COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3- Chambre 4
RG No : 16/ 04172
Nature de l'acte de saisine : Déclaration d'appel valant inscription au rôle
Date de l'acte de saisine : 16 Février 2016
Date de saisine : 17 Février 2016
Nature de l'affaire : Demande en divorce autre que par consentement mutuel
Décision attaquée : no 09/ 41754 rendue par le Juge aux affaires familiales de PARIS le 05 Novembre 2014
Appelante :
Madame Caroline X...,
représentée et assistée de Me Muriel CADIOU de la SELEURL Cabinet d'Avocats Muriel CADIOU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0656
Intimé :
Monsieur Julien X...,
représenté et assisté de Me Vanessa RICHARD substituant Me Brigitte BOGUCKI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0122
ORDONNANCE SUR INCIDENT
DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT
Nous, Isabelle DELAQUYS, magistrat en charge de la mise en état,
Assistée de Christine DELMOTTE, greffier,
Sur requête en divorce de Mme Caroline Y..., le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris a par ordonnance de non conciliation du 26 mars 2010, fixé un certain nombre de mesures provisoires et notamment :
- Attribué à Mme Y... la jouissance gratuite du domicile conjugal sis ... et des meubles meublants,
- Fixé à la somme de 1. 800 euros la pension alimentaire mensuelle que son époux, M. X... devra lui verser au titre du devoir de secours,
- Dit que M. X... continuera à assumer la mutuelle complémentaire santé et la prévoyance au profit de son épouse et des enfants à titre de complément du devoir de secours à charge pour lui de rétrocéder à son épouse les frais remboursés dès encaissement par l'intéressé,
- Fixé l'organisation de la vie des trois enfants mineurs du couple, avec une résidence habituelle chez la mère et l'attribution d'un droit de visite et d'hébergement du père,
- Fixé la contribution du père à leur entretien et à leur éducation à la somme de 900 € par enfant et par mois, soit 2. 700 € par mois.
- Désigné en application de l'article 255. 10o un notaire en vue d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation de lots à partager.
Par jugement de divorce en date du 15 novembre 2014, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris a en substance :
- prononcé aux torts de l'époux le divorce de M. X... et Mme Y...,
- ordonné l'attribution préférentielle de l'appartement sis... à Mme Y...,
- fixé la valeur de l'appartement sis ... à Paris 14ème à 1 019 500 €,
- fixé la valeur du bien sis à Castelginest à 172 036 €,
- débouté Mme Y... de sa demande de créance de 41 567, 31 €,
- dit qu'à titre de prestation compensatoire, M. X... devra payer à Mme Y..., la somme en capital de 200. 000 €.
- dit que M. X... devra lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts,
- rappelé que l'autorité parentale est exercée en commun par les parents, sur les enfants,
- fixé leur résidence habituelle chez la mère,
- organisé le le droit de visite et d'hébergement du père,
- maintenu la contribution mensuelle à l'entretien et à l'éducation des enfants à charge à la somme de 2 700 €, soit 900 € par enfant,
- dit que les enfants bénéficieront de la mutuelle de leur père,
- dit que les dépens seront supportés par M. X..., à l'exception des frais d'expertise de l'article 255 10o du code civil qui seront partagés par moitié entre les parties,
Par déclaration en date du 16 février 2016, Mme Y... a relevé appel total du jugement.
Par conclusions d'incident notifiées le 3 février 2017, M. X..., appelant, demande au conseiller de la mise en état :
- de le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes, fins et conclusions,
- de débouter Mme Y... de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions,
- de supprimer la pension alimentaire mise à sa charge au titre du devoir de secours à compter du 4 juin 2015 date de signature de la transaction intervenue entre lui et Mme Y...,
- de dire que Mme Y... bénéficiera de la jouissance onéreuse du bien immobilier sis à Paris (14ème)..., à compter du 4 juin 2015, date de signature de la transaction,
- de fixer sa contribution à l'entretien et à l'éducation à la somme de 510 € par enfant et par mois, soit une somme mensuelle globale de 1 530 € à compter rétroactivement du dépôt des premières conclusions d'incident signifiées le 27 juillet 2016,
- de dire et juger que la pension alimentaire sera indexée chaque année au jour anniversaire du
jugement de divorce en fonction de la variation de l'indice INSEE des prix à la consommation hors tabac série France entière, l'indice de base étant le dernier paru lors de la décision de divorce,
Cette pension sera versée jusqu'à la fin des études des enfants où, à défaut de progression normale dans lesdites études, jusqu'à ce qu'ils exercent une profession rémunérée au minimum légal leur permettant de subvenir à leurs propres besoins,
Par ailleurs :
- de condamner Mme Y..., sous astreinte de 100 € par jour de retard, à verser aux débats les documents suivants :
- Les bilans détaillés de la société DTC DAF TPE Consulting – dans leur intégralité – pour les années 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016,
- l'ensemble des documents, notamment les factures, ayant permis l'établissement des comptes de la société pour les années 2012, 2013, 2014, 2015 et 2016,
- relevés détaillés mensuels de tous les comptes de tous type ouverts au nom de
Mme Y...,
- le dernier relevé de compte (courants, épargne, assurance vie, etc) à la date ou, le cas
échéant, le dernier avant fermeture du compte de Mme Y..., dans son intégralité,
- l'intégralité des donations reçues par Mme Y...,
- de condamner Mme Y... à lui verser une somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de la condamner entiers dépens.
Par conclusions en réplique en date du 31 janvier 2017, Mme Y..., intimée, demande au conseiller de la mise en état :
- de débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- de confirmer les mesures provisoires suivantes prononcées par le magistrat conciliateur :
- de lui attribuer à titre gratuit du mobilier et de l'ancien domicile conjugal sis... – au titre du devoir de secours,
- de condamner M. X... à verser à son épouse une pension mensuelle de 1 800 € au titre du devoir de secours,
- de dire que la mutuelle complémentaire santé et la prévoyance souscrites par M. X... seront maintenues pendant la durée de la procédure en faveur de l'épouse et des trois enfants, à charge pour M. X... de lui rétrocéder le montant des remboursements une fois ces derniers obtenus et de lui fournir les décomptes et justificatifs associés,
Pour le surplus :
- de condamner M. X... à produire, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir :
- son avis d'imposition 2015 sur les revenus 2014, dans son intégralité et non caviardé,
- son avis d'imposition 2016 sur les revenus 2015 non caviardé ou avec le cachet du SIP et
la signature de l'agent des impôts qui authentifient le document,
- la copie de l'accord transactionnel entre BT et M. X... mettant fin à son contrat de travail et/ ou aux poursuites prud'homales, au besoin directement auprès de la cour avec faculté de consultation au greffe,
- ses bulletins de salaire BT des mois de juin et juillet 2016,
- les relevés détaillés mensuels de tous les comptes de tous types d'avril à novembre 2016
(bancaires, épargne, assurance-vie, placements financiers diverses …) ouverts au nom de
M. X... justifiant de la perception de son indemnité légale, conventionnelle et transactionnelle de licenciement,
- ses stocks options de British Telecom,
- son Plan « BT Group Incentive Share Plan » ou le justificatif de sa clôture,
- les justificatifs/ relevé de compte « F DEGOS F VIEN V PATA LAVIGNE Y BEAUDEAU »
- l'acte d'acquisition d'un bien immobilier situé à Agen (47),
- de fixer la contribution alimentaire due par M. X... à l'entretien et à l'éducation des enfants à la somme de 1 200 € par mois et par enfant, soit 3 600 € au total,
- de dire que cette contribution sera versée d'avance à son domicile tous les 1er du mois et qu'elle sera réévaluée chaque année sur la base de l'indice des prix à la consommation des ménages,
- de dire que les frais d'inscription, de scolarité et de restauration dans le cadre des études supérieures futures des enfants, ainsi que les dépenses exceptionnelles scolaires telles que les voyages scolaires ou les séjours linguistiques, seront partagés par moitié entre les parents,
- de condamner M. X... à lui verser la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
SUR CE :
Sur la communication de pièces
Aux termes de l'article 770 du code de procédure civile auquel renvoie l'article 907, le juge de la mise en état exerce tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l'obtention et à la production des pièces nécessaires aux débats de l'affaire.
L'article 259-3 du code civil dispose également que les époux doivent se communiquer et communiquer au juge ainsi qu'aux experts et autres personnes désignées par lui, en application des articles 9oet 10o de l'article 255, tous renseignements et documents utiles pour fixer les prestations et pensions et liquider le régime matrimonial.
Chacune des parties sollicite de l'autre la production de différentes pièces relatives à leurs situations économiques, avoirs financiers non seulement dans le cadre du présent incident mais également pour la procédure au fond.
S'agissant de l'incident, un certain nombre de pièces sollicitées par Mme Y... ont déjà été communiquées sous les numéros 4, 6 à 9, 76, 38, 77, 39 44, 45, 61 à 63, 57 à 59 et n'ont pas à faire l'objet d'une injonction.
Il en est de même s'agissant des pièces sollicitées par M. X..., Mme Y... ayant produit sous les numéros 116 à 119, 151, 152147 à 149 les pièces utiles.
Le conseiller de la mise en état est par ailleurs suffisamment éclairé par les pièces communiquées pour statuer sur l'ensemble des demandes à l'occasion de l'incident de procédure.
S'agissant du fond, au regard des demandes formulées en cause d'appel, il n'y a pas lieu d'enjoindre à l'une ou l'autre des parties des pièces supplémentaires à celles déjà produites.
Sur le devoir de secours et la contribution à l'entretien des enfants
Aux termes de l'article 771 du code de procédure civile, applicable au conseiller de la mise en l'état dans la Cour d'appel par renvoi de l'article 907 du dit code :
" Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est notamment, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, (...) pour ordonner toutes mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que pour modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées. "
Par application de ce texte, le conseiller de la mise en l'état est donc compétent pour ordonner des mesures provisoires, y compris la fixation de la pension alimentaire due au titre de devoir de secours pendant l'instance en divorce, en cas de survenance d'un fait nouveau.
Les parties n'ont pas contesté la recevabilité de la demande d'incident formée par M. X... au regard du changement des situations respectives des parties.
Lors de l'ordonnance de non conciliation Mme X... était directrice financière dans une petite société, FISE SARL. Sa rémunération était de 2. 466 €.
Elle évaluait ses charges fixes à 6. 494 € et à hauteur de 6. 237euros pour les enfants mais nombre de postes ont été considérés comme surévalués par le juge conciliateur.
Elle a fait l'objet d'un licenciement le 7 juin 2011. En juin 2012 elle a créé une société de conseil TDC-DAF TPE CONSULTING.
Au jour du jugement elle avait un revenu mensuel de 1. 466 €.
A ce jour, il ressort des pièces communiquées qu'en 2014 elle a déclaré au titre de son activité dans la société créée, un revenu de 18. 436 €, soit 1536 € par mois, en 2015, ce revenu a été de 1770 €. Elle estime avoir perçu un salaire en 2016 de l'ordre de 1891 € par mois.
A ce revenu s'ajoute des revenus de capitaux mobiliers évalués en 2015 à 50 € par mois.
Peu de pièces sont produites cependant pour confirmer ces chiffres.
Elle bénéficie des allocations familiales à hauteur de 360 € par mois qui ne seront pris en compte que pour la détermination de la contribution à l'entretien des enfants.
Selon ces mêmes pièces, ses charges fixes, hors nourriture et vêtement, sont de 1. 336 €.
Selon les pièces communiquées elle justifie des frais fixes engagés pour les trois enfants, dont notamment ceux pour leurs activités parascolaires, à 925 €. Les autres chefs de postes qu'elle mentionne pour chiffrer à 4. 465 € leur charge sont indicatifs et soumis à variation, concernant pour l'essentiel la nourriture et les loisirs.
M. X... était au jour de l'ordonnance de non conciliation directeur marketing au sein du Groupe British Telecom. C'est un revenu mensuel de 18. 549 € qui a été retenu par le juge conciliateur. Ses charges ont été évaluées à 5. 081, 48 €.
Au jour du divorce il occupait le même poste.
Il a déclaré en 2015 un revenu annuel de 220. 391 € soit 18. 365, 91 € par mois.
Il a été licencié en avril 2016 et a perçu en juillet 2016 pour solde de tout compte la somme de 246. 778 €. Son salaire a été maintenu de janvier à juillet 2016. Il a perçu à ce titre une somme de 90. 641, 54 €.
Embauché en novembre 2016 par le Groupe NES comme directeur commercial, il perçoit un salaire annuel brut global tout prime incluse de 140. 000 €, soit 11. 666 € brut par mois.
Au cours de l'année 2016, il a perçu une moyenne mensuelle de 8. 725, 29 €, sachant qu'il a pris des congés sans solde au mois d'août 2016. Il perçoit également des revenus locatifs d'un montant mensuel de 1. 175 €.
Il justifie de charges fixes, hors les pensions qui font débat, d'un montant de 17. 918, 54 €.
Il doit pourvoir à l'entretien de l'enfant qu'il a eu avec sa nouvelle compagne, avec laquelle il partage ses charges du quotidien.
L'essentiel de ces charges fixes sont en lien avec les cinq biens immobiliers dont il est propriétaire indivis à égalité pour trois d'entre eux avec son épouse et majoritaire pour deux d'entre eux avec sa nouvelle compagne, ces derniers ayant été acquis en 2013 et 2014 avant son licenciement et pour certains dans une démarche de défiscalisation.
M. X... assume notamment une charge d'emprunt pour la constitution de ce patrimoine à hauteur de 7170, 70 €.
Compte tenu de la disparité persistante des revenus et patrimoine entre les époux, en faveur de M. X... malgré une baisse de revenus depuis l'ordonnance de non conciliation, et de la difficulté pour Mme Y... de se reloger avec les enfants dans un immeuble offrant les mêmes normes de confort, il convient de maintenir au profit de l'épouse la gratuité de la jouissance de l'ancien domicile conjugal.
S'agissant de la pension alimentaire au titre du devoir de secours, il n'y a pas lieu de revenir sur le protocole établi en juin 2015 entre les parties suite au jugement de divorce qui prévoyait pour l'essentiel la fin de son paiement entre la signature de ce protocole et la signature devant le notaire de la liquidation du régime matrimonial.
Il n'a pas trouvé d'effet pérenne étant devenu caduc suite à l'appel interjeté du jugement de divorce.
Au regard des seules pièces communiquées à ce jour, en considération de la baisse objective des revenus de chacun des époux depuis l'ordonnance de non conciliation, de la baisse des charges fixes de Mme Y... et de l'augmentation de celles de M. X... du fait de la naissance d'un nouvel enfant, il convient, à compter de la présente ordonnance, de réduire le montant de la pension alimentaire mise à sa charge au titre du devoir de secours à 1000 €.
Sa suppression sollicitée n'est pas justifiée car il convient de relever que malgré une perte de revenus M. X... n'a pas entendu réduire son train de vie et notamment ses investissements immobiliers, lesquels ne sauraient prévaloir sur ses obligations alimentaires.
Pour ce même motif, alors qu'il n'est pas démontré une baisse véritable des frais de prise en charge des trois enfants, il convient de limiter la demande de diminution de la contribution mise à la charge de M. X... pour l'entretien de chacun des trois enfants, à la somme de 600 €, soit un total de 1800 €.
Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de partage des frais futurs d'études supérieures des enfants, ceux-ci n'étant pour l'heure ni engagés ni donc chiffrés et par ailleurs un tel partage impliquant des calculs serait en l'état des relations entre les parties une source de conflit supplémentaire.
La demande en restitution des remboursements de mutuelle perçus par M. X... est rejetée, celle-ci étant fondée sur les dispositions de l'ordonnance de non conciliation qui vaut titre exécutoire.
Au regard de la solution adoptée, chaque partie conservera la charge de ses dépens, aucune somme ne devant en équité être allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Fixe à compter de la présente ordonnance la pension alimentaire due par M. Julien X... à Mme Caroline Y... au titre du devoir de secours à la somme de 1. 000 € par mois,
Fixe à compter de la présente ordonnance la contribution due par M. Julien X... à Mme Caroline Y... pour l'entretien et l'éducation des trois enfants à la somme de 600 € par mois et par enfant, soit 1800 €,
Dit cette contribution sera indexée chaque année en fonction de la variation de l'indice INSEE des prix à la consommation hors tabac série France entière, et pour la première fois à compter du 1er janvier 2018,
Cette pension sera versée jusqu'à la fin des études des enfants où, à défaut de progression normale dans lesdites études, jusqu'à ce qu'ils exercent une profession rémunérée au minimum légal leur permettant de subvenir à leurs propres besoins,
Rejette les autres demandes des parties,
Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d'incident.
Paris, le 07 mars 2017
Le greffierLe magistrat en charge de la mise en état
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