La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2016 | FRANCE | N°15/10257

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 15 décembre 2016, 15/10257


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2



ARRÊT DU 15 DÉCEMBRE 2016



(n° 2016-401, 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 15/10257



Décision déférée à la cour : jugement du 16 avril 2015 -Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 13/07642





APPELANT



Monsieur [H] [H]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1978

à [Localité 2]



Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assisté de Me Sabrina GOLDMAN, avocat au barre...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 2

ARRÊT DU 15 DÉCEMBRE 2016

(n° 2016-401, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/10257

Décision déférée à la cour : jugement du 16 avril 2015 -Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 13/07642

APPELANT

Monsieur [H] [H]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 2]

Représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assisté de Me Sabrina GOLDMAN, avocat au barreau de PARIS, Toque : G 659

INTIMÉE

SARL SOCIÉTÉ PARISIENNE DE LA PISCINE PONTOISE (S3P)

Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

N° SIRET : 529 519 746

Représentée et assistée de Me Henri-joseph CARDONA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1533

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 novembre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre, chargée du rapport et de Mme Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre

Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère

Mme Isabelle CHESNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Malika ARBOUCHE

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Hélène POINSEAUX, présidente et par Mme Josette THIBET, greffière, présente lors du prononcé.

*********

Le 13 février 2013, M. [H] [H] a déposé plainte pour le vol d'une montre de marque Patek Phillipe survenu le même jour, sans effraction, dans un casier des vestiaires du complexe sportif géré par la Société parisienne de la piscine de Pontoise (S3P) où il était venu pratiquer le squash. A ce titre, il a réclamé par lettre du 14 février 2013 un remboursement de 33 680 euros à la société S3P, qui en a refusé le règlement. Le 27 mai 2013, il a assigné celle-ci devant le tribunal de grande instance de Paris, entendant faire prononcer au visa des articles 1147, 1149, 1917, 1927 et 1928 du code civil sa condamnation à lui payer cette somme en indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 16 avril 2015, le tribunal a débouté M. [H] de l'intégralité de ses demandes. Le tribunal a retenu en substance que l'établissement sportif était tenu en application de l'article 1928 du code civil à une obligation de moyens renforcée laissant présumer la faute du dépositaire en cas de perte de la chose, que le vol était bien établi par une attestation et les déclarations précises et constantes de la victime, mais que le vol d'une montre d'une valeur de 33 680 euros dans un casier qui ne présentait pas la même sécurité qu'un coffre-fort et qui n'était pas destiné à accueillir des effets de grande valeur ne pouvait être considéré comme un dommage prévisible au sens de l'article 1150 du même code.

M. [H] a relevé appel de cette décision et, dans ses dernières conclusions notifiées le 26 janvier 2016, il demande d'infirmer le jugement, de constater que la société S3P était dépositaire de ses effets personnels rangés dans le casier mis à sa disposition dans le vestiaire, de juger que la société S3P a commis une faute dans son obligation de garde, et de la condamner à lui verser la somme de 33 680 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. Subsidiairement, il sollicite la condamnation de la société S3P à lui verser la somme de 15 000 euros à ce même titre, comme constituant la valeur moyenne du contenu normal d'un casier. En tout état de cause, il conclut au débouté de l'ensemble des prétentions de la société S3P et demande sa condamnation à lui verser la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il fait valoir que la société S3P a conclu tacitement un contrat de dépôt en proposant des casiers à ses clients, qu'elle avait une obligation de moyen renforcée quant à la garde et la surveillance des effets personnels déposés pour l'exercice d'une activité sportive au sein de l'établissement, qu'elle ne peut soutenir que le fait dommageable n'est pas prouvé puisque la déclaration de vol a été immédiate et circonstanciée, et qu'elle est parfaitement corroborée par les déclarations de Mme [Y] présente dans l'établissement ainsi que par l'intervention sur place des services de police. Il observe que sa plainte n'a été classée sans suite qu'en l'absence d'identification de l'auteur, malgré son signalement d'un individu suspect à proximité du casier pendant qu'il prenait sa douche, et non en raison de la caractérisation insuffisante de l'infraction. Il soutient que la gratuité du dépôt ne peut dégager la société S3P de sa responsabilité selon l'article 1917 du code civil, pas plus que la clause d'exonération de son règlement intérieur qui doit être jugée abusive comme créant un déséquilibre significatif au détriment du consommateur auquel le dépôt de ses effets personnels est nécessairement imposé pour la pratique des activités proposées. Il ajoute, sur l'indemnisation du préjudice, que la valeur de remplacement de la montre est de 33 680 euros, qu'elle correspond à un dommage prévisible pour la société S3P qui doit normalement prévoir que le public relativement aisé qu'elle accueille sera en possession d'objets de valeurs et, subsidiairement, que la prévisibilité du dommage ne concerne que son étendue de sorte que le préjudice pourra être estimé à 15 000 euros.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 27 septembre 2016, la Société parisienne de la piscine de Pontoise (S3P) demande au visa des articles 1150 et 1928 du code civil de confirmer le jugement déféré, de juger M. [H] mal fondé en ses demandes, de l'en débouter, et de le condamner à lui régler la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle fait valoir que la preuve de la réalité du vol n'est pas rapportée, que M. [H] ne démontre pas même s'être rendu au sein de l'établissement avec une montre de luxe qu'il n'a pas cru devoir laisser à l'accueil, que les bandes de vidéo surveillance n'ont d'ailleurs rien révélé de suspect, que Mme [Y] n'a pas été directement témoin du prétendu vol, et que son attestation dactylographiée devra être écartée des débats comme ne satisfaisant pas aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile. Elle ajoute qu'elle n'a commis aucune faute, que l'usage des vestiaires et la fourniture de cadenas sont gratuits, que la gratuité du dépôt est de nature à limiter les obligations du dépositaire selon l'article 1928 du code civil, et que la clause du règlement intérieur qui précise que la société S3P n'est pas responsable des vols éventuels d'effets personnels dans les vestiaires et cabines est licite, dans la mesure où elle ne constitue qu'une clause limitative de responsabilité applicable à un contrat de dépôt gratuit et facultatif pour les usagers. Elle relève, sur le préjudice, que la somme réclamée correspond à la valeur d'achat de la montre acquise le 3 mai 2009 sans tenir compte de son usure et de sa dépréciation, et qu'il est pour le moins anormal et donc imprévisible qu'un usager se rende dans une piscine municipale avec une montre de cette valeur, l'établissement étant un club de gamme moyenne ayant vocation à accueillir tous les publics dans l'esprit de délégation de service public qui lui a été accordée, de sorte que le prétendu vol ne saurait donner lieu à une indemnisation totale ni partielle.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En mettant à la disposition de ses usagers un casier pour y laisser leurs effets personnels, la société S3P s'engage à supporter les obligations nées du dépôt. La clause générale du règlement intérieur par laquelle elle décline toute responsabilité pour les vols de biens personnels dans les vestiaires et cabines ne peut l'exonérer des obligations ainsi contractées à l'occasion d'une telle remise.

M. [H], auquel il incombe de rapporter la preuve de l'objet de ce dépôt, a communiqué aux enquêteurs saisis de la déclaration de vol le certificat d'origine de la montre de marque Patek Philippe dont il a fait l'acquisition le 3 mai 2004, et versé aux débats une déclaration de Mme [C] [Y] qui rapporte que l'intéressé portait une montre de cette marque à son arrivée à l'espace sportif où elle l'avait accompagné le 13 février 2013 pour une séance de squash, qu'il n'avait plus la montre au poignet en sortant du vestiaire, qu'il a répondu par l'affirmative quand elle lui a demandé s'il avait laissé la montre dans son casier du vestiaire, et qu'à l'issue de la séance de squash elle l'a vu affolé disant que la montre lui avait été volée. Bien que non rédigée de la main de son auteur, cette déclaration signée et assortie d'une pièce d'identité est suffisamment convaincante quant aux faits qui y sont relatés.

Mais, l'établissement sportif, tenu en application des articles 1927 et 1928 du code civil d'une obligation de moyens s'agissant des soins apportés à la garde des choses confiées, justifie pour sa part avoir fourni à son client un dispositif permettant d'assurer la fermeture de son casier et de se prémunir contre le vol. Il est en effet constant qu'un cadenas avec une clé a été remis à M. [H] à son arrivée, lequel explique avoir, après la séance de squash, ouvert puis refermé son casier contenant encore la montre pour prendre ses affaires de toilettes et se rendre au sauna situé dans la même pièce puis dans les douches, d'où il a remarqué un individu suspect stationnant quelques minutes devant le casier. Il met en doute la fiabilité du système de fermeture pour avoir constaté lui-même ainsi qu'un employé de l'établissement, M. [F], qu'un cadenas pouvait être ouvert avec une autre clé. Cependant, l'inefficacité des moyens mis en oeuvre pour éviter le dommage ne saurait être reconnue dans les circonstances de l'espèce où un autre employé, M. [V], rapporte avoir entendu l'un des deux clients parlant du vol dire qu'il avait laissé sa montre dans son casier mais sans le fermer avec le cadenas car il était dans le sauna et qu'il surveillait grâce au miroir. Il s'ensuit qu'un manquement de l'établissement à ses obligations n'est pas objectivement caractérisé à l'origine du dommage.

D'autre part, le tribunal a exactement retenu que le vol d'une montre d'une valeur de 33 680 euros dans un casier qui n'était pas destiné à accueillir des effets d'une telle valeur ne constituait pas un dommage prévisible au sens de l'article 1150 du code civil. M. [H] fait valoir en vain que l'établissement reçoit un public aisé compte tenu d'un abonnement annuel de 692 euros à l'espace de remise en forme, soit 58 euros par mois, et entend comparer ce tarif à ceux de deux autres espaces de la Ville, alors que ceux-ci correspondent à un accès à la piscine, que le coût précité est en tout cas bien inférieur à celui de 80 à 150 euros par mois de l'abonnement à un club privé dont la société S3P produit les tarifs, et que la société intimée offre en fait un accès à son espace sportif au tarif unitaire de 4,50 euros pour une entrée simple, 20 euros pour l'espace de remise en forme et 30 euros pour ses installations de squash, adapté au grand public. C'est également en vain que M. [H] prétend à titre subsidiaire obtenir une contrepartie seulement partielle de son préjudice, qui reviendrait à l'indemniser de la perte d'un objet de moindre coût ne correspondant pas au dommage réellement allégué.

Dès lors, le jugement qui a débouté M. [H] de ses demandes sera confirmé en toutes ses dispositions.

Il est équitable de compenser à hauteur de 2 000 euros les frais non compris dans les dépens que la société intimée a été contrainte d'exposer.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne M. [H] [H] aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, et à verser à la Société parisienne de la piscine de Pontoise (S3P) la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du même code.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 15/10257
Date de la décision : 15/12/2016

Références :

Cour d'appel de Paris C2, arrêt n°15/10257 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-12-15;15.10257 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award