Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRÊT DU 08 MARS 2017
(n° , 3 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/24862
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Septembre 2015 - Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 14/00284
APPELANTE
Madame [Y] [I] Mandataire Judiciaire, agissant en qualité de tutrice de Monsieur [O] [C], né le [Date naissance 1] 1930 à [Localité 1] (19), demeurant [Adresse 1]
[Adresse 2]
[Localité 2]
représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945
assistée de Me Didier RAMPAZZO de la SCP SARDI RAMPAZZO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0272
INTIMÉE
Madame [T] [S]
née le [Date naissance 2] 1940 à [Localité 3] (MARTINIQUE)
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Anne LENOIR de la SELARL BREMARD/BARADEZ & ASSOCIES, avocat au barreau de l'ESSONNE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/004981 du 07/03/2016 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 10 Janvier 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Evelyne DELBÈS, Président de chambre
Madame Monique MAUMUS, Conseiller
Madame Nicolette GUILLAUME, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Emilie POMPON
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Evelyne DELBÈS, Président et par Madame Emilie POMPON, Greffier.
***
M. [O] [C], né le [Date naissance 1] 1930, a été hospitalisé au début de l'année 2011 à la suite d'un infarctus. Le service social de l'hôpital [Établissement 1] a demandé au Dr [T], médecin gériatre, d'établir un rapport sur l'état de santé physique et mental de ce patient.
Dans son rapport daté du 13 avril 2011, le Dr [T] estimait que M. [C] présentait une 'altération modérément sévère de son autonomie psychique et de la gestion de son quotidien' qui était le fait d'une 'démence de type mixte (composante vasculaire et Altzheiner)' et préconisait, compte tenu de l'évolution prévisible de la maladie, une mesure de tutelle.
Le 4 juillet 2011, le juge des tutelles de Longjumeau a désigné Mme [Y] [I] comme mandataire judiciaire dans le cadre d'un mandat spécial, à l'effet de percevoir les pensions et revenus de M. [C], les appliquer à son entretien et à son traitement et de révoquer toutes procurations antérieures qui auraient pu être données par l'intéressé.
Puis, par jugement du 8 mars 2012, le tribunal d'instance a désigné Mme [I] en qualité de tutrice aux biens et à la personne de M. [C].
Le 11 mars 2013, Mme [T] [S] a adressé à Mme [I] une lettre aux termes de laquelle elle indiquait que M. [C] était son ami et fidèle compagnon depuis plus de 20 ans et à laquelle elle joignait la copie d'un testament rédigé par l'intéressé daté du 26 juin 2011.
Par lettre du 19 avril 2013, le juge des tutelles de Longjumeau a demandé à Mme [I] d'envisager une action en nullité de ce testament.
C'est dans ces circonstances que par acte du 16 décembre 2013, Mme [I], ès qualités de tutrice de M. [C], a assigné Mme [S] devant le tribunal de grande instance d'Evry aux fins d'annulation du testament du 26 juin 2011.
Par jugement du 21 septembre 2015, le tribunal de grande instance d'Evry a débouté Mme [I], ès qualités, de sa demande, déclaré le testament établi le 26 juin 2011 par M. [C] valable et condamné la demanderesse aux dépens.
Mme [I], ès qualités, a interjeté appel de cette décision par déclaration du 8 décembre 2015.
Dans ses dernières conclusions du 1er mars 2016, elle demande à la cour de:
- réformer le jugement entrepris,
- statuant à nouveau,
- annuler le testament rédigé par M. [C] le 26 juin 2011, comme étant postérieur au rapport d'expertise du Dr [T] du 13 avril 2011 ayant constaté l'altération de ses facultés personnelles,
- condamner Mme [S] à lui payer, ès qualités, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures du 11 avril 2016, Mme [S] sollicite la confirmation du jugement déféré et la condamnation de l'appelante aux dépens.
SUR CE
Considérant que Mme [I] invoque les dispositions de l'article 464 du code civil selon lequel :
'Les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d'ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts, par suite de l'altération de ses facultés personnelles, était notoire ou connue du cocontractant à l'époque où les actes ont été passés.
Ces actes peuvent, dans les mêmes conditions, être annulées s'il est justifié d'un préjudice subi par la personne protégée' ;
Considérant qu'elle fait valoir que, le 13 avril 2011, le Dr [T] a déposé un rapport mettant en évidence une altération des facultés personnelles de M. [C] justifiant sa mise sous tutelle et soutient que le testament ayant été rédigé le 26 juin 2011, soit postérieurement à ce rapport qui a révélé la cause ayant déterminé l'ouverture de la tutelle intervenue le 8 mars 2012, la preuve de l'insanité d'esprit du testateur n'est pas nécessaire au succès de sa demande en nullité du testament ;
Considérant que Mme [S] fait plaider que l'appelante ne peut solliciter l'annulation du testament alors qu'elle ne démontre pas le préjudice subi par M. [C] qui n'a aucune famille, auquel cet acte n'enlève rien et qui peut disposer de tous ses biens jusqu'au jour de son décès ; qu'elle ajoute que si l'article 464 du code civil prévoit la possibilité de procéder à une réduction ou une annulation de certains actes passés par la personne protégée, ces sanctions ne sont pas automatiques et affirme que M. [C] qui ne connaissait, en avril 2011, que les prémices de la maladie d'Alzheimer et vivait quasiment normalement, a rédigé le testament dans un moment de parfaire lucidité et que cet acte est le résultat de son souhait de gratifier sa compagne de longue date ;
Considérant que M. [C] a établi le testament en cause avant l'ouverture de sa tutelle, de sorte qu'il n'avait pas à obtenir pour ce faire l'autorisation du juge des tutelles ;
Considérant que le testament est un acte unilatéral par lequel le testateur dispose de ses biens et droits pour le temps où il n'existera plus et qu'il peut révoquer à tout moment et ce, même placé sous tutelle ; qu'aux termes de l'article 414-2 du code civil, sa nullité ne peut être poursuivie, du vivant du testateur, que par ce dernier ;
Considérant que Mme [I] doit être, en conséquence, déboutée de toutes ses demandes ;
Considérant que succombant, elle ne peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les dépens ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré,
Rejette toute autre demande,
Condamne Mme [I], ès qualités, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions légales en matière d'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT