] [S]


[Adresse 1]

[Localité 1]



S.A.S. ACADEMIE DE SOPHROLOGIE DE PARIS, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 2]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro


...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 31 MARS 2017

(n°61, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/00207

Décision déférée à la Cour : jugement du 22 septembre 2015 - Tribunal de commerce de PARIS - RG n°20130539

APPELANTS

M. [I] [S]

[Adresse 1]

[Localité 1]

S.A.S. ACADEMIE DE SOPHROLOGIE DE PARIS, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 2]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro

Association ACADEMIE SAVOIE-DAUPHINE DE SOPHROLOGIE CAYCEDIENNE, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège situé

[Adresse 3]

[Localité 3]

Association ECOLE DE SOPHROLOGIE CAYCEDIENNE DE L'ARTOIS, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège situé

[Adresse 4]

[Localité 4]

Association ECOLE DE SOPHROLOGIE CAYCEDIENNE DU LANGUEDOC, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège situé

[Adresse 5]

[Localité 5]

Association SOPHRAGORA, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège situé

[Adresse 6]

[Localité 6]

Représentées par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque L 0044

Assistées de Me Luc BROSSOLLET plaidant pour la SCP D'ANTIN - BROSSOLLET, avocat au barreau de PARIS, toque P 336

INTIMEE

S.A.R.L. SOFROCAY, venant aux droits de la FONDATION CAYCEDO, ACADÉMIE INTERNATIONALE DE SOPHROLOGIE CAYCÉDIENNE, société de droit andorran, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 7]

[Localité 7]

Représentée par Me Catherine LEFEBVRE, avocat au barreau de PARIS

Me Virginie KLEIN, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, toque PN 402

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 4 janvier 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Colette PERRIN, Présidente, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Véronique RENARD, Conseillère

Mmes Colette PERRIN et Véronique RENARD ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Colette PERRIN, Présidente

Mme Sylvie NEROT, Conseillère

Mme Véronique RENARD, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Colette PERRIN, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Dans les années 1960, le professeur [U], médecin psychiatre, a créé la sophrologie dans le cadre de son activité de psychiatrie hospitalière à Madrid.

Ayant constaté la vulgarisation du terme sophrologie, il a déposé à partir de 1989 à l'international un certain nombre de marques dont celles de 'sophrologie caycédienne', 'Méthode [U] ou Méthode Isocay ou SofrocayVivential System.

Il a créé en Andorre la Fondation [U] devenue la société Sofrocay qui a pour objet de délivrer un enseignement sanctionné par un master en sophrologie caycédienne.

En 1991, la société Sofrocay a délégué l'enseignement du premier cycle de formation à des écoles ou académies dont 26 sur le territoire français sur la base d'un code déontologie et d'un bulletin d'adhésion annuel.

Le professeur [X] a créé l'Académie de Sophrologie de Paris qui a été désignée comme déléguée de la société Sofracay.

Les relations entre la société Sofracay et six de ces écoles se sont dégradées lorsque l'Académie de Sophrologie de Paris a obtenu son classement par la Commission Nationale de Certification Professionnelle et qu'elle a entendu en faire profiter d'autres écoles dans le cadre d'un réseau.

La société Sogfrocay a considéré que la création de ce réseau était en infraction avec les engagements contractuels des écoles déléguées et a résilié ses engagements avec celles-ci ce dont elle a avisé les élèves;

La société Académie de Paris et cinq autres écoles ont considéré que la société Sofrocay avait, en s'adressant directement à leurs élèves, commis de actes de dénigrement constitutifs de concurrence déloyale.

C'est dans ces conditions que par acte du 10 octobre 2013, les sociétés Académie de Sophrologie de Paris, Académie Savoie-Dauphiné de Sophrologie Caycédienne, l'Ecole [Établissement 1], l'Ecole de Sophrologie Caycédienne [Établissement 2], l'association Sophragora et Monsieur [I] [S] ont assigné la société Sofrocay devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 22 septembre 2015, assorti de l'exécution provisoire, rectifié par jugement du 17 novembre 2015, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté les sociétés Académie de Sophrologie de Paris, Académie Savoie-Dauphiné de Sophrologie Caycédienne, l'Ecole de Sophrologie [Établissement 1], l'Ecole de Sophrologie Caycédienne [Établissement 2], l'association Sophragora et à Monsieur [I] [S] d'enseigner et diffuser la sophrologie Caycédienne et de détruire tout support de formation,

- autorisé la société Sofrocay venant aux droits de la Fondation [U] Académie Internationale de Sophrologie Caycédienne à publier le dispositif du jugement,

- ordonné aux sociétés Académie de Sophrologie de Paris, Académie Savoie-Dauphiné de Sophrologie Caycédienne, l'Ecole [Établissement 1], l'Ecole de Sophrologie Caycédienne [Établissement 2], l'association Sophragora et à Monsieur [I] [S] de publier le jugement sur leur site et sur face book,

- ordonné à la société Sofrocay venant aux droits de la Fondation [U] Académie Internationale de Sophrologie Caycédienne de cesser toute communication aux élèves,

- condamné solidairtement la société Académie de Sophrologie de Paris, l'Académie Savoie-Dauphiné de Sophrologie Caycédienne, l'Ecole de Sophrologie [Établissement 1], l'Ecole de Sophrologie Caycédienne [Établissement 2], l'association Sophragora et à Monsieur [I] [S] au titre de l'atrticle 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Le 15 décembre 2015 les sociétés Académie de Sophrologie de Paris, Académie Savoie-Dauphiné de Sophrologie Caycédienne, l'Ecole [Établissement 1], l'Ecole de Sophrologie Caycédienne [Établissement 2], l'association Sophragora et à Monsieur [I] [S] ont interjeté appel de cette décision

Vu les conclusions signifiées le 24 novembre 2016 par lesquelles les sociétés Académie de Sophrologie de Paris, Académie Savoie-Dauphiné de Sophrologie Caycédienne, Ecole de Sophrologie du Languedoc, Ecole de Sophrologie Caycédienne de l'Artois, l'association Sophragora et à Monsieur [I] [S] demandent à la cour de :

infirmer les jugements des 22 septembre 2015 et 17 novembre 2015 appel sauf en ce qu'ils ont ordonné à la société Sofrocayde cesser toute communication avec les élèves des écoles appelantes.

Et statuant à nouveau,

Sur les mesures d'interdiction infligées aux appelants, sur les fautes retenues à leur encontre et sur les mesures de publication judiciaire

A titre principal,

- constater que l'ensemble des documents contractuels dont se prévaut la société Sofrocay, et notamment le « Code déontologique », ont essentiellement pour objet de régir l'enseignement et la diffusion de la sophrologie dite « caycédienne » définie comme une science, une discipline, une thérapie, et un moyen prophylactique,

- dire et juger que ces documents, revendiqués comme contrats par la société Sofrocay contreviennent au principe selon lequel les choses hors commerce ne peuvent faire l'objet de convention,

- constater que l'ensemble des documents contractuels dont se prévaut la société Sofrocay, et notamment le « Code déontologique », concourent à une organisation de type sectaire, ses adhérents s'engageant à perpétuité à respecter certains principes y compris dans leur vie privée, à être prosélytes desdits principes, à participer financièrement aux organes de l'organisation, à se soumettre à de nombreuses obligations, sous peine de sanctions infligées hors de toute procédure et sans recours,

- dire et juger par voie de conséquence que ces documents, revendiqués comme contrats par la société Sofrocay ont en cela une cause illicite,

-constater que l'ensemble des documents contractuels dont se prévaut la société Sofrocay, et notamment le « Code déontologique », soumettent la possibilité d'enseigner et de diffuser la sophrologie caycédienne, c'est-à-dire la sophrologie tout court, à l'autorisation de la société Sofrocay,

- dire et juger qu'en cela ces documents revendiqués comme contrats par la société Sofrocay violent le principe à valeur constitutionnelle de la liberté d'entreprendre, liberté fondamentale, ainsi que la liberté d'établissement et de prestation de service, érigées dans le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne,

Par voie de conséquence, annuler l'ensemble de ces documents contractuels et dire et juger qu'en tout état de cause ils sont de nul effet à l'égard des appelants,

A titre subsidiaire

- dire et juger qu'elles n'ont commis aucune faute,

Sur leurs demandes indemnitaires

- dire que la société Sofrocay a commis une faute en les dénigrant et en s'adressant directement aux écoles appelantes et à leurs élèves,

- condamner la société Sofrocay à leur payer à chacune la somme de un euro à titre de dommages et intérêts,

- ordonner la publication du communiqué figurant aux conclusions sur le site internet et la page facebook de la société Sofrocay pendant 30 jours et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,

- ordonner la publication du même communiqué dans deux revues périodiques au choix des appelants dans la limite de 5 000 euros par insertion,

- condamner la société Sofrocay à restituer à chacun les sommes qu'elle a perçues en exécution des jugements de première instance,

- condamner la sociétét Sofrocay à payer à chacun des appelants la somme de 15 000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions signifiées le 15 novembre 2016 par lesquelles la société Sofrocay demande à la cour de

In limine litis

- prononcer la radiation de l'appel et joindre l'incident au fond,

- déclarer les conclusions des appelantes irrecevables faute d'indication du jugement dont il est fait appel,

- déclarer l'action en nullité du Code de Déontologie Caycédien et des contrats d'adhésion prescrite,

Subsidiairement, au fond :

- confirmer le jugement du 22/09/2015 rectifié le 17/11/2015 en toutes ses dispositions,

Et en outre :

- débouter les appelantes en toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner solidairement l'Ecole [Établissement 1], l'Académie de Sophrologie de Bourgogne Franche Comté, l'Ecole Professionnelle de Sophrologie Caycédienne d'Artois, l'Académie de Sophrologie Caycédienne de Paris, l'Académie Savoie Dauphiné de Sophrologie Caycédienne, l'Ecole de Sophrologie Caycédienne [Établissement 3], à lui payer la somme de 15 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement l'Ecole [Établissement 1], l'Académie de Sophrologie de Bourgogne Franche Comté, l'Ecole Professionnelle de Sophrologie Caycedienne d'Artois, l'Académie de Sophrologie Caycédienne de Paris, l'Académie Savoie Dauphiné de Sophrologie Caycédienne, l'Ecole de Sophrologie Caycédienne [Établissement 3], à lui payer la somme de 15 000€ de dommages et intérêts pour avoir traité de secte et de dérive sectaire la société Sofrocay,

- condamner solidairement l'Ecole [Établissement 1], l'Académie de Sophrologie de Bourgogne Franche Comté, l'Ecole Professionnelle de Sophrologie Caycedienne d'Artois, l'Académie de Sophrologie Caycédienne de Paris, l'Académie Savoie Dauphiné de Sophrologie Caycedienne, l'Ecole de Sophrologie Caycedienne [Établissement 3], aux entiers dépens, en ceux compris les constats d'huissier.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande tendant à la radiation de l'appel

Considérant que la société Sofrocay fait valoir que le jugement était assorti de l'exécution provisoire et qu'il n'a pas été exécuté, les demanderesses poursuivant l'enseignement et les méthodes du professeur [U] et quatre d'entre elles persistant à se nommer école caycédienne.

Considérant que la société Sofrocay n'a saisi ni le conseiller de la mise en état d'un incident ni le premier président d'une demande ; que, si elle a saisi le juge de l'exécution en liquidation des astreintes prononcées par le tribunal, elle a été déboutée de sa demande aux motifs que l'injonction judiciaire qui vise la sophrologie caycédienne issue du code de la déontologie et la méthode de sophorologie caycédienne qui y est décrite est impossible à exécuter sauf à interdire tout enseignement de la sophrologie aux demanderesse; qu'il y a lieu de la déclarer irrecevable.

Sur l'absence d'appel du jugement rectificatif du 17/11/2015 et l'irrecevabilité des conclusions des appelantes

Considérant que la sociétét Sofrocay fait valoir que les sociétés appelantes n'ont pas été interjeté appel du jugement rectificatif du 17/11/2015.

Considérant que le jugement rectificatif dont il n'est pas contesté qu'il a été regulièrement signifié fait corps avec le jugement rectifié de sorte que la cour est saisie de l'un et de l'autre.

Sur la prescription

Considérant que la société Sofrocay demande à la cour de déclarer l'action en nullité du code de déontologie caycédien et des contrats d'adhésion prescrite.

Considérant que les demanderesses n'ont pas engagé une action principale en nullité mais invoquent la nullité du contrat de déontologie et des contrats d'adhésion comme moyen de défense.

Considérant que les contrats d'adhésion ont été renouvelés chaque année avec d'éventuelles modifications apportées notamment au code auquel l'adhérent souscrit ; qu'en conséquence à chaque adhésion a couru le délai de prescription.

Que, de plus, la société Sofrocay n'invoque d'ailleurs aucune date pour computer l'acquisition du délai de prescription; que dès lors elle sera déboutée de cette demande.

Sur les manoeuvres anti-concurrentielles alléguées par les demanderesses

Considérant que les demanderesses soutiennent que la société Sofrocay s'est rendue coupable de concurrence déloyale par les propos qu'elle a tenus à l'encontre du docteur [X] et à l'encontre des écoles dont elle a critiqué l'enseignement afin d'inciter les élèves à rejoindre d'autres écoles agréées par elle.

Considérant que le docteur [X], qui a créé l'Académie de Sophrologie de Paris, l'une des six écoles ayant assigné la société Sofrocay n'est pas dans la cause.

Considérant que les demanderesses visent à l'appui de leurs griefs des communiqués adressés par la société Sofrocay aux éléves par lesquels il leur a été annoncé que leur école ne sera plus en droit d'enseigner la sophrologie caycédienne, cet enseignement étant réservé aux seules écoles 'déléguées'.

Considérant que ces communiqués font suite à la rupture des relations existant entre ces écoles et la société Sofrocay , rupture intéressant les éléves de ces écoles puisque jusqu'à cette résiliation leur cursus pouvait se prolonger par une formation dispensée en Andorre et leur permettant l'obtention d'un 'Master'.

Que les propos adressés directement aux élèves affirmant que leur école ne pouvait plus enseigner la sophrologie caycédienne constituent des propos dénigrants destinés à les détourner de leur école et sont constitutifs de concurrence déloyale; que c'est donc à tord que les demanderesses ont été déboutées de leur demande ; qu'il y a lieu de réformer le jugement entrepris.

Considérant qu'à titre de réparation les appelantes demandent, chacune au titre de leur préjudice moral, la somme d'un euro, la publication sur le site internet et la page facebook de la société Sofrocay ainsi que dans deux revues périodiques.

Considérant qu'il y a lieu de faire droit à la demande indemnitaire et à titre d'indemnisation supplémentaire la publication sur le site internet de la société Sofrocay pendant 15 jours.

Sur la demande d'annulation formée par des sociétés appelantes

Considérant que les sociétés appelantes demandent à la cour d'annuler l'ensemble des documents contractuels dont se prévaut la société Sofrocay et notamment le code déontologique en ce qu'ils contreviennent au principe selon lequel les choses hors commerce ne peuvent faire l'objet de convention et violent le principe de la liberté d'entreprendre ainsi que la liberté d'établissement et de prestation de service.

Considérant que la société Sofrocay fait valoir que les écoles qui sont dans la cause ont toutes accepté par écrit le code de déontologie et qu'elles sont dirigées par des directeurs formés à la sophrologie caycédienne et titulaires du Master délivré en Andorre, cette relation ayant duré plus de 20 ans sans contestation.

Considérant que les appelantes ne contestent pas la durée de cette relation contractuelle qui a été résiliée de façon unilatérale par la société Sofrocay sans qu'elles aient alors soulevé de contestation.

Considérant que dans le cadre de cette relation contractuelle, les appelantes ont adhéré à une organisation qui a eu pour objet de diffuser un enseignement de la sophrologie, discipline créée par le professeur [U], psychiatre, au début des années 1960; qu'elles ont souscrit chaque année un bulletin d'adhésion de sorte qu'elle ne peuvent prétendre avoir été liées ou être liées par un engagement perpétuel alors même que celui-ci a été rompu.

Considérant qu'elles ont ainsi adhéré en connaissance de cause au code de déontologie qui comporte comme son nom l'indique des engagements moraux et éthiques et qui a prévu une collaboration avec la fondation [V] [U] aux droits de laquelle vient la société Sofrocay, notamment une participation aux charges et frais administratif.

Considerant que l'organisation prévue par le code de déontologie repose sur un double degré d'enseignement, à la base celui diffusé par un certain nombre d'écoles créées par des élèves du professeur [U] et au dessus un degré supérieur menant au diplôme délivré par la fondation [U] puis par la société Sofrocay; que ce système met en évidence les liens qui ont existé des annnées durant entre le professeur [U] et ses élèves ; que, si ce code porte sur la sophrologie caycédienne, du nom de son fondateur, il a eu pour objet d'instaurer un mode de délivrance d'un diplôme à l'issue d'un cursus partagé entre d'une part des écoles de base et, d'autre part, une école supérieure ; qu'il n'a pas pour objet de régir l'accès à une science ou à une discipline mais la délivrance d'un diplôme.

Qu'il n'est pas démontré que les élèves titulaires du master délivré en Andorre auraient été liés par une obligation limitant leur droit à s'établir; que les adhérents restaient libres de résilier leur contrat et de s'installer.

Considérant qu'il y a lieu en conséquence de rejeter les demandes d'annulation de ces contrats.

Sur la demande de la société Sofrocay

Considérant que la société Sofraday soutient que les six écoles dissidentes se sont immiscées dans son sillage et dans celui du professeur [U] afin de profiter de leurs efforts sans rien dépenser et ont commis des actes de dénigrement et de diffamation.

Sur le parasitisme

Considérant que la société Sofrocay fait état de ce que le professeur [U] a mis au point des cours sous les dénominations [A] et [U], un code de Déontologie et des écoles de formation qui portent son nom et que les appelantes se sont appropriées indûment depuis leur exclusion les créations du professeur [U] en proposant 3 cycles de formation à la sophrologie caycédienne RDC 1 à 12, se mettant ainsi dans le sillage de la fondation [U]/Sofrocay pour tirer profit de sa réputation.

Qu'elle soutient que ces écoles créent une confusion en délivrant les diplômes de sophrologie Caycédienne ;

Considérant que les six écoles dissidentes, présentes dans la cause et appelantes, ne contestent pas l'apport du professeur [U], leurs fondateurs ayant pu connaître son enseignement.

Que le professeur [X], a publié en 1985 un ouvrage intitulé 'Manuel pratique d'accouchement par sophrologie' et a ouvert son école dès 1991 sous le nom de Ellébore Formation; que dans son ouvrage intitulé 'Sophrologie, fondement et méthodologie' édité en 1994 , préfacé par le professeur [U], il est indiqué dans la 5ème édition ' le prof. [U] nous a confié un outil unique dont la spécificité est incontestable. Oui la Sophrologie Caycédienne est majeure, unique et indivisible, elle n'a pas besoin d'autres disciplines pour l'éclairer, encore merci au professeur [U] pour les puissantes lumières qu'il nous a données ces dernières années et qui donnent à la Sophrologie le statut d'une discipline unique dans sa méthodologie et efficacité'; que la dernière édition de ce livre inclut le code de déontologie; que la couverture du tome 1 précise que le docteur [X] a mis en forme les pensées et méthodes du Prof.[U]' ;

Que le professeur [U] a déposé des marques à partir de 1989 et non une méthode d'enseignement, expliquant avoir 'dû fonder la sophrologie caycédienne pour sauver (son) oeuvre scientifique face à la grande banalisation qui s'est produite autour du terme 'sophrologie' pour ne pas l'avoir patentée et protégée légalement' ;

Que la première mouture du code déontologie qui expose 12 degrés de la relaxation dynamique remonte à 1995; que, si l'ouvrage du docteur [X] édité en 1994 a aussi mentionné ces douze degrés, il n'est pas pour autant démontré que les indications du docteur [X] ne soient pas issus de l'enseignement du professeur [U] au regard des observations qu'il a faites dans son ouvrage et qui font référence aux apports de celui-ci.

Considérant toutefois que parmi 80 ouvrages sur la sophrologie recensés en 1972, le professeur [U] n'a écrit qu'un seul ouvrage intitulé le 'dictionnaire abrégé de sophrologie et relaxation dynamique' et qui comme son titre l'indique comporte des définitions; qu'il a en revanche préfacé de nombreux ouvrages et a formé les directeurs des écoles 'déléguées'en France et à l'étranger , notamment en [Localité 8] ; que ces éléments démontrent que les idées du professeur [U] ont été diffusées et ont généré de nombreuses recherches et écrits; que la société Sofrocay reconnait qu'il a développé un courant de pensée.

Considérant que, dès 1996, le professeur [N], fondateur de la faculté européenne de sophrologie a fait observer lors des dépôts de marque que 'La sophrologie(tout court) est une science qui se constitue et se développe tous les jours. C'est notre patrimoine commun'.

Considérant que dans ses publicités la société Sofrocay présente la sophrologie cycédienne comme étant la sophrologie authentique ce qui démontre qu'il s'agit d'une seule et même discipline et qu'elle ne relève pas d'un enseignement différencié .

Considérant qu'un certain nombre d'écoles ont été créées par des élèves du professeur [U] dont le professeur [X] en France, le docteur [L] en [Localité 8]; qu'elles ont entretenu des liens avec ce dernier favorisant le développement de la sophrologie comme nouvelle discipline ; que dès 1963 le docteur [L] a formé des élèves alors même que le professeur [U] avait quitté l'Europe et poursuivait des recherches en Asie puis en Colombie ;

Que dès lors, s'il n'est pas contesté que le professeur [U] a participé à l'émergence d'une discipline dénommée la sophrologie et a donné son nom à un courant de celle-ci, cette discipline a évolué au fil du temps, la société Sofrocay reconnassant qu'il existe différents courants de pensées ; qu'elle ne saurait dès lors s'approprier les idées du professeur [U] qui ont été diffusées et vulgarisées et revendiquer le monopole de leur enseignement.

Que l'académie de sophrologie de Paris s'est inscrite dans cette évolution et a cherché à péréniser la sophrologie comme métier d'aide à la personne, bénéficiant d'une reconnaissance par la Commission Nationale de Certification Professionnelle.

Considérant que, si la société Sofrocay prétend que son enseignement est issu du code de déontologie auquel les écoles dissidentes avaient accepté d'adhérer et qu'il décrit dans le détail la sophrologie caycédienne, sa méthode , ses outils, son programme de formation, force est de constater qu'elle ne produit aucun manuel qui permettrait d'identifier la teneur de son enseignement, le code de déontologie ne dispensant aucun enseignement mais réglant notamment les relations entre la société Sofrocay et les écoles adhérentes.

Considérant que le code de déontologie précise en son article 32 les obligations des directeurs d'école et notamment que 'les termes 'Sophrologie Caycédienne, Méthode [C] [U] et Methode Isocay de même que les noms Caycédienne ou Caycédien sont 'brevetés' et protégés par la loi internationale de propriété Intellectuelle, la fondation [U] étant la dépositraire de ces droits. Pour cette raison ils ne pourront pas organiser des Actes publics, congrès et Symposiums ni créer ou fonder des organisations de différent type qui utilisent ces noms sans l'autorisation correspondante par écrit de la Fondation [C] [U]'; que ces dispositions ne sauraient faire obstacle au libre enseignement des idées du professeur [U] qui font partie d'un patrimoine commun.

Considérant que ce code, s'il fait état de degrés dans l'enseignement et prévoit une organisation entre les écoles au terme de laquelle la société Sofrocay se réservait la délivrance du titre de master en organisant l'enseignement des deuxième et troisième cycles et proposait aux élèves qui ne se rendaient pas en Andorre un enseignement des relaxations dynamiques degrés 5 à 12 et des séminaires de perfectionnement, il ne propose aucune méthode d'enseignement et la société Sofrocay ne justifie pas qu'elle aurait mis à disposition des écoles une quelconque méthode d'enseignement.

Considérant qu'à la suite de la rupture des relations existantes, les six écoles qui n'étaient plus liées avec la société Sofrocay avaient toute liberté pour organiser leur enseignement et délivrer un diplôme dans le respect de la législation française; qu'elles ont ainsi proposé à leurs étudiants un cycle supérieur qui, s'il comprend l'enseignement de la pensée du professeur [U], ne repose pas pour autant sur une méthode d'enseignement dont la société Sofrocay aurait eu l'exclusivité et qu'elle aurait utilisée; qu'elles délivrent à la suite de cet enseignement un titre de 'sophrologue-expert' distinct du master andorran.

Considérant qu'il n'est donc pas démontré que les appelantes se seraient immiscées dans le sillage de la sociétét Sofrocay, ni qu'elles auraient tiré profit de sa notoriété.

Sur le dénigrement et la diffamation

Considérant que la sociétét Sofrocay prétend que le professeur [X] aurait commis des actes de dénigrement depuis le mois d'août 2013 sur son site internet par de fausses informations.

Considérant qu'elle expose que celui-ci a indiqué sur son site que les enseignements des deuxième et troisème cycles enseignés par le Dr [F] [U] et le Dr [K] sous l'égide de la société Sofrocay ne sont plus vraiment d'actualité et 'l'utilisation du Master donné par des organsimes privés et sans habilitation de l'Etat français étant maintenant interdite en France'.

Considérant que la délivrance en France de dipômes officiels comme le master est réglementée de sorte que les propos tenus par le docteur [X] à destination du public constituent une information objective et ne saurait être qualifiée de dénigrement.

Considérant que la société Sofrocay ajoute que les appelantes en traitant de secte et de dérive sectaire le professeur [U] et sa famille se sont rendues coupables de diffamation.

Considérant que ne peuvent donner lieu à aucune action en diffamation les écrits produits devant les tribunaux.

Considérant qu'il résulte de ces éléments que les appelantes n'ont commis aucune faute et qu'il y a lieu de réformer le jugement entrepris.

Sur la demande de restitution

Considérant que le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à restitution des sommes versées au titre de l'exécution de la décision, lesdites sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la notification de l'arrêt, valant mise en demeure ; qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de restitution.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que les sociétés Académie de Sophrologie de Paris, Académie Savoie-Dauphiné de Sophrologie Caycédienne, l'Ecole de Sophrologie Caycédienne du Languedoc, l'Ecole de Sophrologie Caycédienne [Établissement 2], l'association Sophragora et Monsieur [I] [S] ont dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge , qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a ordonné à la société Sofrocay de cesser toute communication avec les élèves des écoles appelantes.

Et statuant à nouveau

DECLARE irrecevable la demande de radiation de l'appel fondé sur l'article 526 du code de procédure civile.

REJETTE la demande de la société Sofrocay tirée de la prescription de la demande en nullité.

DIT que la société Sofrocay a commis une faute en dénigrant les appelants et en s'adressant directement à leurs élèves.

CONDAMNE la société Sofrocay à payer la somme d'un euro à chacun des appelants.

ORDONNE la publication du dispositif du présent arrêt sur le site internet de la société Sofrocay pendant une durée de 15 jours dans le délai de 15 jours à compter du présent arrêt et ce, sous astreinte de 500€ par jour de retard.

CONDAMNE la société Sofrocay à payer la somme de 4 000€ à chacun des appelants, à savoir les sociétés Académie de Sophrologie de Paris, Académie Savoie-Dauphiné de Sophrologie Caycédienne, Ecole de Sophrologie Caycédienne du Languedoc, Ecole de Sophrologie Caycédienne [Établissement 2], association Sophragora et à Monsieur [I] [S].

REJETTE le surplus des demandes.

CONDAMNE la société Sofrocay aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 16/00207
Date de la décision : 31/03/2017

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°16/00207 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-31;16.00207 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award