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01/03/2017 | FRANCE | N°15/21375

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 01 mars 2017, 15/21375


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 01 MARS 2017



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/21375



Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Septembre 2015 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/07795





APPELANTE



Madame [R] [V] [P]

née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1]

[Adresse 1]r>
[Adresse 1]



représentée par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

assistée de Me Marie-Hélène ISERN-REAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D09...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 01 MARS 2017

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/21375

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Septembre 2015 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/07795

APPELANTE

Madame [R] [V] [P]

née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Stéphane FERTIER de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

assistée de Me Marie-Hélène ISERN-REAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D0994

INTIMES

Monsieur [M] [U]

né le [Date naissance 2] 1943 à [Localité 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté et assisté par Me Claire DES BOSCS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0642

Monsieur [X] [U]

né le [Date naissance 3] 1949 à [Localité 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté et assisté par Me Katy BONIXE, avocat au barreau de PARIS, toque : E2021

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 03 Janvier 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Evelyne DELBÈS, Président de chambre

Madame Monique MAUMUS, Conseiller

Madame Nicolette GUILLAUME, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Evelyne DELBÈS, Président et par Madame Emilie POMPON, Greffier.

***

[K] [U] et [A] [O] se sont mariés le [Date mariage 1] 1935, sous le régime de la communauté de bien réduite aux acquêts, suivant contrat de mariage en date du 30 octobre 1935.

De leur union sont nés trois enfants, M. [M] [U], [O] [U] et M. [X] [U]

[K] [U] est décédé le [Date décès 1] 1991 et [A] [O], le [Date décès 2] 2010.

Par acte notarié du 4 juillet 1967, [K] [U] avait consenti à son épouse une donation au dernier vivant.

Initialement, aucun testament de [K] [U] n'a été trouvé, de sorte qu'un acte de notoriété a été établi par Maître [N], notaire, les 25 et 29 octobre 1991 aux termes duquel les trois enfants étaient héritiers indivisément, chacun pour un tiers, de la nue-propriété de la succession, l'usufruit revenant à leur mère, [A] [U], compte-tenu de la donation du 4 juillet 1967.

Le 25 avril 1997, [O] [U] a déposé au rang des minutes de Maîtres

[S] et [H], notaires à [Localité 4], le testament olographe de [K] [U] en date du 19 août 1979, ainsi rédigé :

" Ceci est mon testament,

Je soussigné, [U] [K], pharmacien, demeurant à [Adresse 4] ai fait mon testament comme suit :

Je lègue à titre de préciput et hors part à ma fille [O], le quart de tous les biens mobiliers et immobiliers sans exception que je laisserai à mon décès et qui composeront ma succession.

Pour n'en jouir qu'après le décès de mon épouse, née [A] [O], à qui je lègue l'usufruit de tous mes biens avec dispense de fournir caution et de faire état.

Tel est mon testament daté et signé de ma main à [Localité 4], le 19 août 1979. Signature [K] [U], [Adresse 4]'.

Un acte de notoriété rectificatif a été établi le 29 avril 1997, par Maître [D] [S], notaire, constatant :

- que [A] [U] est légataire de la totalité en usufruit de la succession,

- que chacun des trois enfants est propriétaire indivis d'un quart de la nue-propriété de la succession, [O] [U] étant propriétaire d'un autre quart, soit de la moitié de la nue-propriété de la succession.

Par acte du 13 février 2003, M. [M] [U] a assigné M. [X] [U], Mme [O] [U] et Mme [A] [U] devant le tribunal de grande instance de Paris, aux fins notamment de voir le testament olographe établi par [K] [U] en 1979 et retrouvé tardivement au mois d'avril 1997 par [O] [U], déclaré nul et de nul effet.

[O] [U] est décédée le [Date décès 3] 2012.

Elle a institué Mme [R] [P] en qualité de légataire universelle.

Par jugement du 29 octobre 2013, le tribunal a, notamment, ordonné une expertise en écritures portant sur le testament de [K] [U].

Par jugement du 1er septembre 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :

- dit recevable l'action en nullité du testament présentée par les consorts [U],

- prononcé la nullité du testament olographe attribué à [K] [U], et daté du 19 août 1979,

- rejeté la demande des consorts [U] sur le fondement du recel successoral,

- rejeté l'ensemble des demandes de dommages et intérêts présenté par Mme [R] [P],

- condamné Mme [P] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à payer à M. [X] [U] la somme de 2 000 euros, et à M. [M] [U] celle de 1 000 euros,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- condamné Mme [P] aux dépens.

Mme [P] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 27 octobre 2015.

Dans ses conclusions du 21 avril 2016, elle demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement en date du 1er septembre 2015,

Vu le rapport d'expertise graphologique de Mme [F] en date du 28 avril 2014,

- dire et juger que [A] [U] n'a pas falsifié le testament de son mari,

- dire et juger que [O] [U] n'a pas falsifié le testament de son père,

- dire et juger que le testament, écrit d'une seule main n'est entaché d'aucune fraude,

sur la recevabilité de l'action de Messieurs [M] et [X] [U] en contestation de la validité du testament :

- rejeter purement et simplement des débats la note technique N° 1 de M. [W] en date du 12 novembre 2015,

- dire et juger que le tribunal dans son jugement du 29 octobre 2003 n'a pas statué sur la recevabilité de l'action en contestation du testament au motif de fraude,

en conséquence, il n'y a pas autorité de chose jugée en la matière,

- dire et juger que la démonstration par l'expertise graphologique du 28 avril 2014 de l'absence de fraude ne permet pas de constater la suspension de la prescription,

- dire et juger que le prétendu élément nouveau invoqué résulte des man'uvres dolosives des 'défendeurs' eux-mêmes,

- dire et juger que Messieurs [M] et [X] [U] ont exécuté le testament à trois reprises,

- en conséquence, dire et juger par référence à l'article 769 du code civil prévoyant l'unicité de l'option des héritiers, qu'ils ont perdu qualité et droit à agir en nullité du testament de [K] [U],

- dire et juger que Messieurs [M] et [X] [U] n'ont pas soulevé, par application des articles 489, 489-1 et 901 anciens du code civil, la nullité du testament pour insanité d'esprit de [K] [U] alors qu'ils avaient connaissance de son état de santé au moment de sa production,

- en conséquence dire et juger prescrite leur action en nullité du testament sur le fondement de l'état de santé de [K] [U] par application de l'article 1304 ancien du code civil,

au fond, dire et juger que l'insanité d'esprit n'est pas démontrée,

- dire et juger qu'à l'époque de la date du testament, soit le 19 août 1979, [K] [U] se déplaçait et signait,

- en conséquence, dire et juger que la date du testament n'est pas contestable,

- dire et juger que le testament du 19 août 1979 est parfaitement valable comme entièrement écrit, daté et signé de la main de [K] [U],

- en conséquence, confirmer le jugement du 1er septembre 2015 en ce qu'il a jugé qu'il n'y avait pas recel,

- dire et juger qu'elle est recevable et bien fondée à solliciter 1€ en indemnisation du préjudice moral et d'affection qu'a subi [O] [U] du fait du comportement de Messieurs [U] à son égard et à l'égard de leur mère,

- condamner Messieurs [M] et [X] [U] au paiement in solidum de la somme de 10 000 € comme sollicité par [O] [U] de son vivant pour le préjudice subi en raison de l'abus de procédure que constitue la présente instance en relation avec un préjudice moral important,

- dire et juger que le comportement de Messieurs [M] et [X] [U] lui cause un préjudice par la perte de jouissance de la maison de [Localité 4] dont elle sera déclarée propriétaire pour 75 ou 66 % selon ce qui sera jugé sur la validité du testament de [K] [U],

- condamner Messieurs [M] et [X] [U] in solidum au paiement d'une somme de '120 00€' ou subsidiairement 105 600 € en indemnisation de ce préjudice,

- dire et juger que cette somme produira intérêt légal à compter de l'offre d'achat en date de mars 2014 et que les intérêts seront capitalisés dès lors qu'ils seront dus pour une année entière,

- condamner Messieurs [M] et [X] [U] au paiement in solidum de la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement du 1er septembre 2015 en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une somme de 2 000 € au profit de M. [X] [U] et de 1 000 € au profit de M. [M] [U],

- en conséquence, les condamner personnellement au remboursement de la somme perçue avec intérêt légal à compter du jour du paiement, le 11 septembre 2015,

- les condamner in solidum aux entiers dépens de première instance dont distraction au profit de Me Isern-Real pour ceux dont elle a fait l'avance, ainsi qu'aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me Fertier.

Dans ses dernières conclusions du 13 décembre 2016, M. [M] [U] demande à la cour de :

Vu les articles 31 et suivants du code de procédure civile,

Vu les articles 122 et suivants du code de procédure civile, et 1351 du code civil ;

Vu les articles 777 et suivants du code civil,

Vu l'article 792 ancien du code civil,

Vu les articles 600 et suivants et 901 et suivants du code civil,

- constater la recevabilité et le bien-fondé de l'action engagée par lui,

- dire recevable l'action en nullité présentée par les consorts [U],

- débouter [R] [P] venant aux droits de [O] [U] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation de [R] [P] en recel successoral,

- statuant à nouveau,

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident,

- constater que le testament dont s'agit ne peut pas être daté,

- constater le recel de succession de la part de [R] [P] venant aux droits de [O] [U],

- prononcer la nullité du testament olographe se présentant comme rédigé et daté du 19 août 1979 par [K] [U] au profit de [O] [U],

- en conséquence,

- dire et juger que le testament olographe attribué à [K] [U] et daté du 19 août 1979 est nul et de nul effet,

- déchoir Mme [R] [P] de ses droits de légataire universel dans la succession de [K] [U],

- dire et juger que la dévolution successorale de [K] [U] suivra les règles de la dévolution ab intestat,

en tout état de cause,

- condamner [R] [P] venant aux droits de [O] [U] au paiement d'une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise, les frais d'huissiers, dont distraction au profit de Maître Claire des Boscs, avocat à la cour.

Dans ses dernières conclusions du 10 décembre 2016, M. [X] [U] demande à la cour de :

Vu l'article 777 du Code civil,

Vu les articles 901 et suivants du code civil et 970 et suivants du code civil,

Vu l'article 792 ancien du code civil, applicable en l'espèce,

Vu l'article 564 du code de procédure civile,

- le déclarer recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et prétentions,

- débouter Mme [R] [P] de l'ensemble de ses demandes, la déclarer irrecevable et mal fondée,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation de Mme [P] au titre du recel de succession,

statuant à nouveau,

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident,

- constater le recel de succession de la part de [O] [U], en ce qu'elle a entendu se prévaloir d'un testament qu'elle savait faux pour rompre l'égalité de partage entre les héritiers,

en conséquence,

- déchoir Mme [R] [P] de ses droits de légataire universel dans la succession de [K] [U],

- condamner Mme [R] [P] au paiement de la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise.

SUR CE, LA COUR,

sur la recevabilité de l'action en nullité du testament

Considérant que l'appelante soutient que les intimés sont irrecevables à agir en nullité du testament de leur père dès lors qu'ils ont accepté les effets de cet acte à trois reprises, lors du partage du prix de vente de l'immeuble situé [Adresse 5], lors du paiement des droits de succession, et enfin, lors du partage du prix de la pharmacie et qu'ils n'ont pas invoqué la nullité fondée sur l'état de santé du testateur en temps utile, soit dans un délai de cinq ans à compter de la découverte du testament, c'est à dire au plus tard jusqu'au 25 avril 2002 ;

Considérant que les intimés répliquent que par jugement du 29 octobre 2013 rendu sur l'assignation de M. [M] [U] du 13 février 2003, le tribunal a considéré que leur action aux fins de voir invalider le testament était recevable ;

Considérant que les motifs du jugement du 29 octobre 2013 sont rédigés comme suit : '[R] [P] soulève l'irrecevabilité des demandes de [M] et [X] [U], qui ne démontrent pas, selon elle, leur intérêt à agir.

Elle fait valoir, notamment, que [X] [U] demande, dans le dispositif de ses

conclusions, de dire et juger qu'il y a lieu d'ordonner la réouverture de la liquidation partage de la succession de Monsieur [U], alors que le testament du défunt a été exécuté et les biens partagés, sans que ce dernier, ni [M] [U] aient refusé de prendre la part qui leur a été respectivement dévolue, tant à l'occasion de la licitation de la pharmacie que lors de la vente de l'immeuble de la rue de Grenelle,

Selon l'article 31 du code de procédure civile, le droit d'agir, droit de former la demande

pour obtenir un jugement sur le fond de la prétention qui s'y exprime appartient à celui

qui trouve intérêt au succès de sa prétention.

L'existence de cet intérêt, qui doit être personnel, actuel, direct et légitime et qui ne se confond pas avec celle du bien fondé de la demande, s'apprécie au jour de l'acte

introductif d'instance.

Si Mrs [U] n'ont effectivement pas contesté, dans un premier temps, le contenu du testament de leur père, découvert tardivement par [O] [U], six ans après le décès, ils font valoir que la survenance d'événements postérieurs, pour le moins troublants, tels l'appauvrissement inexpliqué de leur mère au regard de son patrimoine et les nombreuses reconnaissances de dettes signées par cette dernière au profit de sa fille, les ont amenés à s'interroger sur la validité de cet acte.

Compte tenu de ces éléments nouveaux, leur action apparaît, dès lors, recevable' ;

Considérant que le dispositif de la décision, qualifiée de 'jugement mixte' est rédigée comme suit : 'dit recevable l'action engagée le 29 janvier 2003 par [M] [U]', le surplus de la décision portant sur l'expertise en écriture du testament de [K] [U] et sur l'irrecevabilité de la demande de Mme [P] tendant au paiement de la somme principale de 174 140,13 € et de celle de 232 238,48 € au titre des intérêts ;

Considérant, en conséquence, que le jugement précité qui selon les intimés, non contredits sur ce point par l'appelante, n'a fait l'objet que d'un appel partiel portant sur l'irrecevabilité de la demande en paiement des sommes de 174 140,13 € et de celle de 232 238,48 €, est revêtu de l'autorité de la chose jugée quant à la recevabilité de l'action en nullité du testament diligentée par M. [M] [U] et à laquelle son frère s'est associé au cours de la procédure ;

Considérant que les fins de non-recevoir soulevées par l'appelante doivent donc être rejetées eu égard à l'autorité de chose jugée de ce chef du jugement du 29 octobre 2013 ;

sur la nullité du testament

Considérant que selon l'article 970 du code civil, 'le testament olographe ne sera point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n'est assujetti à aucune autre forme';

Considérant que les intimés qui soutenaient en première instance à l'appui de leur demande de nullité du testament que leur père ne l'avait pas entièrement rédigé et daté de sa main et d'autre part que l'altération de ses facultés mentales était avérée depuis 1976, soutiennent en appel que la date du testament est fausse dès lors qu'à sa date supposée, [K] [U] était dans l'impossibilité physique et intellectuelle de le rédiger et le signer, et qu'il existe un doute relatif à l'auteur même de la signature du testament, de sorte que le testament est nul ;

Considérant que M. [M] [U] explique que sa soeur a soutiré ce testament à leur père et qu'ainsi, par cette man'uvre, vu l'état de faiblesse et la dégradation avérée des facultés de ce dernier, elle avait la garantie d'être en possession du dernier testament qu'il aurait pu rédiger, puisqu'elle lui a fait apposer la date, à une époque où il est acquis qu'il n'écrit plus, que l'expert-graphologue n'a pas été en mesure de restituer sa véritable date à cet acte, qu'en conséquence, le testament dont s'agit doit être déclaré nul pour ce seul motif, la fausseté de sa date ;

Considérant, en ce qui concerne les facultés mentales, que les intimés produisent divers éléments médicaux et exposent qu'à compter de 1974, [K] [U] était incapable de remplir les registres nécessaires à l'exercice d'une profession qu'il exerçait depuis plus de 40 ans, et qu'en 1977, il ne remplissait plus ses journaux de banque et ne tenait plus ses comptes ;

Considérant qu'ils observent que Mme [P] ne répond sur aucun des faits précités et élude le débat, alors qu'il appartient à celui qui se prévaut de l'authenticité d'un testament d'en apporter la preuve, observant qu'elle a été dans l'incapacité de fournir un document écrit par [K] [U] postérieur à octobre 1976 ;

Considérant que les conclusions de l'expert judiciaire dans son rapport du 28 avril 2014 portant sur le testament daté du 19 août 1979 sont rédigées comme suit :

'- il a été entièrement écrit avec un stylo bille à encre bleue et aucune falsification ou différenciation d'encre n'a pu être mise en évidence, notamment au niveau de la date ; par ailleurs il est impossible techniquement de dater l'encre du texte et donc de la date,

- il a été entièrement écrit et daté par M. [K] [U],

- Mme [A] [U] et Mme [O] [U] n'ont pas écrit la date,

- la signature semble émaner de M. [K] [U] mais seul l'examen en comparaison de davantage de spécimens de sa signature permettra d'émettre un avis péremptoire,

- il est impossible de déterminer à quelle date précise ont été écrites les différentes mentions notamment si la date apposée est contemporaine ou non de la rédaction du corps du testament,

- le corps du testament et la date pourraient avoir été écrits en 1975/1976,

- aucun avis ne peut être émis concernant la date supposée du 19/08/1979 puisqu'aucun écrit de comparaison n'a été produit pour cette période,

- la signature pourrait émaner de 1976/1977/1979 mais pas de 1983";

Considérant que pour la bonne compréhension de cette expertise, il convient de préciser que l'expert a disposé au titre des documents de comparaison de la carte d'électeur de [K] [U] du 10 juin 1979 portant sa signature et que page 35 du rapport, l'expert écrivait : 'l'hypothèse que le testament ait pu être écrit :

avant la date apposée, soit en 1975/1976 ne peut pas être écartée,

à la date indiquée ne peut ni être soutenue, ni écartée, car aucune écriture de 1979 n'ayant été produite par les parties';

Considérant que le testament de [K] [U] avait également fait l'objet de deux expertises antérieures dans le cadre d'une procédure pour abus de faiblesse, faux et usage de faux dont il n'est pas fait état dans le jugement du 29 octobre 2013 qui a ordonné l'expertise confiée à Mme [F] ;

Qu'aux termes de ses conclusions du 5 mai 2009, l'expert nommé dans le cadre de la procédure pénale par ordonnance du 25 mars 2009, Mme [Y], indique que le testament olographe du 19 août 1979 émane de la main de [K] [U], après avoir analysé les documents de comparaison de 1939 à 1974 et le document de question, (le testament) et avoir observé que ce dernier daté de 1979 'présente des signes de vieillissement du graphisme et une homogénéité dans ses inégalités;

une motricité aisée, une écriture rectiligne, de la fermeté dans le tracé, un parallélisme des axes des lettres auraient alerté, car elles n'auraient pas correspondu à un graphisme 'âgé'.

Par ailleurs, on ne trouve aucun signe permettant de dire que la rédaction a été effectuée à main contrainte, forcée ou guidée.(...)

Par ailleurs, la mise en page, l'ordonnance et la logique de l'ensemble nous permettent d'induire que les facultés mentales du scripteur, lors de la rédaction, semblaient intactes';

Que le second expert, M. [T], nommé par ordonnance du 15 juillet 2009, a conclu le 30 septembre 2009, que le testament est entièrement de la main de [K] [U] et n'a fait l'objet d'aucune retouche, rature ou surcharge, après avoir observé 'comportant la date du 19 août 1979, le testament litigieux prend une place naturelle au sein de cet ensemble. Il présente des signes de vieillissement du graphisme plus marqués que les documents de 1973 et 1974, ce qui n'a rien de surprenant. C'est même l'inverse qui aurait été suspect';

Considérant qu'il résulte de ces trois expertises en écriture que le testament du 19 août 1979, objet de la procédure a été écrit en entier, daté et signé de la main du testateur et que l'authenticité de cet acte est établie ;

Considérant que les intimés expriment toutefois un doute quant à l'exactitude de la date qui y figure dès lors que selon eux, leur père n'était plus en état d'écrire en août 1979 ;

Considérant qu'aucun élément intrinsèque du testament ne permet d'aboutir à cette conclusion dès lors que leur hypothèse d'une écriture de la date par d'autre que le testateur a été exclue par les mesures d'instruction précitées ;

Considérant, en effet, qu'il ne peut être déduit des mentions de l'expert Mme [F] selon laquelle 'il est impossible techniquement de dater l'encre du texte et donc de la date', que la date est fausse, dès lors que l'expert se borne à dire que la datation de l'encre du texte n'est pas possible, ce qui est une simple constatation technique qui ne peut nullement conduire à établir un doute sur la date du document ;

Considérant, toutefois, qu'afin d'examiner l'ensemble de l'argumentation des intimés bien que l'intervention d'un tiers qu'ils suspectaient ait été écartée par les mesures d'instruction susvisées, il convient d'analyser les éléments médicaux dont ils font état pour prétendre que leur père était incapable d'écrire un testament à cette date, étant observé que l'arrêt des écritures de leur père au sein de sa pharmacie est de peu de portée dès lors qu'une personne affaiblie peut mettre fin à des activités dans le cadre professionnel tout en ayant la capacité de faire l'effort d'écrire ses dispositions testamentaires ;

Considérant que le professeur [E] dans un document du 28 janvier 2014 a écrit :

" Je soussigné Docteur [P] [E], Professeur des Universités exerçant au CHRU de

Besançon, certifie et authentifie l'écrit que j'avais fait en date du 20 octobre 1985, concernant l'observation clinique et la synthèse diagnostique réalisées auprès de Monsieur [K] [U] qui avait été hospitalisé au CHRU de Besançon à cette époque. De ces constatations, il apparaît que le patient présentait un état neurologique détérioré (syndrome frontal avec troubles intellectuels et du jugement), des troubles moteurs liés à des conséquences d'accidents vasculaires cérébraux multiples de petits volumes et un syndrome extrapyramidal de type parkinsonien. L'ensemble du tableau évoluait de manière évidente depuis plus d'une dizaine d'années au vu des antécédents et des constatations de l'examen clinique ainsi que des données complémentaires (scanner). Dans ce contexte, il est irréaliste que ce patient ait pu avoir en 1979 un usage suffisant de sa main droite pour lui permettre d'avoir une écriture normale. Il en est de même de ses fonctions intellectuelles qui ne pouvaient être considérées comme normales en 1979." ;

Considérant que les intimés produisent un certificat du 22 novembre 1985 établi par le docteur [H] au soutien d'une demande de [O] [U] aux fins de mutation à [Localité 5], aux termes duquel il indique que [K] [U] souffre d'une 'maladie neurologique chronique qui l'a rendu grabataire depuis plusieurs années';

Considérant que le docteur [B] aux termes de l'expertise médicale diligentée le 24 juin 2003 dans le cadre de la mise sous tutelle de [A] [U], dans le paragraphe 'mode de vie' écrit : 'le mari de la patiente est décédée en 1991 au CHU de [Localité 6], dans l'unité de soins de son fils à la suite d'une longue maladie dans un état de démence vasculaire avancée, grabataire depuis de nombreuses années. En effet ce dernier souffrait d'une hypertension artérielle sévère et avait fait de nombreux accidents vasculaires cérébraux en 1975.

Depuis 1979, le mari de Mme [U] avait de plus en plus de mal à marcher. Il était aphasique et présentait un syndrome pseudo-bulbaire';

Considérant qu'au vu de la retranscription dans les conclusions de l'appelante (page 21) de la pièce 95 de M. [X] [U] dont la teneur n'est pas contestée par les intimés (cette pièce annoncée dans le classeur remis à la cour n'y figurant pas), que le docteur [J] a indiqué : 'Je peux donc dire au vu des documents que vous m'avez fournis que Monsieur [K] [U] présentait incontestablement un état de détérioration physique et cognitive en 1985.

Cet état de détérioration avait probablement une origine mixte, vasculaire et extra pyramidale dégénérative. La pathologie parkinsonienne était responsable d'un handicap moteur majeur déjà en 1978 et donc avant 1979, et d'un état quasi-grabataire dès 1981 au vu des courriers de Mme [A] [U] ainsi que de Mademoiselle B. [U]. Il est rare que des syndromes parkinsoniens avancés aussi invalidants ne s'accompagnent pas de troubles cognitifs et du jugement. Mais aucun document dans le dossier ne me permet d'en avoir la certitude et de pouvoir juger de son degré de gravité en 1979. Mais un état grabataire aussi avéré qu'il parait être en 1981, laisse penser que l'intéressé ne pouvait avoir des fonctions cognitives normales deux ans auparavant';

Considérant que selon l'article 901 du code civil, 'pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit';

Considérant que la charge de la preuve de l'insanité d'esprit incombe à celui qui agit en nullité du testament ;

Considérant qu'aucun des éléments médicaux produits ne permet de dire qu'en août 1979, [K] [U] était insane, ni qu'il était dans l'incapacité physique d'écrire, les conclusions du docteur [E] notamment, sur lesquelles se fondent les intimés, retraçant des constatations qu'il avait faites en 1985, soit six ans après la date du testament, et celles du docteur [J] révélant qu'il ne pouvait nullement avoir la certitude que les fonctions cognitives de [K] [U] étaient altérées en août 1979, son analyse du dossier produit lui permettant seulement de dire que [K] [U] présentait incontestablement un état de détérioration physique et cognitive en 1985 ;

Considérant que si la santé de [K] [U] qui a vécu douze ans après la date portée sur le testament, s'est dégradée au fil des années, avec une détérioration significative à compter de 1985, la preuve, dont la charge pèse sur les intimés, de l'insanité d'esprit de leur père à la date du 19 août 1979 n'est pas rapportée, de sorte que leur demande de nullité du testament doit être rejetée et le jugement infirmé de ce chef ;

Considérant qu'en l'absence de preuve des éléments constitutifs du recel, la demande des intimés formulée à ce titre, dépourvue de tout fondement doit être rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef ;

sur les autres demandes de Mme [P]

Considérant que Mme [P] fait état de la perte de jouissance de sa part dans la maison de [Localité 4], évaluée à 400 000 € portant, selon ce qui sera décidé par la cour, sur 75% de la valeur du bien, ou 66% et ce depuis le décès de [A] [U] en mars 2010;

Considérant, toutefois, qu'en l'absence de preuve d'une impossibilité de la part de [O] [U], puis de sa légataire universelle, de jouir du bien précité, sa demande au titre d'une privation de cette jouissance ne peut prospérer ;

Considérant que la mésentente entre les héritiers n'est pas de nature à justifier l'octroi de dommages-intérêts, de sorte que la demande en paiement d'un euro au titre du préjudice moral de [O] [U] doit être rejetée, de même que la demande en paiement de dommages intérêts pour procédure abusive, dès lors que la procédure diligentée par les frères [U] ne revêt pas les caractères d'un abus du droit d'agir en justice ;

Considérant que l'équité commande d'infirmer la décision condamnant Mme [P] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, étant précisé qu'il n'y a pas lieu d'ordonner le remboursement des sommes perçues, la présente décision infirmative constituant un titre pour obtenir la restitution des sommes accordée en première instance ;

PAR CES MOTIFS,

Rejette les fins de non-recevoir soulevées par Mme [P],

Infirme le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du testament olographe attribué à [K] [U], et daté du 19 août 1979, condamné Mme [P] aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile à payer à M. [X] [U] la somme de 2 000 euros, et à M. [M] [U] celle de 1 000 euros,

Statuant à nouveau de ces chefs,

Dit que le testament en date du 19 août 1979 de [K] [U] est valable,

Rejette les demandes de dommages intérêts de Mme [P],

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes,

Condamne in solidum MM. [M] et [X] [U] aux dépens de première instance et d'appel,

Accorde à l'avocat de Mme [P] le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 15/21375
Date de la décision : 01/03/2017

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°15/21375 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-01;15.21375 ?
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