Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4- Chambre 1
ARRÊT DU 10 MARS 2017
(no, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/ 23872
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Septembre 2015- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 12/ 16401
APPELANTE
Madame Michèle X... épouse Y...
née le 12 Juin 1953 à BAZOCHE GOUET (28330)
demeurant...
Représentée et assistée sur l'audience par Me Didier HOUILLE de la SELASU SELASU Didier HOUILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0478
INTIMÉE
SCI RIVOLI-MORIN RE agissant poursuites et diligences de son Gérant y domicilié en cette qualité.
No SIRET : 492 973 151
ayant son siège au 22, avenue de l'Opéra-75001 PARIS
Représentée par Me Philippe GALLAND de la SCP SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Assistée sur l'audience par Me Frédéric GOLAB, avocat au barreau de PARIS, toque : K0134
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Février 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Dominique DOS REIS, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique DOS REIS, Présidente
Madame Christine BARBEROT, Conseillère
Monsieur Dominique GILLES, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique DOS REIS, Présidente, et par Monsieur Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision à été remise par le magistrat signataire.
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* *
Au mois de mai 2005, Mme Michèle X... épouse Y..., propriétaire d'un pavillon à Saint-Cyr-sur-Morin (77),..., qu'elle venait de racheter à une indivision familiale à l'aide d'un emprunt bancaire, s'est vu délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière par la société GE Money Bank, pour recouvrement de la somme de 118. 994 € en principal et de 23. 784, 80 € en accessoires. Elle s'est alors rapprochée, par l'intermédiaire d'un conseiller en opérations bancaires, M. Z..., de Mme A..., laquelle lui a proposé de vendre son bien en réméré, c'est à dire avec faculté de rachat. C'est ainsi que la SCI Rivoli-Morin Re, dont la gérante était Mme A..., a acquis, suivant acte authentique du 15 février 2007, le pavillon dont s'agit moyennant le prix de 170. 000 € et l'a donné en location, moyennant un loyer mensuel de 1. 700 €, pour six années, à Mme Y... qui devait exercer sa faculté de rachat dans les cinq années à compter de la vente pour redevenir propriétaire de son pavillon.
Mme Y... n'a pas réglé régulièrement ses loyers, accumulant des arriérés totalisant un montant d'environ 23. 000 € environ, ce qui a conduit la SCI Rivoli-Morin Re à lui délivrer un congé avec offre de vente.
Mme Y... n'y a pas donné suite mais a assigné la SCI Rivoli-Morin Re, par acte extra-judiciaire du 25 septembre 2012, à l'effet de voir requalifier la vente en contrat pignoratif, de l'entendre annuler en tant que montage frauduleux destiné à contourner les prohibitions légales relatives à l'usure et aux pactes commissoires, de faire condamner Mme A... et la SCI Rivoli-Morin Re solidairement au paiement des sommes de 73. 712, 65 € en réparation de son préjudice de jouissance et de 10. 000 € en réparation de son préjudice moral.
La SCI Rivoli-Morin Re a sollicité, à titre reconventionnel, la condamnation de Mme Y... au paiement de la somme de 10. 000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Par jugement du 17 septembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :
- dit irrecevables les demandes formées contre Mme A...,
- débouté Mme Y... de ses demandes à l'encontre de la SCI Rivoli-Morin Re,
- débouté la SCI Rivoli-Morin Re de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- condamné Mme Y... à payer à la SCI Rivoli-Morin Re la somme de 5. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire.
Mme Y... a relevé appel de ce jugement dont elle poursuit l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions signifiées le 26 février 2016, de :
au visa des articles L. 519-1 et L. 519-2 du code monétaire et financier, des articles 1658, 1659 et suivants, 1582 et suivants, 1109 et suivants, 1304 et suivants, 2459, 1382 du code civil, L. 313 et suivants du code de la consommation, de l'ordonnance de 2006 réformant le droit des sûretés,
- requalifier la vente à réméré du 15 février 2007 en acte pignoratif,
- prononcer la nullité de la vente à réméré du 15 février 2007, notamment pour violence, lésion de plus des 7/ 12èmes, vil prix, absence de cause et d'objet, ainsi que tous les actes subséquents qui en découlent,
- dire que la responsabilité de la SCI Rivoli-Morin Re représentée par Mme A..., est engagée,
- condamner la SCI Rivoli-Morin Re représentée par Mme A... au remboursement de la somme de 73. 742 € correspondant à son préjudice financier,
- condamner la SCI Rivoli-Morin Re représentée par Mme A... au paiement de la somme de 25. 000 € en réparation de son préjudice moral
-condamner la SCI Rivoli-Morin Re à lui payer la somme de 8. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.
La SCI Rivoli-Morin Re prie la Cour, par dernières conclusions signifiées le 11 janvier 2017, de :
au visa des articles 1659 et suivants du code civil,
- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts,
- débouter Mme Y... de ses demandes,
- la condamner au paiement de la somme de 30. 000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- subsidiairement, s'il était fait droit à la demande de nullité de Mme Y..., la condamner au paiement de la somme de 170. 000 € correspondant au prix d'acquisition du bien litigieux, outre la somme de 56. 863 €, sauf à parfaire, au titre des impôts, taxes et frais qu'elle a exposés,
- condamner Mme Y... au paiement de la somme de 10. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.
SUR CE
LA COUR
Au soutien de son appel, Mme Y... fait valoir que, profane en matière financière et immobilière, elle n'a pas appréhendé la portée de ses actes, que la SCI Rivoli-Morin Re a exploité sa situation de dépendance économique, qu'elle n'avait pas compris qu'elle se dessaisissait de sa maison par une vente qu'elle considérait comme un prêt, lequel était impossible à refinancer eu égard à sa situation obérée ; elle estime que le prix de vente était vil et lésionnaire alors que sa maison valait, selon des estimations d'agences et d'un expert immobilier, entre 280. 000 € et 300. 000 €, que le contrat de vente doit être déclaré nul pour violence économique, absence de prix, prix lésionnaire et vil, absence de cause, cette opération l'ayant en outre soumise à un remboursement de prêt assorti de plus de 12 % d'intérêts, soit deux fois le taux usuraire applicable dans les années considérées ;
Ces moyens ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts que la Cour adopte sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ;
A ces justes motifs il suffit d'ajouter :
- que Mme Y... a recouru en toute connaissance de cause au mécanisme de la vente à réméré pour échapper à la vente sur saisie de son pavillon qui était affiché à une mise à prix de 90. 000 € en vue d'une vente à la barre de la chambre des saisies sur les poursuites de la société GE Money Bank et de la société Solféa ; qu'elle n'a pu se méprendre sur la portée d'une vente conclue par devant notaire en la forme authentique, l'acte prévoyant que la faculté de rachat devrait être exercée dans les cinq années, ce qui supposait que la venderesse obtînt un crédit équivalent à ce prix de rachat, identique au prix de vente, dans ce laps de temps, conditions que Mme Y... ne pouvait ignorer,
- que la vente à réméré intervenue ne saurait être requalifiée en opération de crédit alors que Mme Y... n'avait nulle obligation de racheter le bien dans le délai de cinq années et que Mme A... a conclu cette opération à titre personnel, par l'intermédiaire de la SCI Rivoli-Morin Re, créée pour l'occasion, et du courtier indépendant A..., qui n'avait pas la qualité d'intermédiaire en opération de banque à l'époque de la la vente, selon l'article L. 519-2 ancien du code monétaire et financier,
- que l'impignoration alléguée ne saurait résulter de la vileté du prix, alors que le bien dont s'agit était occupé par Mme Y... et son époux lorsqu'il a été vendu et qu'ils ont été laissés dans les lieux, ni du montant du loyer fixé, qui ne constituait pas un intérêt convenu à un taux usuraire mais tenait compte de la jouissance du bien objet de la vente par Mme Y... et sa famille ;
Enfin, la violence économique alléguée n'est pas établie, Mme Y..., ancien cadre bancaire et dirigeante de société ayant bénéficié des conseils de professionnels (M. Charles Z..., intermédiaire en opérations bancaires) avant de conclure la vente à réméré par devant notaire, aux termes d'un acte authentique auquel ses co-partageants sont intervenus ;
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme Y... de sa demande de nullité de la vente ;
L'exercice d'une action en justice par une partie qui fait une appréciation inexacte de ses droits n'est pas, en soi, constitutif d'une faute, à moins que cet exercice ne soit accompagné de circonstances particulières de nature à le faire dégénérer en abus par malice, légèreté blâmable ou intention de nuire, circonstances non caractérisées au cas d'espèce, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCI Rivoli-Morin Re de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
Le jugement entrepris sera donc également confirmé en ce qu'il a débouté la SCI Rivoli-Morin Re de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
En équité, Mme Y... sera condamnée à régler à la SCI Rivoli-Morin Re la somme de 5. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Condamne Mme Y... à régler à la SCI Rivoli-Morin Re la somme de 5. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des au titre des frais irrépétibles d'appel,
Rejette toute autre demande,
Condamne Mme Y... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,