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16/02/2017 | FRANCE | N°13/11465

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 16 février 2017, 13/11465


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 16 février 2017

(n° 111 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11465



Jonction avec le dossier RG : 13/11731



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Octobre 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 10/14420



APPELANTE

SA GROUPE OFFICE CHERIFIEN DES PHOSPHATES OCP

[Adresse 1]

[Adresse 1]r>
[Adresse 1]

représentée par Me Foulques DE ROSTOLAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03



INTIMES

Me [P] (SELARL FHB)

Liquidateur amiable de la SOCIETE DE TRANSPOR...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 16 février 2017

(n° 111 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11465

Jonction avec le dossier RG : 13/11731

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Octobre 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS RG n° 10/14420

APPELANTE

SA GROUPE OFFICE CHERIFIEN DES PHOSPHATES OCP

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Foulques DE ROSTOLAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

INTIMES

Me [P] (SELARL FHB)

Liquidateur amiable de la SOCIETE DE TRANSPORTS ET D'AFFRETEMENTS REUNIS STAR

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Brice WARTEL, avocat au barreau de PARIS, toque : K0184

SOCIETE DE TRANSPORTS ET D'AFFRETEMENTS REUNIS STAR

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Brice WARTEL, avocat au barreau de PARIS, toque : K0184

Monsieur [D] [J]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

comparant en personne, assisté de Me Aurélie FOURNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0372

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Novembre 2016, en audience publique, double rapporteur devant la Cour composée de :

Madame Catherine BEZIO, Président de chambre

Madame Patricia DUFOUR, Conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine BEZIO, Président de chambre

Mme Patricia DUFOUR, conseiller

Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-président placé

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine BEZIO, Président et par Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, greffière présente lors du prononcé.

Statuant sur les appels formés par la société GROUPE OFFICE CHERIFIEN DES PHOSPHATES ci-après (l' OCP) et par Me [J] [P], liquidateur amiable de la société STAR , à l'encontre du jugement en date du 29 octobre 2013, par lequel le conseil de prud'hommes de Paris, en sa formation de départage,

-a dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire de M.[J] s'élève à la somme de 11 877, 52 € ;

-a prononcé la résiliation du contrat de travail de M.[J] à la date du 19 janvier 2011, aux torts de la société STAR, représentée par son liquidateur amiable Maître [J] [P], et de la société OCP

-a condamné la société STAR et l ' OCP reconnus coemployeurs de M.[J] ,à payer à celui-ci, les sommes de :

*117973,20€ à titre de complément d'indemnité conventionnelle

*350000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

*5000 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral

*15 150 € € de rappel de primes

*74157 € de dommages et intérêts pour manque à gagner

sur droits de retraite

et 2000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile 

le Conseil ordonnant, en outre, aux deux sociétés précitées, d'une part, de remettre à M.[J] un certificat de travail mentionnant la fonction de chef de service du 1er juin 1987 au 31 mai 2008 et celle de directeur marketing du 1er juin 2008 au 19 avril 2011 -ainsi que les bulletins de paye et attestation Pôle emploi, conformes au jugement- et d'autre part, de rembourser les indemnités de chômage, versées à M.[J], dans la limite de six mois d'indemnités ;

Vu les écritures développées à la barre par Me [P], ès qualités, pour la société STAR qui prie la cour de débouter M.[J] de toutes ses demandes et, en tout état de cause, de juger que le contrat de travail de M.[J] lui a été transféré à compter du 1er janvier 1995, -la société STAR acquiesçant à la condamnation prononcée à son encontre au titre du complément de l'indemnité conventionnelle de licenciement et reconnaissant, en conséquence, devoir la somme de 11 075, 62 €, de ce chef ;

Vu les conclusions de la société OCP tendant à voir,

-principalement, juger que l'OCP n'était pas coemployeur de M.[J] avec la société STAR et que le contrat de travail de M.[J], initialement conclu avec l'OCP en 1977, a été transféré à la société STAR à compter du 1er janvier 1995 et, en conséquence, prononcer sa mise hors de cause avec allocation de la somme de 2000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- subsidiairement, rejeter la demande de résiliation de M.[J] et juger que le licenciement pour motif économique de celui-ci est fondé sur une cause réelle et sérieuse , l'OCP, sollicitant acte de ce qu'elle acquiesce, en ce cas, à sa condamnation au paiement du complément d'indemnité conventionnelle de licenciement mis à sa charge par le conseil de prud'hommes dans le jugement entrepris ;

Vu les conclusions écrites et orales soutenues par M.[J] qui sollicite la confirmation du jugement déféré, quant à la résiliation judiciaire du contrat de travail, subsidiairement, prie la cour de déclarer son licenciement, dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner , en tout état de cause, de dire les deux sociétés, co-employeurs, et de les condamner au paiement des sommes suivantes , avec les intérêts au taux légal,

-380 000 € nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-117 973, 20 € nets à titre de reliquat dû sur l'indemnité de licenciement

-175 000 € nets de dommages et intérêts pour harcèlement moral et discrimination salariale

-74 157 € nets au titre du préjudice de retraite, à raison du défaut de cotisation aux régimes complémentaires AGIRC- ARRCO de 1987 à 1994 

avec remise par la société OCP et Me [P], es qualités de liquidateur de la société STAR des bulletins de paye, certificat de travail et attestation Pôle emploi, conformes à l'arrêt à intervenir, et la condamnation des appelants à lui verser la somme de 20 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 10 000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE LA COUR

Sur les faits et la procédure

Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties que l' OCP, de droit marocain, est la société mère du groupe du même nom, leader mondial en matière de traitement et d'exportations de phosphates et de produits dérivés ;

que M.[J] a été engagé par l' OCP en qualité d'agent hors cadre à [Localité 1], le 24 décembre 1977 ; qu'il a été détaché en France, par la société OCP, à compter du 1er juin 1987, pour une durée indéterminée, auprès de la société STAR située à [Localité 2], filiale française à 100 % de l'OCP, chargée de l'affrètement des navires pour l'exportation des produits du groupe ;

qu'enfin, par contrat à durée indéterminée du 20 décembre 1994, prenant effet le 1er janvier 1995, M.[J] a été engagé par la société STAR, en qualité de « Chef du service affrètement et gestion de navires appartenant au Groupe » ; 

que ce contrat stipulait faire suite à « l'accord intervenu entre M.[J] [D] et l'Office Chérifien des Phosphates d'une part et de la STAR, d'autre part » ; qu'il précisait dans son préambule qu'il ne constituait « qu'une modalité d'application du contrat d'origine avec (la) société mère » et qu'il serait résilié « automatiquement et d'un commun accord , à la demande de M.[J] [D] exprimant son souhait de réintégrer l'Office Chérifien des Phosphates au Maroc et si l'Office rappelait M.[J] conformément aux termes de la lettre « de mutation en date du 5 décembre 1994 » ;

qu'en effet, par cette lettre, l' OCP avait informé M.[J] de sa « mutation auprès de la STAR, pour une durée indéterminée » pendant laquelle il demeurerait soumis au droit marocain , ladite mutation « n'étant qu'une modalité d'exécution du contrat de travail » qui le liait à « l'OCP conformément à la politique de mobilité interne et de polyvalence au sein du Groupe OCP »;

que le directeur général de l'OCP, signataire de cette correspondance, concluait : « il pourra être mis fin à tout moment de part et d'autre, moyennant un préavis de trois mois. Dans ce cas, vous serez réintégré, si vous le souhaitez, dans le personnel hors cadre du Groupe OCP avec reconstitution de votre situation, en matière d'avancement (...) », étant rappelé que la lettre de mutation indiquait au paragraphe précédent : « pendant la période de cette mutation, (...) vous ne pourrez prétendre à aucun des droits et avantages prévus par le Statut le Manuel de gestion du Personnel Hors cadres du Groupe OCP ; votre situation administrative et financière sera gelée et arrêtée au 31 décembre 1994 » ;

qu'en dernier lieu , M.[J] percevait au sein de la STAR, où il est demeuré, un salaire mensuel d'environ 12 000 € ;

que ses fonctions étaient celles de courtier au sein de la STAR, chargée de l'affrètement de navires, pour les exportations des produits fabriqués par les sociétés du Groupe OCP  ; qu'après nomination d'un nouveau PDG à la tête de la STAR, au printemps 2008, le directeur général de la STAR, par lettre du 8 août 2008, a nommé M.[J] directeur marketing, en lui précisant que ce poste correspondait à celui de « directeur adjoint au sein de l'organisation du Groupe OCP » ;

qu'en sa nouvelle qualité, M.[J] a reçu pour mission de développer l'activité d'affrètement avec des sociétés extérieures au groupe de l'OCP ;

que dans une lettre électronique du 4 mars 2010, au nouveau Président directeur général de la STAR, il s'est plaint de ce que le 15 décembre précédent, le « nouveau directeur général de la société lui avait fait savoir que la direction générale du Groupe OCP souhaitait se passer de ses services » et que le 17 décembre l'ensemble du personnel de la STAR avait pu prendre connaissance d'un message électronique relatant les échanges entre un membre de la direction et un avocat tendant à chiffrer le montant des indemnités liées à son « départ non négocié , donc licenciement »  ; que dans ce courrier, M.[J] soulevait la question de la retraite liée à son départ puisque celle-ci n'était pas complète, du fait des deux régimes auxquels il avait été affilié, et invitait la STAR à procéder comme il avait été fait pour son ancien directeur général en faveur duquel la STAR et l OCP avaient accepter de prendre en charge les cotisations sociales ;

qu'aucune réponse n'a été apportée à cette lettre de M.[J] ;

que le 12 juillet 2010, M.[J] a adressé un nouveau courriel, au directeur général de la STAR, cette fois, dans lequel il rappelait leur entrevue du 15 décembre 2009, relatée dans son courrier précité, au président de la STAR, et déplorait de n'avoir toujours pas perçu , de façon injustifiée, une gratification exceptionnelle versée tous les salariés de la STAR -M.[J] soulignant les conséquences fâcheuses de la situation, pour sa santé physique et morale ;

qu'il a été répondu le 2 septembre 2010 à cette correspondance que M.[J] devait s'adresser à l'OCP, pour ses droits à la retraite marocaine, et au régime français des cadres, pour sa retraite française, le directeur général de la STAR -interlocuteur de M.[J]- faisant valoir, en outre, que la STAR était libre de verser la gratification exceptionnelle réclamée par M.[J] et renvoyant ce dernier, s'il était souffrant, à consulter son médecin ;

que dans un courriel, à ce même directeur général, du 2 décembre 2010, M.[J] a, de même, dénoncé ce qu'il estimait constituer une discrimination salariale , écrivant qu'il n'avait pu, à nouveau, bénéficier, de la gratification exceptionnelle versée à l'ensemble des salariés de la société et rappelant les propos prêtés au directeur général : « puisque vous n'avez plus d'activité au sein de la société depuis plusieurs mois, faites attention à la consommation de votre téléphone professionnel » ; que ce courriel n'a été suivi d'aucun effet ;

que le 9 décembre 2010, l'assemblée générale de la société STAR a décidé la dissolution de celle-ci et désigné Maître [J] [P], en qualité de liquidateur amiable -cette décision emportant cessation d'activité de la société et donc suppression des 15 emplois existant au sein de la société STAR ;

que quelques jours auparavant, le 16 novembre 2010, M.[J] avait saisi le conseil de prud'hommes afin qu'il prononce la résiliation de son contrat de travail et condamne les deux sociétés, OCP et STAR, à lui payer les diverses indemnités subséquentes - M.[J] plaidant, en effet, que celles-ci étaient coemployeurs ;

qu'après convocation préalable, en date du 15 décembre 2010, M.[J] a été licencié pour motif économique, par lettre reçue le 19 janvier 2011 -signée, pour ordre, de Me [P], représentant la société STAR- sans avoir exécuté son préavis -néanmoins payé- ;

que par le jugement entrepris, le Conseil a partiellement accueilli les prétentions de M.[J], comme rappelé en tête du présent arrêt, prononçant la résiliation du contrat de travail de M.[J] aux torts de la société STAR et allouant les indemnités de rupture et autres , susvisées , qu'il a mises à la charge des deux sociétés, déclarées coemployeurs de M.[J] ;

que la société OCP et la société STAR représentée par Me [P], ont interjeté appel du jugement ;

*

Sur les prétentions des parties

Considérant que M.[J] soutient , comme l'a retenu le conseil de prud'hommes , que les sociétés OCP et STAR étaient coemployeurs ; que les graves manquements de la société STAR, résultant du harcèlement moral dont il a été victime, justifient la résiliation de son contrat de travail et la condamnation des deux sociétés , en leur qualité de coemployeurs, au paiement des sommes réclamées au titre de cette rupture ;

que la société STAR , représentée par Me [P], conteste le harcèlement moral allégué et conclut au rejet de la demande de résiliation du contrat de travail et de toutes les demandes de dommages et intérêts formées pour harcèlement moral , discrimination salariale et préjudice de retraite ; qu'elle admet cependant que le contrat de travail de M.[J] lui a été transféré à compter du 1er janvier 1995, avec reprise d'ancienneté à compter de 1977, et indique être d'accord, en conséquence, sur le calcul de l'indemnité de licenciement requise par M.[J] et allouée en première instance, soit 117 973, 20 €, qu'elle déclare avoir en grande partie réglée, et ne plus devoir qu' à concurrence de 11 075, 62 € ;

Considérant que l'OCP conteste être coemployeur de M.[J], contestant même la théorie juridique « moribonde » du coemploi -dont l'interprétation, selon elle, de plus en plus restrictive, exclut que la cour puisse la retenir présentement ; qu'elle conteste, enfin, l'existence du lien de subordination, invoquée à titre subsidiaire par M.[J] ;

qu'en tout état de cause, au fond, la société OCP s'en rapporte aux explications fournies par la société STAR admettant, avec celle-ci, que le contrat de M.[J] qui la liait à elle, a été transféré à la société STAR à compter du 1er janvier 1995, de telle sorte qu'elle ne peut être redevable d'une indemnité de licenciement que pour la seule période de décembre 1977 à décembre 1994 où M.[J] a été son salarié ;

que s'agissant du préjudice de retraite allégué par M.[J] , l' OCP expose qu'elle a cotisé au Maroc pour la retraite de M.[J], sur la période de 1977 à son contrat à durée indéterminée conclu en 1994 avec la société STAR ; que la charge du paiement des cotisations sociales en France, à compter du 1er janvier 1995, incombait à cette dernière et qu'à compter de cette date, elle n'était donc redevable de ces cotisations, ni au Maroc, ni en France - s'étant, par ailleurs acquittée, au Maroc, des cotisations de retraite de M.[J] pour la période de 1977 à 1994, date de la fin de son détachement en France et de la prise d'effet de son contrat avec la société STAR - ainsi que l'a jugé le tribunal de première instance de Casablanca du 30 octobre 2013 ; que M.[J] est donc mal fondé à solliciter d'elle , une seconde fois, le paiement de cotisations (1987-1997) qu'elle a déjà versées au Maroc ;

*

Considérant que les deux appels susvisés ont trait au même jugement; qu'une bonne administration de la justice commande de statuer par une seule décision, de sorte que la jonction des deux instances d'appel, s'impose et sera ordonnée ci-après au dispositif ;

Sur la qualité de coemployeurs

Considérant que pour valablement prétendre que l'OCP et la STAR étaient ses coemployeurs, il appartient à M.[J] de démontrer, soit, qu' en marge de son contrat de travail avec la STAR , il se trouvait dans un lien de subordination avec l' OCP , soit que les deux sociétés présentaient entre elles , une confusion d'intérêt, d'activité et de direction se manifestant par une immixtion de l' OCP dans la gestion économique et sociale de la STAR ;

Or considérant que M.[J] n'établit nullement qu'il se soit trouvé en position de subordination à l'égard de l' OCP postérieurement à son détachement à [Localité 2] expirant le 31 décembre 1994, tandis que la STAR devenait son employeur par la conclusion d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 1995 ;

Considérant, en premier lieu, que comme l'objecte l' OCP , M.[J] ne produit aucune pièce, ni n'allègue aucun fait de nature à prouver la persistance d'un lien de subordination entre lui et l' OCP après cette dernière date ; qu'il n'est ainsi justifié d'aucune instruction, reçue par lui de l' OCP , non plus que de quelques contrôles de celui-ci exercés à son égard ; que tout au plus est-il fait état de pouvoirs bancaires, ponctuels, à lui, ponctuellement, confiés par l' OCP qui s'avèrent dépourvus de toute pertinence ;

que de manière théorique, M.[J] se prévaut essentiellement des termes du préambule de son contrat de travail avec la STAR, rappelés dans l'exposé des faits ci-dessus, précisant que ce contrat n'était qu' « une modalité d'application du contrat d'origine » avec l' OCP ;

que cependant, cette rédaction n'a pour effet que de mettre en place le transfert à la STAR, du contrat de M.[J] avec l' OCP , avec, à certaines conditions, le jeu d' une sorte de clause de retour du salarié au sein de cette dernière ; qu'ainsi, les dispositions contractuelles invoquées n'ont nullement pour effet de pérenniser la relation contractuelle initiale de travail avec l' OCP qui disparaît, au contraire, au profit de celle avec la STAR ;

qu'en tout état de cause, l' OCP rappelle aussi justement que l'existence d'une relation de travail salariée dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité prétendument salariée et qu'en l'absence de preuve de tout élément significatif, concret, attestant, en l'espèce, d'une semblable relation en l'espèce, M.[J] ne peut prétendre être demeuré le salarié de l' OCP après le transfert, avec son accord, de son contrat de travail au profit de la STAR ;

Considérant , en second lieu, que M.[J] n'établit pas davantage la confusion et l'immixtion qui définissent la notion de coemployeur ;

qu'en effet, outre le fait que l' OCP et la STAR ne disposaient pas des mêmes dirigeants, l'argumentation de l'intéressé apparaît insuffisante car fondée sur des décisions personnelles, le concernant -alors que pour être caractérisée, l'immixtion de l' OCP devrait procéder d' un fonctionnement général de l'OCP à l'égard de tous les salariés de l'entreprise STAR et se traduire par des agissements non ponctuels qui, par leur permanence, démontrent la maîtrise de l' OCP exercée sur la STAR ;

qu'ainsi, les gratifications exceptionnelles accordées par l' OCP à deux reprises aux salariés de la STAR, comme dit ci-dessus, ne relèvent pas d'une politique sociale menée par la première au sein de la seconde, de même que la gestion du personnel alors que les nominations des hauts cadres de sa filiale par la société mère ne constituent pas d'immixtion dans la gestion sociale de cette sociale, en l'absence de service de ressources humaines centralisé au niveau de la mère - étant ajouté que , s'agissant de la gestion économique, il n'est pas contesté que les deux sociétés n'étaient liées par aucune convention de trésorerie ;

Considérant qu'en l'état des pièces et conclusions de M.[J] , la cour estime ne pouvoir déclarer l' OCP, coemployeur de M.[J] ; que le jugement entrepris sera ainsi infirmé sur ce premier point ;

*

Sur la résiliation judiciaire du contrat de M.[J]

Sur le harcèlement moral

Considérant qu'en revanche, la décision déférée sera confirmée en ce que le conseil de prud'hommes a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M.[J] ;

Considérant que ce dernier invoque en effet plusieurs éléments permettant de présumer l'existence du harcèlement moral, soit une modification de ses fonctions qui l'ont « placardisé » avec privation en quelques mois de deux gratifications exceptionnelles ;

Considérant que la période concernée par le harcèlement moral s'étend du milieu de l'année 2008 -où M.[J] se voit retirer ses fonctions de Chef de service affrètement et gestion des navires pour celles de directeur commercial - jusqu' à la date de son licenciement, en janvier 2011 ;

que, tout d'abord, la modification des fonctions de M.[J] -en dépit de l'augmentation et du caractère honorifique liés aux nouvelles- a eu pour effet d' ôter à M.[J], le c'ur même de son activité pour lui confier une activité inexistante qu'il devait prétendument développer ;

que selon les pièces produites, les moyens permettant un tel développement apparaissent, cependant, avoir été tout aussi inexistants, M.[J] qui ignorait quels clients joindre, en étant réduit à s'adresser aux salariés de l' OCP pour leur demander le nom des leurs mais se heurtant , malgré une relance, à un silence unanime de ses interlocuteurs ;

qu'ensuite, cette atteinte à l'exercice professionnel de M.[J], au même poste depuis plus de trente ans, a été portée avec une brutalité et un manque d'égards peu communs ; qu'en effet, les correspondances adressées par M.[J] tant au directeur général pour se plaindre de sa situation, à diverses reprises, rappelaient les propos expéditifs et méprisants, non sérieusement contestés, dont cette nouvelle direction -seulement préoccupée de son départ- le gratifiait , sans même répondre à ses lettres ;

qu'enfin, à cet isolement fonctionnel, dévalorisant, allié à ces mauvais traitements, s'ajoute le non versement à M.[J] de deux gratifications exceptionnelles, perçues par l'ensemble des autres salariés de la STAR, mais non, par M.[J] ;

que la société STAR expose que la prime, discrétionnaire, n'était pas nécessairement due à M.[J] et que les mauvais résultats de l'intéressé expliquent ce non versement ;

que, cependant, M.[J] étant le seul salarié de la STAR à n'avoir pas bénéficié de ces gratifications et aucune pièce -mise en garde ou remontrance quelconque envers l'intéressé- n'étant versée aux débats, l'absence de gratification apparaît constitutive d'un traitement inégal que rien ne vient justifier ;

qu'il en va de même, de la modification des fonctions et des difficultés à l'origine de l'isolement de M.[J] n'ayant eu pour but , en définitive, que de conduire celui-ci à quitter son poste et la STAR , dans le meilleurs délais ;

Considérant que la situation qui vient d'être décrite, par le caractère extrême, en la forme et au fond, des décisions imposées à M.[J], permet de présumer le harcèlement moral allégué par ce dernier alors que la STAR ne fournit aucun élément objectif, étranger au harcèlement moral ;

que M.[J] produisant, concomitants à ces faits, un avis d'arrêt-maladie du 25 octobre au 5 novembre 2010 et une ordonnance du 22 octobre, lui prescrivant des anti-dépresseurs, la cour estime que la preuve du harcèlement moral de M.[J] est apportée ;

Considérant qu'au regard du harcèlement moral , ainsi établi, c'est à juste titre, que le conseil de prud'hommes a prononcé la résiliation du contrat de travail de M.[J], ces faits de harcèlement imputables à la STAR étant de nature à faire échec à la poursuite de la relation contractuelle ;

Considérant que le Conseil doit aussi être approuvé d'avoir en conséquence condamné la STAR à verser à M.[J] la somme globale de 15 150 € , réclamée au titre des deux primes de septembre et décembre 2010 précitées, non perçues par M.[J] ;

Considérant qu'au titre du préjudice moral consécutif, au harcèlement moral et à l'inégalité salariale dont M.[J] a été victime, la cour juge, en revanche, que l'évaluation faite par le conseil de prud'hommes est insuffisante et que compte tenu de la nature, de la durée et des conséquence de ce préjudice, la somme de 15 000 € doit être allouée à M.[J] ;

°

Sur les conséquences de la résiliation

Considérant que le conseil de prud'hommes a alloué à M.[J] la somme de 350 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que cette évaluation du préjudice subi par M.[J] est justifiée tant en raison de la grande ancienneté du salarié que de son âge et de son impossibilité à retrouver un nouvel emploi ;

Considérant que les parties s'accordent sur le montant de l'indemnité de licenciement , soit 117 973, 20 € due par la STAR qui reconnaît devoir reprendre l'ancienneté de M.[J] depuis 1977 dès lors que le contrat de travail lui a été transféré ; qu'il y a lieu d'en prendre acte ;

Considérant qu'il convient de confirmer le jugement dont appel, en ce que le Conseil a ordonné à Me [P], ès qualités, de remettre à M.[J] les bulletins de paye et documents de rupture obligatoires  ;

Considérant qu'enfin, M.[J] réclame paiement de la somme de 74 157 € au titre du préjudice de retraite lié à la non cotisation pour les régimes AGIRC-ARRCO de 1987 à 1994 ;

qu'il expose que pendant la période de son détachement en France, de l' OCP (de 1987 à fin 1994), l' OCP n'a cotisé ni au Maroc, ni auprès de la sécurité sociale française (caisses AGIRC-ARRCO) ;que, pourtant, en vertu de la convention franco-marocaine applicable, pour que « le travailleur détaché puisse être maintenu au régime du pays du lieu de travail habituel, il est nécessaire que la durée prévisible de sa mission n'excède pas trois ans » ; que son détachement ayant excédé 3 ans, l' OCP aurait donc dû cotiser pour lui à l'AGIRC et l 'ARRCO ; qu'il est bien fondé dès lors à solliciter réparation du préjudice de retraite subséquent ;

Considérant que l' OCP soutient avoir parfaitement accompli ses obligations d'assurances sociales, ayant cotisé pour la retraite de M.[J] , au Maroc, de 1987 à 1994 ;

Considérant que, pour sa part, la STAR estime ne pas devoir, en tout état de cause, répondre de cette demande puisque le contrat de travail qu'elle a conclu avec M.[J] n'a pris effet que postérieurement à cette période , le 1er janvier 1995 ;

Considérant que la STAR fait justement valoir qu'elle n'a pas à être recherchée en la matière puisque la période de cotisation litigieuse ne correspond pas à une période du contrat qui la liait à M.[J] ; qu'en outre, la qualification de coemployeurs, pour cette société et l' OCP, n'ayant pas été retenue, la demande de M.[J] dirigée contre LA STAR ne peut qu'être écartée ;

qu'en revanche, la cour approuve l'interprétation faite par le conseil de prud'hommes des dispositions de la convention franco-marocaine ; qu'en effet, celles-ci prévoient que dans l'hypothèse d'un salarié détaché, celui-ci continue à bénéficier de la législation du pays d'origine mais pendant une durée de trois ans seulement, renouvelable sur autorisation ; que le détachement de M.[J] a été de sept ans (1987-1994), de sorte que pendant la période correspondante l' OCP aurait dû cotiser auprès des organismes sociaux français ;

Considérant cependant que pour évaluer le préjudice qu'il invoque, M.[J] produit un rapport d'expert (Novelty) qui se fonde d'emblée sur des bases incertaines, telles que l'absence de cotisations de retraite payées au Maroc de 1977 à 1994 ; qu'en effet, M.[J] ne prouve pas la défaillance sur ce point de l' OCP qui prétend, au contraire, avoir acquitté ces cotisations , affirmation corroborée par le jugement du tribunal de première instance de Casablanca du 30 octobre 2013, actuellement frappé d'appel par M.[J] ;

qu'en tout état de cause, la demande de M.[J] étant strictement limitée au paiement de dommages et intérêts , la cour ne peut que rejeter la demande ainsi fondée ;

*

Sur les autres demandes de M.[J]

Considérant que la demande de dommages et intérêts formée pour procédure abusive doit être rejeté , les appelantes n'apparaissant nullement avoir fait un exercice abusif de leur droit d'appel ;

Considérant qu' en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile il y a lieu de condamner la STAR à verser ç M.[J] la somme de 5000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile , en sus de la somme allouée de ce chef en première instance ;

Considérant qu'il ne sera pas fait application de ces dispositions au profit des autres parties, la société STAR étant condamnée aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

Ordonne la jonction des instances enregistrées sous les numéros 13 / 11465 et 13 / 731 ;

Confirme les dispositions du jugement entrepris , non contraires aux dispositions qui suivent ;

Infirme le jugement entrepris du chef des dispositions relatives à la qualification de coemployeurs , à l'indemnité pour perte de retraite , au montant des dommages et intérêts pour harcèlement moral et inégalité salariale;

Statuant à nouveau de ces chefs ;

Dit que la société le Groupe Office Chérifien des Phosphates et la société STAR, représentée par son liquidateur amiable, Me [J] [P], n'étaient pas coemployeurs de M.[J] ;

Déboute en conséquence M.[J] de ses demandes dirigées contre le Groupe Office Chérifien des Phosphates ;

Condamne Me [P], ès qualités de liquidateur amiable de la STAR, à payer à M.[J] la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et inégalité salariale ;

Déboute M.[J] de ses demandes dirigées contre les deux sociétés intimées au titre de la perte de retraite ;

Constate que Me [P], ès qualités de liquidateur amiable de la société STAR, reconnaît devoir à M.[J], au titre de l'indemnité de licenciement, la somme de 117 973, 20 € et qu'il acquiesce à sa condamnation au paiement de ladite somme par le jugement entrepris ;

Condamne la société STAR aux dépens de première instance et d'appel ;

Dit n' y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Groupe Office Chérifien des Phosphates ;

Condamne Me [P], ès qualités de liquidateur amiable de la société STAR, à payer à M.[J] la somme de 5000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 13/11465
Date de la décision : 16/02/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°13/11465 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-02-16;13.11465 ?
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