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27/01/2017 | FRANCE | N°14/08654

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4- chambre 1, 27 janvier 2017, 14/08654


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4- Chambre 1

ARRÊT DU 27 JANVIER 2017

(no, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 08654

Décision déférée à la Cour : Jugement
Ordonnance du 17 Mars 2014- Tribunal de Grande Instance d'EVRY-RG no 07/ 04594

APPELANTES

Madame Justine, Léonie, Marie, Joseph X... VEUVE Y... née le 05 Mars 1931 à SAINS LES PERNES (62) tant en son nom qu'en sa qualité d'ayant droit de M. Francis, Fra

nçois Y..., né le 25 Novembre 1930 à AUMERVAL (62) et décédé le 31 Décembre 2009 à ORSAY

demeurant...

Représentée et ...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4- Chambre 1

ARRÊT DU 27 JANVIER 2017

(no, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 08654

Décision déférée à la Cour : Jugement
Ordonnance du 17 Mars 2014- Tribunal de Grande Instance d'EVRY-RG no 07/ 04594

APPELANTES

Madame Justine, Léonie, Marie, Joseph X... VEUVE Y... née le 05 Mars 1931 à SAINS LES PERNES (62) tant en son nom qu'en sa qualité d'ayant droit de M. Francis, François Y..., né le 25 Novembre 1930 à AUMERVAL (62) et décédé le 31 Décembre 2009 à ORSAY

demeurant...

Représentée et assistée sur l'audience par Me Marie-lise ASSOUS LEGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : D1732

Madame Viviane, Thérèse, Joséphine Y... née le 11 Octobre 1954 à MAZINGARBE (62) tant en son nom qu'en sa qualité d'ayant droit de M. Francis, François Y..., né le 25 Novembre 1930 à AUMERVAL (62) et décédé le 31 Décembre 2009 à ORSAY

demeurant...

Représentée et assistée sur l'audience par Me Marie-lise ASSOUS LEGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : D1732

INTIMÉS

Monsieur Frédéric, Pierre, Henri Z... né le 11 Mars 1972 à AUBERVILLIERS (93)
et
Madame Nadine, Lydie, Annick A... épouse Z... née le 21 Juillet 1972 à SURESNES (Hauts de Seine) (92)

demeurant...

Représentés tous deux et assistés sur l'audience par Me Stéphanie BAUDOT de la SELARL EGIDE AVOCATS, avocat au barreau d'ESSONNE

Monsieur Francis B... né le 04 Janvier 1961 à AUBIN (12)
et
Madame Françoise C... épouse B... née le 25 Mai 1953 à COURBEVOIE (92)

demeurant...

Représentés tous deux et assistés sur l'audience par Me Bruno BOURGEAT, avocat au barreau d'ESSONNE

Monsieur MATTHIEU D... né le 18 Février 1982 à LIBOURNE (33) caducité partielle par ordonnance du 28 mai 2015
et
Madame LILI E... épouse D... née le 16 Octobre 1980 à TEHERAN (IRAN) caducité partielle par ordonnance du 28 mai 2015

demeurant...

PARTIES INTERVENANTES

Monsieur Xavier F..., né le 12 Mars 1974 à PARIS 14ème arrondissement (75014)

demeurant...

Représenté et assisté sur l'audience par Me Sophie BARCELLA de la SELEURL 3ème Acte Société d'avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : E1622

Mademoiselle Elodie G..., née le 20 Novembre 1981 à PARIS 20ème arrondissement (75020)

demeurant...

Représentée et assistée sur l'audience par Me Sophie BARCELLA de la SELEURL 3ème Acte Société d'avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : E1622

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Décembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Dominique DOS REIS, Présidente de chambre
Mme Christine BARBEROT, Conseillère
M. Fabrice VERT, Conseiller

qui en ont délibéré

Madame Dominique DOS REIS, Présidente de chambre a été entendu en son rapport

Greffier lors des débats : Monsieur Christophe DECAIX

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique DOS REIS, Présidente, et par Monsieur Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision à été remise par le magistrat signataire.

*

* *

Francis Y... et Justine X..., son épouse, propriétaires d'une parcelle de terrain cadastrée BA no... (91), l'ont divisée en deux lots et ont vendu le lot no2, le 6 juillet 1973, à M. et Mme I..., suivant acte prévoyant la constitution d'une servitude de passage de 48, 60 m de longueur, prise sur une bande de terrain dépendant pour moitié de chacune des parcelles, afin de relier chaque maison à la rue des Hucheries. Par la suite, le lot no 2 a été cédé à M. et Mme H... qui l'ont revendu, le 31 août 1994, à M. et Mme Moreau qui l'ont revendu, le 31 mars 2006 à M. et Mme Z..., selon acte authentique rappelant l'existence de la servitude de passage.

Peu de temps après leur acquisition, M. et Mme B... avaient remplacé la porte-fenêtre sur rue par une baie vitrée, les époux Z..., quant à eux, créant une porte d'entrée sur la façade latérale de leur maison et remplaçant la porte située à l'arrière par une baie vitrée coulissante.

L'installation d'une porte pleine sur la façade latérale de leur maison par M. et Mme Z... a été jugée, à l'issue du recours formé par M. et Mme Y..., illicite, selon jugement du tribunal administratif de Versailles du 1er juillet 2008 et le recours élevé contre ce jugement a été rejeté par arrêt du Conseil d'État du 18 février 2009, ensuite de quoi M. et Mme Y... ont engagé une instance pénale contre M. et Mme Z..., du chef d'exécution de travaux sans autorisation. Le tribunal correctionnel d'Évry a dit, par jugement du 21 janvier 2010, les poursuites prescrites, la cour d'appel de ce siège a, selon arrêt du 17 janvier 2012, débouté M. et Mme Y... de leurs demandes de dommages-intérêts mais cet arrêt a été cassé par la Cour de cassation qui a renvoyé l'affaire devant la même Cour autrement composée par arrêt du 29 janvier 2013.

Une instance en suppression de cette porte, engagée devant le juge des référés par M. et Mme Y..., a été rejetée par ordonnance du 17 décembre 2010 confirmée par un arrêt de la Cour de céans du 25 novembre 2011 et le pourvoi formé contre cette décision a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation du 16 avril 2013.

Parallèlement, M. et Mme Y... ont, suivant acte extra-judiciaire du 4 juin 2007, assigné M. et Mme Z... à l'effet de les voir condamner à remettre les lieux en l'état et à les entendre condamner à des dommages-intérêts pour aggravation des conditions d'utilisation de la servitude de passage. Francis Y... est décédé le 31 décembre 2009 et sa fille Viviane a repris l'instance aux côtés de sa mère Justine Dumont. Les dames Y... ont assigné, par acte extra-judiciaire du 3 novembre 2011, M. et Mme B..., auteurs de M. et Mme Z..., à l'effet de voir constater la violation contractuelle de l'acte d'acquisition du 31 août 1994, leur comportement fautif lors de la vente de 2006 et de les entendre condamner à des dommages-intérêts. Elles ont encore assigné, par acte extra-judiciaire du 9 août 2012, M. et Mme D..., locataires de M. et Mme Z..., en jugement commun.

Suivant ordonnance du 30 mai 2013, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance d'Évry a rejeté l'incident de communication de pièces formé par les dames Y..., qui demandaient la production du contrat de bail consenti par M. et Mme Y... à M. et Mme D..., et a condamné celles-ci au paiement de la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des dépens de l'incident.

Par jugement du 17 mars 2014, le tribunal de grande instance d'Évry a   :

- rejeté toutes les demandes,
- condamné dames Y... à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes ci-dessous   :

-3. 000 € à M. et Mme Z...,
-2. 000 € à M. et Mme B...,
-1. 000 € à M. et Mme D...,

- condamné les dames Y... aux dépens.

Mesdames Justine et Viviane Y... ont relevé appel de ce jugement dont elles poursuivent l'infirmation, demandant à la Cour, par dernières conclusions signifiées le 29 novembre 2016, de :

au visa des articles 6, 9, 32-1, 123, 133, 134, 202, 370, 373, 555 et 765 du code de procédure civile, 544, 545, 637, 678, 680, 686, 687, 691, 696, 701, 702, 1134, 1143, 1156, 1157, 1165, 1315, 1382, 1383, 1384, 1723, 2222, 2224, 2227 et 2262 du code civil, 4 du code de procédure pénale,

- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 30 mai 2013 et le jugement en toutes leurs dispositions,
- à titre préalable, prendre acte qu'il est d'une bonne administration de la justice que le titre d'occupation des occupants du chef de M. et Mme Z... soit versé aux débats,
- en conséquence, enjoindre à M. et Mme Z... de produire, sous astreinte de 150 € par jour de retard, le titre d'occupation des occupants de leur chef,
- dire leur action recevable comme non prescrite,
- surseoir à statuer, dans l'attente de la décision à intervenir sur la plainte avec constitution de partie civile déposée le 29 janvier 2014, sur la demande de dommages-intérêts formulée à l'encontre de M. et Mme B..., qui prouvera la caractère mensonger des attestations par eux délivrées,
- au fond, dire que l'appropriation par M. et Mme Z... du terrain d'accès aux garages, qui leur appartient, constitue une voie de fait,
- dire que la servitude de passage a exclusivement pour objet de permettre l'accès des véhicules de chaque propriétaire, à partir de la voie publique, aux garages sis en fond de jardin, et non d'assurer la desserte piétonnière des maisons sur la voie publique de façon continue, et encore moins de transformer cette servitude en lieu de vie,
- dire que la modification des lieux réalisée par M. et Mme Z... tend à diminuer l'usage de la servitude en la rendant plus incommode pour la desserte de leurs garages, du fait de la concentration volontaire et illégale de l'accès de la maison en façade latérale et de l'usage piétonnier anormal de la servitude, en contravention avec l'article 701 du code civil,
- dire que la modification des lieux réalisé par M. et Mme Z... et leurs auteurs constitue une aggravation des charges à leur détriment, par une concentration volontaire et illégale de l'accès de la maison en façade latérale, portant atteinte à la jouissance paisible de leur propriété par un usage piétonnier anormal de la servitude, en contravention avec l'article 702 du code civil,
- dire, qui plus est, que l'ouverture latérale créée par M. et Mme Z... sur leur fonds, constitue une issue contractuellement prohibée par la condition particulière de l'acte de division de l'acte du 6 juillet 1973, ainsi qu'une vue contractuellement prohibée et en contravention avec l'article 702 du code civil,
- dire que cette issue constitue de surcroît une vue directe et que la construction de cette porte a définitivement été jugée illicite par les juridictions administratives car non implantée à distance réglementaire,
- dire que la modification des lieux réalisée par M. et Mme B... constitue une aggravation des charges à leur détriment, par une concentration volontaire et illégale de l'accès de la maison en façade arrière, portant atteinte à la jouissance paisible de leur propriété par un usage piétonnier anormal de la servitude, en contravention avec l'article 702 du code civil,
- constater la violation contractuelle de l'acte d'acquisition du 31 août 1994 par M. et Mme B... et leur comportement fautif lors de leur vente immobilière,
- en conséquence, dire recevables leurs demandes, débouter M. et Mme Z... et M. et Mme B... de leurs appels incidents et condamner M. et Mme Z... à remettre les lieux en leur état d'origine en procédant à la suppression de la porte d'entrée en façade latérale sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification du présent jugement,
- condamner M. et Mme Z... à exécuter à leurs frais les travaux de remise en état aux fins de rétablir une issue en façade avant de leur maison, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt,
- condamner M. et Mme Z... à supprimer le battant du portail laissé en place sur leur fonds, sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt,
- ordonner la réduction de l'assiette de la servitude sur 6 mètres de long en fond de terrain,
- à titre infiniment subsidiaire, désigner un expert à l'effet de déterminer si la modification proposée constitue une aggravation ou une amélioration de la servitude,
- en tout état de cause, débouter les consorts F... G... de leurs demandes,
- condamner M. et Mme Z... à leur verser la somme de 20. 000 € de dommages-intérêts pour trouble de jouissance pour la période pendant laquelle ils ont personnellement occupé les lieux,
- condamner M. et Mme Z... à leur payer la somme de 300 € par mois d'occupation par des tiers ou ayants-droit à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance du fait de la dénaturation de la servitude,
- condamner M. et Mme B... à leur payer la somme de 15. 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice financier (charges supportées pour faire valoir leurs droits) ensuite de leur vente immobilière,
- condamner M. et Mme B... à leur verser la somme de 15. 000 € en réparation de leur préjudice moral et celle de 5. 000 € en réparation du trouble de jouissance causé à des personnes âgées,
- rendre le présent arrêt commun et opposable aux consorts F... G... ainsi qu'à tout occupant qui viendrait à leur succéder dans les lieux,
- dire qu'à défaut d'en respecter les termes, notamment par tout empiétement sur leur propriété et tout stationnement sur la servitude de passage, ils seront redevables d'une astreinte de 150 € pour chaque méconnaissance ultérieure de l'objet de la servitude et des limites de son utilisation, dès la réalisation des remises en état à la charge de leurs bailleurs,
- condamner in solidum M. et Mme Z... et M. et Mme D... à leur payer la somme de 5. 000 € de dommages-intérêts en réparation des troubles subis dans l'exercice de la servitude,
- condamner in solidum M. et Mme Z..., M. et Mme B..., M. et Mme D... et les consorts F... G... à leur payer la somme de 20. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.

M. et Mme Z... prient la Cour, par dernières conclusions signifiées le 30 novembre 2016, de   :

- au visa de l'article 4 du code de procédure pénale, débouter les dames Y... de leur demande de sursis à statuer,
- confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté leur demande tendant à voir ordonner aux dames Y... de rétablir sous astreinte le battant du portail ouvrant le passage sur rue et à voir condamner les dames Y... à des dommages-intérêts,
- statuant à nouveau, vu les articles 678 et suivants, 701 et suivants du code civil, condamner les dames Y... à procéder à la remise en état de la partie de portail située sur leur terrain sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt,
- vu les articles 678 et suivants, 1134, 1147 et suivants du code civil, condamner les dames Y... à leur payer la somme de 5. 000 € au titre de leur préjudice de jouissance,
- vu l'article 1382 du code civil, condamner les mêmes à leur payer la somme de 10. 000 € au titre de leur préjudice moral,
- condamner les dames Y... à leur payer la somme de 20. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.

M. et Mme B... prient la Cour, par dernières conclusions signifiées le 25 novembre 2016, de   :

au visa des articles 1382, 1383, 2244 du code civil, 73, 74, 122 du code de procédure civile,

- dire l'action engagée par les dames Y... irrecevable comme prescrite,
- subsidiairement, dire les dames Y... mal fondées en leurs prétentions,
- en tout état de cause, condamner les dames Y... à leur payer une somme de 50. 000 € à titre dommages-intérêts pour procédure abusive,
- condamner les mêmes au paiement de la somme de 10. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.

M. Xavier F... et Mme Élodie G..., intervenants forcés en cause d'appel, prient la Cour, par dernières conclusions signifiées le   17 novembre 2014, de :

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
- débouter les dames Y... de leurs demandes,
- condamner les dames Y... au paiement des sommes de 1 € de dommages-intérêts pour trouble anormal de voisinage et de 1 € de dommages-intérêts pour procédure abusive,
- condamner M. et Mme Z... à les relever et garantir de toutes condamnations qui viendraient à être prononcées contre eux,
- ordonner à M. et Mme Z... de réduire de 10 % leur loyer en cas de rétablissement de l'entrée par la façade donnant sur rue et dire que les bailleurs supporteront les frais découlant de la rupture de bail et de leur déménagement,
- condamner les dames Y... à leur payer la somme de 4. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers dépens.

La déclaration d'appel a été déclarée caduque à l'encontre de M. et Mme D... par ordonnance du conseiller de la mise en état du   28 mai 2015 confirmée par arrêt sur déféré du 22 janvier 2016.

SUR CE
LA COUR

Sur l'ordonnance du juge de la mise en état

Par ordonnance du 30 mai 2013, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance d'Évry a rejeté l'incident de communication de pièces formé par les dames Y... qui demandaient la production du contrat de bail consenti par M. et Mme Y... à M. et Mme D...   ; les appelantes concluent à l'infirmation de cette ordonnance au motif qu'il importe de connaître les mentions insérées au titre d'occupation de M. et Mme D... puis des consorts F... G... et, notamment, afin de savoir s'ils ont été informés des procédures en cours et des restrictions découlant de la servitude   :

L'ordonnance du juge de la mise en état qui a refusé de contraindre les défendeurs à produire ce bail sera confirmée par adoption de motifs dès lors que les clauses et mentions des baux liant les époux Z... à leurs locataires successifs sont dénuées d'incidence sur la solution du litige, relatif à l'aggravation d'une servitude de passage contractuelle   ;

Sur la demande de sursis à statuer

La plainte contre X déposée par les dames Y... auprès du doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance d'Évry du chef de faux en écriture privée, de délivrance de fausses attestations, d'usage de fausses attestations et d'escroquerie au jugement n'est pas susceptible d'influer sur la solution du présent litige, relatif à des droits réels, de sorte qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue donnée à cette plainte   ;

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription

M. et Mme B... soutiennent que l'action engagée par les dames Y..., de nature personnelle et mobilière, est prescrite par cinq années   ; toutefois, l'action dont s'agit étant relative aux conditions d'exercice d'une servitude de passage, droit réel, cette action est soumise à une prescription trentenaire, et le jugement qui l'a dite recevable sera confirmé sur ce point   ;

Sur l'aggravation de la servitude

Aux termes de l'acte de vente du 6 juillet 1973 conclu entre M. et Mme Y... et M. et Mme I... «   les vendeurs et les acquéreurs ont convenu de créer une servitude de droit de passage dont l'assiette sera constituée par une bande de terrain dépendant par moitié du lot restant à appartenir à M. et Mme Y... et pour l'autre moitié du lot vendu à M. et Mme I..., partant de la rue des Hucheries sur une longueur de deux mètres vingt-cinq centimètres et au fond de deux mètres trente centimètres, soit une surface de quatre-vint seize mètres carrés deux centimètres »   ;

L'acte constitutif de servitude n'a pas été rédigé   ;

Les dames Y... font valoir que cette servitude de passage était exclusivement destinée à la desserte des garages situés en fond de parcelles et que la concentration des allées et venues dans l'allée séparant latéralement les deux maisons aggrave les conditions d'exercice de la servitude alors que les entrées et sorties se faisaient, jusqu'à l'exécution des travaux de M. et Mme B..., puis ceux de M. et Mme Z..., par la porte percée dans la façade sur rue ou celle donnant dans le jardin, à l'arrière de la maison   ;

Toutefois, d'une part, ainsi que l'a relevé le premier juge par des motifs exacts que la Cour adopte, l'acte prévoyant la constitution d'une servitude ne comporte aucune restriction quant à sa destination, son usage ou ses modalités d'exercice, se bornant à indiquer que les vendeurs et acquéreurs ont convenu de créer une «   servitude de droit de passage   » sans plus de précisions sur son objet, d'autre part, cette servitude était, dès sa création, nécessairement pour partie piétonnière pour les usagers, soit pour aller de la maison au garage chercher sa voiture, soit pour revenir dans sa maison après avoir rangé sa voiture dans le garage   ; si la fermeture des accès sur rue et sur jardin a accru les allées et venues des usagers et visiteurs de la maison Z... et cause une gêne aux dames Y..., cet accroissement ne constitue pas en lui-même une aggravation de la servitude, sauf à considérer que les parties avaient l'intention de réserver tout passage piéton sur le côté latéral des maisons à l'accès aux garages, ce qui n'est pas le cas à défaut de précision en ce sens   ;

Il n'est pas démontré, par ailleurs, que les modifications des accès de la maison Z... présenteraient des dangers pour les usagers de la servitude, alors que le passage en voiture dans une allée mesurant 2, 25 m de largeur ne peut se faire qu'au pas et avec prudence   ;

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les dames Y... de leur demande fondée sur l'aggravation de la servitude   ;

Sur la création d'une issue en façade latérale par M. et Mme Z...

Les dames Y... se prévalent des conditions particulières insérées à l'acte de vente du 6 juillet 1973, selon lesquelles «   si, du fait de la division en deux lots de la propriété de M. Y..., il existe des plantations, arbres ou arbustes, ainsi que des jours, vues et issues qui ne se trouveraient pas, pour chacun des deux lots, à une distance légale, ils pourront être maintenus dans leur état actuel, mais, à l'avenir, il ne pourra en être créé d'autres qu'en respectant les dispositions du code civil et les usages locaux   » pour en inférer que la création par M. et Mme Z... d'une issue en façade latérale, à 1, 15 m de leur fonds, serait illicite, et elles contestent l'application de la règle de selon laquelle l'article 678 du code civil n'est pas applicable «   au cas où le fonds sur lequel s'exerce la vue est déjà grevé au profit du fonds qui en bénéficie d'une servitude de passage   », soulignant que le terme «   déjà   » exclut le cas où la création de la servitude est postérieure au percement de la vue illicite   ;  

M. et Mme Z... répliquent qu'ils bénéficient d'une servitude de passage de 2, 20 m, que la clause insérée à l'acte authentique du 6 juillet 1973 ne leur est pas opposable par suite de l'effet relatif des contrats et que l'existence d'une servitude de passage exclut l'application de l'article 678 du code civil   ; ils ajoutent qu'une porte constituée d'un panneau plein ne saurait être assimilée à une vue, enfin, que la maison des dames Y... dispose également d'une porte percée en face de la leur, sur l'allée soumise à servitude de passage   ;

Il ressort clairement et sans équivoque de la rédaction de la clause ci-dessus, insusceptible d'interprétation sans dénaturation, que les parties à l'acte de vente du 6 juillet 1973 ont entendu préserver la configuration des lieux et figer les ouvertures des façades latérales des deux maisons en soumettant toute nouvelle ouverture, vue ou issue aux distances prescrites par le code civil   ; or, l'interdiction de créer de nouvelles vues ou issues étant attachée au fonds lui-même et suivant ledit fonds entre quelques mains qu'il se trouve, nonobstant le fait que cette interdiction ne soit pas rappelée à leur acte d'acquisition, M. et Mme Z... qui tiennent leur droit de propriété par une chaîne de cessions remontant aux époux I..., sont tenus, en leur qualité de propriétaires du fonds servant de respecter la condition particulière interdisant aux propriétaires successifs de leur maison de créer des jours, vues et issues nouveaux, sauf en observant les règles du code civil   ;

Or, suivant l'article 678 du code civil, «   on ne peut avoir des vues droites ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou autres semblables saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin, s'il n'y a dix neuf décimètres de distance entre le mur ou on les pratique et ledit héritage, à moins que le fonds ou la partie du fonds sur lequel s'exerce la vue ne soit déjà grevé, au profit du fonds qui en bénéficie, d'une servitude de passage faisant obstacle à l'édification de constructions   »   ;

Il est constant que la porte percée par M. et Mme Z... sur la façade latérale de leur maison et qui s'ouvre sur l'allée à une distance de 1, 12 m de la limite séparative et donc du fonds contigu constitue une vue prohibée par l'article 678 du code civil dès lors qu'elle est appelée à s'ouvrir plusieurs fois par jour en offrant une vue directe sur la maison Y... et que la distance minimale de 19 décimètres soit 1, 90 m prescrite par ce texte n'est pas respectée   ; toutefois, M. et Mme Z... sont fondés à invoquer la servitude créée sur le passage pour éluder l'application de l'article 678 précité puisque cette servitude existait «   déjà   » lorsqu'ils ont percé la porte dont s'agit   ;

Il suit de ces éléments que l'issue créée sur le passage respecte les exigences du code civil et, partant, ne contrevient pas à la clause contractuelle susmentionnée   ;

En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de suppression de la porte latérale et de remise en état formée par les dames Y...   ;

Sur le trouble anormal de voisinage

En droit, la responsabilité pour trouble anormal de voisinage est une responsabilité sans faute dont la mise en œuvre suppose la preuve d'une nuisance excédant les inconvénients normaux de voisinage, en fonction des circonstances et de la situation des lieux   ; l'anormalité du trouble s'apprécie objectivement et non en fonction de l'âge ou de l'état de santé de la personne qui le subit   ;

Au cas présent, les dames Y... qui demeurent en zone urbanisée et qui ont divisé leur parcelle de telle sorte que leur maison n'est séparée de la maison voisine que par une allée étroite de 2, 25 m environ, ne peuvent soutenir que les allées et venues des voisins dans cette allée, prévisibles dès la division des lots, ou l'entreposage provisoire de matériaux de construction en 2006, constitueraient un trouble anormal de voisinage, de sorte qu'elles seront déboutées de leur demande de dommages-intérêts pour trouble anormal de voisinage   ;

Sur la réduction de l'assiette de la servitude de passage

Les contingences évoquées par les dames Y... ne justifient pas de modifier l'assiette de la servitude de passage afin d'empêcher tout empiétement sur la partie privative de leur fonds, alors qu'elles ont toute liberté de clore cette partie privative et que la solution qu'elles préconisent, soit une réduction de sa longueur de 6 mètres, n'apparaît pas de nature à rendre son usage plus commode ou moins onéreux pour le fonds dominant   ; de leur côté, M. et Mme Z... ne peuvent exiger d'user du terrain des dames Y... pour faire manœuvrer leurs véhicules, ces manœuvres devant se pratiquer sur l'assiette contractuelle de la servitude et non au-delà, quelle que soit l'incommodité des lieux   ;

Sur la suppression du battant de portail laissé en place par M. et Mme Z...

Un portail ayant été installé dans le passé à l'entrée de l'allée sur rue, les dames Y... ont ôté l'un de ses battants et demandent que la seconde partie du portail soit enlevée par M. et Mme Z...   ; ceux-ci, de leur côté, demandent qu'il soit enjoint aux dames Y... de remettre en place le second battant du portail   ;

Aucune de ces demandes ne peut être satisfaite et les deux parties seront pareillement déboutées de leurs demandes qui ne reposent sur aucun fondement contractuel ou légal, étant observé que l'étroitesse d'un passage limité à 2, 25 m exclut par principe toute réduction de l'ouverture sur rue   ;

Sur les demandes réciproques de dommages-intérêts

M. et Mme Z... et M. et Mme B... seront déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts formées tant au titre de leur préjudice de jouissance que de leur préjudice moral alors qu'ayant, de leur côté, réalisé des travaux jugés définitivement illicites par décision du tribunal administratif de Versailles du 1er juillet 2008, qui a relevé que le percement d'une porte sur la façade latérale méconnaissait les dispositions du POS quant aux règles de distance par rapport à la limite séparative, ils sont partiellement à l'origine du conflit les opposant à leurs voisins   ; de même, les consorts F... G... seront déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts alors qu'ils n'établissent pas qu'en revendiquant l'exécution de la convention originaire de 1973, les dames Y... auraient abusé de leur droit d'ester en justice   ;

Les appelantes n'établissant pas de leur côté que les intimés auraient fait dégénérer en abus leur résistance à leurs demandes, elles seront déboutées de leur demande de dommages-intérêts pour préjudice de jouissance et procédure abusive ;

En équité, les conditions d'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ne sont pas réunies et le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné les dames Y... à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de 3. 000 € à M. et Mme Z..., de 2. 000 € à M. et Mme B... ; statuant à nouveau, la Cour déboutera M. et Mme Z... et M. et Mme B... de leurs demandes (étant observé que, du fait de la caducité prononcée, le jugement est définitif à l'égard de M. et Mme D...).

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné les dames Y... à payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes de 3. 000 € à M. et Mme Z... et de 2. 000 € à M. et Mme B...,

Statuant à nouveau,

Déboute M. et Mme Z..., M. et Mme B... et les consorts F... G... de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toute autre prétention,

Condamne les dames Y... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4- chambre 1
Numéro d'arrêt : 14/08654
Date de la décision : 27/01/2017
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2017-01-27;14.08654 ?
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