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05/01/2017 | FRANCE | N°14/01463

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 05 janvier 2017, 14/01463


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 05 janvier 2017

(n° 6 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/01463



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Novembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/11811





APPELANT

Monsieur [Z] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

comparant en personne

, assisté de Me Véronique MARTINEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C0298



INTIMEE

SARL [Q] FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : [Q]

représentée par Me Frédéric LEC...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 05 janvier 2017

(n° 6 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 14/01463

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 Novembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 12/11811

APPELANT

Monsieur [Z] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Véronique MARTINEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C0298

INTIMEE

SARL [Q] FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : [Q]

représentée par Me Frédéric LECLERCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0081

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Octobre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-président placé, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine BEZIO, Président de chambre

Mme Patricia DUFOUR, conseiller

Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-président placé

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine BEZIO, Président et par Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, greffière présente lors du prononcé.

Faits et procédure :

Monsieur [Z] [J] a été engagé par la Société [Q] par un contrat à durée indéterminée à compter du 01 juin 1995, en qualité de représentant.

Après avoir exercé les fonctions de représentant, puis Directeur commercial en cahrge du marché francophone (01 janvier 1996), puis Directeur Général (01 octobre 1999), Monsieur [J] a été promu, à compter du 01 août 2010, Directeur commercial international.

L'entreprise compte plus de 10 salariés.

La relation de travail est régie par la Convention collective de l'Edition.

Monsieur [J] indique dans le cadre de ses écritures qu'il a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier en date du 14 septembre 2013, courrier qui est intitulé « démission » et qui débute par « je vous informe par la présente de ma décision de démissionner ».

Monsieur [J] a saisi le Conseil de Prud'hommes de PARIS le 26 octobre 2012 d'une demande tendant en dernier lieu à « dire que la modification du contrat de travail unilatérale produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse » et à titre subsidiaire « dire nul le licenciement du fait du harcèlement moral ». Dans ses écritures devant la Cour, il indique avoir saisi le Conseil de Prud'hommes d'une demande tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail, ce qui n'apparait pas dans le jugement déféré.

Par décision en date du 21 novembre 2013, le Conseil de Prud'hommes a débouté Monsieur [J] de l'ensemble de ses demandes.

Monsieur [J] a interjeté appel de cette décision dont il sollicite l'infirmation. Il demande à la Cour de dire, à titre principal, que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul et de condamner la Société [Q] à lui payer les sommes suivantes, augmentées des intérêts au taux légal :

-50 000 à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

-100 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

-230 000 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

-19 814, 47 euros à titre d'indemnité de la perte de gains professionnels,

-49 993, 50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-4 999, 35 euros au titre des congés payés afférents,

A titre subsidiaire, Monsieur [J] demande à la Cour de dire que « la rupture de son contrat de travail résulte du refus de la modification de son contrat de travail par le salarié et d'autre part, du non respect par l'employeur des dispositions légales en matière de durée du travail, constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse ». Il demande à la Cour de condamner la Société [Q] au paiement des sommes suivantes :

-50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

-100 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-230 000 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

-19 814, 47 euros à titre d'indemnité de la perte de gains professionnels,

-49 993, 50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-4 999, 35 euros au titre des congés payés afférents,

En tout état de cause, Monsieur [J] sollicite la condamnation de la Société [Q] au paiement des sommes suivantes :

-312 364, 48 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,

-31 236, 44 euros au titre des congés payés afférents,

-196 581, 20 euros au titre du repos compensateur non pris,

-100 000 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

Monsieur [J] demande également la condamnation de la Société [Q] au paiement de la somme de 31 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'employeur conclut à la confirmation du jugement et au rejet de l'ensemble des demandes de Monsieur [J]. Il sollicite également la condamnation de Monsieur [J] au paiement de la somme de 8333 euros au titre de l'indemnité de préavis et de la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 32-1 du Code de procédure civile à titre d'amende civile et à la même somme à titre de dommages-intérêts pour la Société [Q]. Il demande également la condamnation de Monsieur [J] au paiement de la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 28 octobre 2016, reprises et complétées à l'audience.

MOTIVATION,

sur les heures supplémentaires :

En application des dispositions de l'article L 3111-2 du Code du travail, les cadres-dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titre II et III du même code.

Sont considérés comme ayant la qualité de cadre-dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Monsieur [J] soutient qu'il n'avait pas la qualité de cadre-dirigeant et qu'il était donc soumis à la durée légale hebdomadaire du travail. Il indique qu'il ressort des termes même de son contrat de travail qu'il ne bénéficiait pas de l'autonomie dont dispose en principe un cadre dirigeant.

La Société [Q] indique que Monsieur [J] exerce les fonctions de Directeur commercial international et que ses tâches relèvent des fonctions attribuées à un cadre-dirigeant. Elle explique également qu'il bénéficie d'une rémunération conséquente, parmi les plus élevées de l'entreprise. Elle ajoute que les conditions de travail de Monsieur [J] sont très confortables, ce dernier pouvant travailler plus de 40% de son temps en étant à son domicile et qu'il prend ses congés comme il le souhaite, bénéficiant d'une grande liberté d'organisation.

Il ressort de l'avenant au contrat de travail, celui par lequel Monsieur [J] est promu Directeur Commercial international, qu'il bénéficie du « statut cadre dirigeant, catégorie C5 ». Il ressort également des dispositions de la convention collective de l'Edition applicable en l'espèce que la catégorie à laquelle appartient Monsieur [J] est la plus haute parmi la classification des cadres, ce qui correspond par ailleurs à sa rémunération mensuelle qui s'élève à 16 600 euros bruts.

La Cour constate également que Monsieur [J] est à l'initiative des propositions d'augmentations de salaire auprès de Monsieur [Q], Président de la Société [Q].

En revanche, il ressort des organigrammes versés aux débats par la Société elle-même qu'en dépit du poste occupé par Monsieur [J] et du montant de sa rémunération, il existe entre lui et Monsieur [Q] un échelon intermédiaire hiérarchique, occupé initialement par Monsieur [T] puis dédoublé entre deux personnes. Il apparaît également que Monsieur [J] occupe un poste de cadre au même rang que plusieurs autres salariés de l'entreprise, dont le nombre tend à écarter la qualité de cadre-dirigeant et de personne habilitée à effectuer les choix stratégiques de l'entreprise en toute autonomie.

Il apparaît également, à la lecture des mails produits par la Société [Q], que Monsieur [J] en réfère très régulièrement à Monsieur [Q] avant de valider les congés des membres de sa propre équipe ou encore pour définir des choix commerciaux.

Au regard de ces éléments, la Cour relève que Monsieur [J] exerce ses fonctions dans un cadre hiérarchique certain qui autorise à écarter la qualité de cadre-dirigeant, l'exercice concret de ses fonctions venant démentir la lettre de son contrat de travail.

Dès lors, Monsieur [J] est bien-fondé à solliciter l'application des dispositions afférentes à la durée légale hebdomadaire maximale.

Ainsi, la durée légale du travail effectif prévue à l'article L.3121-10 du code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L. 3121-22 du même code.

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

Monsieur [J] indique que, contrairement à ce qu'affirme la Société [Q], il n'avait pas la qualité de cadre dirigeant. Il explique qu'il finissait quotidiennement vers 20h ou 22h et qu'il réalisait ainsi 20 heures supplémentaires par semaine, soit 04 heures par jour. Il verse aux débats des copies d'agenda.

Il fait alors, dans le cadre de ses écritures, un calcul projectif à partir du nombre de jours travaillés dans une année, en déduisant les fins de semaine (samedi et dimanche), les congés et les jours fériés. Il arrive ainsi à la somme de 2008 heures entre le 01 août 2010 (date de son nouveau contrat de travail) et le 14 septembre 2012, date de son premier arrêt de travail.

Monsieur [J] étaye sa demande.

L'employeur fait valoir que Monsieur [J] n'a jamais été contraint d'exécuter des heures supplémentaires à la demande de la Société [Q] et rappelle que Monsieur [J] travaillait essentiellement à son domicile conformément à son contrat de travail.

La Cour constate que la copie de l'agenda produit par Monsieur [J] dément ses affirmations selon lesquelles il finirait ses journées entre 20 h et 22 heures, tant les horaires mentionnés dans les cases quotidiennes correspondent le plus souvent à des fins de journées vers 18h.

Par ailleurs, l'examen minitieux des mails produits par Monsieur [J] lui-même démontre que celui-ci n'est jamais à l'initiative d'un mail à des horaires tardifs. De la même manière, il apparaît que les voyages à [Localité 2], bien qu'ils impliquent des horaires matinaux (6h), ne sont pas l'occasion d'heures supplémentaires, le retour le lendemain à un horaire ordinaire et l'absence de précision afférente aux autres jours de la semaine démontrant l'absence d'heures supplémentaires non rémunérées.

Dès lors, le calcul hypothétique fait par Monsieur [J] pour expliciter sa demande à hauteur de 312 364, 48 euros est contredit par des éléments objectifs versés par les parties aux débats relatifs à l'organisation du temps de travail.

Ainsi, sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la Cour a la conviction que Monsieur [J] n'a pas effectué d'heures supplémentaires non rémunérées.

Au regard de ces éléments, Monsieur [J] est débouté concernant sa demande relative au paiement des heures supplémentaires et des congés payés afférents. Le jugement est confirmé.

Les demandes accessoires, afférentes au repos compensateur et au travail dissimulé, procédant des prétendues heures supplémentaires impayées, sont en conséquence rejetées.

sur le harcèlement moral :

En application des articles L1152-1 et suivants du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

S elon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

En cas de litige, en application de l'article L 1154-1 du code du travail, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision se justifie par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures qu'il estime utile.

Monsieur [J] affirme qu'il a subi une importante dégradation de ses conditions de travail à compter du départ de son supérieur hiérarchiqure direct en 2011, Monsieur [T], et à son rattachement direct à Monsieur [Q]. Il affirme qu'il a subi les propos humiliants de Monsieur [Q] à son égard, des annulations de rendez-vous inopinées qui étaient dévalorisantes pour lui, que Monsieur [Q] ne répondait plus à des messages professionnels importants et que ce dernier a utilisé des propos « vulgaires et déplacés » à son encontre, allant même jusqu'à lui dire au cours d'une réunion de « baisser les yeux ».

Il explique aussi que la dégradation de ses conditions de travail résulte de la modification unilatérale de son lieu de travail, notamment à compter du mois d'août 2012, lorsque Monsieur [Q] lui a imposé de venir une semaine par mois à [Localité 2] alors que cela ne correspondait pas à la répartition prévue dans son contrat de travail.

Monsieur [J] verse aux débats les arrêts pour maladie successifs qu'il s'est vu délivrer, ainsi que les ordonnances médicales.

Monsieur [J] établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

L'employeur fait valoir que Monsieur [Q], contrairement aux assertions du salarié, a toujours utilisé un ton cordial à l'égard de Monsieur [J], réfute avoir tenu des propos humiliants et explique que l'annulation de rendez-vous est très ponctuelle et s'explique par des déplacements internationaux particulièrement nombreux, sans lien avec Monsieur [J] en particulier.

La Cour relève, en premier lieu, que les mails cités par Monsieur [J] pour démontrer l'existence de propos désobligeants à son égard sont en réalité des mails afférents aux chiffres et aux résultats de l'entreprise, sans que les qualités professionnelles ou les compétences de Monsieur [J] ne soient visées ou remises en cause. L'utilisation de l'expression « ces chiffres sont bons à jeter à la poubelle » n'est manifestement pas un dénigrement de Monsieur [J] mais l'expression d'un constat par rapport à une diminution des résultats de l'entreprise sans même que cette diminution soit imputée à Monsieur [J] par Monsieur [Q].

La Cour constate en second lieu que les autres mails versés aux débats, hormis les deux seuls extraits in extenso repris dans ses écritures par Monsieur [J], sont tous rédigés en des termes particulièrement respectueux et cordiaux, contenant réciproquement les mots « cher JJ », « bien cordialement », aucun ne contenant un terme même seulement inapproprié.

Ensuite, il ressort des propres attestations versées par Monsieur [J] qu'avec Monsieur [Q] « le mode de communication est direct, bref et sobre, parfois avec des abréviations , sans trop de formalité ['] et que si on observe certains critères, qui par ailleurs me semble être la base de toute communication, telles la politesse, la franchise et la conscience de sa propre valeur, Monsieur [Q] est très attentif, ouvert et disponible ['] ». Le second salarié précise « les contacts au quotidien ont principalement lieu par e-mails, du fait du décalage horaire important entre [Localité 3] et [Localité 2]. Les e-mails sont le plus souvent très brefs mais il est cependant essentiel d'établir une relation de confiance. Les frustrations et les critiques sont également formulées dans des e-mails très courts mais de façon très polie ». Les éléments précis et circonstanciés relevés par ces deux autres collaborateurs de Monsieur [J] contredisent précisément ses affirmations et, au contraire, corroborent le ton cordial et respectueux observé constamment à la lecture des échanges de mails produits aux débats.

S'agissant de la modification du lieu de travail à la suite du mail du 15 août 2012 dans le cadre duquel Monsieur [Q] indique à Monsieur [J] qu'il devra se rendre à [Localité 2] une semaine par mois, il apparaît que cette directive s'inscrit dans le découpage du temps et des différents lieux de travail mentionnés dans le contrat de travail signé par les parties et n'obère pas l'équilibre de la répartition des différents lieux de travail de Monsieur [J], ce dernier demeurant en majorité à son domicile.

Enfin, les sollicitations régulières de Monsieur [Q] à l'égard de Monsieur [J], comme la création de deux postes au lieu et place du poste de Directeur Général, sont l'expression d'un pouvoir de direction légitime de la part du dirigeant de la Société [Q] à l'égard d'un collaborateur essentiel dont les choix et les fonctions sont déterminants pour la bonne marche de l'entreprise.

Il ressort en définitive de l'ensemble des explications et pièces produites par l'employeur que les éléments avancés par Monsieur [J] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il convient donc de débouter Monsieur [J] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral résultant d'un harcèlement moral, ce dernier n'étant pas démontré, ainsi que de ses demandes subséquentes concernant la perte de salaire. Le jugement de première instance est confirmé sur ces points.

sur la démission :

Monsieur [J] a adressé par courrier recommandé avec accusé de réception une lettre à son employeur le 14 septembre 2013 dont les termes sont les suivants « je vous informe par la présente de ma décision de démissionner de mes fonctions de Directeur Commercial international suite à la modification de mon contrat de travail et au harcèlement moral dont j'ai fait l'objet ['] Cette démission fait suite à la dégradation des conditions de travail [...] ».

La démission ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de la volonté du salarié de rompre le contrat de travail.

En dépit de l'absence de réserves aux termes de la lettre adressée à l'employeur, la démission peut être remise en cause s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque.

Monsieur [J] soutient que sa démission était équivoque et doit s'analyser en une prise d'acte de la rupture en raison des manquements graves de son employeur, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A l'inverse, la Société [Q] soutient que la démission n'est pas équivoque et que Monsieur [J] souhaitait mettre fin à la relation de travail.

A la lecture même du courrier rédigé par Monsieur [J], dont les termes sont succinctement reproduits ci-dessus, il ne peut qu'être relevé que sa volonté de démissionner est équivoque.

Dès lors, la démission de Monsieur [J] doit s'analyser une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail.

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il résulte de la combinaison des articles L 1231-1, L 1237-2 et L 1235- 1 du Code du Travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

Au soutien de la prise d'acte de la rutpure de son contrat de travail, Monsieur [J] développe les éléments afférents au harcèlement moral, la violation de la durée légale du travail ainsi que la modification unilatérale de son contrat de travail suite à la modification de son lieu de travail.

Compte-tenu de ce qui précède s'agissant des demandes précédentes de Monsieur [J] dont il est intégralement débouté, la Cour ne peut que retenir que les manquements allégués par Monsieur [J] ne sont pas établis.

Au surplus, la Cour relève que le courrier adressé par Monsieur [J] à son employeur le 14 septembre 2013 fait suite à une longue absence de l'entreprise et précède une nouvelle embauche dans une autre maison d'édition, à compter du 17 octobre 2013.

Il s'ensuit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié produit les effets d'une démission. Le jugement est confirmé.

Par conséquent, Monsieur [J] est débouté de ses demandes au titre des indemnités de rupture (indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents, indemnité de licenciement) et au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est confirmé.

sur le préjudice moral :

A nouveau, Monsieur [J] soutient que la modification unilatérale de son contrat de travail lui a causé un important préjudice moral.

Il ne peut qu'être rappelé que la demande de Monsieur [Q] de se rendre une semaine par mois à [Localité 2] n'est que la stricte application de la répartition contractuelle choisie par les parties qui fixe le temps de travail mensuel à [Localité 2] à « 25% ». Nonobstant les pratiques passées au cours desquelles Monsieur [J] se rendait deux jours par mois à [Localité 2], il demeure que la modification de la pratique à compter d'août 2012, sur directive de Monsieur [Q], s'inscrit dans le pouvoir de direction de l'employeur sans en excéder les limites et correspond à la mise en oeuvre d'une clause contractuelle sans modification unilatérale.

Monsieur [J] est débouté de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral. Le jugement est confirmé.

L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et de condamner Monsieur [J] au paiement à la Société [Q] de la somme de 2000 euros.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE Monsieur [J] aux entiers dépens,

CONDAMNE Monsieur [J] au paiement de la somme de 2000 euros à la Société [Q] en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 14/01463
Date de la décision : 05/01/2017

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°14/01463 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-05;14.01463 ?
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