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16/03/2017 | FRANCE | N°15/09913

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 16 mars 2017, 15/09913


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 16 Mars 2017

(n° , 17 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09913



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/11901





APPELANTE

Madame [A] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1961 à RUSSIE

comparante en personne, assi

stée de Me Svetlana ROMANOVICH, avocat au barreau de PARIS, toque : K0010

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016024868 du 16/08/2016 accordée par le bureau d'aide ju...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 16 Mars 2017

(n° , 17 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09913

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 16 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/11901

APPELANTE

Madame [A] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

née le [Date naissance 1] 1961 à RUSSIE

comparante en personne, assistée de Me Svetlana ROMANOVICH, avocat au barreau de PARIS, toque : K0010

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016024868 du 16/08/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

SARL EFFORT MANAGEMENT

[Adresse 3]

[Adresse 2]

représentée par Me Grégoire RINCOURT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0841

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Janvier 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Mourad CHENAF, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine BEZIO, Président de chambre

M. Mourad CHENAF, conseiller

Mme Patricia DUFOUR, conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine BEZIO, Président et par Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, greffière présente lors du prononcé.

EXPOSE DU LITIGE :

Madame [A] [S] a été embauchée par la Société EFFORT MANAGEMENT à compter du 25 novembre 2013, par contrat à durée indéterminée, en qualité de Contrôleur de Gestion, statut employée, position 2.1, coefficient 275, selon la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil (SYNTEC), moyennant une rémunération mensuelle de 1430,22 € pour 35 heures de travail hebdomadaire.

Le 10 juin 2014, Madame [A] [S] a quitté son travail au sein de la Société EFFORT MANAGEMENT en laissant une lettre dans laquelle elle a invoqué son droit de retrait, dénoncé être victime de harcèlement moral et de discrimination salariale. Dans ce courrier, la salariée a également fait état d une surcharge de travail à l origine de l altération des son état de santé et revendiqué le paiement d heures supplémentaires.

Par courrier des 20 juin et 24 juin 2014, la Société EFFORT MANAGEMENT a contesté l ensemble des accusations portées par la salariée, refusé de lui attribuer le coefficient professionnel qu'elle revendique et a considéré qu'elle était en absence injustifiées depuis le 10 juin 2014.

Le 23 juin 2014 Madame [A] [S] a fait parvenir une attestation d'un psychologue de l'hôpital [Établissement 1] indiquant la suivre régulièrement suite à une situation de harcèlement professionnel.

La Société EFFORT MANAGEMENT occupe habituellement plus de 10 salariés.

La salariée n a plus repris le travail depuis le 10 juin 2014.

Au dernier état, Madame [A] [S] percevait une rémunération mensuelle brute s élevant à la somme de 1446,40 €.

Faisant valoir qu elle était victime de discrimination salariale et de harcèlement moral, Madame [A] [S] avait saisi le Conseil de Prud'hommes de Paris le 19 septembre 2014 pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur et voir la Société EFFORT MANAGEMENT condamnée à lui verser diverses indemnisations notamment pour harcèlement moral, discrimination salariale, des rappels de salaires et primes, ainsi qu'un rappel de salaires d'heures supplémentaires et les congés payés afférents, une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ainsi qu une indemnité au titre de l article 700 du Code de Procédure Civile.

Par jugement du 16 juin 2016, le Conseil de Prud'hommes a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [A] [S] aux torts de l employeur et a condamné celui-ci à lui payer les sommes suivantes:

- 1112,48 € à titre de rappel de salaires

- 560 € à titre d indemnité compensatrice de congés payés

- 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

- 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame [A] [S] a été déboutée pour le surplus de ses demandes.

Vu l'appel formé par Madame [A] [S] contre cette décision le 9 octobre 2015.

Vu les conclusions du 13 janvier 2017 auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet des prétentions et des moyens, reprises oralement à l'audience, sans ajout ni retrait, par l'appelante qui demande à la Cour de confirmer le jugement en ce il a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, le principe d'une créance de salaire et d'une créance indemnitaire pour rupture abusive du contrat de travail, mais de le réformer sur les montant alloués et, statuant de nouveau et y ajoutant, de dire que la rupture de son contrat de travail doit produire les effets d un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en conséquence de condamner la Société EFFORT MANAGEMENT à lui verser les sommes de :

- 9656,34 € à titre de rappel de salaire pour la période du 25 novembre 2013 au 30 juin 2014 sur la base d un salaire mensuel de 3359,73 €, outre 965,63 € au titre des congés payés y afférents

- 12 164,36 € à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre 1216,43 € au titre des congés payés afférents

- 1329,09 € à titre de rappel de salaire de 60 heures au mois de juin 2014, outre 132,90 € au titre des congés payés afférents

- 2085,33 € au titre du reliquat des congés pour l année 2014, outre 208,53 € au titre des congés payés afférents

- 20 158,38 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

A titre subsidiaire ;

- 6204,79 € à titre de rappel de salaire pour la période du 25 novembre 2013 au 30 juin 2014 sur la base d un salaire mensuel de 2738,75 €, outre 6204,48 € au titre des congés payés y afférents

- 9916,98 € à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre 991,69 € au titre des congés payés afférents

- 1083,43 € à titre de rappel de salaire de 60 heures au mois de juin 2014, outre 108,34 € au titre des congés payés afférents

- 1699,96 € au titre du reliquat des congés pour l année 2014, outre 169,99 € au titre des congés payés afférents

- 16 432,50 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En tout état de cause ;

- 20 158,38 € ou 16 432,50 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé

- 20 158,38 € ou 16 432,50 € au titre de la violation du principe ' à travail égal, salaire égal'

- 20 158,38 € au titre de l' indemnité compensatrice de congés payés

- 2038,99 € à titre de prime de vacances 

- 221,14 € au titre des frais de transport

- 2085,33 € à titre d'indemnité de congé payé pour préavis, outre la somme de 208,53 € pour prime de vacances et subsidiairement la somme de 1699,96 € à titre d'indemnité de congés payés pour préavis, outre la somme de 169,99 € pour prime de vacances

- 3058,49 € ou subsidiairement 2493,27 € à titre d indemnité de licenciement

- 10 000 € à titre de dommages intérêts pour absence de visite médicale

- 6595,99 € ou subsidiairement 4981,45 € au titre de l'obligation de maintien du salaire en cas de longue maladie

- 72 570,16 € ou subsidiairement 59 157 € à titre d indemnité de compensation pour la perte de l'indemnité de longue maladie de mars 2015 au mois de mai 2017

- 20 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des conditions vexatoire d' exécution du contrat de travail

- 145 402,39 € ou subsidiairement 118 527,62 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié au non-respect de l'obligation de sécurité de résultat l altération de son état de santé imputable à l'entreprise

Madame [A] [S] réclame en outre une indemnité de 2.000 € au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, d'ordonner la capitalisation des sommes dues conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ainsi que la remise d'une attestation pôle emploi et d'un bulletin de paie conformes à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 € par jour de retard, en condamnant la société FTI Consulting aux dépens.

Vu les conclusions du 13 janvier 2017, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet des prétentions et des moyens, reprises oralement à l'audience, par la Société EFFORT MANAGEMENT qui, formant appel incident, demande à la Cour de débouter Madame [A] [S] de l' intégralité de ses demandes et de condamner celle-ci à supporter les entiers dépens.

A l'audience de plaidoirie du 13 janvier 2017, la Société EFFORT MANAGEMENT abandonne sa demande fondée sur des dispositions de l'article 58 du code de procédure civile tendant à voir déclarer nulle la déclaration d appel de la salariée datée du 9 octobre 2015.

Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir :

- que la différence dans le montant des rémunérations de Madame [A] [S] et Monsieur [Z] est justifiée par les situations respectives des salariés : différence de formation, de diplômes et d'expérience professionnelle - travail différent dans l'entreprise - différence de rémunération chez le précédent employeur,

- que ses allégations de harcèlement moral, d'altération de son état de santé en raison du rythme de travail imposé par l'employeur ne sont pas fondées,

- que ses demandes au titre des heures supplémentaires et de classification à un échelon supérieur ne sont pas fondées,

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement à l audience du 13 janvier 2017.

A la suite des débats, les parties ont été entendues en leurs dires et observations et avisées que l'affaire a été mise en délibéré pour un arrêt rendu le 16 mars 2017.

SUR QUOI

LA COUR

Sur la rupture de la relation de travail :

Selon l'article 2 du Code de procédure civile, Les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis.

L'article 4 du même code précise que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En application de l'article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Il résulte des débats que le 10 juin 2014, Madame [A] [S] a quitté son travail au sein de la Société EFFORT MANAGEMENT et n y est plus revenue par la suite en laissant une lettre dans laquelle elle :

Alerte son employeur de l'existence d'un danger grave pour sa sécurité, sa santé et sa dignité

Informe son employeur de l'exercice de son droit de retrait en application de l'article L 4131-1 du Code du Travail

Dénonce des agissements de harcèlement moral et réclame des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l''employeur

Dénonce une charge de travail s'apparentant à de l'esclavage sans être payée de ses heures supplémentaires ( elle affirme travailler 54 heures par semaine)

Revendique une classification indiciaire supérieure

Informe son employeur qu'elle prend ses repos compensateurs qu'elle évalue à 41 jours.

Par courriers des 20 juin et 24 juin 2014, le directeur administratif et financier de la Société EFFORT MANAGEMENT a répondu point par point aux revendications de la salariée, a contesté les accusations de harcèlement moral et a réclamé à Madame [A] [S] des explications sur son absence injustifiée depuis le 10 juin 2014, lui a demandé de faire parvenir un arrêt de travail tout en lui indiquant transmettre les demandes financières à la direction de la société.

Le 23 juillet 2014, l'Avocat de Madame [A] [S] a mis la Société EFFORT MANAGEMENT en demeure de régulariser la situation de la salariée tant au niveau de sa rémunération que dans ses conditions de travail, il a réclamé le paiement d'une somme à parfaire de 25 092,31 € et a informé l'employeur qu'à défaut, la salariée prendrait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société.

En réponse, la société a maintenu son opposition aux revendications indemnitaires de la salariée et a contesté toute situation de harcèlement moral et la demande de classification au statut cadre.

Le 8 septembre 2014, l'Avocat de Mme [A] [S] a informé la société que, compte tenu de l'arrêt maladie pour dépression, celle-ci était dans l'impossibilité de rependre son travail ce à quoi l'employeur a indiqué prendre acte du non-retour de la salariée.

Par requête du 19 septembre 2014, Madame [A] [S] a saisi le Conseil de Prud'hommes de demandes tendant à obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.

Cependant, la Cour relève que la salarié, s'estimant en danger, a cessé définitivement de travailler pour le compte de la Société EFFORT MANAGEMENT à compter du 10 juin 2014, n a jamais fait parvenir d arrêt de travail pour maladie et a fait savoir par la suite à son employeur que son retour au sein de la Société EFFORT MANAGEMENT était impossible en raison des manquements qu elle lui impute.

Par ailleurs, il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines au départ de la salariée de l'entreprise, que sa décision de ne plus revenir travailler au sein de la Société EFFORT MANAGEMENT en raison de faits ou manquements imputables à son employeur notifiée le 8 septembre 2014, ne peut nullement être considérée comme une démission claire et non équivoque mais doit s analyser en une prise d acte de la rupture de son contrat de travail.

La prise d acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu' il reproche à l employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu' il n y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite postérieurement.

Il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d' acte en examinant l' ensemble des manquements de l' employeur invoqués par le salarié tant à l appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu à l appui de la prise d acte.

La cour examinera par conséquent la seule prise d' acte.

Si les griefs sont fondés, la rupture emporte les effets d' un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Madame [A] [S] reproche à son employeur les manquements suivants :

- une situation de discrimination salariale à raison de son sexe et de son âge

- la violation du principe « A travail égal, salaire égal »

- une discrimination en matière de classification professionnelle

- un harcèlement moral

- une charge de travail s apparentant à de l esclavage

- l altération de son état de santé imputable à ses conditions de travail

- des heures supplémentaires non payées

Sur la discrimination salariale à raison du sexe et de l âge :

Aux termes de l article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d une procédure de recrutement ou de l accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l objet d une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l article 1er de la loi n  2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l article L.3221-3, de mesures d intéressement ou de distribution d actions, de formation, de reclassement, d affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Selon l article 1er de la loi n  2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations

- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu une autre ne l est, ne l a été ou ne l aura été dans une situation comparable,

- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d entraîner, pour l un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

- la discrimination inclut tout agissement lié à l un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L article L.1134-1 du code du travail prévoit qu' en cas de litige relatif à l' application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l existence d une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l article 1er de la loi n  2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l' employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d' instruction qu' il estime utiles.

En l'espèce, Madame [A] [S] invoque les faits suivants :

Elle a été embauchée à l'âge de 52 ans aux fonctions de contrôleur de gestion avec un coefficient 275 de la convention collective SYNTEC, soit une rémunération de 1430,22 € alors que Monsieur [Z] à été recruté à l' âge de 27 ans au coefficient 230 et avec une rémunération de 2200 € à la date son embauche.

La salariée estime que cette situation caractérise la discrimination salariale en raison du sexe et de l âge qu elle dénonce.

Pour étayer ses affirmations, Madame [A] [S] produit notamment son contrat de travail et celui de Monsieur [K] [Z] desquels il résulte que ce salarié ne se trouve pas dans une situation professionnelle identique à celle occupée par Madame [A] [S] en ce qu il a été recruté par la Société EFFORT MANAGEMENT pour exercer les fonctions de responsable commercial, fonctions qui n'ont aucune similitude avec les fonctions de contrôleur de gestion exercées par Madame [A] [S], qui au demeurant n avait aucune responsabilité sur un service, de sorte que la différence de salaire à l'embauche est justifiée par la différence de fonctions et de responsabilités exercées par les deux salariés.

En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d éléments de fait précis et concordants laissant supposer l' existence d' une discrimination directe ou indirecte au sens des textes ci-dessus n est pas démontrée. Les demandes relatives à la discrimination doivent par conséquent être rejetées.

Sur la violation du principe à travail égal, salaire égal :

Aux termes des articles L. 3221-3 et L. 3221-4 du même code, « constitue une rémunération au sens du présent chapitre, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au salarié en raison de l'emploi de ce dernier' ; et 'sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ».

L'article L. 3221-2 du même code énonce que « tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes ».

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal salaire égal' de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, le caractère discrétionnaire de la rémunération n'autorisant pas l'employeur à rémunérer différemment des salariés pour un même travail ou un travail de valeur égale.

En l espèce, Madame [A] [S] invoque les faits suivants :

Elle a été embauchée aux fonctions de contrôleur de gestion en raison de sa maîtrise de la langue Russe ce qui était une condition importante posée par la Société EFFORT MANAGEMENT où la quasi-totalité des salariés sont d'origine Russe.

Monsieur [Z] a bénéficié d'un salaire supérieur au sien alors qu il ne parle pas le Russe.

Elle estime que la différence de salaire ne peut se justifier que par la décision de l employeur d accorder un salaire supérieur au sien à un homme plus jeune qu elle, ce qui caractérise selon elle une violation du principe à travail égal, salaire égal.

Pour étayer ses affirmations, Madame [A] [S] produit notamment son contrat de travail et celui de Monsieur [K] [Z], une attestation de la Chef Comptable et un descriptif de ses fonctions desquels il résulte, comme il a été dit plus haut, que ce salarié ne se trouve pas dans une situation professionnelle identique à celle occupée par Madame [A] [S] en ce qu'il a été recruté par la Société EFFORT MANAGEMENT pour exercer les fonctions de responsable commercial, fonctions sans aucune similitude avec les fonctions de contrôleur de gestion exercées par Madame [A] [S].

Dès lors, il n' est absolument pas pertinent de prendre en compte la situation de Monsieur [Z] comme le fait Madame [A] [S] pour effectuer une quelconque comparaison entre des salariés de la Société EFFORT MANAGEMENT pour identifier une éventuelle différence de traitement, le principe « à travail égal, salaire égal » ne s'appliquant qu'entre salariés placés dans des situations professionnelles identiques.

De surcroît, il n est pas contesté par la salariée que Monsieur [Z] est diplômé

d' une grande école de commerce française, en l espèce l' [Établissement 2] et qu il a justifié détenir un MASTER et un MBA de l' [Établissement 2] et une expérience professionnelle significative en France dans des entreprise de renom et notamment la Banque Rotschild et la Banque HSBC.

Il se déduit de cette analyse que les fonctions exercées concrètement par le salarié avec lequel Madame [A] [S] compare sa situation, avait, du fait de sa formation et de son expérience professionnelle dont il se trouvait pourvu, des responsabilités plus importantes à celles exercées par Madame [A] [S], ce qui justifie de manière objective la différence de rémunération ; le moyen développé au soutien de la demande de résiliation judiciaire tiré de la violation du principe « travail égal, salaire égal » n'est donc pas fondé, ce qui conduit la Cour à le déclarer inopérant.

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l objet d une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L article L.1154-1 du même code prévoit qu en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l existence d un harcèlement et il incombe alors à l employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l espèce, Madame [A] [S] affirme avoir a été victime d'harcèlement moral prenant la forme d une violence verbale à son égard, de propos injurieux et humiliations de la part des dirigeants de l'entreprise sur ses capacités et ses compétences professionnelles. Elle dénonce également une charge de travail s apparentant à de « l'esclavage » qui aurait altéré sa santé et des conditions de travail qui l'ont conduit à exercer son droit de retrait conformément aux dispositions de l article L 4131-1 du code de travail et ce afin de protéger sa santé.

Pour étayer ses affirmations, Madame [A] [S] s'appuie exclusivement sur le courrier qu elle a laissé le 10 juin 2014 à l accueil de l immeuble occupé par la Société EFFORT MANAGEMENT dans lequel elle justifie son départ de l entreprise pour prendre des congés en raison du harcèlement dont elle se disait victime au sein de l'entreprise et des différentes discriminations, salariales et professionnelles qu elle imputait à l employeur ainsi qu'une surcharge de travail et des heures supplémentaires non payées.

Elle communique également des certificats médicaux postérieurs à son départ de l' entreprise, le premier daté du 23 juin 2014 et deux autres certificats datés respectivement du 10 mars 2015 et du 29 septembre 2016 qui constatent des troubles psychologiques invalidant imputables selon le Psychologue aux conditions de travail de la salariée, ce psychologie conclu à l'impossibilité pour Madame [S] de poursuivre son travail au sein de la Société EFFORT MANAGEMENT.

Madame [A] [S] établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre et qui doivent par conséquent être discutés par l'employeur.

L'employeur conteste les allégations de la salariée, dément que quiconque au sein de l'entreprise ait jamais tenu des propos injurieux ou humiliants à l égard de la salariée, rappelle que Madame [A] [S] a quitté brusquement la société sans donner la moindre explication et n a adressé un certificat médical que le 23 juin 2014, qu'elle n' a pas daigné répondre à un courrier dans lequel il lui était demandé de justifier de son absence, que Madame [A] [S] reconnaît elle-même qu elle souffrait d une pathologie mentale avant son embauche, qu en toute hypothèse, elle ne produit aucun document permettant d établir un lien entre l altération de son état de santé et ses conditions de travail au sein de la Société EFFORT MANAGEMENT, que contrairement aux allégations de la salariée, les conditions de travail au sein de la société sont bonnes comme l a confirmé une enquête interne diligentée à la suite de la lettre de la salariée, qu enfin durant les 7 mois de travail, Madame [A] [S] ne s' est jamais plainte de ses conditions de travail en encore moins d une surcharge de travail.

Il produit notamment le questionnaire sur les conditions de travail remis aux salariés de la société lors de l enquête interne de laquelle il résulte que l'ensemble des salariés ont indiqué être satisfaits de leurs conditions de travail qualifiées de normales et de correctes, des attestations de salariés et d un responsable, à savoir, Madame [L] qui atteste que « les conditions de travail chez EFFORT MANAGEMENT sont très correctes  , Madame [S] ne s est jamais plainte de quoi que ce soit. Elle n a jamais mentionné un quelconque harcèlement de qui que ce soit », Madame [J] qui indique « Je travaille chez EFFORT MANAGEMENT depuis des années. Les conditions de travail sont agréables et [C] [F] contribue à ces bonnes conditions de travail .

J' entendais souvent Madame [A] [S] discuter des heures de sujets futiles avec les employés de nos clients. J' ai d ailleurs reçu des plaintes de nos clients contre Madame [A] [S], qui d après nos clients, perturbait leurs employés en les distrayant», Monsieur [F] déclare quant à lui « Elle passait des heures sur Skype pour parler de la pluie et du beau temps avec certains employés Russes » le courrier adressé à la salarié après son départ de la société le 10 juin 2014 l invitant à fournir des explications sur son départ, à justifier son absence et à communiquer un arrêt de travail, l'affichage de l'horaire collectif faisant état d une amplitude de travail comprise entre 9 heures et 18 heures du lundi au vendredi avec 2 heures de pause, des documents échangés avec la médecine du travail qui démontrent que Madame [A] [S] s'est volontairement soustraite à la visite médicale d embauche organisée par l employeur pour tous les nouveaux salariés.

Ces documents confirment les allégations de l'employeur.

En l'état des explications et des pièces produites par les parties, il apparaît que le seul document faisant état de harcèlement moral est le courrier rédigé par la salarié qui au demeurant ne permet pas de déterminer les circonstances, les lieux ou les personnes concernés par les propos injurieux et humiliants qui auraient été proférés à son encontre, aucune pièce probante communiquée par la salariée ne fait présumer qu'elle aurait été victime d' agissements répétés de la part de l' employeur ou d un supérieur ayant pour effet d' altérer son état de santé ou de dégrader ses conditions de travail, la salariée échouant par ailleurs à démontrer que l'employeur lui a imposé une charge de travail excessive qui

s'apparenterait, selon ses propres termes à de l'esclavage, l'employeur démontrant au contraire que les salariés de la société estiment que leurs conditions de travail au sein de la Société EFFORT MANAGEMENT sont normales et correctes, elle n'établit pas davantage que l'altération de son état de santé et notamment les problèmes psychologiques qu'elle rencontre sont en lien avec ses conditions de travail ; de plus les attestations médicales communiquées par la salariée sont insuffisantes pour établir que la salarié est fondée à invoquer son droit de retrait en raison d'un danger grave et imminent pour sa santé mentale et physique lié à ses conditions de travail, au demeurant l employeur démontre qu' il a pris au sérieux le courrier d alerte de la salarié en diligentant une enquête interne sur les conditions de travail au sein de la société et en écrivant par deux fois à la salariée pour tenter d obtenir des explications et lui demander de justifier son absence à compter du 10 juin 2014, enfin comme il a été dit plus haut, la salariée ne peut soutenir avoir été victime de discrimination à raison de l'âge ou du sexe ou de discrimination salariale, la salariée se comparant à un autre salarié exerçant des fonctions dans aucune similitude avec celles exercées par Madame [A] [S].

De surcroît, il ressort des débats que Madame [A] [S] était, avant son embauche, en suivi psychologique avec un psychologue spécialisé en victimologie depuis des années ce qu'elle ne conteste pas de sorte qu'il n'est nullement démontré que le classement de la salariée en invalidité de 2ème catégorie par la sécurité sociale soit en lien avec ses conditions de travail au sein de la Société EFFORT MANAGEMENT.

D'où il se déduit que les agissements invoqués par Madame [A] [S] à l'encontre de son employeur, ne caractérisent pas des faits de harcèlement moral, ce qui conduit la Cour à rejeter la demande de dommages et intérêts présentée de ce chef ainsi que la demande de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité .

Sur la demande de classification à un coefficient compris entre 355 et 500 de la convention collective SYNTEC :

Il appartient au salarié qui se prévaut d une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu il revendique.

Au soutien de sa demande de rupture du contrat imputable à l'employeur, Madame [A] [S] articule un moyen tiré d une « discrimination en matière de classification professionnelle » en faisant valoir que contrairement aux dispositions de la convention collective SYNTEC, l' employeur lui a attribué à son embauche un coefficient 275 alors que la grille du collègue ETAM en gestion comptabilité prévoit que les contrôleurs de gestion sont positionnés à un coefficient compris entre 355 et 500.

Madame [A] [S] revendique un coefficient compris entre « 355 et 500 » de la convention collective SYNTEC à compter de son embauche en qualité de Contrôleur de Gestion.

Sans réellement contredire les affirmations de la salariée sur la classification indiciaire des contrôleurs de gestion, telle qu' elle est prévue par la convention collective, l'employeur se borne à indiquer que Madame [A] [S] n'avait pas les compétences nécessaires pour obtenir un coefficient supérieur à celui qui lui a été attribué à son embauche, qu' elle commettait de nombreuses erreurs dans l' exécution de ses tâches ce qui a valu à l' entreprise des remarques et protestations de clients et qu elle avait de surcroît de graves lacunes en Français.

Pour étayer ses affirmations, Madame [A] [S] produit notamment, son contrat de travail, un descriptif de ses fonctions, des copies d écran, des extraits de la convention collective SYNTEC qui démontrent qu elle exerçait réellement les fonctions d un Contrôleur de Gestion débutant.

En conséquence, il convient de constater que Madame [A] [S] démontre qu elle assurait de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions de Contrôleur de Gestion, des tâches relevant du coefficient 355 de la convention collective SYNTEC à compter du 27 novembre 2013.

Cependant, aucune pièce produite aux débats ne vient démontrer que l'employeur a maintenu Madame [A] [S] au coefficient 275 de son embauche au 10 juin 2014 au motif qu elle était une femme et qu elle était âgée de 52 ans à son embauche comme l'affirme la salariée.

Dès lors, en l'absence de contestation de l'employeur sur le décompte produit par la salariée, celle-ci est fondée à obtenir un rappel de salaire d un montant de 6204,79 €, outre la somme de 620,48 € au titre de congés payés afférents pour la période du 23 novembre 2013 au 10 juin 2014, date de son dernier jour travaillé.

Le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris est infirmé sur ce point.

Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé :

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures effectuées, le salarié doit fournir des éléments de nature à étayer sa demande ; l'employeur doit produire des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et le juge forme sa conviction en examinant les éléments fournis par l'employeur et par le salarié en ordonnant au besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. En produisant un décompte suffisamment précis des heures qu'il prétendait avoir réalisées, un salarié étaye suffisamment sa demande.

Madame [A] [S] fait valoir qu' elle dépassait régulièrement la durée journalière de travail et le contingent annuel des heures supplémentaires autorisé par la loi et qu'en conséquence elle est fondée à obtenir le paiement des heures supplémentaires effectuées.

Elle ajoute que l'employeur s'est rendu coupable de travail dissimulé de sorte que la rupture de son contrat de travail est imputable aux manquements aux torts de l'employeur et doit produire les effets d un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce Madame [A] [S] sollicite le paiement de ses heures supplémentaires et produit un décompte des heures qu'elle prétend avoir réalisées, calculées mois par mois en exposant qu'elle travaillait bien au-delà de l'horaire collectif que sa journée ne terminait pas avant 21h ; elle prétend, ainsi, avoir effectué 406 heures supplémentaires.

La Cour retient que les copies d'écran, ayant un contenu relatif au travail en cours à des heures postérieures à 18 heures, démontrent qu' elle effectuait des heures supplémentaires échappant aux heures de travail prévues par son contrat de travail ; la prétention au paiement d'heures supplémentaires se trouve ainsi étayée.

La Société EFFORT MANAGEMENT expose que Madame [A] [S] n'a jamais attiré l'attention de son employeur sur la charge de travail, ni réclamé le paiement d'heures supplémentaires. L'employeur précise qu aucune heure supplémentaire n'est demandée aux salariées de la société et que s agissant plus particulièrement de Madame [A] [S] il ne lui a pas été expressément demandé de dépasser ses heures de travail; elle conteste la valeur probante des copies d'écran communiquées par Madame [A] [S].

La salariée produit un décompte de ses heures supplémentaires détaillé suffisant pour étayer sa demande. Cependant, les pièces produites ne suffisent pas à prouver le quantum de 406 en 7 mois d'activité. En effet, il ressort des éléments versés aux débats que la salariée pouvait être amenée à travailler régulièrement au-delà de 19 heures et parfois jusqu'à 21 heures, il n'est pas établi que la salariée aurait travaillé pendant les heures de fermeture ou pendant ses jours de repos, les attestations produites en ce sens n'étant pas suffisamment crédibles et circonstanciées.

En l'état de ces éléments et dès lors qu'en dépit de l'obligation légale lui incombant, l'employeur ne peut produire un document fiable comptabilisant les heures de travail effectuées par la salariée, il apparaît, au vu du relevé d'heures produits par la salariée, que celle-ci a effectivement accompli des heures supplémentaires dont le nombre doit cependant être fixé en considération des documents produits aux débats à 140 heures, soit une créance salariale de 3304 €, outre 330,40 € au titre des congés payés afférents en se basant sur le mode de calcul soumis par la salariée et non contesté par l employeur.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur le travail dissimulé

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail « est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur : 1 Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ; 2 Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; 3 Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légal ».

En outre, l'article L. 8223-1 du même code énonce qu ' en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire'.

En l'espèce, Madame [A] [S] demande à la Cour de condamner la Société EFFORT MANAGEMENT à lui verser 20 158,38 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé, avec intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir.

Cependant, l'existence de 140 heures supplémentaires en 7 mois d activité n est pas de nature à démontrer que l'employeur s'est soustrait intentionnellement à ses obligations et notamment de celle de déclaration des heures de travail supérieures à ce qui a été prévu dans le contrat de travail du salarié; la demande de Madame [A] [S] relative à l'indemnité pour travail dissimulé a été à bon droit rejetée par le Conseil de Prud'hommes ; le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Il résulte de tout ce qui précède que Madame [A] [S] démontre que l'employeur a refusé de la classer au coefficient minimal de la convention collective malgré ses demandes répétées et en dehors de toutes dispositions légales ou conventionnelles justifiant un classement inférieur, qu'elle établit également que la Société EFFORT MANAGEMENT a refusé de lui régler les heures supplémentaires effectuées, ce dont il se déduit que l'employeur a gravement manqué à ses obligations contractuelles rendant ainsi impossible la poursuite du contrat de travail,

Il ressort de l'intégralité des éléments sus-exposés qu'il y a lieu de constater que la rupture du contrat de travail à l initiative de la salariée s analyse en une prise d acte qui doit produire les effets d un licenciement sans cause réelle et sérieuse à compter du 8 septembre 2014.

En considération des explications et des pièces du dossier et en l'absence de contestation sérieuse de l'employeur sur les demandes indemnitaires de Madame [A] [S] , cette situation ouvre droit pour celle-ci au paiement des sommes suivantes:

-5609,20 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (sur la base d un salaire mensuel moyen brut s établissant à 2804,60 €)

-560.92 € au titre des congés payés afférents,

-560.92 € au titre de la prime de vacances

-327,20 € au titre de l'indemnité de licenciement.

Aux termes de l' article L.1235-5 du code du travail, les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues à l'article L1235-3 du même code selon lesquelles il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement intervenant dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés. En cas de licenciement abusif, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Compte tenu de l ancienneté de Madame [A] [S] (8 mois et 15 jours), de sa rémunération et de l'évolution de sa situation postérieurement au licenciement, des conditions dans lesquelles la relation de travail a été rompue, tels qu ils résultent des pièces et des explications fournies, la Cour est en mesure d évaluer l'indemnité pour licenciement pour rupture abusive à la somme de 6000 €.

La demande de Madame [A] [S] pour rupture de la relation de travail dans des conditions vexatoires est rejetée.

En considération de ce qui précède, les demandes de Madame [A] [S] afférentes à sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, d indemnité pour discrimination à raison de l'âge et du sexe, d'indemnité pour inégalité de traitement, de dommages et intérêts « pour perte de chance professionnelle et personnelle », d indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité sont intégralement rejetées.

La décision des premiers juges est infirmée en ce qu elle a fait droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [A] [S] aux torts de l'employeur.

Sur les autres demandes de Madame [A] [S] :

Comme il a été dit plus haut, l'exercice du droit de retrait par Madame [A] [S] pour justifier son départ brusque de la société le 10 juin 2014 a été considéré sans fondement, faute pour la salariée de démontrer qu'elle courrait un danger grave et imminent sur son lieu de travail.

Dès lors, l' employeur était en droit de considéré que la salariée était en absence injustifiée à compter de cette date et d' opérer une retenue sur son salaire de juin 2014. La demande de rappel de salaire au titre du mois de juin 2014 est rejetée.

La décision des premiers juges est confirmée sur ce point.

En l'absence de contestation de l'employeur, il est fait droit à la demande de Madame [A] [S] au titre du rappel au titre des congés payés 2014 d un montant de 1699,99 €, outre la somme de 169,99 € au titre des congés payés afférents.

Sur la demande au titre des frais de transport :

Se prévalant des dispositions des articles L. 3261-2 et R 3261-1 du Code du Travail, Madame [A] [S] réclame le paiement de la somme de 221,14 au titre de ses frais de transport pour la période allant de novembre 2013 à juin 2014.

Cependant, la Société EFFORT MANAGEMENT démontre que la salariée a bien perçu ses frais de transport pour 5 zones par la production des bulletins de paie de la salariée qui font effectivement apparaître que celle-ci a perçu des frais pour transport d'un montant de 51,18 € par mois jusqu'en mars 2014, puis une somme mensuelle de 52,70 €.

En conséquence de quoi, la demande de Madame [A] [S] est rejetée.

Sur la demande de maintien de salaire et au titre de la perte de l'indemnité longue maladie :

Se prévalant de l'application de l'article 2bis de l'accord du 27 mars 1997 relatif à la prévoyance annexée à la convention collective SYNTEC, Madame [A] [S] réclame le bénéfice du maintien de son salaire pour trois mois à compter du mois de décembre 2014, soit la somme de 6595,99 € à titre principal ou 4981,45 € à titre subsidiaire.

Cependant, comme il est indiqué à l'article 2 bis de l accord du 27 mars 1997, la garantie des salaires instituée à cette article cesse à la date de la rupture du contrat de travail, soit au cas d'espèce au 8 septembre 2014.

La demande d'indemnité de compensation « pour perte de l'indemnité de longue maladie » pour la période allant de mars 2015 à mai 2017, qui au demeurant n'est fondée sur aucune disposition légale et n'est étayée par aucune pièce probante, est également rejetée car portant sur une période postérieure à la rupture du contrat de travail.

Dès lors cette demande est rejetée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de visites médicales :

L'employeur, tenu à une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des salariés, doit en assurer l'effectivité en organisant notamment les examens médicaux prévus aux articles R 4624-10 et R 4624-16 du code de travail ; il établit en l'espèce, qu'il a organisé la visite médicale d'embauche auprès de l organisme « AMI », qu'il a réglé la facture correspondante aux visites médicales obligatoires et que Madame [A] [S] ne s'est pas présentée au rendez-vous fixé par le médecin à l'insu de son employeur.

Madame [A] [S] est donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef et le jugement déféré est confirmé sur ce point.

Sur la remise de documents :

Il résulte des débats que la Société EFFORT MANAGEMENT n'a pas remis à Madame [A] [S] ses bulletins de paie et l'attestation Pôle emploi en exécution du jugement du Conseil de Prud'hommes au motif que la salariée avait interjeté appel de cette décision.

Madame [A] [S] démontre que l'absence de communication de ces documents n' a pas permis à la sécurité sociale de calculer ses droits au titre de sa pension d invalidité, préjudice qui sera réparé par l octroi à la salariée d' une indemnité de 1500 € à titre de dommages et intérêts.

Il sera ordonné ci-après, à la Société EFFORT MANAGEMENT de remettre à la salariée ses bulletins de salaire, conformes à la présente décision.

Aucune circonstance de l'espèce ne conduit à assortir cette disposition d'une mesure d'astreinte.

Sur le cours des intérêts :

Les indemnités à caractère salarial seront assorties d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société EFFORT MANAGEMENT de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, et les dommages et intérêts alloués seront assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

La capitalisation des intérêts est de droit, dès lors qu'elle est demandée et s'opérera par année entière.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La Société EFFORT MANAGEMENT qui succombe, supportera la charge des entiers dépens de l instance.

L' équité commande de rejeter la demande de Madame [A] [S] en application de l article 37 de la loi n  91-647 du 10 juillet 1991 relative à l aide juridique et de rejeter la demande de la Société EFFORT MANAGEMENT au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris en ce qu il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [A] [S] aux torts de la Société EFFORT MANAGEMENT,

Statuant de nouveau sur les points réformés et y ajoutant :

DIT que la rupture du contrat de travail à l'initiative de Madame [A] [S] s' analyse en une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur qui produit les effets d'un licenciement sans cause et réelle à compter du 8 septembre 2014;

DIT que Madame [A] [S] doit être positionnée au coefficient 355 de la convention collective SYNTEC à compter de son embauche ;

En conséquence,

FIXE le salaire mensuel moyen brut de Madame [A] [S] à 2804,60 € ;

CONDAMNE la Société EFFORT MANAGEMENT à payer à Madame [A] [S] les sommes suivantes :

- 6204,79 € à titre de rappel de salaire, outre la somme de 620,48 € au titre de congés payés afférents;

- 3304 € au titre des heures supplémentaires, outre 330,40 € au titre des congés payés afférents ;

- 5609,20 € à titre d indemnité compensatrice de préavis;

- 560.92 € au titre des congés payés afférents ;

- 560.92 € au titre de la prime de vacances ;

- 327,20 € à titre d indemnité de licenciement ;

- 6000 € à titre d indemnité pour licenciement abusif;

- 1699,99 € au titre du rappel au titre des congés payés de l'année 2014 ;

- 169,99 € à titre de congés payés afférents ;

- 1500 € à titre de dommages et intérêts pour absence de remise des documents sociaux ;

REJETTE le surplus des demandes de Madame [A] [S] ;

ORDONNE la remise par la Société EFFORT MANAGEMENT à Madame [A] [S] les bulletins de paye et documents sociaux conformes à la présente décision;

DIT que les sommes à caractère salarial porteront intérêt au taux légal à compter de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation du Conseil de Prud'hommes, et les sommes à caractère indemnitaire, à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées ;

FAIT droit à la demande de capitalisation des intérêts dans les termes et les conditions des dispositions légales;

DEBOUTE Madame [A] [S] de sa demande au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et la Société EFFORT MANAGEMENT de sa demande au titre de l' article 700 du Code de Procédure Civile ;

DIT que la Société EFFORT MANAGEMENT supportera la charge des entiers dépens.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 15/09913
Date de la décision : 16/03/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°15/09913 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-16;15.09913 ?
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