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18/01/2017 | FRANCE | N°15/15461

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 18 janvier 2017, 15/15461


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 18 JANVIER 2017



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/15461



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Mai 2015 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/02571





APPELANTS



Monsieur [A] [J]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1] (13)

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[Localité 2] (MAROC)



Madame [J] [J] épouse [H]

née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 3] (MAROC)

[Adresse 2]

[Localité 4]



Madame [H] [J] épouse [N]

née le [Date naissance 3] 1967 à [L...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 18 JANVIER 2017

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/15461

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Mai 2015 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/02571

APPELANTS

Monsieur [A] [J]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1] (13)

[Adresse 1]

[Localité 2] (MAROC)

Madame [J] [J] épouse [H]

née le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 3] (MAROC)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Madame [H] [J] épouse [N]

née le [Date naissance 3] 1967 à [Localité 5] (MAROC)

[Adresse 3]

[Localité 5] (MAROC)

représentés et assistés par Me Danièle BARUCHEL BEURDELEY de la SCP FISCHER TANDEAU DE MARSAC SUR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0147

INTIMÉE

Madame [Y] [G]

née le [Date naissance 4] 1951 à [Localité 6] (MAROC)

NR [Adresse 4]

[Localité 7] (MAROC)

représentée par Me Joëlle VALLET-PAMART, avocat au barreau de PARIS, toque : D1476

assistée de Me Olivia EMIN, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 15 Novembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Evelyne DELBÈS, Président de chambre

Madame Monique MAUMUS, Conseiller

Madame Nicolette GUILLAUME, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Evelyne DELBÈS, Président et par Madame Emilie POMPON, Greffier.

***

[B] [J] est décédé le [Date naissance 5] 2008 à [Localité 8] (Maroc), laissant pour recueillir sa succession ses trois enfants issus de sa première union, M. [A] [J], Mme [J] [J] et Mme [H] [J], et sa seconde épouse, Mme [Y] [G], avec laquelle il s'était marié le [Date naissance 6] 1982 à [Localité 2] sous le régime légal marocain de la séparation de biens.

Selon acte authentique du 20 avril 1990, [B] [J] avait acquis seul un bien immobilier sis [Localité 9] moyennant le prix total de 1 630 109,12 francs.

Par acte du 6 février 2014, M. [A] [J], Mme [J] [J] épouse [H] et Mme [H] [J] (les consorts [J]) ont assigné Mme [G] devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir ordonner la licitation du bien immobilier et condamner la défenderesse au paiement d'une indemnité d'occupation.

Par jugement du 13 mai 2015, le tribunal de grande instance de Paris a, pour l'essentiel :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

- ordonné le partage judiciaire de la succession de [B] [J],

- désigné le président de la Chambre interdépartementale des notaires de Paris, avec faculté de délégation et de remplacement, pour procéder à ces opérations et un magistrat pour les surveiller,

- dit que Mme [G] dispose d'une créance à l'encontre des consorts [J] d'un montant de 500 000 euros,

- débouté Mme [G] de sa demande d'attribution préférentielle du bien immobilier sis à [Localité 9],

- préalablement à ces opérations,

- ordonné, sur les poursuites de la partie la plus diligente et en présence des autres parties, ou celles-ci dûment appelées, la licitation, à l'audience des criées du tribunal de grande instance de Paris, du bien sis à [Adresse 5] et [Adresse 6] cadastré section AP n)[Cadastre 1] (lot 141),

- fixé la mise à prix de ce bien à 400 000 euros avec possibilité de baisse de mise à prix d'un tiers, un quart puis de la moitié à défaut d'enchères,

- rappelé que les copartageants peuvent, à tout moment, abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage à l'amiable,

- dit que les consorts [J] disposent d'une créance à l'encontre de Mme [G] au titre de l'indemnité d'occupation d'un montant de 2 000 euros par mois à compter du 6 février 2009 jusqu'au jour de la vente,

- débouté les consorts [J] de leur demande tendant à voir ordonner la remise des clefs du bien indivis sous astreinte,

- débouté Mme [G] de sa demande relative aux travaux d'amélioration et aux charges, taxes, frais EDF, France Télécom, Orange, assurance habitation,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage et privilégiés de licitation,

- dit qu'ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l'indivision,

- ordonné l'exécution provisoire ;

Le 16 juillet 2015, les consorts [J] ont interjeté de cette décision un appel limité à ses dispositions ayant rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, ordonné le partage judiciaire de la succession de [B] [J] et dit que Mme [G] dispose d'une créance à l'encontre des consorts [J] d'un montant de 500 000 euros,

Dans leurs dernières conclusions du 25 janvier 2016, ils demandent à la cour de :

- les dire recevables et bien fondés en leur appel limité du jugement,

- y faisant droit, et statuant à nouveau,

Sur le partage judiciaire

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

ordonné le partage judiciaire de la succession de [B] [J],

désigné, pour y procéder, le président de la Chambre interdépartementale des notaires de Paris, avec faculté de délégation et de remplacement,

dit que les parties devront communiquer au greffe de la 2ème chambre (1ère ou 2ème section) du tribunal de Paris le nom du notaire commis par le président de la Chambre des notaires,

rappelé que les parties devront remettre au notaire commis toutes les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

rappelé que le notaire commis devra dresser un projet d'état liquidatif dans le délai d'un an à compter de sa désignation,

commis tout juge de la 2ème chambre (2 ème section) du tribunal de Paris pour surveiller ces opérations,

Sur la créance d'acquisition

- à titre principal,

- dire que le tribunal a statué extra petita sans respecter le principe du contradictoire,

- en conséquence, infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

dit que Mme [G] dispose d'une créance à l'encontre des consorts [J] d'un montant de 500 000 euros,

- à titre subsidiaire,

- dire prescrite la créance d'acquisition invoquée par Mme [G],

- à titre plus subsidiaire,

- dire Mme [G] mal fondée en sa demande de fixation de créance d'acquisition,

- à titre encore plus subsidiaire,

- constater l'intention libérale de Mme [G] et sa renonciation à faire valoir sa créance d'acquisition,

- en conséquence et dans les trois hypothèses subsidiaires, infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que Mme [G] dispose d'une créance à l'encontre des consorts [J] d'un montant de 500 000 euros,

Sur l'appel incident

Sur l'indemnité d'occupation

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'ils disposent d'une créance à l'encontre de Mme [G] au titre de l'indemnité d'occupation d'un montant de 2 000 euros par mois à compter du 6 février 2009,

Sur la créance de charges et travaux

- à titre principal,

- dire Mme [G] irrecevable en sa demande,

- à titre subsidiaire,

- dire l'intéressée mal fondée en sa demande et l'en débouter,

- à titre encore plus subsidiaire,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [G] de sa demande,

- en tout état de cause,

- condamner Mme [G] à leur payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Fischer Tandeau de Marsac Sur & Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures du 7 décembre 2015, Mme [G] demande à la cour de :

- à titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription,

ordonné le partage judiciaire de la succession de [B] [J],

désigné le président de la Chambre interdépartementale des notaires de Paris, avec faculté de délégation et de remplacement, pour y procéder,

dit que les parties devront communiquer au greffe de la 2ème chambre (1ère ou 2ème section) du tribunal de grande instance de Paris le nom du notaire commis,

rappelé que les parties devront remettre au notaire commis toutes les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,

rappelé que le notaire commis devra dresser un projet d'état liquidatif dans le délai d'un an à compter de sa désignation,

commis tout juge de la 2ème chambre (1ère ou 2ème section) du tribunal de grande instance de Paris pour surveiller ces opérations,

dit qu'elle dispose d'une créance à l'encontre des consorts [J] d'un montant de 500 000 euros,

- sur l'appel incident,

- la déclarer recevable et bien fondée,

- constater qu'elle est créancière de l'indivision au titre des travaux réalisés et des charges réglées,

- fixer sa créance au titre des charges de l'appartement à 177 408,69 euros, sauf à parfaire,

- fixer sa créance au titre des travaux à la somme de 44 443 euros sauf à parfaire,

- constater l'absence de jouissance divise (sic),

- subsidiairement, la réduire à une période de 17 mois,

- condamner les consorts [J] solidairement, in solidum ou qui mieux d'entre eux le devra, à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l'instance.

Mme [G] a déposé de nouvelles conclusions au fond et communiqué quatorze nouvelles pièces le 24 octobre 2016.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 octobre 2016.

Par conclusions de procédure du 4 novembre 2016, les consorts [J] sollicitent, au visa des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile, le rejet des débats des conclusions signifiées par Mme [G] le 24 octobre 2016, soit la veille de la clôture, et des pièces n° 6 à 19 communiquées par l'intéressée le même jour.

SUR CE

Sur la procédure

Considérant que les intimés sollicitent le rejet des débats des conclusions et des 14 pièces, numérotées 6 à 19, signifiées et communiquées par Mme [G] le 24 octobre 2016, soit la veille du prononcé de l'ordonnance de clôture, soutenant qu'il leur a été impossible d'y répliquer et d'exercer leur droit de se défendre ;

Considérant que si dans ses conclusions du 24 octobre 2016, Mme [G] réplique aux écritures de ses adversaires relatives à l'application de l'article 1360 du code de procédure civile, à son intention libérale et à la fin de non-recevoir tirée de l'article 564 du code de procédure civile, elle forme aussi une demande nouvelle au titre des travaux et des charges, portant sa demande de ce chef, à 79.343 euros sauf à parfaire, au lieu de 44 434 euros sauf à parfaire dans ses précédentes écritures, et a communiqué à l'appui de cette prétention quatorze nouvelles pièces, dont la plus récente est datée d'avril 2016 ;

Considérant que les parties avaient été avisées le 3 mai 2016 que la procédure serait clôturée le 25 octobre 2016 ;

Considérant qu'en déposant, le 24 octobre 2016, des conclusions assorties d'une demande nouvelle et de quatorze nouvelles pièces, qu'elle ne justifie pas avoir été dans l'impossibilité de se procurer jusque-là, Mme [G] a méconnu le principe de la contradiction en mettant les intimés, qui avaient conclu, quant à eux, pour la dernière fois, le 25 janvier 2016, dans l'impossibilité d'en prendre connaissance et d'y répondre en temps utile ; que dès lors, ses conclusions et pièces 6 à 19 signifiées et communiquées le 24 octobre 2016 seront écartées des débats et la cour statuera au vu de ses écritures et pièces 1-1 à 5-2 signifiées et communiquées le 7 décembre 2015 ;

Sur le partage

Considérant que la succession ne comporte en France que le bien immobilier sis à [Localité 9] ; que les parties conviennent qu'il est en indivision successorale entre elles, à concurrence d'un quart chacune ;

Considérant que les consorts [J] arguent de l'irrecevabilité de la demande de partage de l'appelante et ce, au visa de l'article 1360 du code de procédure civile, motif pris de ce que Mme [G] ne justifie pas avoir accompli la moindre diligence ou démarche pour parvenir à un partage amiable ;

Considérant que les consorts [J] qui ont introduit la présente instance aux fins de voir ordonner l'aliénation du bien immobilier indivis situé en France, dans les formes de l'article 815-5-1 du code civil, et sa licitation à la barre du tribunal de grande instance de Paris, ont eux-mêmes caractérisé, ce faisant, l'impossibilité de procéder à un partage amiable de la succession ; que dans leurs conclusions du 25 janvier 2016, page 6, ils indiquent : 'Dans le courant de l'année 2012, les consorts [J] ont souhaité mettre fin à l'indivision successorale et faire procéder à une vente amiable du bien indivis. Madame [G] s'y est opposée...' ;

Considérant que dès lors, la demande reconventionnelle aux fins de partage de Mme [G] est recevable ; que nul ne pouvant être contraint de demeurer dans l'indivision, elle est également fondée, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné le partage judiciaire de la succession de [B] [J] ;

Sur la licitation

Considérant qu'aucune des parties ne critique le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'attribution préférentielle de Mme [G], ordonné la licitation du bien immobilier dépendant de la succession et fixé les modalités de cette opération ; qu'il sera donc confirmé de ces chefs ;

Sur l'indemnité d'occupation

Considérant que les consorts [J] font plaider qu'ils n'ont jamais pu jouir du bien indivis dont ils ne disposaient pas des clés et dont l'accès leur a été refusé par l'intimée jusqu'à l'ordonnance en la forme des référés du 1er avril 2015 qui a organisé l'exercice des droits d'usage et de jouissance entre les quatre indivisaires et ordonné à Mme [G] de remettre les clés de manière à permettre l'instauration de ces modalités ; qu'ils sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a dit Mme [G] redevable à leur égard d'une indemnité d'occupation de 2 000 euros par mois à compter du 6 février 2009 jusqu'au jour de la vente du bien immobilier ;

Considérant que Mme [G] soutient que, depuis le décès de son époux, elle n'a pas eu l'usage privatif et exclusif du bien qui n'est qu'un pied à terre puisqu'elle réside à titre principal au Maroc et qu'il a toujours été convenu que les appelants pouvaient y accéder en se mettant d'accord entre eux sur les dates et la façon de récupérer les clés ; qu'elle conteste donc devoir une quelconque indemnité d'occupation et fait subsidiairement plaider qu'elle ne pourrait en être redevable que du 2 novembre 2013 au mois de mai 2015, date à laquelle il lui a été ordonné de restituer les clés, soit durant 17 mois, sollicitant en outre, la réduction du montant mensuel de l'indemnité à de plus justes proportions ;

Considérant que les courriels adressés à Mme [G] par Mme [H] [J] les 14 mai et 2 novembre 2013 pour annoncer les séjours qu'elle ferait à [Localité 10] et s'informer de la façon de récupérer les clés de l'appartement démontrent, la preuve n'étant pas rapportée que ces demandes seraient restées vaines, que le bien immobilier parisien dépendant de la succession était disponible pour tous les indivisaires ; que si Mme [G] en conservait les clés, celles-ci pouvaient être mises à la disposition des consorts [J] sur leur demande lors de leurs passages à [Localité 10] ;

Considérant que ces circonstances excluent l'existence d'une jouissance privative exclusive de la part de Mme [G] ; que sa lettre adressée à [A] [J] en mai 2012 aux termes de laquelle elle évoque son souhait de conserver la jouissance de l'appartement annonce simplement sa demande d'attribution préférentielle de celui-ci ;

Considérant que la demande des consorts [J] relative à l'indemnité d'occupation doit être, en conséquence, rejetée ;

Sur les créances invoquées par Mme [G]

Considérant que Mme [G] invoque, à l'encontre des consorts [J], une créance du chef du financement de l'acquisition du bien immobilier parisien et à l'encontre de l'indivision existant sur celui-ci, une créance du chef de travaux et de charges par elle payés ; qu'elle sollicite la confirmation du jugement qui a dit ses demandes non prescrites et lui a reconnu une créance de 500 000 euros à l'encontre des consorts [J] au titre du financement de l'acquisition du bien immobilier et son infirmation en ce qu'il a rejeté sa demande relative aux travaux et charges ;

Considérant que les appelants font plaider que les premiers juges ont statué ultra petita de tous ces chefs, dès lors Mme [G] ne leur avait pas demandé de fixer à son profit une quelconque créance à ces titres ni de se prononcer sur la recevabilité de telles demandes au regard de la prescription, moyen qu'ils ont soulevé d'office sans rouvrir les débats ; qu'ils sollicitent, faute de débat contradictoire à cet égard en première instance, l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription et en ce qu'il a dit Mme [G] créancière à leur égard de 500 000 euros ;

Considérant qu'au soutien de leur argumentation selon laquelle les premiers juges auraient statué ultra petita, les consorts [J] invoquent les dispositions de l'article 954 alinéa 2 dans sa rédaction issue du décret 2009-1524 du 9 décembre 2009 selon lesquelles, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ;

Considérant cependant, que ledit article applicable à la procédure d'appel ne l'est pas à la procédure se déroulant devant le tribunal de grande instance lequel est saisi de toutes les demandes des parties, qu'elles figurent au dispositif ou dans les motifs de leurs conclusions ;

Considérant que les consorts [J] indiquent eux-mêmes que, dans ses conclusions de première instance du 30 septembre 2014, Mme [G], soutenait, à l'appui de son argumentation tendant à voir rejeter leur demande aux fins d'aliénation du bien indivis, qu'elle avait financé l'acquisition de celui-ci et avait droit de ce fait à l'intégralité de sa valeur, selon l'estimation faite au décès de son époux, soit 500.000 euros, et qu'il faudrait tenir compte des dépenses afférentes au dit bien qu'elle avait engagées à hauteur de 221 651,69 euros ; qu'il résulte des termes de leurs propres conclusions de première instance qu'ils avaient opposé à cette argumentation la prescription des réclamations des chefs invoqués et leur absence de fondement, de sorte que ces points et les demandes de Mme [G] étaient dans le débat, du fait des seules parties, et que les premiers juges, qui en étaient saisis, n'ont soulevé aucun moyen d'office et n'ont pas statué ultra petita ;

Considérant que le moyen tiré par les consorts [J] de l'irrecevabilité des demandes de Mme [G] relatives à ses prétendues créances comme nouvelles en appel est, par suite, inopérant, étant précisé qu'en matière de partage, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif et à la fixation de leurs droits, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse au sens de l'article 564 du code de procédure civile, de sorte qu'elle est recevable même présentée pour la première fois en appel ;

La créance d'acquisition

Considérant que l'appelante prétend que des fonds qui lui appartenaient ont été utilisés pour financer intégralement, en 1990, l'acquisition par son époux seul du bien immobilier sis [Localité 9] et invoque de ce chef une créance de 500 000 euros à l'encontre des consorts [J] ;

Considérant que ces derniers répliquent que la demande de Mme [G], formée pour la première fois aux termes de conclusions du 30 septembre 2014, est prescrite, le délai de prescription y applicable, qui a couru à compter du décès de [B] [J], le [Date décès 1] 2008, et qui, de 30 ans est passé à 5 ans aux termes de l'article 2224 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008, ayant expiré le 19 juin 2013 ; qu'ils ajoutent que Mme [G] ne justifie pas que les fonds qui ont alimenté son compte bancaire, dont la plupart en provenance de l'étranger, lui étaient propres et arguent, encore plus subsidiairement, de son intention libérale en faveur de son époux dès lors qu'elle a accepté que ce dernier figure seul comme propriétaire dans l'acte de vente et qu'elle a signé, sans aucune réserve, la déclaration de succession et l'attestation immobilière dressée le 27 novembre 2009 aux termes desquelles le bien en cause appartient à hauteur d'un quart en pleine propriété à chacun d'eux ;

Considérant que Mme [G] invoque une créance à l'encontre de son époux, séparé de biens, aux droits duquel viennent, à la suite de son décès, les consorts [J] et elle-même ; qu'elle argue donc d'une créance à l'égard, non pas des consorts [J], mais de la succession de son époux ;

Considérant que l'article 2236 du code civil prévoit que la prescription ne court pas ou est suspendue entre époux ; qu'en l'espèce, elle n'a donc pas couru entre l'achat du bien en 1990 et le décès de [B] [J], survenu le [Date décès 1] 2008 ;

Considérant en outre, que leur rapport constituant une opération de partage, les dettes ne sont pas exigibles pendant toute la durée de l'indivision et la prescription de l'obligation qui leur a donné lieu est suspendue jusqu'à la clôture des opérations de partage ;

Considérant qu'il y a donc lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

Considérant que Mme [G] verse aux débats les relevés du compte bancaire dont elle est titulaire à la Société Générale faisant état :

- pour la période du 5 janvier au 6 février 1990, au crédit, du dépôt d'un chèque de 160.000 francs et d'espèces d'un montant de 50 000 francs et, au débit, le 16 janvier 1990, d'un virement de 150 054,56 francs au profit du notaire ayant reçu l'acte d'achat du bien immobilier en cause, et, le 20 janvier 1990, d'un chèque de 10 000 francs à l'ordre du même notaire,

- pour la période du 6 avril au 7 mai 1990, de l'inscription au crédit des sommes de 375 000 francs, 999 875,68 francs et de 92 800 francs et, au débit, d'une somme de 1.470.954,56 francs payée par chèque le 20 avril 1990 à l'ordre de Maître [V] ;

Considérant qu'il suit de là que la totalité du prix du bien acquis le 19 avril 1990 par [B] [J], soit 1.630.109,12 francs, a été prélevé sur le compte personnel de Mme [G], son épouse séparée de biens ;

Considérant que faute pour les consorts [J], auxquels la charge de cette preuve incombe, de démontrer que les fonds ayant alimenté le compte de l'intimée, qui n'a pas elle-même à faire la preuve de leur origine, étaient propres à leur père, il y a lieu de dire que Mme [G] a financé de ses derniers l'intégralité de l'acquisition du bien immobilier dépendant de la succession ;

Considérant que l'intention libérale ne se présume pas et doit être prouvée par celui qui s'en prévaut ; que force est de constater que les consorts [J] ne démontrent l'existence d'aucune circonstance et attitude de nature à établir qu'en avançant à son époux une somme aussi importante en 1990 que 1 630 109,12 francs, Mme [G] a eu une intention libérale à l'égard de l'intéressé ; que cette preuve ne saurait résulter de l'acquisition au seul nom de l'époux ;

Considérant que la signature par Mme [G] de la déclaration de succession et son absence de protestation lors de l'établissement de l'attestation de propriété attribuant à chacun d'eux la propriété d'un quart du bien immobilier ne vaut pas renonciation de l'intéressée à son droit d'invoquer une créance du chef du financement de l'acquisition ; que cette prétention qui a trait à la finance ne change rien à la propriété qui résulte du titre ;

Considérant que les premiers juges ont donc justement retenu que Mme [G] dispose d'une créance du chef du financement de l'acquisition du bien immobilier sis à [Localité 9] et fixé celle-ci à la mesure de la plus-value procurée par l'avance par elle consentie au patrimoine de son époux, soit à 500 000 euros, correspondant à l'évaluation du bien par l'agence CPG Immobilier reprise dans la déclaration de succession ; que la cour, infirmant le jugement de ce chef et statuant à nouveau quant à ce, dira cependant que l'intimée dispose de cette créance non pas à l'égard des consorts [J] mais de la succession de son époux ;

La créance de travaux et de charges

Considérant que la fin de non-recevoir soulevée par les consorts [J] doit être rejetée aux mêmes motifs que ceux ci-dessus développés à propos de la créance d'acquisition ;

' Les travaux

Considérant que Mme [G] prétend à une créance de 44 443 euros, précisant qu'elle a payé cette somme de ses derniers personnels du 1er janvier 1990 au 1er janvier 2012 pour faire face à des travaux d'amélioration de l'appartement, propriété de son époux ;

Considérant que les consorts [J] s'opposent à cette prétention en faisant valoir que Mme [G] ne démontre pas avoir réglé les travaux à l'aide de deniers personnels et ne justifie pas de l'origine des fonds ayant alimenté son compte bancaire ; qu'ils ajoutent que les travaux invoqués n'en sont pas, les factures produites faisant état d'achat d'électroménager et de meubles meublants ;

Considérant que les factures produites par Mme [G], toutes antérieures au décès de [B] [J], sont relatives, non pas à la réalisation de travaux, mais à l'achat d'éléments d'équipement et de meubles ; qu'elles correspondent à des dépenses liées à la jouissance du bien immobilier, pied-à-terre parisien du couple, que l'intimée a partagée durant 18 ans avec son époux et qui ne peuvent dès lors donner lieu à une créance à son profit ; que sa demande de ce chef doit être rejetée et le jugement confirmé de ce chef ;

' Les charges

Considérant que Mme [G] soutient qu'elle a supporté :

- la taxe foncière de 1990 à 2013 pour 26 359,77 euros,

- l'assurance habitation de 1990 à 2013 pour 3 920 euros

- les charges de copropriété de 1990 à 2013 pour 119 828 euros

- les charges EDF et GDF du 1er janvier 1990 au 1er janvier 2013 pour 4 688,30 euros

- la taxe d'habitation pour 22 612,62 euros

- les charges France Telecom et Orange du 1er janvier 1990 au 1er janvier 2013,

et invoque une créance sur la succession d'un montant total de 177 408,69 euros sauf à parfaire ;

Considérant que les consorts [J] font plaider que les impôts et charges incombent à l'occupant de sorte que l'intimée qui a la jouissance exclusive du bien depuis toujours ne peut se prévaloir d'aucune créance de leur chef ;

Considérant que l'intimée justifie par la production de ses relevés de comptes s'être acquittée de l'intégralité des charges ci-dessus mentionnées à l'aide de deniers personnels ;

Considérant que les charges supportées de 1990 jusqu'au décès de [B] [J] ont cependant la nature de charges de la jouissance, de sorte que Mme [G] ne peut se prévaloir d'aucune créance de leur chef sur la succession ;

Considérant que l'intimée est en revanche fondée en sa demande relative aux charges dont elle s'est acquittée seule depuis le décès de son époux pour le compte de l'indivision successorale à laquelle elles incombent toutes, dès lors qu'a été exclue toute jouissance privative exclusive de sa part ; que la cour dira en conséquence que Mme [G] dispose à l'égard de l'indivision successorale existant sur le bien immobilier situé à [Localité 10] 8ème des créances suivantes :

- 1 741 euros du chef de la taxe foncière de 2008 et de 2009,

- 1 303 euros du chef de l'assurance habitation de 2008 et 2009,

- 28 976,31 euros du chef des charges de copropriété de 2008 à 2012,

- 2 853 euros du chef de la taxe d'habitation 2008 et 2009,

- 1 004 euros du chef des factures EDF-GDF de 2008 à 2012,

outre les charges de copropriété pour travaux et les factures France-Télécom - Orange payées par elle à compter du [Date décès 1] 2008, dont les pièces du dossier ne permettent pas à la cour de calculer le montant exact, et le tout à parfaire des règlements qu'elle justifiera avoir opérés de ces divers chefs postérieurement aux périodes déjà prises en comptes ci-dessus et jusqu'au partage ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que l'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que les dispositions du jugement qui ne sont pas critiquées doivent être confirmées ;

PAR CES MOTIFS

Ecarte des débats les conclusions et pièces 6 à 19 signifiées et communiquées le 24 octobre 2016 par Mme [G],

Déboute les consorts [J] de leur demande tendant à voir dire que les premiers juges ont statué ultra petita,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit que Mme [G] dispose d'une créance à l'encontre des consorts [J] d'un montant de 500 000 euros, dit que les consorts [J] disposent d'une créance à l'encontre de Mme [G] au titre de l'indemnité d'occupation d'un montant de 2 000 euros par mois à compter du 6 février 2009 jusqu'au jour de la vente et débouté Mme [G] de sa demande relative aux charges, taxes, frais EDF, France Télécom, Orange, assurance habitation,

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

Dit que Mme [G] dispose du chef du financement de l'acquisition du bien immobilier sis [Localité 9] d'une créance de 500 000 euros à l'égard de la succession de [B] [J],

Déboute les consorts [J] de leur demande d'indemnité d'occupation,

Dit que Mme [G] dispose à l'égard de l'indivision successorale existant sur le bien immobilier sis [Localité 9] des créances suivantes :

- 1 741 euros du chef de la taxe foncière de 2008 et de 2009,

- 1 303 euros du chef de l'assurance habitation de 2008 et 2009,

- 28 976,31 euros du chef des charges de copropriété de 2008 à 2012,

- 2 853 euros du chef de la taxe d'habitation 2008 et 2009,

- 1 004 euros du chef des factures EDF-GDF de 2008 à 2012,

outre les charges de copropriété pour travaux et les factures France-Télécom - Orange payées par elle à compter du [Date décès 1] 2008 et le tout à parfaire des règlements qu'auprès du notaire liquidateur, elle justifiera avoir opérés de ces divers chefs postérieurement aux périodes déjà prises en comptes et jusqu'au partage,

Rejette toute autre demande,

Dit que les dépens seront employés en frais de partage,

Rappelle que cet emploi exclut l'application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 15/15461
Date de la décision : 18/01/2017

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°15/15461 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-18;15.15461 ?
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