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28/02/2017 | FRANCE | N°14/16327

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 28 février 2017, 14/16327


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 5



ARRET DU 28 FEVRIER 2017



(n° 2017/ 073 , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 14/16327



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juin 2014 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2009F01784





APPELANTES ET INTIMÉES INCIDENTES



SAS L'ACHEMINEUR agissant poursuites et diligences de son Présiden

t domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 572 202 950 00067



SA HELVETIA ASSURANCES agissant poursuites et diligences de son représentant légal do...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5

ARRET DU 28 FEVRIER 2017

(n° 2017/ 073 , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/16327

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Juin 2014 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2009F01784

APPELANTES ET INTIMÉES INCIDENTES

SAS L'ACHEMINEUR agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 1]

N° SIRET : 572 202 950 00067

SA HELVETIA ASSURANCES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 2]

N° SIRET : 339 489 379 00034

Représentées par Me Jean-didier MEYNARD de la SCP BRODU - CICUREL - MEYNARD - GAUTHIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240

Assistées de Me Marine SILLIAU du cabinet INCE AND CO FRANCE SCP, avocat au Barreau du HAVRE

APPELANTS ET INTIMES

Maître [C] [R] pris en sa qualité de co-liquidateur de la SAS MORY LDI

[Adresse 3]

[Localité 3]

N° SIRET : [R]

SCP [O] [E] prise en sa qualité de co-liquidateur de la SAS MORY LDI

[Adresse 4]

[Localité 3]

N° SIRET : [O]

SAS MORY LDI société déclarée en liquidation judiciaire par jugement du 06 mars 2012

[Adresse 5]

[Localité 4]

N° SIRET : 394 914 030 00025

Représentées par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

INTIMEES

TSM COMPAGNIE D'ASSURANCES, société coopérative de droit suisse prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 6]

[Localité 5])

ZURICH VERSICHERUNGS GESELLSCHAFT AG, société de droit suisse prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 7]

[Localité 6]G (SUISSE)

Représentées par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistées Me Alexandre GRUBER de l'AARPI LMT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R169

SA VALIMPEX, société de droit suisse, immatriculée au Registre du Canton de Genève 05002/1974, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 7](SUISSE)

Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Assistée de Me Florent VIGNY de la SELARL CAUSIDICOR, avocat au barreau de PARIS, toque : J133

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2017, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre

Monsieur Christian BYK, Conseiller, entendu en son rapport

Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, présidente et par Madame Catherine BAJAZET, greffier présent lors de la mise à disposition.

'''''

La société VALIMPEX, commissionaire de transport suisse, a confié à la société L'ACHEMINEUR le transport de métaux précieux appartenant à la société METALOR TECHNOLOGIES SA. Le voiturier a pris en charge le 28 octobre 2008 ces marchandises ainsi que des articles de bijouterie au départ de GENEVE et à destination de PARIS pour le compte de différents destinataires. Au cours du trajet, le camion de la société L'ACHEMINEUR a fait l'objet d'un vol à main armée et, le 16 décembre 2008, au cours d'un second transport commandé par les sociétés VALIMPEX et MORY LDI, un autre vol avec agression a eu lieu.

Par acte du 27 octobre 2009, les sociétés TSM ASSURANCES et ZURICH VERSICHERUNGS, qui ont indemnisé les vols commis au préjudice des sociétés METALOR, BREITLING et AUDEMAR PIGUET, ont assigné les sociétés L'ACHEMINEUR, son assureur HELVETIA, VALIMPEX et MORY LDI devant le Tribunal de commerce de Bobigny qui, par jugement du 24 juin 2014, a condamné solidairement les sociétés L'ACHEMINEUR et HELVETIA ASSURANCES à payer à la société TSM les sommes de 265 500 francs suisses et de 198 000 euros, et les a également condamnées solidairement avec les co-liquidateurs de la société MORY à payer à ZURICH VERSICHERUNGS la somme de 142 500 euros.

Par déclaration reçue le 28 juillet 2014 et enregistrée le 1er août, les sociétés L'ACHEMINEUR et HELVETIA ASSURANCES ont interjeté appel. Et, par déclaration reçue le 8 septembre 2014 et enregistrée le 9 septembre, les co-liquidateurs de la société MORY ont également fait appel, les deux appels ayant été joints.

L'affaire a été plaidée le 23 février 2016 et, par arrêt avant dire droit du 29 mars 2016, la cour de céans a ordonné la réouverture des débats, la révocation de l'ordonnance de clôture et invité les parties à :

- faire connaitre si la subrogation conventionnelle et la cession de droit existent en droit suisse et quelles en sont les règles ;

- dire si les conventions d'indemnisation produites aux débats doivent s'analyser en une cession de droit ou en une subrogation conventionnelle et quelles en sont les conséquences s'agissant de la recevabilité des demandes des sociétés TSM et ZURICH

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 6 juin 2016, les sociétés L'ACHEMINEUR et HELVETIA sollicitent l'infirmation du jugement, demandant à la cour de déclarer l'action des sociétés TSM et ZURICH VERSICHERUNGS irrecevable, à titre subsidiaire de dire qu'elles sont bien fondées à se prévaloir d'un cas de force majeure ou des dispositions de l'article 17-2 de la convention « CMR » pour les vols commis les 28 octobre 2008 et 16 décembre 2008.

A titre très subsidiaire, les sociétés appelantes demandent à la cour de dire qu'elles sont bien fondées à se prévaloir des dispositions de l'article 23-3 de la Convention dite « CMR » et, par suite, elles demandent de limiter l'indemnité de la société ZURICH VERSICHERUNGS-GESELLSCHAFT AG relativement au :

- vol des montres de marque BREITLING le 16 décembre 2008, à 1.707,65 DTS et, consécutivement, limiter d'autant la garantie de la société L'ACHEMINEUR et la compagnie HELVETIA ASSURANCES S.A. à l'égard de la SCP [O] [E] et Maître [C] [R], ès qualités de co-liquidateurs de MORY LDI, ainsi que la société MORY LDI, et la société VALIMPEX,

- vol des montres de marque AUDEMARS PIGUET le 16 décembre 2008, à 541,45 DTS et, consécutivement, limiter d'autant la garantie de la société L'ACHEMINEUR et la compagnie HELVETIA ASSURANCES S.A. à l'égard de la SCP [O] [E] et Maître [C] [R], ès qualités de co-liquidateurs de MORY LDI, ainsi que la société MORY LDI, et la société VALIMPEX.

En tout état de cause, elles réclament la condamnation solidaire des sociétés TSM et ZURICH VERSICHERUNGS à leur payer, chacune, la somme de 7.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 3 juin 2016, la société VALIMPEX sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause, demandant à la cour, à titre subsidiaire, de juger irrecevable l'action des assureurs des marchandises transportées, à titre très subsidiaire de débouter la société TSM de ses demandes et de limiter l'indemnité due à 325,70 DTS et de condamner tout succombant à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 2 juin 2016, les sociétés TSM et ZURICH sollicitent l'infirmation du jugement, sauf en ce qu'il a jugé qu'elles étaient recevables et bien fondées en leurs demandes et en ce qu'il a retenu la faute lourde de la société L'ACHEMINEUR dans la survenance du second vol, demandant à la cour de juger que les circonstances de la cause révèlent que cette société a commis des fautes lourdes dans l'exécution des deux transports et que les sociétés VALIMPEX et MORY ont engagé leur responsabilité personnelle à leur égard et de condamner in solidum les sociétés VALIMPEX et L'ACHEMINEUR à payer à TSM la somme de 500 998,34 euros, avec intérêts moratoires au taux de 5% à compter du 16 juillet 2009, date de la première réclamation, et, de la même manière, de condamner la société MORY et la société L'ACHEMINEUR à payer à TSM la somme de 263 492 euros et 221 258,74 euros à la société ZURICH, outre intérêts au taux de 5% à compter de la date de l'assignation sur chacune de ces sommes, outre condamner in solidum les sociétés L'ACHEMINEUR, VALIMPEX et MORY à leur payer à chacune la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 25 mars 2015, la SCP [O] [E], Maître [C] [R] ès qualités de co-liquidateurs de la société MORY LDI

ainsi que cette dernière société sollicitent l'infirmation du jugement, demandant à la cour de juger que les demandes à l'encontre des co-liquidateurs judiciaires de la société MORY LDI sont irrecevables pour défaut d'intérêt et de qualité à agir et, à titre subsidiaire, de juger que la société MORY n'a commis aucune faute personnelle, que la société L'ACHEMINEUR est exonérée de sa responsabilité, en conséquence, mettre Maître [C] [R] et la SCP [O] és qualités hors de cause, à titre très subsidiaire, juger que la société MORY n'a commis aucune faute personnelle et que la société L'ACHEMINEUR n'a commis aucune faute lourde, en conséquence, fixer la créance au passif de la société MORY à la contrevaleur en euros de la somme de 2.249,10 DTS.

En tout état de cause, il est réclamé la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les sociétés L'ACHEMINEUR et HELVETIA devant, le cas échéant, les garantir de toutes créances qui seraient inscrites au passif de MORY.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 janvier 2017.

CE SUR QUOI, LA COUR

Sur la recevabilité de l'action des sociétés ZURICH et TSM :

-subrogation (légale)

Considérant que les sociétés appelantes, appuyées par les co-liquidateurs de la société MORY, ainsi que par la société VALIMPEX, soutiennent que les polices des sociétés ZURICH et TSM étant soumises au droit suisse, il convient d'appliquer l'article 72 de la loi suisse sur le contrat d'assurance, qui énonce que « les prétentions que l'ayant droit peut avoir contre des tiers en raison d'actes illicites passent à l'auteur jusqu'à concurrence de l'indemnité payée » ;

Qu'elles précisent que la jurisprudence du Tribunal fédéral suisse considère qu'il découle de cet article que l'assureur, qui prétend avoir indemnisé le lésé en vertu d'un contrat d'assurance, est tenu de supporter seul le dommage si aucun acte illicite n'est imputable au tiers qu'il entend rechercher (Tribunal Fédéral, RBA - Arrêts de tribunaux civils suisses dans des contestations de droit privé en matière d'assurance -, vol X, n° 70, ièce n°26) et que la preuve que le dommage a été causé par un acte illicite incombe à l'assureur (CJ GE RBA, vol IV n°223, pièce n°27) ;

Que, s'agissant de la subrogation légale, les assureurs TSM et ZÜRICH ne rapportent pas la preuve de la commission d'un acte illicite par la société L'ACHEMINEUR pour bénéficier d'une telle subrogation ;

Qu'en effet, ils n'établissent pas que les fautes imputées aux préposés de la société L'ACHEMINEUR, revêtent un caractère illicite ;

Qu'en outre, lorsque le responsable du dommage est une personne morale, l'article 55 du Code civil suisse prévoit qu'il ne peut être question d'acte illicite au sens de l'article 72 LCA que si les organes de cette personne morale sont en faute et pas seulement ses employés ;

Qu'elles ajoutent que l'assurance souscrite par la société METALOR TECHNOLOGIES SA faisant état d'une co-assurance- TSM participant à hauteur de 75 % tandis que HELVETIA représentait 25 % - en vertu du principe qui veut que nul ne plaide par procureur, le droit d'action de la société TSM, qui ne démontre pas avoir reçu mandat d'HELVETIA pour la représenter, est forcément limité à 75 % de l'indemnité d'assurance versée à l'assuré ;

Qu'enfin, la cour ayant reconnu que la subrogation légale n'était pas acquise et réouvert les débats uniquement pour qu'il soit jugé de la seule question de l'existence d'une subrogation conventionnelle ou une cession de droit au regard du droit suisse, il est vain pour les sociétés TSM et ZURICH VERSICHERUNGS de conclure sur la validité d'une subrogation légale ou cession légale aux termes de l'article 72 de la LCA ;

Considérant que TSM et ZURICH répondent, s'agissant de la réunion des conditions de la subrogation légale de droit suisse, qu'un acte illicite est un acte fautif au sens de l'article 41 du code des obligations suisse, soit un "manquement de la volonté au devoir imposé par l'ordre juridique" ;

Qu'il peut ainsi s'agir d'une faute intentionnelle ou d'une négligence et qu'il n'y a donc aucun obstacle en l'espèce à ce qu'elles invoquent l'existence d'une subrogation légale à leur profit dans les droits et actions de leurs assurés Metalor, Audemars Piguet et Breitling à l'encontre de la société L'ACHEMINEUR et des autres intervenants aux opérations de transport ;

Considérant que l'arrêt du 29 mars 2016 est un arrêt avant dire droit qui, comme le montre son dispositif, n'a nullement statué sur la recevabilité sur le fondement de 'la subrogation légale' ;

Considérant qu'il résulte des explications concordantes données par les parties que le terme de subrogation est réservée par le droit suisse à ce qui est qualifié de subrogation légale en droit français ;

Considérant que cette subrogation est établie par l'article 72 de la loi suisse sur le contrat d'assurance, qui énonce que « les prétentions que l'ayant droit peut avoir contre des tiers en raison d'actes illicites passent à l'auteur jusqu'à concurrence de l'indemnité payée » ;

Considérant que la jurisprudence suisse déduit de ce texte que l'assureur, qui prétend avoir indemnisé le lésé en vertu d'un contrat d'assurance, est tenu de supporter seul le dommage si aucun acte illicite n'est imputable au tiers qu'il entend rechercher et qu'il appartient à cet assureur de faire la preuve que le dommage a été causé par un acte illicite, qui se définit comme 'la violation d'une norme protectrice des intérêts d'autrui, en l'absence de motifs justificatifs' ;

*premier vol

Considérant, s'agissant du premier vol, que celui-ci a eu lieu par l'action d'un 'véhicule Peugeot 307, muni d'un gyrophare, qui a fait dévier le véhicule de la société L'ACHEMINEUR après le passage du péage jusqu'à son arrêt sous un pont sur une portion de route réservée au service, quatre individus cagoulés et porteurs de blouson de police faisant alors sortir le chauffeur et le passager' ;

Considérant que cette brusque intervention par un véhicule et ses occupants, qui avaient toutes les apparences de policiers et d'un véhicule de service, par sa violence et son effet de surprise sur le conducteur et l'accompagnateur du véhicule de la société L'ACHEMINEUR, constitue un motif justificatif pour expliquer le manquement porté par le transporteur aux intérêts des assurés des sociétés TSM et ZÜRICH, qu'en effet, suivant l'interprétation qu'en donne le juge suisse, la notion d'acte illicite ne se réduit pas à la seule violation d'une norme protectrice des intérêts d'autrui mais elle suppose qu'il n'existe pas de motifs justificatifs à cette violation ;

Qu'il en résulte qu'en l'absence d'acte illicite en l'espèce, il n'y a pas de subrogation 'légale';

*second vol

Considérant que tel n'est plus le cas, lors du second vol, dès lors que l'enquête de police a établi que la société L'ACHEMINEUR, bien qu'elle ait reçu de la société VALIMPEX des instructions pour se conformer aux dispositions du décret n°2000-376 du 28 avril 2000, n'a pas renforcé la protection des biens transportés alors qu'un premier vol avait été commis et que ce second transport concernait des biens de très grande valeur (dont un collier estimé à 3 120 000 euros) ;

Qu'aucun motif justificatif ne peut donc être invoqué pas plus, s'agissant de reprocher cet acte illicite à une personne morale, qu'il ne peut être fait état de ce que le droit suisse exigerait pour engager cette responsabilité que si les organes de cette personne morale sont en faute et pas seulement ses employés ;

Qu'en effet, l'article 55 du code civil suisse produit aux débats énonce que 'la volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes', qu'il ne saurait en être déduit qu'un acte illicite, qui peut être involontaire, doit nécessairement être décidé par les organes compétents de la personne morale ;

Que l'action subrogatoire est sur cette seconde série de faits recevable ;

-subrogation conventionnelle

Considérant, s'agissant de la subrogation conventionnelle, que les sociétés appelantes, avec le soutien des co-liquidateurs de la société MORY ainsi que par la société VALIMPEX, avancent que les assureurs suisses n'ont pas jugé nécessaire de verser aux débats toute nouvelle pièce utile pour appuyer l'application de la subrogation conventionnelle, qu'ils se contentent d'alléguer ;

Qu'elles ajoutent que le « subrogation conventionnelle » n'existe pas en droit suisse, qui ne connait que le régime juridique de la 'cession de créances' de sorte que le terme de subrogation est réservé à la seule subrogation légale du droit français ;

Que si, au regard des règles applicables en Suisse, il est possible de considérer que la subrogation conventionnelle française est assimilée à la cession conventionnelle suisse,

dont les règles sont prévues aux articles 164 et suivants du code des obligations, tel n'est pas le cas, en l'espèce, les conditions légales de la cession conventionnelle de droit suisse n'étant pas réunies ;

Considérant que les sociétés TSM et ZÜRICH répondent que, s'agissant de la subrogation conventionnelle, celle-ci existe en droit suisse sous la dénomination de cession de droit, le cédant pouvant transmette au cessionnaire (l'assureur) des droits et actions sans que le consentement du débiteur cédé ne soit nécessaire ;

Considérant qu'à cette fin, ces assureurs produisent aux débats (pièce 5) deux conventions d'indemnisation signées avec la société METALOR, (27 février et 25 mars 2009) et AUDEMAR PIGUET FRANCE (30 avril 2009), dont chacune précise que 'les soussignés se déclarent être entièrement indemnisés des conséquences passées et futures de cet évènement (le sinistre) et cèdent à TSM ... tout droit envers les tiers sans pour cela qu'une cession de droits particulière soit nécessaire' ;

Qu'ils concluent qu'en l'espèce, les cessions de droit intervenues respectivement entre TSM et METALOR, TSM et AUDEMARS PIGUET et ZÜRICH et BREITLING sont régulières et emportent bien transmission du droit d'action au profit de ces deux compagnies d'assurances ;

Considérant que la cour ayant admis l'existence d'une subrogation 'légale' pour le second vol, il convient uniquement de voir si la pièce 5 produite par TSM et ZÜRICH est susceptible de répondre aux conditions légales de la cession de créances (article 164 et suivants du code des obligations) ;

Considérant qu'aux termes de l'article 165 dudit code :

'1 La cession n'est valable que si elle a été constatée par écrit,

2 Aucune forme particulière n'est requise pour la promesse de céder une créance' ;

Considérant que la pièce 5 produite par TSM et ZÜRICH répond à ces conditions ;

Qu'en effet, aux termes de ces documents écrits dont chacun porte la signature de l'assureur et des sociétés indemnisées, ces dernières, 'les soussignés se déclarent être entièrement indemnisés des conséquences passées et futures de cet évènement (le sinistre) et cèdent à TSM ... tout droit envers les tiers sans pour cela qu'une cession de droits particulière soit nécessaire' ;

Qu'au titre de la cession de créance, l'action est donc recevable à l'égard du premier (comme du second) vol ;

Sur la responsabilité:

-clause d'exonération

Considérant que les appelantes, soutenues par les co-liquidateurs de la société MORY, estiment que les circonstances des deux vols leur permettent de se prévaloir d'une clause d'exonération de responsabilité ;

Qu'en effet, que ce soit pour le vol du 28 octobre 2008 faisant suite à un contrôle de police ou celui du 16 décembre 2008 facilité par un choc avec un véhicule de marque RENAULT, les circonstances témoignent, outre de leur extériorité, d'une imprévisibilité flagrante puisque les employés de la société L'ACHEMINEUR étaient dans l'impossibilité d'anticiper ces événements ;

Qu'elles ajoutent que si la force majeure ne devait pas être retenue, il résulte des circonstances que, pour les deux vols, il existait des circonstances inévitables et insurmontables, telles que prévues par l'article 17-2 de la CMR, car il est incontestable que les chauffeurs de la société L'ACHEMINEUR ont été la cible d'un guet-apens bien préparé impliquant une équipe de malfrats organisés et déterminés dont le mode opératoire était parfaitement planifié ;

Considérant que les société TSM et ZÜRICH répliquent que le tribunal a inexactement donné une interprétation différente pour les deux vols en retenant que le premier pouvait justifier une exonération totale de responsabilité de L'ACHEMINEUR au sens de l'article 17-2 de la CMR à raison du « caractère spectaculaire et impressionnant de la mise en scène expliquant le fait que le chauffeur n'ait actionné l'alarme que tardivement » ;

Qu'en effet, s'agissant du vol en lui-même, le fait pour le véhicule de L'ACHEMINEUR de se voir demander par un autre véhicule muni d'un gyrophare de stationner sur la bande d'arrêt d'urgence n'avait rien de « spectaculaire » ou « d'impressionnant » mais uniquement de très suspect, le véhicule de la société L'ACHEMINEUR ayant imprudemment accédé à la demande du véhicule muni du gyrophare de se garer en urgence alors que les chauffeurs n'étaient pas à ce moment sous la menace d'une arme ;

Considérant qu'en application de l'article 17.2 de la CMR,

'Le transporteur est déchargé de (sa) responsabilité si la perte, l'avarie ou le retard a eu pour cause une faute de l'ayant droit, un ordre de celui-ci ne résultant pas d'une faute du transporteur, un vice propre de la marchandise, ou des circonstances que le transporteur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier' ;

Considérant que tel est le cas du premier vol dès lors que, comme il a été dit ci-dessus, les circonstances de celui-ci, par leur violence irrésistible et leur effet de surprise sur le conducteur et l'accompagnateur du véhicule de la société L'ACHEMINEUR, n'ont pu être évitées par le transporteur qui n'a pu également, en raison de la contrainte exercée par ces circonstances sur ses employés, qui ont été attachés par les auteurs des faits, obvier à ses conséquences ;

Qu'en revanche, ainsi qu'il a été justement expliqué par le premier juge dans les motifs de sa décision, cette exclusion ne pouvait plus s'appliquer aux circonstances du second sinistre, le transporteur n'ayant tiré aucune conséquence des modalités du premier sinistre pour améliorer les conditions de sécurité du transport et ce d'autant que les marchandises convoyées lors du second transport étaient d'une valeur exceptionnelle ;

-absence de faute lourde ou inexcusable en relation causale avec le second vol

Considérant que les appelantes, appuyées par la société VALIMPEX et les co-liquidateurs de la société MORY ès qualités, font valoir que toute collusion interne entre le personnel de L'ACHEMINEUR ou des commissionnaires et les malfaiteurs doit être écartée, qu'il ne peut être reproché ni aux personnels de la société L'ACHEMINEUR ni à cette dernière une quelconque faute dolosive ou lourde et, qu'en tout état de cause, il ne peut être démontré un quelconque lien de causalité entre les prétendues fautes alléguées et les dommages occasionnés ;

Considérant que les sociétés TSM et ZÜRICH répliquent que tant les circonstances des deux vols que les conditions des transports réalisés par la société L'ACHEMINEUR sont de nature à démontrer la faute lourde de celle-ci engageant sa responsabilité ;

Qu'elles ajoutent que cette faute est équivalente au dol et prive (article 29 CMR) le transporteur de la faculté d'invoquer les dispositions de l'article 17.2 de la CMR ;

Considérant que le fait pour le transporteur, s'agissant de ce second vol, de ne pas avoir strictement renforcé les mesures de sécurité du transport, notamment en employant du personnel non formé aux règles de sécurité et en laissant, alors que le véhicule était suivi par GPS, celui-ci s'arrêter à deux reprises pour faire le plein sur un trajet ne dépassant pas 600 kilomètres, est constitutif d'une faute équivalente au dol en relation avec le dommage subi et qui engage, en conséquence, la responsabilité de la société L'ACHEMINEUR ;

Considérant que les commissionnaires du second transport, à savoir la société VALIMPEX pour les biens propriété de la société METALORet la société MORY pour les valeurs appartenant aux sociétésAUDEMARS PINGUET et BREITLING FRANCE, doivent être tenus responsables de leur substitué ;

Considérant que la perte de chance d'avoir pu empêcher le vol en raison des fautes du transporteur peut être évaluée à 75% des indemnités versées par TSM et ZÜRICH à leurs assurés respectifs ;

Sur l'application de la limite légale de responsabilité:

Considérant qu'à titre subsidiaire, les appelantes, soutenues par la société VALIMPEX et Maître [R] ès qualités, avancent qu'elles sont en droit de se prévaloir des limitations légales de responsabilité prévues par la convention CMR en son article 23-3, aucune faute lourde ne pouvant leur être reprochée ;

Considérant toutefois qu'en application de l'article 29.1 de la convention CMR, 'le transporteur n'a pas le droit de se prévaloir des dispositions du présent chapitre qui excluent ou limitent sa responsabilité ou qui renversent le fardeau de la preuve, si le dommage provient de son dol ou d'une faute qui lui est imputable et qui, d'après la loi de la juridiction saisie, est considérée comme équivalente au dol' ;

Considérant que la cour ayant constaté en l'espèce l'existence d'une faute lourde du transporteur équivalente au dol, il convient donc de condamner, d'une part, la société l'ACHEMINEUR in solidum avec son assureur HELVETIA, et, d'autre part, la société VALIMPEX à payer à la société TSM ASSURANCES une somme de 198 000 euros et l'équivalent en euros de la somme de 265 500 francs suisses ;

Considérant que les sociétés L'ACHEMINEUR et HELVETIA seront également condamnées in solidum à payer à la société ZÜRICH VERSICHERUNGS la somme de 142 500 euros, qui sera également mise au passif de la société MORY LDI ;

Sur l'appel en garantie des co-liquidateurs de la société MORY et la société VALIMPEX à l'encontre des appelantes:

Considérant que, pour nier devoir leur garantie, les sociétés L'ACHEMINEUR et HELVETIA rappellent qu'elles soutiennent l'irrecevabilité de l' action des sociétés TSM et ZÜRICH à leur encontre et qu'elles invoquent, au fond, une clause d'exonération et, pour le second vol, l'absence de faute lourde ou inexcusable ;

Considérant que si pour le premier vol, la cour a retenu la clause d'exonération ainsi invoquée, elle a, pour le second, relevé l'existence d'une faute lourde du transporteur qui autorise les commissionnaires à exercer à bon droit un appel en garantie à l'encontre de leur substitué, qu'il sera donc fait droit à leurs demandes ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile:

Considérant que l'équité commande de condamner, d'une part, la société l'ACHEMINEUR in solidum avec son assureur HELVETIA, et, d'autre part, la société VALIMPEX à payer la somme de 5 000 euros aux sociétés TSM et ZÜRICH VERSICHERUNGS, outre une somme de 3 000 euros tant aux co-liquidateurs de la société MORY LDI qu'à la société VALIMPEX, qu'en revanche, il n'y a pas lieu de faire droit à leur demande à ce titre ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré, statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevables les sociétés TSM et ZÜRICH VERSICHERUNGS-GESELLSCHAFT;

Condamne in solidum d'une part, la société L'ACHEMINEUR in solidum avec son assureur HELVETIA, et, d'autre part, la société VALIMPEX à payer à la société TSM ASSURANCES une somme de 198 000 euros et l'équivalent en euros de la somme de 265 500 francs suisses ;

Condamne in solidum les sociétés L'ACHEMINEUR et HELVETIA à payer à la société ZÜRICH VERSICHERUNGS la somme de 142 500 euros, qui sera également mise au passif de la société MORY LDI ;

Condamne in solidum les sociétés L'ACHEMINEUR et HELVETIA à garantir la société VALIMPEX des sommes mises à sa charge et à garantir les liquidateurs de la société MORY LDI ès qualités des sommes inscrites au passif de cette société ;

Condamne in solidum, d'une part, la société L'ACHEMINEUR in solidum avec son assureur HELVETIA, et, d'autre part, la société VALIMPEX à payer la somme de 5 000 euros aux sociétés TSM et ZÜRICH VERSICHERUNGS, outre une somme de 3 000 euros tant aux co-liquidateurs ès qualités de la société MORY LDI, la SCP [O] [E] et Maître [C] [R], qu'à la société VALIMPEX ;

Les déboute de leur demande à ce titre et les condamne, sous la même solidarité, aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 14/16327
Date de la décision : 28/02/2017

Références :

Cour d'appel de Paris C5, arrêt n°14/16327 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-28;14.16327 ?
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