RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 09 février 2017
(n° 109 , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/10327
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Septembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY section RG n° 13/01151
APPELANTE
Madame [S] [Q]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
née le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 1]
représentée par Me Jean-luc BERNIER DUPREELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : R046, Me Sarah GLAUMAUD-CARBONNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R046
INTIMEE
Me [T] [C] (SOCIETE CIVILE cabinet [C] [T]) - Commissaire à l'exécution du plan de la GVM CARE & RESEARCH HOPITAL EUROPEEN DE PARIS
[Adresse 3]
[Adresse 4]
représenté par Me Loïc TOURANCHET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168 substitué par Me Mathieu LAJOINIE, avocat au barreau de PARIS, toque : K 168
Me [M] [R] - Mandataire judiciaire de GVM CARE & RESEARCH HOPITAL EUROPEEN DE PARIS
[Adresse 5]
[Adresse 4]
non comparante, non représentée
GVM CARE & RESEARCH HOPITAL EUROPEEN DE PARIS
[Adresse 6]
[Adresse 7]
N° SIRET : 692 028 376
représentée par Me Loïc TOURANCHET, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168 substitué par Me Mathieu LAJOINIE, avocat au barreau de PARIS, toque : K 168
PARTIE INTERVENANTE :
AGS CGEA IDF EST
[Adresse 8]
[Adresse 9]
représenté par Me Vanina FELICI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985 substitué par Me Garance COURPIED, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Octobre 2016, en audience publique, double rapporteur devant la Cour composée de :
Madame Catherine BEZIO, Président de chambre
Madame Patricia DUFOUR, Conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de
Mme Catherine BEZIO, Président de chambre
Mme Patricia DUFOUR, conseiller
Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-président placé
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, lors des débats
ARRET :
- REPUTE CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Catherine BEZIO, Présidente et par Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, greffière présente lors du prononcé.
**********************************
Statuant sur l'appel formé par Mme [S] [Q] à l'encontre du jugement en date du 24 septembre 2015 par lequel le conseil de prud'hommes de Bobigny a débouté Mme [Q] de toutes ses demandes dirigées contre son ancien employeur , l' Hôpital Européen de Paris la Roseraie GVM CARE & RESEARCH (ci-après l'Hôpital Européen de Paris) ;
Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 13 octobre 2016 par Mme [Q] qui prie la cour :
de juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse de condamner en conséquence l'Hôpital Européen de Paris à lui payer
*la somme de 5315, 44 € à titre d'indemnité conventionnelle et la somme de 6952, 41 € à titre d'indemnité de préavis majorée des congés payés afférents
*la somme de 56 883, 42 € au titre de l'indemnité pour cause réelle et sérieuse
*la somme de 12 121, 45 € à titre d' heures supplémentaires
*la somme de 3224, 55 € au titre de la prime de fin d'année pour les années 2011 et 2012
*la somme de 2308, 65 € en application des dispositions de l'article 82 de la convention collective
-- de requalifier son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet pour la période de mai 2010 à février 2011 et de lui allouer la somme de 8468, 29 € à ce titre ;
-- de condamner l'Hôpital Européen de Paris à lui payer, à titre de contreparties financières et de dommages et intérêts les sommes suivantes :
*2080, 96 €au titre du temps d'habillage et de déshabillage ainsi que des transmissions de consignes ;
*2857, 04 € à titre de dommages et intérêts pour non respect par l'employeur des dispositions relatives aux heures supplémentaires contenues dans la loi TEPA, s'agissant du trop versé au titre des cotisations sociales,
*1460, 41 €à titre de dommages et intérêts pour non respect de la loi TEPA, s'agissant du trop versé au titre de l'IRPP
*18 961, 14 € au titre de l'indemnité pour travail dissimulé
*6320, 38 €de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'infraction à l'article L 1222-1 du code du travail
avec remise par l'Hôpital Européen de Paris des bulletins de salaire rectifiés, garantie de l'AGS et allocation de la somme de 2500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les écritures développées à la barre par l'Hôpital Européen de Paris et le commissaire à l'exécution du plan de celle-ci, Me [C] [T], tendant à voir confirmer le jugement entrepris et , donc, débouter Mme [Q] de ses demandes, subsidiairement, si la cour devait considérer que les vacations doivent être assimilées à des heures supplémentaires , à voir ordonner la compensation entre les sommes versées au titre des vacations et les sommes dues au titre des heures supplémentaires au regard de la loi TEPA ' l'Hôpital Européen de Paris requérant, en tout état de cause, la somme de 2000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions de [Adresse 10] (CGEA) d'Ile de France Est qui sollicite, principalement, sa mise hors de cause -dès lors que l'Hôpital Européen de Paris a fait l'objet d'un plan de continuation et que sa garantie ne concerne pas les sociétés in bonis- et subsidiairement, s'en rapporte aux observations, moyens et conclusions de l'Hôpital Européen de Paris ;
SUR CE LA COUR
Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties que Mme [Q] a été engagée, en qualité d'infirmière diplômée, le 1er septembre 2004 par la clinique de la Roseraie, actuellement l'Hôpital Européen de Paris -le contrat de travail étant soumis à la convention collective de l'hospitalisation privée ;
qu'elle a toujours exercé ses fonctions, de nuit et à temps complet à l'exclusion de la période de mai 2010 à mars 2011 où elle n'a travaillé qu' à mi-temps, soit 75, 83 heures ;
qu' en dernier lieu, la salariée travaillait de nuit, au service des urgences et percevait un salaire brut moyen de 3160, 19 € ;
que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 24 décembre 2012, l'Hôpital Européen de Paris a convoqué Mme [Q] à un entretien préalable à son éventuel licenciement , fixé au 9 janvier 2013 et à l'issue de celui-ci , a notifié à la salariée son licenciement pour faute grave le 29 janvier 2013 ;
que les faits reprochés à Mme [Q] sont ainsi énoncés dans cette lettre :
« lors du dernier arrêt des comptes de vos pointages, nous nous sommes rendus compte que ces derniers étaient très curieusement similaires à ceux d'un autre salarié, en l'occurence votre mère , alors que, par ailleurs, personne ne vous voyait arriver ni partir en même temps.
Vous nous avez répondu que vous faisiez du covoiturage avec votre mère, raison pour laquelle vous pointiez en même temps car vous vous attendez systématiquement pour pointer en même temps, en arrivant et en quittant vos services respectifs, alors même vous ne travaillez pas dans le même bâtiment.
Lorsque nous vous avons demandé s'il était déjà arrivé même une fois, que vous pointiez pour votre mère ou elle pour vous, ou même que l'une de vous puisse être en possession de la carte de l'autre, vous nous avez répondu qu'en aucun cas ce n'était arrivé et que ces cartes étant strictement personnelles , il n'était jamais arrivé que vous soyez en possession de la carte de l'autre.
Or , lors de l'entretien préalable de Mme [R] [N] (mère de Mme [Q] ) que nous avons convoquée pour les mêmes raisons, elle nous a indiqué qu'il lui était déjà arrivé de pointer pour vous et qu'elle était régulièrement en possession de votre carte de pointage, du fait de vos « liens fusionnels ». Lors de l'entretien vous nous avez indiqué que votre version différait de celle de Mme [Q] Y. Vous avez maintenu votre position.
Votre attitude témoigne d'(un comportement malhonnête et mesnsonger evers votre employeur.L fait de faire utiliser de manière frauduleuse votre carte de pointage pour couvrir vos retards ou absences constitue une frade caractérisée.
Ce fait est d'autant plus inacceptable que face à la réalité témoignée par votre mère, vous avez encore nié les faits et menti ouvertement ( ...) » ;
que Mme [Q] a saisi le conseil de prud'hommes le 20 mars suivant afin de voir juger que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'obtenir de l'Hôpital Européen de Paris le paiement des diverses sommes susvisées, réclamées devant la cour ;
que par le jugement entrepris, le conseil de prud'hommes a dit que le licenciement de Mme [Q] était régulier et justifié et a rejeté les diverses autres demandes de Mme [Q] ;
*
Sur le licenciement
Considérant que l'Hôpital Européen de Paris reproche à Mme [Q] d'avoir commis une fraude avec la complicité de sa mère, qui aurait eu pour objet de faire pointer à sa place cette dernière, munie de sa propre carte, et de dissimuler ainsi ses retards voire ses absences ;
que la conviction de la fraude qu' a, la direction de Hôpital est fondée sur les déclarations de la mère de Mme [Q] qui aurait déclaré , lors de son entretien préalable, qu'elle était régulièrement en possession de la carte de sa fille, en raison de leurs « liens fusionnels » et et qu'il lui était déjà arrivé de pointer pour elle -ces deux affirmations n'étant pas conformes aux déclarations de Mme [Q] qui avait indiqué que jamais sa mère n'avait pointé pour elle -et inversement- et que ces cartes demeuraient en leur possession respective ;
Considérant que Mme [Q] reprend devant la cour l'argument tiré du caractère illicite du moyen de preuve utilisé pour recueillir les informations qui lui sont opposées, quant au caractère frauduleux des indications d'horaire, (heure d'entrée et de sortie de l'hôpital), enregistrées par la pointeuse ; qu'en effet, l'appelante objecte que le système d'enregistrement des horaires d'entrée et de sortie du personne n'a fait l'objet d'aucune déclaration auprès e la CNIL ;
que l'Hôpital Européen de Paris se borne à affirmer sans le démontrer que la déclaration litigieuse a bien été faite auprès de la CNIL ;
Considérant toutefois que faute pour l'Hôpital Européen de Paris d'établir la réalité de cette déclaration -dont elle reconnaît, pourtant, qu'elle était obligatoire- Mme [Q] soulève à bon droit que la preuve du grief imputé revêt un caractère illicite, comme ayant été obtenu à partir d'un système de traitement automatisé de données personnelles avant la déclaration de celui-ci à la CNIL ;
Considérant que l'illicéité de l'unique moyen de preuve ainsi invoqué par l'Hôpital Européen de Paris conduit donc la cour à juger ce moyen, inopposable à Mme [Q], et le licenciement de celle-ci, dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Considérant qu'en tout état de cause, indépendamment de ce moyen de procédure, l'Hôpital Européen de Paris -à qui la preuve de la faute grave incombe- n'établit pas la fraude qu'il reproche à la salariée ;
qu'il fonde, en effet, ses accusations de fraude, de mensonge et de malhonnêteté sur la contradiction qu'il croit déceler entre les déclarations de Mmes [Q] mère et fille ;
Or considérant que les déclarations de Mme [Q] mère ne sont mentionnées dans aucun document écrit, ni attestation quelconque ; que Mme [Q] -comme la cour aujourd'hui- n'a nullement été mise en mesure de discuter utilement ce que son employeur lui opposait comme preuve et qui constituait pourtant -en dehors de la pointeuse- le seul élément en faveur des graves accusations qu'il émettait contre elle ;
que l'Hôpital Européen de Paris, non seulement, ne produit pas de pièce actant les déclarations de Mme [Q] mère mais encore, ne verse aucun élément qui viendrait confirmer -comme l'affirme la lettre de licenciement- que les deux femmes n'arrivaient pas ou ne partaient pas ensemble, alors qu'il n'est pas contesté qu'elles pratiquaient bien le covoiturage ;
Considérant qu'il résulte des énonciations qui précèdent que l'Hôpital Européen de Paris a eu la conviction de la fraude de Mme [Q] mais qu' aucun élément objectif ne matérialisant celle-ci, seul, était permis le doute -lequel ne peut fonder un licenciement et commande, au contraire, que, pour ce second motif, la cour déclare le licenciement de Mme [Q] sans cause réelle et sérieuse;
Considérant que Mme [Q] justifie par les pièces produites qu'elle est demeurée deux ans inscrite à Pôle emploi, malgré ses recherches, après huit années de présence stable au sein de la structure ; qu'au regard de ces éléments, il y a lieu d'allouer à l'intéressée une indemnité de 30 000 € en réparation du préjudice consécutif à son licenciement ;
Considérant que l'Hôpital Européen de Paris sera également condamné à verser à l'appelante les indemnités de rupture requises et , en elles-mêmes, non contestées, soit 5315, 44 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et 6952, 41 € au titre de l'indemnité de préavis, congés payés afférents inclus ;
qu'en définitive, le jugement entrepris sera infirmé sur ce premier chef de demande ;
*
Sur les rappels de salaire
Sur le temps de pause ou « la douzième heure »
Considérant que Mme [Q] soutient, tout d'abord, que l'Hôpital Européen de Paris doit lui payer, comme un salaire, l'heure de pause quotidienne à laquelle elle a droit et qu'il ne lui permet pas de prendre ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que conformément aux accords d'entreprise du 25 mai 1999 puis du 9 octobre 2007, les salariés de l'Hôpital Européen de Paris ont un temps de présence de 12 heures par nuit ou par jour, soit 11 heures de travail effectif et I heure de pause qu'ils peuvent prendre en une seule fois ou de façon fractionnée ; que de plus le temps de pause est considéré comme temps de travail effectif et rémunéré en tant que tel si le personnel demeure à disposition de l'établissement ;
Considérant que Mme [Q] expose qu'elle était dans l'impossibilité de prendre sa pause faute pour l'Hôpital Européen de Paris d'avoir mis en place une organisation à cette fin ;
Considérant que l'Hôpital Européen de Paris conteste cette affirmation et répond que la charge de la preuve du respect, ou non, de son obligation en la matière, est partagée entre l'employeur et le salarié, en vertu des dispositions de l'article L 3171-4 du code du travail ;
Mais considérant que les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées, entre l'employeur et le salarié, ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne-tel que celui du temps de pause- qui incombe à l'employeur ;
qu'il incombe à l'employeur d'établir qu'il a mis en place une organisation interne permettant aux salariés de prendre la pause , c'est à dire sans que ceux-ci soient tenus, pendant la pause, de demeurer à sa disposition ' avec cette particularité, qu'en sa qualité d'hôpital, l'employeur est ici obligé, de surcroît, d'assurer la continuité des soins aux malades durant l'absence à leur poste des salariés en pause ;
Considérant que l'Hôpital Européen de Paris fait valoir qu'il a organisé et respecté le temps de pause de ses salariés ;
qu'ainsi, chaque service dispose de deux équipes de nuit (ou de jour), chacune, dotée d'un infirmier au moins, de sorte qu' un roulement permet aux salariés d'être remplacé par son homologue de l'autre équipe, durant sa pause ;
que ce même but est également atteint grâce à la polyvalence prévue entre infirmiers de services différents à l'intérieur d'un même pôle ;
qu'il existe, en outre, un responsable de nuit -supérieur hiérarchique des infirmiers et des aides-soignants, travaillant avec tous les services de soins- qui est susceptible de remplacer l'infirmier pendant sa pause ;
qu'enfin, les plannings mensuels mentionnant nominativement les infirmiers et aides-soignants travaillant respectivement en équipe de jour et de nuit démontrent que les salariés en poste la nuit ont « manifestement la possibilité de prendre leur pause » ;
que d'ailleurs les nombreuses attestations de salariés travaillant de nuit, versées aux débats, établissent que les intéressés ont pu effectivement bénéficier de leur temps de pause ;
Considérant que l'appelante ne conteste pas l'existence des deux équipes, mises en place par service, qui théoriquement doit permettre à chaque infirmier ou aide soignant d'être remplacé par son homologue dans l'autre équipe lorsqu'il est en pause; qu'elle ne remet pas davantage en cause la présence du responsable de nuit non plus que la faculté pour ce dernier d'assurer ce remplacement ; qu'elle critique essentiellement l'insuffisance du personnel et l'inconfort du mobilier voire l'absence de locaux offerts au personnel durant son temps de pause ;
qu'ainsi, même si les plannings mensuels des services demeurent aussi peu intelligibles que l'avait constaté cette cour dans l' une de ses précédentes décisions versées aux débats, Mme [Q] ne peut sérieusement soutenir que l'hôpital n'a pas pris des mesures pour permettre aux salariés, et à elle, en particulier, de prendre sa pause ;
Et considérant que Mme [Q] n'apparaît pas davantage fondée à soutenir que ce temps de pause aurait été équivalent à du temps de travail effectif, dans la mesure où, selon elle, elle aurait été contrainte de demeurer à disposition de l'hôpital pendant ce temps de pause ;
que la preuve de cette contrainte alléguée par l'appelante incombe à cette dernière ; qu'en effet, le temps de pause étant organisé par l'employeur, comme il vient d'être dit, l'éventuelle méconnaissance, ensuite, par l'employeur du temps de pause -qui correspond à un moment où le salarié doit pouvoir vaquer à ses occupations sans être maintenu à la disposition de l'employeur- doit être prouvée par le salarié, invoquant ce manquement ;
Or considérant que Mme [Q] ne produit aucun élément de nature à établir qu'elle n'aurait pu, comme elle le prétend, bénéficier de la pause litigieuse -étant observé que l'inconfort, voire l'absence de locaux affectés à la pause, allégués par l'appelante, pourraient être de nature à engager la responsabilité de l'employeur pour manquement de celui-ci à d'autres obligations, mais pas à celle relative à la mise en place d'un temps de pause pour son personnel ;
Considérant que, dans ces conditions, la demande de rappel de salaire, formée par l'appelante, au titre de « la douzième heure » doit être écartée et a donc été justement rejetée par le conseil de prud'hommes ;
°
Sur le différentiel de la prime de nuit
Considérant que l'article 82-1 de la convention collective applicable énonce : « les salariés affectés au poste de travail de nuit percevront pour chaque heure effectuée entre 19 heures et 8 heures une indemnité égale à 10 % du salaire horaire(...) » ;
que l'accord sur la réduction du temps de travail du 25 mai 1999 a , de son côté, prévu en son article XIII, une indemnité , dite prime Roseraie, destinée à maintenir le salaire mensuel de base à 39 heures malgré le passage aux 35 heures hebdomadaires ;
que l'Hôpital Européen de Paris a entrepris de « geler » la prime conventionnelle de l'article 82-1 à la somme mensuelle de 113, 56 € ; qu'elle prétend qu'ajoutée à la prime Roseraie, cette prime a permis à Mme [Q] de percevoir une somme supérieure à celle qui serait résulter de l'application mathématique des 10 % sur le taux horaire , prévus par l'article 82-1 précité ;
Mais considérant que l'Hôpital Européen de Paris ne démontre ni même n'allègue le principe et le calcul qui fondent son argumentation ; qu'elle ne fournit aucune explication sur le « gel » de la prime conventionnelle alors qu'ainsi qu'elle l'admet pourtant dans ses conclusions, ces deux primes doivent se cumuler, puis qu'elles ont un objet distinct -la prime conventionnelle rémunérant la sujétion liée au travail de nuit tandis que la prime Roseraie maintient la rémunération salariale malgré la réduction du temps de travail ;
Considérant que Mme [Q] sollicite donc à bon droit le paiement du rappel afférent à la prime litigieuse d'un montant, non contesté, de 2308, 65 € ;
°
Sur la prime de fin d'année
Considérant qu'il n'est pas contesté qu'une prime de fin d'année était versée aux salariés de l'hôpital en vertu d'un usage ;
Considérant que Mme [Q] réclame à l'Hôpital Européen de Paris le versement de cette prime pour les années 2011 et 2012 où elle ne l'a pas perçue ;
Considérant que l'Hôpital Européen de Paris expose avoir dénoncé cet usage et ne plus y être tenu ;
Mais considérant que la seule dénonciation dont justifie l'Hôpital Européen de Paris auprès de son comité d'entreprise est en date du 21 novembre 2012 ; que l'hôpital n'établit pas, de plus, avoir informé Mme [Q], personnellement , de cette dénonciation; qu'ainsi, la dénonciation alléguée n'est pas opposable à l'appelante et ne s'avère d'aucun effet, d'autant que, pour l'exercice 2012, la dénonciation du 21 novembre 2012 devait se faire avec un préavis raisonnable ; qu'en définitive, la demande de prime de fin d'année pour 2011 et 2012 est bien fondée et doit être accueillie pour le montant rappelé en tête du présent arrêt ;
°
Sur le temps d'habillage et de déshabillage et sur la transmission des consignes
Considérant que Mme [Q] rappelle les dispositions de l'article L 3121-3 du code du travail selon lesquelles le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage doit faire l'objet de contreparties -sous forme de repos ou sous forme financière- lorsque le port d'une tenue est imposé au salarié et que ces opérations doivent être réalisées dans l'entreprise ou sur le lieu du travail ;
Considérant qu'il est acquis aux débats que, de par ses fonctions d'infirmière, Mme [Q] relevait bien de ces dispositions ; qu'elle n'a néanmoins perçu aucune somme au titre des primes d'habillage et de déshabillage ; qu'elle demande en conséquence à la cour de fixer la contrepartie financière correspondante ;
Considérant que l'Hôpital Européen de Paris objecte que la salariée prenait sur son temps de travail effectif, le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage ; que celles-ci ne sauraient donc donner lieu à une deuxième rémunération ;
Considérant toutefois que, pour fonder son argumentation, l'Hôpital Européen de Paris s'appuie sur les horaires relevés par la « badgeuse » enregistrant les horaires d'entrée et de sortie de chaque salarié ; qu'il ne peut sans mauvaise foi occulter les autres informations fournies par l'appareil, montrant que Mme [Q] a régulièrement « badgé » au delà de 20 heures, terme en principe de son amplitude journalière de travail ;
qu'en tout état de cause, l'inobservation par Mme [Q] de ses horaires de travail ne saurait, pour autant, soustraire l'Hôpital Européen de Paris à ses obligations concernant la rémunération du temps d'habillage et de déshabillage dès lors que les conditions de l'article L 3121-3 rappelées ci-dessus , sont remplies ;
Et considérant que Mme [Q] requiert également un rappel de salaire au titre des opérations de « tuilage » ' ce terme désignant le moment où l'équipe de jour relaie l'équipe de nuit et où celle-ci transmet à celle-la les informations de la nuit, ce tuilage supposant donc un chevauchement entre les temps de travail respectifs des deux équipes ;
que, plus précisément, Mme [Q] expose qu'alors que son équipe achève son amplitude horaire à 8 heures, l'équipe de jour débute la sienne (comprise entre 8 et 20 heures) de sorte qu'il n'existe pas de chevauchement et que les transmissions, -qui induisent un temps de travail effectif- s'effectuent au delà de 8 heures ;
Considérant que l'Hôpital Européen de Paris répond que l'équipe de jour débute son horaire de travail à 7 h 30 et non 8 heures comme l'affirme Mme [Q] ; qu'ainsi il y a chevauchement des temps de travail et que ce tuilage rend sana objet le rappel de salaire réclamé par l'appelante ;
Mais considérant que l'Hôpital Européen de Paris qui est débiteur du salaire versé en contrepartie du travail effectif n'apporte aucun élément de preuve démontrant que l'équipe de jour aurait les horaires qu'elle avance ; qu'en outre, il ne peut être sérieusement retenu , comme elle l'allègue, que le responsable de nuit pourrait procéder aux transmissions alors que ce responsable a un rôle centralisateur entre tout les membres du personnel paramédical et ne peut dès lors procéder à une tâche quotidienne, propre à l'infirmière de nuit ;
Considérant que Mme [Q] s'avère ainsi fondée à réclamer l'équivalent, justement évalué, de 30 minutes journalières, pour rémunérer à la fois le temps d'habillage et de déshabillage, ainsi que celui nécessaire aux transmissions ;
que de ce chef c'est la somme globale requise, de 2080, 96 € qui doit être allouée à Mme [Q] ;
°
Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel, en contrat à temps complet
Considérant que Mme [Q] a été engagée à temps plein par la Clinique de La Roseraie, aujourd'hui l'Hôpital Européen de Paris ; qu' à compter d'avril 2011 elle a travaillé à temps partiel ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois n'a pas été mentionnée à la salariée ;
Considérant qu'en conséquence, cette omission est constitutive d'une violation des dispositions de l'article L 3123-14 du code du travail qui exige que cette précision soit portée sur le contrat à temps partiel ; que la sanction de cette omission est la qualification présumée du contrat, en contrat à temps complet -cette présomption pouvant être renversée néanmoins par l'employeur ;
Or Considérant qu'en l'espèce, Mme [Q] qui ne conteste pas avoir effectivement travaillé à raison de 75, 83 heures par mois, ne conteste pas davantage qu'ainsi que l'oppose l'Hôpital Européen de Paris , ses horaires de travail faisaient l'objet d'un planning tous les quinze jours, affiché à l'intérieur de l'établissement ; que sans être contredit l'hôpital ajoute que Mme [Q] n'a jamais fait la moindre demande afin de connaître son emploi du temps ;
qu'il résulte des énonciations qui précèdent que Mme [Q] était mise en mesure par son employeur de prévoir son emploi du temps et qu'en dépit de l'omission initiale relative à la répartition des jours de travail sur la semaine, l'appelante n'était pas tenue de se tenir à la disposition de son employeur ;
Considérant que Mme [Q] ne saurait dès lors obtenir la requalification qu'elle sollicite ; que la décision déférée qui l'a déboutée de ce chef de demande doit être confirmée ;
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Sur les vacations et leurs effets fiscaux et sociaux
Considérant que Mme [Q] réclame le paiement par l'Hôpital Européen de Paris de la somme de 2857, 04 € au titre du préjudice fiscal consécutif à la surimposition liée à la déclaration qu' a faite, par erreur, l'employeur, à l'administration fiscale, d'heures supplémentaires exécutées par la salariée à sa demande, dénommées « vacations » ;
que pour l'appelante, en effet, ces vacations devant être traitées comme des heures supplémentaires , soumises à la loi TEPA du 21 août 2007 et donc, défiscalisées ;
Considérant que pour justifier son comportement, l'Hôpital Européen de Paris soutient que les vacations ne constituent pas des heures supplémentaires commandées mais du volontariat dont la rémunération est d'ailleurs bien supérieure à celle des heures supplémentaires ;qu' « infine » l'hôpital conclut qu'en l'absence de l'URSSAF et de l'administration fiscale qui, seules, sont débitrices des sommes qui leur ont été trop versées, la demande de Mme [Q] est irrecevable à son encontre ;
Considérant qu'il importe peu que les vacations litigieuses soient effectuées par des volontaires ; que cette circonstance n'empêche pas, en effet, que les vacations soient réalisées à la demande de l'employeur ; que les heures de vacations n'apparaissent dès lors pas différentes dans leur nature des heures supplémentaires définies par le code du travail quand bien même elles seraient rémunérées par l'employeur à un taux plus élevé que celui des heures supplémentaires ;
Considérant que la cour accueillera en conséquence la demande en paiement formée par Mme [Q] contre l'Hôpital Européen de Paris ,tendant à obtenir le remboursement de la somme trop prélevée au titre des cotisations sociales (2857, 04 €) et du surplus d'imposition fiscale, (1460, 41 €) provoquée par la déclaration erronée de l'Hôpital Européen de Paris qui aurait dû déclarer ces vacations au titre des heures supplémentaires et soustraire, ainsi, les vacations à l'imposition fiscale sur le revenu subie par Mme [Q] ;
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Sur l'indemnité pour travail dissimulé et les dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à la bonne foi
Considérant qu'enfin, Mme [Q] n'articule aucun élément précis au soutien de ces demandes de dommages et intérêts ; qu'ainsi ne se trouve pas rapportée la preuve de l'intention imputée à l'Hôpital Européen de Paris d'avoir voulu dissimuler les heures de travail constituées par les heures de pause, notamment ;
que, de même, l'appelante n'établit pas le manquement à la bonne foi reproché à son ancien employeur ; que le nombre et l'ancienneté des conflits judiciaires relatifs aux contestations présentes de Mme [Q] ne suffisent pas à caractériser la mauvaise foi de l'Hôpital Européen de Paris , étant rappelé que ces divers litiges concernent un milieu et des pratiques professionnels particuliers dont les impératifs et les nécessités ne sont pas faciles à concilier avec les exigences légales ;
que Mme [Q] sera, en conséquence, déboutée, comme l'avaient fait les premiers juges, de ses demandes de dommages et intérêts ;
Considérant qu'il convient, en revanche, d'ordonner à l'Hôpital Européen de Paris de remettre à Mme [Q] les bulletins de salaire rectifiés, conformes aux dispositions du présent arrêt ;
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Considérant que l'AGS demande sa mise hors de cause ;
Considérant que sa garantie n'a pas lieu présentement de s'exercer puisque les condamnations ci-dessus sont prononcées contre l'Hôpital Européen de Paris , à nouveau in bonis ; que cependant, l'Hôpital Européen de Paris étant en plan de continuation, après avoir été placé en redressement judiciaire c'est à juste titre que l'AGS a été appelée en cause ; qu'il convient donc de lui déclarer opposable le présent arrêt ;
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Considérant qu ' en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile l'Hôpital Européen de Paris verser à Mme [Q] la somme de 2500 € requise ;
PAR CES MOTIFS
L'infirme pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant ;
Dit que le licenciement de Mme [Q] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne en conséquence l'Hôpital Européen de Paris la Roseraie à payer à Mme [Q]
*la somme de 5315, 44 € à titre d'indemnité conventionnelle et la somme de 6952, 41 € à titre d'indemnité de préavis majorée des congés payés afférents
*la somme de 30 000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
*la somme de 3224, 55 € au titre de la prime de fin d'année pour les années 2011 et 2012
*la somme de 2308, 65 € en application des dispositions de l'article 82-1 de la convention collective de l'hospitalisation privée
Condamne l'Hôpital Européen de Paris la Roseraie à payer à Mme [Q] les sommes de :
*2080, 96 €au titre du temps d'habillage et de déshabillage ainsi que des transmissions de consignes ;
*2857,04 € à titre de dommages et intérêts pour non respect par l'employeur des dispositions relatives aux heures supplémentaires contenues dans la loi TEPA, s'agissant du trop versé au titre des cotisations sociales,
*1460, 41 €à titre de dommages et intérêts pour non respect de la loi TEPA, s'agissant du trop versé au titre de l'IRPP
Ordonne à l'Hôpital Européen de Paris la Roseraie de remettre à Mme [Q] les bulletins de salaire rectifiés, conformes aux dispositions du présent arrêt ;
Confirme les dispositions du jugement entrepris, non contraires à celles du présent dispositif ;
Déclare le présent arrêt opposable au Centre de Gestion d'Etudes AGS d'Ile de France Est ;
Condamne l'Hôpital Européen de Paris la Roseraie aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement à Mme [Q] de la somme de 2500 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .
La Greffière Le Président