La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2017 | FRANCE | N°15/16881

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 16 mars 2017, 15/16881


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 16 MARS 2017



(n° 2017- , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/16881



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Mars 2014 -Cour d'Appel de Paris - RG n° 13/00437





APPELANT



Monsieur [P] [O], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritier unique de Madame [T] [

H] veuve [O] décédée le [Date décès 1] 2014

Né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]





Représenté par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la ...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 16 MARS 2017

(n° 2017- , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/16881

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 06 Mars 2014 -Cour d'Appel de Paris - RG n° 13/00437

APPELANT

Monsieur [P] [O], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'héritier unique de Madame [T] [H] veuve [O] décédée le [Date décès 1] 2014

Né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assisté à l'audience de Dominique DESBOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1102

INTIMÉE

SAS FONCIA MARNE EUROPE, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurence IMBERT de la SCP S.C.P.A. IMBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de MELUN

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère, ayant préalablement été entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 février 2017, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre

Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

qui en ont délibéré

Assistée de M. Olivier HUGUEN, magistrat en stage, en application des articles 19 et 41-3 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée.

Greffière, lors des débats : Mme Fatima-Zohra AMARA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Hélène POINSEAUX, présidente et par Mme Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.

***************

Vu l'appel interjeté le 19 janvier 2013 par M. [P] [O] et Mme [T] [H] veuve [O] d'un jugement en date du 13 novembre 2012, par lequel le tribunal de grande instance de Melun a principalement :

- Condamné la société Foncia Marne Europe en paiement à [T] [H] veuve [O] et à [P] [O] des sommes de :

- 23.230 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des conséquences dommageables des fautes commises par le mandataire dans l'exécution du contrat de mandat en date du 22 mai 2002,

- 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

- condamné la société Foncia Marne Europe aux dépens ;

- dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement .

Vu l'ordonnance de retrait du rôle du 6 mars 2014 ;

Vu la réinscription de l'affaire du 21 mars 2016 ;

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 5 décembre 2016 aux termes desquelles M. [P] [O] agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier unique de [T] [H] veuve [O], demande à la cour, au visa des articles 1146 et suivants anciens, 1153-1ancien, 1154 ancien et 1384 alinéa 1ancien du code civil, outre divers dire et juger, de réformer partiellement le jugement référé et de :

- Réparer les erreurs matérielles du jugement entrepris et en conséquence porter le montant de la condamnation de la société Foncia Marne Europe à titre de dommages et intérêts dans ledit jugement, de la somme de 23 230 euros à la somme de 29 671,56 euros,

- condamner la société Foncia Marne Europe à payer à M. [P] [O], sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en réparation des préjudices subis la somme de 520 571,70 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des conséquences dommageables des fautes commises par la société Foncia Marne Europe dans l'exécution du mandat de gestion prévoyance en date du 21 mai 2002 et du mandat de gestion valorisation en date du 22 mai 2002, soit 289 570,26 euros au titre des travaux de démantèlement et de dépollution, 36 527,00 euros au titre des frais d'expertise, 62 250,00 euros au titre des pertes financières, 46 505 02 euros au titre de la perte de loyers et 85 719,42 euros au titre des honoraires, frais de procédure et des débours, avec les intérêts aux taux légal à compter du 26 juillet 2011, date de l'assignation initiale des consorts [O] devant le tribunal de grande instance de Melun et capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière à compter de la même date,

- dire que la société Foncia Marne Europe sera tenue de relever M. [P] [O] de toutes dépenses supplémentaires par rapport à celles qu'il a assumées à ce jour avec Mme [T] [H], veuve [O], du vivant de celle-ci, des chefs de la pollution, notamment du chef des travaux à venir, ordonnés dans le cadre de la dépollution du site, tels que ceux préconisés par M. l'expert [V] [Q] dans son rapport final du 11 octobre 2014 actuellement en cours et qu'elle sera tenue de lui rembourser lesdites dépenses, avec les intérêts aux taux légal à compter de leur paiement par M. [P] [O] et capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière à compter de la même date,

A titre subsidiaire,

- condamner la société Foncia Marne Europe à payer à M. [P] [O] sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle par application de la présomption de l'article 1384 alinéa 1er ancien du code civil, en réparation de ses entiers préjudices, la somme de 520 571,70 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des conséquences dommageables des fautes commises par la société Foncia Marne Europe à la fois dans l'exécution du mandat de gestion prévoyance en date du 21 mai 2002 et celle du mandat de gestion valorisation en date du 22 mai 2002, soit 289 570,26 euros au titre des travaux de démantèlement et de dépollution, 36 527,00 euros au titre des frais d'expertise, 62 250,00 euros au titre de leurs pertes financières, 46 505,02 euros au titre de la perte de loyers et 85 719,42 euros au titre des honoraires, frais de procédure et des débours, avec les intérêts aux taux légal à compter du 26 juillet 2011, date de l'assignation initiale des consorts [O] devant le tribunal de grande instance de Melun et capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière à compter de la même date,

- dire que la société Foncia Marne Europe sera tenue de relever M. [P] [O] de toutes dépenses supplémentaires par rapport à celles qu'il a assumées à ce jour avec Mme [T] [H], veuve [O], du vivant de celle-ci, des chefs de la pollution, notamment du chef des travaux à venir, ordonnés dans le cadre de la dépollution du site, tels que ceux préconisés par M. [Q] dans son rapport final du 11 octobre 2014 actuellement en cours et qu'elle sera tenue de lui rembourser lesdites dépenses, avec les intérêts aux taux légal à compter de leur paiement par M. [P] [O] et capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière à compter de la même date,

A titre plus subsidiaire, si la cour devait confirmer la perte de chance,

- fixer cette perte de chance à un pourcentage au minimum de 99 % pour le non-respect de la réglementation au titre des installations classées pour les cuves d'hydrocarbures de l'ancienne station-service,

- fixer de même à un pourcentage au minimum de 99 % cette perte de chance pour le défaut de nettoyage et de vérification de l'étanchéité de la cuve de fioul domestique desservant la partie habitation,

- fixer en conséquence les préjudices de M. [P] [O], le tout à hauteur des mêmes pourcentages et condamner la société Foncia Marne Europe à lui payer les dommages et intérêts en découlant des mêmes chefs de préjudices que ceux allégués à titre principal, le tout à hauteur des mêmes pourcentages, et à le relever et garantir de toutes dépenses supplémentaires avec ces mêmes pourcentages,

En tout état de cause,

- condamner la société Foncia Marne Europe à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de son conseil ;

Vu les conclusions signifiées par la société Foncia le 25 juin 2013 par lesquelles, outre le sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport d'expertise, elle sollicite la confirmation du jugement déféré aux termes duquel les consorts [O] se sont vus déboutés de l'intégralité de leurs demandes, à l'exception de celle tendant à obtenir la somme de 23 230 euros à titre de dommages et intérêts outre 2 000 euros pour les frais irrépétibles, et demande à la cour de les débouter de l'intégralité de leurs demandes en les condamnant reconventionnellement à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des dépens de l'appel ;

Vu l'ordonnance de clôture du 4 janvier 2017 ;

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 30 janvier 2017, par la société Foncia Marne Europe tendant à voir, pour l'essentiel, confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, débouter M. [O] de l'intégralité de ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des dépens de l'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions notifiées le même jour demandant à la cour de révoquer l'ordonnance de clôture afin de permettre l'accueil des conclusions signifiées après la clôture ;

Vu les conclusions signifiées le 8 février 2017 par lesquelles M. [O] s'oppose à cette révocation ;

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture :

Considérant que M. [O] a conclu le 5 décembre 2016, alors que la clôture était prévue pour le 4 janvier 2017, ce qui laissait à Foncia un délai suffisant pour répliquer ou à tout le moins solliciter par conclusions le report de la clôture ; que la société Foncia ne démontre pas l'existence de la cause grave exigée par l'article 784 du code de procédure civile de sorte que sa demande sera rejetée ;

SUR CE, LA COUR':

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il convient de rappeler que :

* [T] [H] veuve [O] et M. [P] [O] venant aux droits de [B] [O], étaient respectivement usufruitière et nu-propriétaire d'un bien immobilier situé [Adresse 3] (Hauts-de-Seine) comprenant un immeuble de quatre étages et au rez-de-chaussée un grand local à usage commercial de station service et atelier mécanique,

* divers preneurs à bail se sont succédés pour l'exploitation de ce bien, qui est géré depuis les années 1990 par la société Agence de la Tour, laquelle a été absorbée en janvier 2002 par la société Foncia Marne Europe avec laquelle Mme [O] a signé le 21 mai 2002 un 'mandat de gestion prévoyance' pour les locaux d'habitation et le 22 mai 2002 un 'mandat de gestion valorisation' pour le local de garage incluant l'ancienne station service ;

* par un arrêt confirmatif de la cour d'appel de Versailles en date du 5 novembre 2008, à la suite de l'assignation délivrée en référé par les époux [I], propriétaires du pavillon mitoyen qui se plaignaient de remontées d'hydrocarbures dans leur cave, les consorts [O], Me [L] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Automobile Place Marquis et l' EURL Arnold et Leroy, les deux derniers exploitants du fonds, ont été, sur le fondement du trouble anormal de voisinage, condamnés in solidum et sous astreinte à retirer les cuves d'hydrocarbure du garage et à dépolluer le terrain d'assise et alentour ;

* le juge de l'exécution de Nanterre a, par un jugement confirmé par la cour d'appel de Versailles le 6 mai 2010, liquidé l'astreinte et désigné M. [Q] en qualité d'expert pour notamment chiffrer le coût de dépollution du site, les opérations d'expertise ayant été déclarées opposables à la société Foncia le 2 avril 2013 ;

* par assignation du 26 juillet 2011, les consorts [O] ont engagé une action en responsabilité contractuelle à l'encontre de la société Foncia Marne Europe ;

* le 13 novembre 2012 est intervenu le jugement dont appel qui a reproché à la société Foncia de ne pas avoir vérifié que les preneurs successifs avait déclaré leur activité à la préfecture, ni qu'ils avaient souscrit une assurance couvrant les risques liés à leur activité et a retenu que ces manquements sont en lien direct et certain, mais non exclusif avec la condamnation sous astreinte précitée et a analysé le préjudice qui en a découlé pour les consorts [O] en une perte de chance de ne pas avoir à contribuer au coût de dépollution et de retrait des cuves, évaluée à 25% et arbitrée à 92 219,27 euros au vu des factures produites ;

Considérant que M. [O] fait principalement valoir que le local commercial était une installation classée soumise à des prescriptions techniques très strictes, notamment lors de changement d'exploitant, le nouvel exploitant ou son représentant devant en faire la déclaration en préfecture, ainsi que lors de la cessation complète ou partielle d'activité, les réservoirs devant être dégazés et nettoyés avant d'être retirés ou à défaut neutralisés par un solide physique inerte, ce que n'a surveillé ni la société Agence de la Tour, ni la société Foncia qui ne s'en préoccupera que huit mois après la cession du fonds à la société AML automobiles, en lui demandant le 26 septembre 2005 de lui faire parvenir l'attestation d'assurance pour le local, en cours de validité, et le justificatif de la conformité des cuves d'hydrocarbures, démarche qui démontre que celle-ci savait pertinemment qu'une station-service n'est pas un bien immobilier 'comme les autres' et que des vérifications aussi essentielles pour une telle installation que l'assurance de l'exploitation et la conformité des cuves d'hydrocarbures entraient bien dans le périmètre de son mandat de gestion, étant relevé que Foncia ne réagira pas à l'absence de réponse de la société AML ;

Que M. [O] ajoute que le 'mandat de gestion prévoyance' du 21 mai 2002 couvre absolument toutes les attributions et obligations du propriétaire du bien dont il est l'objet, en l'occurrence la partie habitation pour lequel le mandataire perçoit une rémunération de 7,50 % HT sur les sommes encaissées et qu'il en est de même pour le 'mandat de gestion valorisation' qui concerne la partie garage, pour lequel ce même mandataire perçoit une rémunération de 5,5 % sur les sommes encaissées en sus des honoraires pour ses opérations de location - recherche du locataire et rédaction du contrat-, ce qui lui confère la qualité de gardien juridique du bien ;

Que M. [O] précise que la corrosion est la seule et unique cause de la pollution, à la fois par les cuves d'hydrocarbures de l'ancienne station-service et par la cuve de fioul domestique desservant la partie habitation de l'immeuble, preuve indiscutable d'un défaut caractérisé de diligence de contrôle et d'entretien de ces cuves, la société Foncia Marne Europe n'ayant fait aucune diligence pour informer les consorts [O] de l'existence d'une législation spécifique en vue de prévenir les risque de pollution, ni pour vérifier si les exploitants successifs étaient ou non assurés, les derniers ne l'étant pas et ne dressant pas d'état des lieux, ni à l'entrée, ni à la sortie des locataires ;

Considérant que, s'agissant du montant du préjudice, M. [O] fait valoir qu'il se monte aujourd'hui à la somme totale de 520 571,70 euros, son augmentation en cause d'appel étant due pour l'essentiel aux travaux de dépollution mis en oeuvre depuis le 13 novembre 2013, date du jugement entrepris, dont ceux préconisés par M. [V] [Q], l'expert judiciaire, étant ici précisé que ni Mme [T] [H], ni M. [P] [O] n'ont été et ne sont susceptibles de pouvoir récupérer la TVA, que ce soit sur les travaux, frais, honoraires ou autres dépenses dont il est sollicité le remboursement ;

Considérant que la société Foncia répond que les premiers juges ont fixé le quantum du préjudice des consorts [O] à la somme de 23 230 euros, en faisant valoir que les fautes commises par la concluante, dans le cadre de l'exécution de son mandat, consistant notamment à ne pas avoir vérifié l'ensemble des assurances des exploitants successifs, n'étaient pas de nature à paraître comme étant la cause exclusive du préjudice lié à la dépollution du site, eu égard notamment au fait qu'il n'était pas démontré qu'une assurance en cours de validité équivalait à une garantie certaine de l'assureur dans une matière aussi spécifique et technique, de sorte qu'il a été, à juste titre, considéré que le préjudice des consorts [O] s'analysait simplement en une perte de chance, aucun élément n'étant produit devant la cour de nature à remettre en cause cette analyse ;

Considérant qu'il convient de préciser que le 'mandat de gestion prévoyance' signé le 21 mai 2002 par [T] [O] et la société Foncia se rapporte à un immeuble comprenant six appartements, sis à [Adresse 4] ; que le mandat de gestion et de valorisation signé le 22 mai 2002 concerne, à la même adresse, un grand local à usage commercial, station-service, atelier mécanique formant toute la superficie du rez-de-chaussée dudit immeuble, avec toutes dépendances, notamment bureaux, WC, et un local commercial et artisanal d'une superficie de 200 m² environ ; qu'en réalité le local commercial de garage a pour adresse, [Adresse 3] ;

Considérant qu'à la suite de l'annulation d'une vente du 5 avril 2004 par un jugement du 27 avril 2007 émanant du tribunal de commerce de Nanterre, la société Automobile Place Marquis s'est trouvée à nouveau propriétaire du fonds de commerce de garage qu'elle a cédé le 13 décembre 2007 à la société Arnold et Leroy, laquelle s'est vue condamnée par un jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 4 novembre 2008 à payer aux bailleurs un arriéré de loyers de 19 990,84 euros ;

Que les époux [I] ont fait constater les remontées d'hydrocarbures dans la cave de leur pavillon d'habitation mitoyen du garage par un constat de Maître [U] du 10 décembre 2007 ;

Sur l'existence d'une faute :

Considérant que le jugement déféré a utilement rappelé qu'en application des articles 1984 et suivants anciens du code civil, le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, rendre compte de sa gestion et répondre des fautes qu'il commet dans sa gestion ; que l'obligation du mandataire est une obligation de moyens ; que le mandataire doit exécuter sa mission avec diligence, probité, célérité et loyauté ; que pour mener à bien cette mission, une obligation de renseignement et de conseil, ainsi qu'une obligation de rendre compte sont, notamment, mises à sa charge ; que le mandataire est tenu d'un devoir d'information sur l'état de l'immeuble et la législation qui lui est applicable ; que le degré d'exigence imposée au mandataire est renforcé, s'agissant d'un mandataire professionnel rémunéré ; que l'étendue de l'obligation de renseignement et de l'obligation de conseil varie cependant en fonction des circonstances de la cause ;

Qu'en l'espèce, la mission de gérance du mandataire comprenait l'autorisation générale d'accomplir tous actes d'administration et notamment de gérer le bien, rechercher les locataires, louer le bien, renouveler les baux aux prix, charges et conditions que le mandataire juge à propos, encaisser et percevoir les loyers, dresser ou faire dresser tous constats d'état des lieux, signer ou résilier tous baux et accords ;

Considérant que le jugement déféré a justement relevé que si la société Foncia n'était pas intervenue lors des cessions de fonds de commerce et de droit au bail signés postérieurement au 22 mai 2001, ni à la conclusion d'un nouveau bail conclu en 2006, elle n'en restait pas moins tenue à un devoir d'information de l'exécution des baux à l'égard de son mandant dans le cadre de son mandat ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, dont les dispositions sont codifiées à l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumises aux dispositions du présent titre les (....) installations exploitées par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de 1'environnement ", que les dispositions réglementaires en la matière imposent en cas de changement d'exploitant que le nouvel exploitant en fasse la déclaration au préfet dans le mois qui suit la prise en charge de l'exploitation ; que lorsque 1'installation est mise à l'arrêt définitif, son exploitant remet son site dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés ; que le préfet peut à tout moment imposer à l'exploitant les prescriptions relatives à la remise en état du site, par arrêté ; qu'il n'est pas contesté que ces dispositions sont applicables à l'ancienne station service appartenant à la famille [O] ;

Considérant que force est de constater qu'un seul locataire, la société Corse des Pétroles, a fait l'objet d'un enregistrement auprès du service technique interdépartemental d'inspection des installations classées en 1981 ; que si cette déclaration appartenait au locataire, il entrait dans les obligations du mandataire d'informer les propriétaires bailleurs de l'existence de cette législation spécifique destinée à prévenir les risques de pollution, afin de les mettre en situation de vérifier que le locataire s'y conformait ;

Considérant que la société Foncia a reconnu qu'elle n'en avait rien fait, tout comme elle n'a jamais effectué de constat d'état des lieux d'entrée ou de sortie ; qu'elle ne conteste pas plus ne pas avoir vérifié si les locataires successifs étaient titulaires d'une assurance en cours de validité chaque année, à l'exception d'un courrier adressé le 26 septembre 2005 à la société AML Automobiles, alors nouveau titulaire du bail, et qui est resté sans suite ;

Considérant que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a considéré que la société Foncia Marne Europe avait commis une faute dans l'exécution de son mandat ;

Sur le lien de causalité entre la faute et le préjudice :

Considérant qu'il n'est pas contestable que ces manquements et particulièrement le défaut d'information sont en lien direct avec la condamnation des consorts [O] à retirer les cuves d'hydrocarbure du garage et à dépolluer le terrain d'assise et alentour ;

Considérant que les remontées d'hydrocarbures dans la cave des époux [I] se sont révélées en août 2007 ;

Que l'expert a imputé 55 % des désordres aux cuves de la station-service soumises à déclaration et contrôle périodique et 45 % à la cuve à fuel de chauffage de l'immeuble ;

Qu'il convient de rappeler qu'il s'agit d'un immeuble comprenant six appartements loués par l'intermédiaire de Foncia dans le cadre du 'mandat de gestion prévoyance' du 21 mai 2002  ; que ce type de cuve n'est soumis à aucune obligation légale, mais à une simple obligation d'entretien, un nettoyage et un contrôle du réservoir étant conseillés tous les 15 ans selon une étude de la fédération française du bâtiment produite par M. [O] ; que ce contrôle ne pouvait au demeurant qu'incomber au propriétaire de l'immeuble, et non aux locataires qui n'en ont ni la maîtrise, ni l'accès, de sorte que la responsabilité de la société Foncia ne peut être engagée du fait de la dégradation de cette cuve ; que l'expert note d'ailleurs que cette cuve pouvait être très régulièrement baignée dans un sol imprégné d'eau, situation tout à fait anormale et imprévisible qui a provoqué la corrosion à l'origine de la pollution ; qu'il s'en déduit que les travaux se rapportant au remplacement de la cuve à fioul et à la dépollution des terres au droit de celle-ci doivent être laissés à la charge de M. [O] ;

Considérant que, par ailleurs, le jugement déféré a justement retenu que la déclaration de l'exploitation en préfecture et l'état des lieux ne garantissent ni l'absence de pollution, ni la remise en état du site par le dernier exploitant, de même qu'une assurance en cours de validité n'équivaut pas à une garantie certaine de l'assureur ;

Considérant qu'il convient d'observer que la société Automobiles Place Marquis et l'EURL la société Arnold et Leroy, dernières exploitantes du site condamnées in solidum, sont toutes deux en liquidation judiciaire ;

Considérant que dans ces conditions, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a jugé que le préjudice des consorts [O] s'analyse en une perte de chance de ne pas avoir à contribuer au coût de dépollution et de retrait des cuves de la station-service ;

Considérant qu'au vu de ces éléments, il convient d'évaluer le taux de perte de chance à 50 % s'agissant des travaux nécessités par la pollution en provenance des cuves du local commercial de garage ;

Sur la réparation des préjudices :

Sur les travaux de la 1ère et 2ème tranche :

Considérant que ces travaux correspondent au retrait des cuves d'hydrocarbures n°l et n°2 enterrées dans le sol du garage de l'ancienne station service, à cheval sur la partie atelier et la partie bureau, au retrait des terres polluées et à la neutralisation d'une cuve d'huiles usées n°4, découverte en cours de travaux, qui auraient nécessité la destruction des revêtements de sol et l'abatage de la cloison du bureau, ce qui fait que les carrelages, les peintures de sol et les installations électriques touchées ont du être refaits ;

Considérant que M. [O] fait état d'erreurs matérielles dans le calcul du montant des factures prises en compte dans le jugement pour un total 92 919,27 euros ;

Considérant qu'il est précisé que la facture de la société Lennyance, n° 0 216, du 04/04/2009 de 11 362 euros est retenue à hauteur de 9 568 euros, le coût des travaux intérieurs de cloisonnement étant écarté, et que la facture de l'entreprise d'électricité Fabien Coic, n° 098127, du 04/04/2009 de 3 784,84 euros est écartée, celle-ci reflétant des travaux de mise aux normes, installation d'un ballon d'eau chaude, rénovation du garage et de l'enseigne ;

Qu'il n'est pas démontré que ces travaux, écartés par le tribunal, ont un lien direct avec la faute reprochée à Foncia, et n'ont pas été rendus nécessaires par la transformation et la mise aux normes de l'ancien garage ;

Considérant que, s'agissant de la facture de nettoyage, dégazage et traitement des terres polluées de la société ATI n°09034914 du 31 mars 2009, celle-ci n'a effectivement été comptabilisée à tort que pour 44 316,57 euros, soit pour son solde, déduction faite de l'acompte de 21 495,00 euros TTC, du montant total de 65 811,57 euros TTC ; que cette somme de 21 495 euros sera également prise en compte ;

Considérant que, s'agissant de la facture du 30 septembre 2011 de la société l'Etanchéité Rationnelle n°0911-4788 d'un montant de 9 497,65 euros TTC, elle n'a été prise en compte que pour son montant HT de 9 002 51 euros par erreur ; que le jugement sera rectifié en ce sens ;

Que la somme totale retenue par le tribunal sera dès lors confirmée pour 114 909,41 euros ; qu'après application du coefficient de perte de chance, la société Foncia sera condamnée de ce chef à payer à M. [O] la somme de 57 454,70 euros ;

Sur les travaux de la 3ème tranche :

Considérant que les travaux concernent l'enlèvement et le remplacement de la cuve de fuel domestique de l'immeuble d'habitation, ainsi que l'excavation des terres polluées alentour, ne peuvent être mis à la charge, même partiellement, de la société Foncia ;

Qu'en revanche, il sera fait droit à la demande concernant l'excavation des terres polluées au droit de l'ancien garage réalisée par la société ATI SK pour le montant de 25 409,74 euros TTC, soit, après application du coefficient de perte de chance, pour un montant de 12 704,87 euros ;

Sur les travaux de la 4ème tranche :

Considérant qu'il s'agit de travaux de drainage et de gestion des eaux souterraines préconisés par l'expert judiciaire M. [Q], effectués par l'entreprise Serpol ;

Considérant que le coût total des travaux complémentaires de dépollution restant à effectuer, toutes causes confondues, a été évalué par l'expert à la somme totale de 176 280 euros ; que Foncia doit sa garantie pour la moitié des 65% attribués aux installations de la station-service, de sorte qu'elle sera condamnée à payer à M. [O] la somme de 65% de 176 280 = 114 582/ 2 = 57 291 euros ;

Sur les frais d'expertise judiciaire :

Considérant que ceux-ci seront pris en charge au titre des dépens ;

Sur les pertes financières :

Considérant que M. [O] sollicite une somme de 50 000 euros au titre de la dépréciation du bien, du fait de l'inscription dans la Base de données BASOL sur les sites et sols pollués ; que cependant il ne produit aucune pièce permettant de justifier de cette décote, de sorte que cette demande sera rejetée ;

Qu'il sollicite une somme de 12 250 euros au titre des intérêts perdus en raison de l'avance de 100 000 euros sur le contrat d'assurance vie de [T] [H] Veuve [O], que celle-ci a du demander pour pouvoir faire face aux travaux ; qu'il est justifié qu'une avance de 100 000 euros lui a été accordée entre le 1er janvier et le 31 décembre 2009, le taux de rendement du contrat 'libreto' étant pour l'année 2009, ainsi que pour l'année 2010 de 3,96 % ; que ce taux était de 3,89 % en 2011 et de 3,85 % en 2012 ; qu'il lui sera alloué de ce chef une somme de 3 981,25 euros ;

Considérant que M. [O] sollicite une somme de 46 505,02 euros à titre de pertes de loyers, dus pour 19 990,84 euros par la société Arnold et Leroy et pour 26 514,18 euros par la société Automobiles Place Marquis, au motif que le mandat de gestion de Foncia Marne Europe comportait une garantie de loyers, et dans la mesure où, lors de la 3ème cession intervenue le 17 décembre 2007, le prix de cession couvrait amplement ce qui était dû et qu'il suffisait à la société Foncia Marne Europe de faire opposition sur ce prix pour qu'il soit payé aux consorts [O] ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient M. [O], la garantie des loyers impayés figure au mandat de 'gestion Prévoyance' concernant l'immeuble d'habitation composé de six appartements et nullement dans le mandat de 'gestion Valorisation' concernant les deux locaux commerciaux ;

Considérant que la cession du 17 décembre 2007 du fonds par la société Automobile Place Marquis à la société Arnold et Leroy a été signifiée à M. [P] [O] par acte d'huissier du 15 janvier 2008 ; qu'il n'est pas démontré que la société Foncia est intervenue à cette cession ;

Considérant qu'il ressort des énonciations du jugement rendu le 4 novembre 2008 par le tribunal de grande instance de Nanterre que, dès le 7 décembre 2007, un commandement de payer avait été délivré à la société Automobile Place Marquis, a été déclaré opposable à la société Arnold et Leroy et a permis que son expulsion soit ordonnée, ainsi que sa condamnation à payer les loyers impayés aux consorts [O] ; qu'aucune carence n'est démontrée à la charge de la société Foncia dans la gestion des arriérés de loyers, d'autant que les consorts [O] étaient en procédure avec leurs locataires depuis le mois de janvier 2004 ;

Sur les honoraires, frais de procédure et débours :

Considérant que M. [O] sollicite une somme de 85 719,42 euros au titre des honoraires, frais de procédure, frais d'expertise acquittés au 31 mars 2013, ainsi que des honoraires d'avocat payés de 2007 à 2012 ;

Considérant que l'intégralité des factures d'honoraires ne concernent pas uniquement la procédure opposant les consorts [O] aux époux [I], mais également celles les opposants à leurs locataires commerciaux à l'occasion de l'annulation d'une cession de fonds de commerce ou des procédures en recouvrement de loyers et expulsion, ainsi que les instances les opposant à Foncia elle-même ;

Considérant qu'à défaut d'un récapitulatif, contentieux par contentieux, la cour n'est pas en mesure de déterminer le montant des frais indemnisables en lien de causalité direct avec la faute reprochée à la société Foncia, de sorte que M. [O] sera débouté de ce chef de demande ;

Sur les demandes pour le futur :

Considérant que M. [O] ne démontre pas que des opérations de dépollution autres que celles chiffrées par l'expert dont la cour a tenu compte soient en cours, de sorte qu'il sera débouté de sa demande pour le futur ;

Sur les autres demandes :

Considérant que la société Foncia sera condamnée à payer à M. [O] une somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des dépens de l'appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement déféré sauf sur le montant des condamnations ;

Statuant à nouveau :

Condamne la SAS Foncia Marne Europe à payer à M. [P] [O] la somme de 131 431,82 euros en réparation de son préjudice ;

Condamne la SAS Foncia Marne Europe à payer à M. [P] [O] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Foncia Marne Europe au paiement des dépens qui comprendront 32,50 % des frais de l'expertise de M. [Q].

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 15/16881
Date de la décision : 16/03/2017

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°15/16881 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-16;15.16881 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award