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09/03/2017 | FRANCE | N°15/08546

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 09 mars 2017, 15/08546


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 09 MARS 2017



(n° 2017- , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/08546



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mars 2015 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 12/00290





APPELANTES



Madame [V] [E]

Née le [Date naissance 1] 1958 à [Date naissance 2]

[Adresse

1]

[Localité 1]



Madame [L] [E]

Née le [Date naissance 3] 1960 à [Date naissance 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]



Représentées par Me Aurélie SORIA, avocat au barreau de PARIS, toque : G0716



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Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 09 MARS 2017

(n° 2017- , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/08546

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mars 2015 -Tribunal de Grande Instance de MEAUX - RG n° 12/00290

APPELANTES

Madame [V] [E]

Née le [Date naissance 1] 1958 à [Date naissance 2]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Madame [L] [E]

Née le [Date naissance 3] 1960 à [Date naissance 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentées par Me Aurélie SORIA, avocat au barreau de PARIS, toque : G0716

INTIMES

Madame [J] [R] [Y] veuve [T]

Née le [Date naissance 4] 1931 à [Date naissance 5]

[Adresse 3]

[Localité 3]

Monsieur [P] [K] [G] [T]

Né le [Date naissance 6] 1952 à [Localité 4]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Monsieur [U] [K] [D]

Né le [Date naissance 7] 1939 à [Localité 6]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentés par Me Bertrand COURTEAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : D0987

Assistés de Me Sophie BARBERO, avocat au barreau de PARIS, toque : C 689 substituant Me Bertrand COURTEAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : D0987

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre, ayant été entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Janvier 2017, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre

Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

qui en ont délibéré

Assistées de M. Olivier HUGUEN, magistrat en stage, en application des articles 19 et 41-3 de l'ordonnance n°58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée.

Greffier, lors des débats : Mme Malika ARBOUCHE

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente et par Madame Fatima-Zohra AMARA, greffière présente lors du prononcé.

***********

Vu l'appel interjeté le 15 avril 2015, par [L] [E] et [V] [E] épouse [N] d'un jugement en date du 12 mars 2015, par lequel le tribunal de grande instance de Meaux, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, :

- Les a condamnées, ès qualités d'héritières de [B] [A] épouse [E], chacune pour moitié, à restituer la somme de 110'000 euros à [J] [T], [P] [T] et [U] [D] ès qualités d'ayants-droit de [C] [T]';

- les a condamnées, ès qualités d'héritières de [B] [A] épouse [E], chacune pour moitié, à verser la somme de 4 000 euros à [J] [T], [P] [T] et [U] [D] ès qualités d'ayants-droit de [C] [T] au titre du préjudice moral subi par ce dernier';

- les a condamnées in solidum à verser à [J] [T], [P] [T] et [U] [D] la somme de 1'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens';

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 23 décembre 2016, aux termes desquelles [L] [E] et [V] [E] épouse [N], en leur qualité d'héritières de [B] [A] épouse [E], demandent à la cour, au visa des articles 133 du code de procédure civile, 1315, 1348, 1984 et suivants et 1382 du code civil, d'infirmer cette décision et :

- D'ordonner à [P] [T] et [U] [D] la communication de l'intégralité de leurs relevés de comptes bancaires entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2009,

- de déclarer recevable et bien fondé leur appel et de débouter [P] [T], venant également aux droits de sa mère [J] [Y] et [U] [D], ès qualités d'ayants-droit de [C] [T], de l'ensemble de leurs demandes,

- statuant à nouveau, principalement,

* de dire et juger que le montant des sommes retirées par [B] [A], pour le compte de M. [T] s'élève à la somme de 110'000 euros,

* de constater que l'accident vasculaire cérébral dont a été victime [B] [A] est constitutif d'un cas de force majeure, exonératoire de responsabilité,

* de débouter [P] [T], venant également aux droits de sa mère [J] [T], et [U] [D], en leur qualité d'ayants-droit de [C] [T], de l'ensemble de leurs demandes,

* d'ordonner la restitution à leur profit, en leur qualité d'ayants-droits de [B] [A], de la somme de 114'000 euros, versée au titre de cause du jugement,

- subsidiairement,

* de dire et juger que [P] [T], venant également aux droits de sa mère [J] [Y], et [U] [D], en leur qualité d'ayants-droit de [C] [T], n'apportent pas la preuve d'une mauvaise exécution du mandat par [B] [A],

* de débouter [P] [T], venant également aux droits de sa mèreFrançoise [Y], et [U] [D], en leur qualité d'ayants-droit de [C] [T], de l'ensemble de leurs demandes,

* d'ordonner la restitution à leur profit, en leur qualité d'ayants droits de [B] [A], de la somme de 114'000 euros, versée au titre de cause du jugement,

- plus subsidiairement,

* de dire et juger que [B] [A] a correctement exécuté le mandat confié par [C] [T] et qu'elle n'a commis aucune faute,

* de débouter [P] [T], venant également aux droits de sa mère [J] [Y], et [U] [D], en leur qualité d'ayants-droit de [C] [T], de l'ensemble de leurs demandes,

* d'ordonner la restitution à leur profit, en leur qualité d'ayants droits de [B] [A], de la somme de 114'000 euros, versée au titre de cause du jugement,

- infiniment plus subsidiairement,

* de dire et juger que le préjudice financier de [P] [T], venant également aux droits de sa mère [J] [Y], et de [U] [D], en leur qualité d'ayants-droit de [C] [T], ne peut pas être supérieur à la somme de 46'000 euros,

* d'ordonner la restitution à leur profit, en leur qualité d'ayants droits de [B] [A], de la somme de 68'000 euros, versée au titre de cause du jugement,

- en tout état de cause,

* de dire et juger qu'aucun préjudice moral n'est établi,

* de condamner [P] [T], venant également aux droits de sa mère [J] [Y], et [U] [D], aux entiers dépens de l'instance, ainsi qu'au versement de la somme de 5 000 euros, à chacun des ayants-droits de [B] [A], au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions, notifiées par voie électronique du 12 juillet 2016, par [P] [T], venant également aux droits de sa mère [J] [Y] veuve [T], et [U] [D], demandant à la cour, au visa des articles 1235, 1315, 1376, 1382, 1984 et suivants du code civil,':

- de les dire et juger recevables et bien fondés en leur appel incident et y faire droit,

- de débouter [V] [E] épouse [N] et [L] [E], en leur qualité d'ayants-droit de [B] [A] épouse [E] de l'ensemble de leurs demandes,

- en conséquence, de confirmer le jugement sur leur condamnation,

- de l'infirmer sur les quantum alloués et, statuant à nouveau, de les condamner en leur qualité d'ayants-droit de [B] [A] à verser à [P] [T] et [U] [D], en leur qualité d'ayant-droits de [C] [T], les sommes de 138 000 euros au titre du préjudice financier et de 10 000 € au titre du préjudice moral,

- de les condamner aux entiers dépens, ainsi qu'au versement d'une somme de 2 000 euros à chacun des héritiers de [C] [T] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR':

Considérant que, pour un exposé complet des faits et de la procédure, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures des parties ; qu'il convient de rappeler que :

* Le 21 septembre 2004, [C] [T], alors âgé de 91 ans comme étant né le [Date naissance 8] 1913, a donné procuration sur son compte bancaire n°1296154U ouvert à la Banque Postale à [B] [A] épouse [E], une amie de longue date ;

* le 31 décembre 2004, il a perçu la somme de 99 100 euros, à la suite de la vente de sa maison à son médecin et à son épouse, avec autorisation de rester dans la maison sa vie durant ;

* le 7 mars 2006, il a confirmé auprès d'un employé de la Banque Postale l'existence de cette procuration ;

* le 24 février 2007, [B] [A] a été victime d'un accident vasculaire cérébral, la rendant aphasique, et s'est trouvée, à compter du mois de juin 2007, dans un état léthargique ; sa fille, [V] [E] épouse [N], a alors effectué des retraits d'argent liquide, à l'aide d'une carte bancaire, pour le compte de [C] [T] ;

* à la suite de son immobilisation due à une chute le 5 août 2008, la belle-soeur de [C] [T], [J] [Y] veuve [T], est venue le visiter ;

* le 1er octobre 2008, [C] [T], alors âgé de 95 ans, a porté plainte contre [B] [A] et une enquête pénale a été diligentée pour abus de confiance ;

* le 29 janvier 2009, il a annulé auprès de la Banque Postale la procuration donnée à [B] [A] et a mandaté [J] [Y] ;

* par ordonnance du 24 avril 2009, le juge des tutelles de Meaux l'a placé sous sauvegarde de justice, sur le signalement de sa nièce, [A] [L], et a désigné Mme [R] en qualité de mandataire ;

* par jugement du 26 novembre 2009, il a été placé sous curatelle renforcée, [J] [Y] veuve [T], belle-s'ur de l'intéressé, étant désignée en qualité de curateur ;

*Par acte du 19/01/09, mais mentionnant le jugement de protection du 26 novembre 2009, [C] [T] a pris les dispositions testamentaires suivantes':

Je laisse ¿ de mes biens à [J] [T], et le surplus à [P] [T] et [U] [D] chacun pour moitié.

Je révoque tous les testament antérieurs';

* [C] [T] est décédé le [Date décès 1] 2010 ;

* le 6 septembre 2010, Me [V], notaire à [Localité 7], a établi une attestation de dévolution successorale, désignant [J] [T], [P] [T] et [U] [D] comme habiles à se dire et porter légataires universels de [C] [T], à concurrence, respectivement, de 2/8èmes, 3/8èmes et 3/8èmes ;

* [V] [E] épouse [N] a été renvoyée par le Ministère public devant le tribunal correctionnel de Meaux sous la prévention d'abus de confiance, faits commis du 1er juin 2007 au 1er août 2008 au préjudice de [C] [T] et a été relaxée par jugement en date du 31 mai 2011, rejetant la demande des parties civiles, [J] [T], [P] [T] et [U] [D], en principal, d'un montant de 156'070 euros ;

* par acte d'huissier de justice du 29 décembre 2011, [J] [T], [P] [T] et [U] [D], ès qualités d'ayants-droit de [C] [T], ont assigné devant le tribunal de grande instance de Meaux, aux fins de la voir condamner à réparer le préjudice financier et moral de leur auteur, [B] [A], laquelle n'a pas constitué avocat ;

* le 15 mars 2012, [V] et [L] [E], se prévalant de l'état de santé précaire de leur mère, ont déposé des conclusions d'intervention volontaire, pour contester l'ensemble des moyens développés par les demandeurs ;

* par ordonnance du 16 novembre 2012, le juge de la mise en état a ordonné la réouverture des débats sur l'incident, pour observations des parties sur le défaut de signification des conclusions d'intervention à [B] [A] et l'organisation préalable d'une représentation légale de cette dernière ;

*Le 19 novembre 2012, [B] [A] est décédée ;

*le 13 avril 2013, le juge de la mise en état a constaté l'interruption de l'instance à compter du 7 janvier 2013 et a déclaré non-avenues les conclusions d'irrecevabilité de l'intervention volontaire ;

* le 19 décembre 2013, [J] [T], [P] [T] et [U] [D] ont assigné [V] et [L] [E], en qualité d'héritières de [B] [A] ;

* le 14 février 2014, les deux instances ont été jointes et le 12 mars 2015 est intervenu le jugement dont appel par déclaration du 15 avril 2015 ;

* [J] [T] née [Y] est décédée en cours de procédure devant la cour, le 4 mai 2016.

Sur la demande de communication de pièces :

Considérant que [L] [E] et [V] [E] épouse [N] répondent au reproche formulé par les premiers juges en demandant à la cour d'ordonner la production par [P] [T] et [U] [D] de l'intégralité de leurs relevés de comptes bancaires entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2009 ; que [P] [T] et [U] [D] concluent au rejet de leurs demandes ;

Considérant que cette communication de pièces n'a pas été demandée au conseiller de la mise en état, en application de l'article 771 du code de procédure civile ; qu'elle n'apparaît pas utile à la solution du litige et est formulée tardivement devant la cour ; que cette demande sera rejetée ;

Sur la reddition des comptes :

Considérant que [L] [E] et [V] [E] épouse [N] font valoir l'accident vasculaire cérébral dont a été victime leur mère, la plaçant dans l'impossibilité de procéder à la reddition des comptes de gestion, en sa qualité de mandataire, alors que [C] [T] recevait ses relevés de compte bancaire à son domicile, et soulignent que, dès lors, la charge de la preuve de fautes dans l'exécution de ce mandat revient aux consorts [T]- [D] ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1991 du code civil, Le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution.

Il est tenu de même d'achever la chose commencée au décès du mandant, s'il y a péril en la demeure ;

Que selon l'article 1992 du même code, Le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion.

Néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire ;

Que l'article 1993 du même code dispose que Tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et de faire raison au mandant de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu'il aurait reçu n'eût point été dû au mandant ;

Qu'aux termes de l'article 1148 du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016, Il n'y a lieu à aucuns dommages et intérêts lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit ;

Considérant que les relevés de compte bancaire adressés à [C] [T], mentionnant les retraits en liquide, ont rendu compte au fur à mesure de l'usage de la procuration ; que les ayants-droits de [B] [A] ont pu fournir deux reçus signés par [C] [T], d'une part, le 10 janvier 2005, pour la somme de 10 000 euros, d'autre part, à une date ignorée, par lequel [C] [T] reconnaît avoir reçu le montant des sommes que Madame [B] [E] demeurant [Adresse 6] a prélevé à ma demande sur mon compte CCP n° (..) depuis le 9 octobre 2004 ;

Qu'étant rappelé que le mandataire n'a pas d'autre délai pour la reddition des comptes que l'issue du mandat, il est relevé que celui-ci a pris fin avec l'accident vasculaire cérébral dont a été victime [B] [A] le 24 février 2007, l'amenant à séjourner dans un centre de convalescence et ayant provoqué son aphasie, rendant impossible son audition au cours de l'enquête préliminaire le 10 juin 2009 ;

Qu'en tout état de cause, cet accident vasculaire cérébral, soit un déficit neurologique soudain, au caractère imprévisible et irrésistible, l'a empêchée d'exécuter son obligation de reddition de comptes à l'issue de son mandat ;

Qu'il revient en conséquence à [P] [T] et [U] [D] de rapporter la preuve des détournements allégués ;

Sur les détournements reprochés à [B] [A] :

Considérant que [L] [E] et [V] [E] épouse [N] soutiennent que [B] [A] n'a prélevé de sommes sur le compte de [C] [T] qu'à la demande de celui-ci, pour subvenir à ses dépenses personnelles et gratifier des proches, l'étude des comptes de leur mère ne révélant aucun dépôt d'argent liquide et ses ressources financières correspondant à son train de vie ;

Qu'elles rappellent la crainte qu'inspirait [J] [Y] épouse [T] à [C] [T], son beau-frère, qu'elle menaçait de faire admettre en maison de retraite, crainte constatée par le docteur [Z] le 14 avril 2009, et l'ayant amené à déposer plainte, à l'instigation de [J] [Y], puis à mentir aux services de gendarmerie, notamment sur les deux retraits qu'il avait lui-même effectués ; qu'elles évoquent également le comportement menaçant de l'auxiliaire de vie, installée au domicile de [C] [T] avec sa famille, selon elle sur autorisation du médecin propriétaire de la maison, ainsi qu'il ressort de l'expertise du docteur [Z] ;

Qu'elles font état des sorties au restaurant, des soirées et des voyages réalisés par leur mère avec [C] [T], ne figurant pas aux relevés de carte bancaire de ce dernier, car réglés en liquide, et les gratifications accordées à ses proches, ainsi à l'un de ses neveux et à sa femme de ménage ;

Considérant que les consorts [T]-[D] font valoir que le montant total des sommes détournées se monte à 138 000 euros, incluant les sommes de 8 000 euros, retirée le 11 octobre 2004, 10 000 euros le 11 janvier 2005 et 10 000 euros le 1er juin 2007, écartées par les premiers juges, en l'absence de bordereau de retrait, et en raison d'un bordereau ainsi que d'un reçu de cette somme signés par [C] [T] ;

Qu'ils soutiennent l'existence de manoeuvres dolosives de la part de [B] [A], dont les détournements ont été mis en évidence par l'enquête, et rappellent que [C] [T], en pleine possession de ses facultés intellectuelles, a indiqué aux enquêteurs qu'elle lui remettait 50 euros par mois ;

Qu'ils demandent, en application de l'article 1993 du code civil, la condamnation de [L] [E] et [V] [E] épouse [N], ayants-droit de [B] [A], à leur verser les sommes de 138 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice financier et de 4 000 euros au titre du préjudice moral de [C] [T], dont les troubles anxieux avaient été relevés par Mme [I], psychologue, dans le cadre de l'enquête ;

Considérant que l'ancienneté de la proximité et des relations d'amitié entre [C] [T] et [B] [A] n'est pas contestée, de même que le mandat exercé à titre gratuit, circonstance devant être prise en compte dans l'appréciation des fautes éventuelles ;

Que le tribunal a évalué les retraits litigieux d'argent liquide, sur la période d'exécution du mandat, du 21 septembre 2004 au 1er juin 2007, à la somme de 110 000 euros, soit, en moyenne mensuelle, 6 667 euros en 2005 et 2 917 euros en 2006, écartant un retrait de 8 000 euros, non justifié par un bordereau signé par [B] [A], un retrait de 10 000 euros correspondant à un reçu signé par [C] [T] le 10 janvier 2005 à [B] [A] et un retrait de 10 000 euros effectués par [C] [T] lui-même, suivant bordereau signé le 1er juin 2007 ;

Que le 7 mars 2006, lors de la visite à son domicile de M. [F], conseiller à la Banque Postale, [C] [T] a indiqué, comme projet, vouloir transmettre de l'argent liquide à ses trois neveux et a refusé la proposition de contrat d'assurance-vie ; qu'il a bien indiqué avoir donné procuration sur son compte et ce, après neuf retraits d'un montant total de 80 000 euros ;

Qu'il a effectué lui-même, comme ayant signé les bordereaux de la Banque Postale, deux retraits, le 6 mars 2007 pour 1 000 euros et le 1er juin 2007, pour 10 000 euros, en sus des sommes retirées pour ses dépenses courantes au distributeur automatique par [V] [E] épouse [N] ;

Qu'aux termes de l'attestation de [X] [U], il a indiqué avoir donné la somme de 2 000 euros à un neveu ayant élagué un de ses arbres et précisé que la dame de ménage lui demandait toujours des augmentations ;

Que lors de son dépôt de plainte, recueilli à domicile le 1er octobre 2008, puis lors de son audition le 16 mai 2009 par les services de gendarmerie, [C] [T] était en pleine possession de ses moyens selon Mme [I], psychologue l'ayant examiné le 9 juin 2009 dans le cadre de l'enquête ;

Qu'il a fait l'objet d'un examen le 14 avril 2009 par le docteur [Z], géronto-psychiatre inscrit sur la liste établie par le procureur de la République, lequel relate le chantage de sa belle-soeur, interrompant l'examen en lui disant Si tu acceptes d'avoir un tuteur, tu rentreras en maison de retraite et l'accablant de reproches au point qu'il avait le regard embué ; que le comportement menaçant de l'auxiliaire de vie décrit par ce médecin est corroboré par l'attestation de Mme [L], petite-nièce de [C] [T] et auteur du signalement au juge des tutelles, à laquelle il avait confié avoir été prisonnier durant cinq ans en Allemagne et avoir l'impression d'être dans la même situation ; que cette situation difficile, pour une personne âgée de 95 ans, peut être à l'origine de deux mensonges avérés de [C] [T] aux services enquêteurs, sur les retraits effectués lui-même et notamment celui de 10 000 euros le 1er juin 2007, alors que [B] [A] n'était plus en état d'y procéder ;

Que les comptes de [B] [A] et de sa fille [V] [E] épouse [N] ont été examinés lors de l'enquête, en ce compris un compte-titres et un contrat d'assurance-vie, de même que l'origine des fonds ayant permis l'achat d'un véhicule automobile par [V] [E], sans révéler d'anomalie ;

Qu'il résulte de ces éléments que des détournements de sommes d'argent ne peuvent être mis à la charge de [B] [A] ; que le jugement condamnant [L] [E] et [V] [E] épouse [N], chacune pour moitié, à restituer la somme de 110 000 euros à [P] [T] et à [U] [D] et à leur payer la somme de 4 000 euros au titre du préjudice moral de [C] [T] sera infirmé en toutes ses dispositions, emportant restitution des sommes versées en exécution de cette décision ;

Sur les demandes annexes :

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser totalement à [L] [E] et [V] [E] épouse [N] la charge de leurs frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :

Rejette l'ensemble des demandes de [P] [T], en son nom personnel et venant aux droits de sa mère [J] [Y] épouse [T], et de [U] [D], en leur qualité d'ayants-droit de [C] [T],

Condamne in solidum [P] [T], en son nom personnel et venant aux droits de sa mère [J] [Y] épouse [T], et [U] [D], en leur qualité d'ayants-droit de [C] [T], à payer à [L] [E] et [V] [E] épouse [N] la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum [P] [T], en son nom personnel et venant aux droits de sa mère [J] [Y] épouse [T], et [U] [D], en leur qualité d'ayants-droit de [C] [T], aux dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 15/08546
Date de la décision : 09/03/2017

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°15/08546 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-09;15.08546 ?
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