Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 1
ARRÊT DU 18 JANVIER 2017
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/15917
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Mai 2015 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 13/06682
APPELANT
Monsieur [H] [O]
né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
représenté et assisté par Me Philippe AUTRIVE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0421
INTIME
Monsieur [I] [O]
né le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 1]
[Adresse 3]
[Adresse 1]
représenté par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
assisté de Me Najwa SOUBRA-SEMET de la société SOUBRA-SEMET, avocat au barreau de l'ESSONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 16 Novembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Evelyne DELBÈS, Président de chambre
Madame Monique MAUMUS, Conseiller
Madame Nicolette GUILLAUME, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Emilie POMPON
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Evelyne DELBÈS, Président et par Madame Emilie POMPON, Greffier.
***
[K] [O] est décédé le [Date décès 1] 2007, laissant pour lui succéder ses deux fils M. [H] [O] et M. [I] [O].
Par jugement du 26 mai 2015, sur assignation délivrée le 9 juin 2008 par M. [H] [O] à M. [I] [O], le tribunal de grande instance d'Evry a statué dans les termes suivants :
- déboute M. [H] [O] de toutes ses demandes,
- déboute M. [I] [O] de sa demande de dommages et intérêts,
- dit n'y avoir lieu a application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne M. [H] [O] aux dépens avec le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
Par déclaration du 22 juillet 2015, M. [H] [O] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions du 23 février 2016, il demande à la cour, au visa des articles 778, 901 et 1108 et suivants du code civil, et L. 132-13 du code des assurances, de :
- infirmer le jugement rendu le 26 mai 2015 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [I] [O] de sa demande de dommages et intérêts,
- y faisant droit,
- le déclarer recevable et bien fondé en son appel,
- constater que [K] [O] n'a pas pu valablement modifié le nom du bénéficiaire des contrats d'assurance-vie suivants :
1- Caisse d'Epargne ' contrat n°405 442 115 01
2- Axa ' contrat n°6000 100 38190 B
3- Crédit Agricole ' contrat Confluence n°07614649715
4- Crédit Agricole ' contrat Predige n°07614649740
5- Crédit Agricole ' contrat Prediane n°58365299000
6- Crédit Agricole ' contrat Optalissime n°07614649785
7- Crédit Agricole ' contrat Carissime n°07614649762
8- Crédit Agricole ' contrat Carissime n°07614649763
9- Crédit Agricole ' contrat Carissime n°07614649764
10- Crédit Agricole ' contrat Carissime n°60099073064
11- contrat Groupama n°EP92 0704529 00 75
12- contrat Groupama n°EP92 1148419 00 10
13- contrat Groupama n°EP92 0704529 01 72
14- contrat Groupama n°EP92 1268033 00 87
- prononcer la nullité des avenants, portant modification de la clause bénéficiaire de ces contrats,
- dire que M. [I] [O] a commis un recel successoral,
- en conséquence,
- condamner M. [I] [O] à rapporter à la succession les prestations qu'il a perçues en exécution des contrats d'assurance-vie litigieux, soit la somme de 159.966,46 euros,
- dire que M. [I] [O] ne pourra prétendre à aucune part sur ces sommes ni sur les primes afférentes,
- à titre subsidiaire,
- dire que M. [I] [O] devra rapporter à la succession les primes manifestement excessives versées par le défunt au titre de l'intégralité des contrats d'assurance-vie qu'il a souscrits,
- en tout état de cause,
- constater que les testaments des 26 avril 2002 et 31 mai 2002 ne sont pas valables,
- prononcer la nullité de ces deux testaments,
- condamner M. [I] [O] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions du 11 décembre 2015, M. [I] [O] demande à la cour, au visa des articles 414-2, 895, 970, 1035 et 1036 du code civil, de :
- le dire recevable et bien fondé en ses écritures,
- débouter M. [H] [O] de ses demandes,
- dire que les avenants aux contrats d'assurance-vie litigieux ne portent pas en eux-mêmes la preuve d'un trouble mental chez [K] [O],
- rejeter la demande en nullité des actes litigieux,
- dire qu'il n'a commis aucun recel successoral,
- débouter M. [H] [O] de sa demande de condamnation formée à son encontre de rapporter à la succession la somme de l59.966,46 euros qu'il a perçue en exécution des contrats d'assurance-vie,
- dire que les primes des contrats d'assurance-vie ne sont pas excessives,
- débouter M. [H] [O] de sa demande de rapport des primes litigieuses,
- dire que les testaments olographes en date des 26 avril et 31 mai 2002 rédigés par [K] [O] sont parfaitement valables,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 mai 2015,
- condamner M. [H] [O] à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire, la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel dont distraction pour ceux le concernant au profit de Maître Peytavi, et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Ces conclusions sont expressément visées pour complet exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
SUR CE,
sur la modification des clauses bénéficiaires des contrats d'assurance-vie
Considérant qu'il est constant que seize contrats d'assurance-vie ont été souscrits par [K] [O] entre le 28 octobre 1986 et le 11 mars 2003 et que quatorze de ces contrats ont fait l'objet d'un avenant modifiant le bénéficiaire et instituant M. [I] [O] comme tel, dix entre le 15 mars 2003 et le 20 mai 2003 et quatre, le l7 juin 2004 ;
Considérant que M. [H] [O] soutient, sur le fondement de l'article 901 du code civil, que son père n'a pu valablement modifier le nom du bénéficiaire des contrats d'assurance-vie litigieux, en raison d'une insanité d'esprit qui a vicié son consentement, alors que M. [I] [O], en application de l'article 414-2 du code civil, estime que l'action en nullité ne peut aboutir ;
Considérant que [K] [O] a fait l'objet d'une ordonnance d'administration légale sous contrôle judiciaire rendue par le juge des tutelles du tribunal d'instance d'Etampes le 9 mai 2006 et que, si à la date de signature des avenants, il n'était pas encore placé sous sauvegarde de justice, une procédure avait bien été engagée, avant son décès, aux fins d'ouverture d'une curatelle ou d'une tutelle ; que, dans cette hypothèse, s'agissant, non pas d'une libéralité, mais d'une convention signée entre le défunt et la société d'assurance, l'article 414-2 du code civil dont il résulte qu'après sa mort, les actes faits par ce dernier autres que la donation entre vifs et le testament, peuvent être attaqués par ses héritiers pour insanité d'esprit, doit recevoir application ;
Considérant que M. [H] [O] entend démontrer l'existence de troubles mentaux liés à la maladie d'Alzheimer diagnostiquée par les médecins chez son père ; qu'il prétend que [K] [O] 'se trouvait dans un état de totale dépendance et de vulnérabilité bien avant 2005, altérant ses fonctions cérébrales et intellectuelles de manière irréversible' ;
Considérant que M. [I] [O] soutient que la preuve de la date de l'apparition des troubles n'est pas rapportée, une véritable démence n'étant évoquée par les médecins qu'à compter de décembre 2005 ;
Considérant que l'insanité d'esprit, comme cause de nullité des actes passés par celui qui en était atteint au moment où il fait ces libéralités, comprend toutes les variétés d'affections mentales par l'effet desquelles l'intelligence du défunt aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée ;
Considérant dès lors que l'insanité d'esprit doit être appréciée essentiellement au regard des avis médicaux figurant au dossier et qu'il y a lieu d'écarter les témoignages produits qui proviennent de personnes censées être dépourvues de connaissances médicales, notamment en matière de troubles de l'esprit ;
Considérant qu'il est constant que le 22 novembre 2005, [K] [O] a été hospitalisé, d'abord jusqu'au 5 décembre 2005, à la suite d'une chute à son domicile ; que la maladie d'Alzheimer n'est diagnostiquée qu'à cette occasion et des nombreuses hospitalisations qui s'en sont suivies jusqu'au décès ; que la description de la maladie qui s'est manifestée, notamment, par des pertes de mémoire, des accès de violence et une altération des fonctions cérébrales et intellectuelles, ne témoigne que de son état à l'époque de cette hospitalisation et par la suite, ne laissant pas présumer un manque de lucidité et une insanité d'esprit constitutive d'une altération durable des facultés mentales empêchant toute expression de la volonté avant la fin de l'année 2005 et donc durant la période litigieuse qui se situe entre mars 2003 et juin 2004 ; que la demande d'annulation des avenants formée par l'appelant sera rejetée ; que le jugement sera confirmé ;
sur le caractère manifestement exagéré des primes
Considérant que les sommes perçues par le bénéficiaire d'une assurance-vie ne sont pas rapportables à la succession, sauf si les primes étaient manifestement exagérées au égard aux facultés du souscripteur ; que le caractère manifestement exagéré des primes s'apprécie au moment du versement au regard de la situation patrimoniale du souscripteur et de l'utilité, pour lui, de la souscription ;
Considérant que [K] [O] a souscrit 16 contrat d'assurance-vie en y versant des primes d'un montant total de 133.480 euros entre 1995 et 2003, de plus de 10.000 euros chaque année et qui ont pu atteindre 35.146,63 euros en 2001, 17.700 euros en 2002 et près de 25.000 euros en 2003 ; que, s'il est constant que durant cette période, il percevait, un revenu annuel moyen d'environ 11.600 euros et des loyers pour un montant annuel de 19.417,32 euros, le versement de ces primes s'apprécie également au regard de la consistance de son patrimoine, alors qu'il est établi qu'il disposait par ailleurs de liquidités et de compte titres qui au jour de la succession, soit bien des années après, a encore été évalué à la somme de 460.950,55 euros ; que ces primes n'apparaissent donc pas manifestement exagérées au regard de la situation patrimoniale du souscripteur ; que le jugement sera donc confirmé ;
sur le recel successoral
Considérant que le recel successoral est constitué par toute manoeuvre dolosive, toute fraude commise sciemment, dans le but de rompre l'égalité dans le partage au profit de l'un des héritiers ; qu'il résulte de l'article 778 du code civil que lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier en doit le rapport ou la réduction sans pouvoir y prétendre à aucune part ;
Considérant, qu'au regard de ce qui précède, le recel allégué concerne les contrats d'assurance-vie dont a bénéficié M. [I] [O] non soumis aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction, ce qui ne permet pas à M. [H] [O] de s'en prévaloir ; que le jugement sera confirmé ;
sur la validité des deux testaments
Considérant que M. [H] [O] demande l'annulation des deux testaments datés des 26 avril 2002 et 31 mai 2002, pour des montants respectifs de 30.000 et 25.000 euros, pour les mêmes motifs que ceux avancés pour demander la nullité des avenants des contrats d'assurances-vie ; qu'il ajoute qu'il semblerait que ces testaments aient été dictés au défunt dans la mesure où ils contiennent des termes incompréhensibles ou inexistants dans la langue française, tels 'paprassine' ou 'quantité ou qualité disponible' et que la signature apposée sur chacun d'eux n'est pas identique ;
Considérant que l'article 901 du code civil dispose que : "Pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence" ;
Considérant que la charge de la preuve de l'insanité d'esprit du testateur incombe à celui qui agit en annulation ;
Considérant que les observations précédentes relatives à l'état de santé de [K] [O] permettent d'écarter de façon définitive une altération durable et continue de ses facultés mentales au moment de la rédaction des deux testaments litigieux ; que M. [H] [O] n'apporte pas la preuve que ces testaments ne sont pas la transcription de la volonté du défunt, même s'ils sont rédigées en termes parfois maladroits ; qu'il n'apporte pas davantage la preuve qu'ils ne sont pas écrits et signés de la main du défunt ; que sa demande d'annulation sera donc rejetée et le jugement confirmé ;
sur la demande en dommages et intérêts
Considérant que M. [I] [O] qui ne démontre pas d'abus dans l'exercice de ses droits par M. [H] [O], sera débouté de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Considérant que M. [H] [O] qui succombe sera condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par les parties,
Rejette toute autre demande,
Condamne M. [H] [O] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,