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24/11/2016 | FRANCE | N°15/098807

France | France, Cour d'appel de Paris, C2, 24 novembre 2016, 15/098807


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 2- Chambre 2

ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2016
(no 2016-380, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/ 09880
Décision déférée à la cour : jugement du 08 octobre 2014- tribunal de grande instance de PARIS-RG no 13/ 13874

APPELANTE

Madame Marie, Céline, Armandine, Geneviève X... épouse Y... ...... née le 24 Juin 1939 à Domagne (35113)

Représentée et assistée par Me Sylvaine PORCHERON, avocat au barreau de PAR

IS, toque : D1507

INTIMÉE

Société AXA ASSURANCES VIE MUTUELLE 313 Terrasses de l'Arche 92727 NANTERRE No S...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 2- Chambre 2

ARRÊT DU 24 NOVEMBRE 2016
(no 2016-380, pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/ 09880
Décision déférée à la cour : jugement du 08 octobre 2014- tribunal de grande instance de PARIS-RG no 13/ 13874

APPELANTE

Madame Marie, Céline, Armandine, Geneviève X... épouse Y... ...... née le 24 Juin 1939 à Domagne (35113)

Représentée et assistée par Me Sylvaine PORCHERON, avocat au barreau de PARIS, toque : D1507

INTIMÉE

Société AXA ASSURANCES VIE MUTUELLE 313 Terrasses de l'Arche 92727 NANTERRE No SIRET : 353 457 245

Représentée par Me Hannah-annie MARCIANO, avocat au barreau de PARIS, toque : D0273 Assistée de Me Elodie QUINTARD, avocat au barreau de PARIS, toque E 1907

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 octobre 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre chargée du rapport et Mme Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Marie-Hélène POINSEAUX, présidente de chambre Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Josette THIBET
ARRÊT :
- contradictoire-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Hélène POINSEAUX, présidente et par Mme Déborah TOUPILLIER greffière, présente lors du prononcé.

********** Par contrats déposés le 24 septembre 1985 en l'étude de Me Z..., notaire à Paris, M. François Y..., exerçant la profession d'éleveur, et Mme Marie X..., son épouse, agissant solidairement, se sont engagés à servir une rente viagère aux époux A..., B..., H..., F..., E... et à M. C... et M. D... contre la remise d'une somme totale de 819 100 francs (124 870, 99 euros). La société anonyme Française de rentes et de financements Crédirente est intervenue à l'acte en qualité de gestionnaire du service des rentes, ainsi que la société Les Mutuelles unies, société d'assurances à forme mutuelle, en qualité de caution des obligations souscrites par les débirentiers pour le service des arrérages dans les conditions et limites stipulées aux contrats.

Les débirentiers s'étant montrés défaillants, la société Les Mutuelles unies leur a fait délivrer le 19 mars 1991 un commandement de payer la somme de 58 785, 94 francs au titre des échéances impayées de juillet 1990, octobre 1990 et janvier 1991. Le 6 avril 1992, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de M. Y... par le tribunal de grande instance de Rennes, convertie le 1er juin 1992 en liquidation judiciaire. La société Française de rentes et de financement Crédirente a procédé à une déclaration de créance à titre hypothécaire. Après réalisation des actifs, le mandataire liquidateur lui a versé une somme de 950 000 francs (144 826, 56 euros). Les opérations de liquidation ont été clôturées pour insuffisance d'actifs par jugement du 15 septembre 2008.
Le 13 octobre 2011, la société Axa assurances vie mutuelle venant aux droits de la société Les Mutuelles unies a fait délivrer à Mme Y... en vertu de l'acte exécutoire du 24 novembre 1985 un commandement visant la clause résolutoire d'avoir à payer la somme de 98 756, 30 euros détaillée ainsi :- rentes du 1er janvier 1994 au 1er octobre 2011 44 934, 71 euros-intérêts au taux conventionnel échus au 1er octobre 2011 44 762, 38 euros-capitaux substitutifs (M. C...) 14 268, 59 euros-frais impayés 1 006, 46 euros-remboursements-6 216, 21 euros

Contestant les causes du commandement au motif que le créancier avait été désintéressé de sa créance dans le cadre de la liquidation judiciaire de son codébiteur et que subsidiairement les arrérages de la période antérieure au 13 octobre 2006 étaient couverts par la prescription quinquennale édictée par l'ancien article 2277 du code civil, Mme Y... a assigné le 10 novembre 2011 la société Axa assurances vie mutuelle devant le juge de l'exécution de Rennes, qui s'est déclaré incompétent par jugement du 20 janvier 2012 au profit du tribunal de grande instance de Paris.

Par jugement du 8 octobre 2014, la juridiction de renvoi a constaté que la créance détenue en sa qualité de caution par la société Axa assurances vie mutuelle venant aux droits des Mutuelles unies à l'encontre de Mme Y... s'élevait à 46 345, 80 euros au titre du principal actualisé au 6 mars 2014 et 13 881, 58 euros au titre du capital substitutif de M. C..., soit la somme totale de 60 227, 38 euros outre les intérêts conventionnels au taux légal majoré de cinq points échus entre le 13 octobre 2006 et le 13 octobre 2011, et à 1 079, 15 euros au titre des honoraires de substitution, a déclaré le commandement de payer visant la clause résolutoire des contrats de rentes signifié le 13 octobre 2011 à Mme Y... valable dans les limites de ces montants, a débouté les parties du surplus de leurs demandes et a condamné Mme Y... aux dépens et à verser à la société Axa assurances vie mutuelle la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a retenu, sur la prescription, que l'ancien article 2277 du code civil concernait la prescription de l'action du créancier de rentes périodiques et n'était pas applicable à la caution dont le recours personnel était soumis à la prescription trentenaire de l'ancien article 2262 du code civil, que le point de départ du délai pour agir se fixait au jour du premier paiement effectué pour le compte du débiteur le 1er janvier 1994, que le délai n'était pas acquis lors de l'entrée en vigueur de la loi 2008-561 du 17 juin 2008, que le nouveau délai venait à expiration le 19 juin 2013, et que la réclamation du 13 octobre 2011 n'était donc pas prescrite. Sur le paiement de 144 826, 56 euros opéré par le mandataire liquidateur, le tribunal a considéré qu'aucun détail des créances respectives des sociétés Crédirente et d'Axa n'était communiqué permettant d'imputer cette somme en déduction de la réclamation de la seconde, et que, d'autre part, n'étant pas discuté que le contrat n'avait pas été résolu dans les conditions prévues en son titre VIII, Axa avait continué à servir les arrérages dus aux crédirentiers, de sorte que la créance, née après les opérations de liquidation judiciaire, n'était pas éteinte. Sur le capital substitutif dû à M. C..., le tribunal a jugé que le montant réclamé était justifié puisque inférieur à celui exigible au 13 novembre 2011, date d'effet de la clause résolutoire acquise un mois après le commandement, pour un taux de rente de 14, 98 % compte tenu de l'âge de l'intéressé né le 6 décembre 1935. Enfin, le tribunal a retenu, sur les intérêts, que leur calcul était conforme au taux conventionnel mais que la prescription de l'ancien article 2277 du code civil était applicable, de sorte qu'Axa ne pouvait réclamer que ceux échus pour les cinq ans précédant le commandement de payer du 13 octobre 2011, et sur les frais qu'aucune pièce justificative n'était produite.
Mme Y... a relevé appel de ce jugement et, dans ses dernières conclusions notifiées le 19 septembre 2016, elle poursuit la réformation de la décision au visa des articles 122 du code de procédure civile, 1315, 2277 dans sa rédaction applicable au litige, 2224 et 1382 du code civil, L. 114-1 et R. 321-1 et suivants du code des assurances, et L. 110-4 ancien, L. 622-24 et suivants et L. 643-13 du code de commerce. Elle entend faire déclarer la société Axa assurances vie mutuelle irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, prescription et forclusion. Elle demande de juger qu'en tout état de cause le cautionnement délivré par la société Les Mutuelles unies était frappé de nullité en application des articles R. 322-1 du code des assurances, 1844-2 du code civil et L. 225-35 alinéa 4 du code de commerce, que l'existence de la créance alléguée n'est établie ni dans son quantum ni dans son montant, que le contrat a été résolu de plein droit conformément à son titre VIII quinze jours après le commandement du 19 mars 1991, et que la créance a été éteinte à la suite de la déclaration de créance faite au passif de M. Y..., des paiements intervenus par l'intermédiaire du mandataire liquidateur et de la clôture pour insuffisance d'actif sans que le créancier en ait demandé la reprise conformément à l'article L. 643-13 du code de commerce. Très subsidiairement, elle demande de juger que la créance de la société Axa ne saurait excéder trois annuités de rente et, faisant droit à sa demande reconventionnelle, de condamner la société Axa assurances vie mutuelle à lui payer des dommages et intérêts à hauteur des condamnations prononcées. Elle sollicite la condamnation de l'intimée à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle fait valoir, sur la recevabilité de l'action, que la société Axa assurances vie mutuelle est une société d'assurance sur la vie qui vient aux droits de la société « Mutuelles unies vie » et qu'elle n'a pas qualité pour agir au titre d'un cautionnement qui s'assimile à une assurance crédit ne relevant pas de la branche vie mais de la branche dommages, qu'elle ne justifie pas d'une autorisation de son conseil d'administration pour s'engager en qualité de caution, et qu'elle est également sans qualité pour agir au titre des capitaux substitutifs alors que son engagement de caution a expressément été limité au service de la rente. Elle soutient également que le cautionnement, étant rémunéré, revêt un caractère commercial, soumis comme tel à la prescription de dix ans, laquelle est acquise depuis le 2 avril 2001 par l'effet d'un premier commandement de payer du 19 mars 1991 mettant en jeu la clause résolutoire dans un délai de quinze jours, et très subsidiairement que l'engagement des Mutuelles unies était limité « à la couverture de trois annuités de rente, à compter de la substitution effective du garant dans le paiement des sommes dues par le débirentier », laquelle est intervenue le 2 avril 1991 selon le décompte annexé à ce commandement de payer, de sorte que l'obligation cessait au 2 avril 1994 et que toutes les demandes au titre des arrérages comme des intérêts et frais générés par eux étaient atteintes par la prescription quinquennale édictée par l'article 2277 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 lorsque le commandement du 13 octobre 2011 a été délivré. Elle relève que l'action est en outre soumise en application de l'article L. 114-1 du code des assurances à un délai de forclusion de deux ans.
Sur le fond, elle soutient que l'engagement de la société Les Mutuelles unies vie, si elle était l'entité juridique ayant cautionné l'obligation, serait nul de nullité absolue puisqu'elle n'était pas habilitée à effectuer des opérations dans la branche concernée. Elle fait également valoir que la société Axa assurances vie mutuelle ne justifie pas de sa créance, ne communique aucun décompte exploitable détaillant les arrérages, les capitaux substitutifs, les intérêts et les frais, ne précise pas l'affectation des fonds versés par le mandataire liquidateur, alors que son obligation se limitait aux arrérages de rente dans la limite de trois annuités et que le contrat a été résolu de plein droit par l'effet du commandement de payer du 19 mars 1991 resté sans effet. Elle ajoute que la déclaration de créance faite postérieurement à la résolution du contrat et le paiement qui s'en est suivi ont eu un effet extinctif de la créance qui était entièrement échue. Elle soutient enfin que l'inaction de la société Axa assurances vie mutuelle qui a contribué à accroître la dette est gravement fautive, ainsi que la prise en charge opérée au-delà de trois annuités, justifiant l'allocation de dommages et intérêts.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 5 septembre 2016, la société Axa assurances vie mutuelle demande au visa des anciens articles 2028 et 2262 du code civil, 26 II de la loi du 17 juin 2008, 2224 et 2309 du code civil et 564 du code de procédure civile de déclarer Mme Y... irrecevable et mal fondée en ses demandes, de juger la concluante bien fondée à poursuivre le recouvrement du principal et des intérêts de sa créance sur le fondement du recours personnel et à avoir délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire à Mme Y..., de valider le commandement de payer du 13 octobre 2011, de constater que la distribution faisant suite à l'apurement du passif dans le cadre de la liquidation judiciaire de M. Y... n'a pas emporté le remboursement complet des sommes dues au titre du contrat de crédirente souscrit par les époux Y..., de juger la concluante bien fondée à poursuivre le recouvrement des capitaux substitutifs à reverser à M. C... sur la base du mandat qui lui a été donné par les crédirentiers aux termes de l'acte passé devant notaire portant dépôt de contrats constitutifs de rentes viagères du 24 septembre 1985, et de fixer le montant de la créance à la somme globale de 118 186, 64 euros provisoirement arrêtée au 6 mars 2014, se décomposant comme suit :- principal 46 345, 80 euros-intérêts au taux conventionnel 55 791, 61 euros-capital substitutif (M. C...) 13 881, 58 euros-honoraires de substitution TTC 1 079, 15 euros-frais impayés 1 088, 50 euros

Elle demande également de dire que les sommes saisies seront adressées à son conseil par chèque libellé à l'ordre de la Carpa, de débouter Mme Y... de l'intégralité de ses prétentions, et de condamner l'appelante à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle relève que Mme Y... formule des demandes nouvelles, irrecevables en cause d'appel, tendant à faire juger que l'action est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, prescription et forclusion, que la créance ne peut excéder trois annuités de rente, que le cautionnement est nul, que le contrat a été résolu de plein droit quinze jours après un commandement du 19 mars 1991, et à obtenir l'allocation de dommages et intérêts.
Elle fait valoir, sur la recevabilité de son action, que c'est par suite de changements de dénomination successifs que la société Les Mutuelles unies est devenue la société Axa assurances vie mutuelle, laquelle a bien qualité pour agir, que l'opération est connexe à son objet social, et que la société Les Mutuelles unies dont elle continue la personnalité juridique était parfaitement habilitée à agir en qualité de caution au contrat constitutif de rentes viagères signé le 24 septembre 1985, que la forclusion de l'article L. 114-1 du code des assurances relatif aux actions dérivant d'un contrat d'assurance n'est pas applicable au contrat constitutif de rentes viagères et que, le cautionnement litigieux revêtant un caractère civil et non commercial, le délai pour agir était de trente ans jusqu'à la loi du 17 juin 2008 qui lui a substitué un délai de cinq ans expirant le 19 juin 2013.
Elle soutient, sur le fond, que le contrat de rente viagère n'a pas été résolu après la mise en demeure de 1991, qu'elle a servi les arrérages dus aux crédirentiers à compter du 1er janvier 1994 ainsi qu'elle y était tenue, que les sommes versées par le mandataire liquidateur ont permis de rembourser les capitaux substitutifs de M. D... et des époux E..., A... et F..., mais n'ont pas été imputées en déduction de sa propre créance, et qu'aucun remboursement n'est intervenu pour M. C.... Elle ajoute que l'action en paiement des intérêts, dont se rembourse le garant dans le cadre de son recours personnel et qui ne sont pas payables à termes périodiques, est également soumise à la prescription trentenaire de l'ancien article 2262 du code civil et non à la prescription quinquennale de l'ancien article 2277, qu'ayant reçu pouvoir de M. C... pour exercer les poursuites nécessaires contre les débirentiers elle est en droit en application de l'article 2309 du code civil de réclamer pour le compte du crédirentier le paiement du capital substitutif dû après la résiliation du contrat, et que les frais réclamés sont liés aux impayés et ont été calculés en toute indépendance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des prétentions de Mme Y...
Le principe de prohibition des prétentions nouvelles édicté par l'article 564 du code de procédure civile reçoit exception lorsque les demandes sont soumises à la cour pour opposer compensation ou faire écarter les prétentions adverses. De plus, l'article 563 du même code permet aux parties d'invoquer des moyens nouveaux pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge. En l'espèce, les demandes de Mme Y..., formulées pour la première fois en appel, afin de faire juger que l'action de la société Axa assurances vie mutuelle est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir et prescription biennale et décennale, que le cautionnement est nul, que le contrat a été résolu de plein droit quinze jours après le commandement du 19 mars 1991 et que la créance ne peut excéder trois annuités de rente, s'analysent en des fins de non recevoir et défenses au fond qui constituent des moyens de contestation de la créance susceptibles d'être proposés en tout état de cause. La demande de dommages et intérêts également présentée en appel par Mme Y... à hauteur des sommes dues tend elle-même à obtenir un paiement se compensant avec la créance invoquée à son encontre. Le moyen tiré de l'irrecevabilité de ces prétentions sera en conséquence rejeté.
Sur le droit à agir de la société Axa assurances vie mutuelle
La société Axa assurances vie mutuelle produit deux attestations des 30 juillet 1998 et 16 septembre 2005 de Me G..., notaire à Rouen, établissant que la société constituée le 5 juillet 1881 a eu pour dénomination originaire La Mutuelle vie, remplacée par délibérations successives d'assemblée générale par celle de Ancienne mutuelle vie le 20 juin 1948, puis Mutuelles unies vie le 25 novembre 1981, puis Mutuelles unies assurance vie le 23 juin 1986 et enfin Axa assurances vie mutuelle le 24 septembre 1990. L'attestation du notaire précise que, lorsqu'elle avait pour dénomination Mutuelles unies vie, la société était dénommée dans les actes Les mutuelles unies. Elle figure bien sous cette dénomination dans l'acte de dépôt des contrats de constitution de rentes viagères reçu le 24 septembre 1985 en l'étude de Me Z.... En outre, sa dénomination complète de Mutuelles unies vie a été dûment mentionnée dans les contrats objet du dépôt. La société intimée a donc bien qualité pour exercer l'action née de l'exécution des conventions auxquelles elle est partie intervenante.
Pour contester son droit à agir, l'appelante fait valoir en vain qu'une entreprise d'assurances sur la vie ne peut garantir un risque relevant de l'assurance de dommages, plus précisément de la branche 15 de l'article R. 321-1 du code des assurances intitulée caution, et que la société Les Mutuelles unies vie n'a pas été autorisée par son conseil d'administration à s'engager en une telle qualité, alors que l'objet de la société intimée inscrit à l'article 7 de ses statuts comprend toutes les opérations d'assurance comportant des engagements dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine, relevant de la branche 20. Le cautionnement de contrats constitutifs de rentes viagères se rattache bien à l'activité agréée au titre cette branche. Les dispositions de l'article L. 225-35 du code de commerce également invoquées pour soutenir que le cautionnement devait être autorisé par le conseil d'administration s'appliquent aux entreprises constituées sous forme de société anonyme et ne concernent donc pas la société garante qui a la forme d'une société d'assurance mutuelle. En l'espèce, l'acte de dépôt notarié retrace bien la chaîne des délégations par lesquelles la société Les Mutuelles unies a été représentée aux conventions sur procuration de son directeur général lui-même investi par les statuts des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société dans la limite de son objet.
L'appelante soutient également en vain que, l'engagement de la société Axa assurances vie mutuelle étant limité au service de la rente, elle ne peut agir au titre des capitaux substitutifs, alors que, suivant les dispositions du titre VII c) des conventions intitulé Cautionnement par Les Mutuelles unies-Assurance dite « avance sur recours », le garant a expressément reçu des crédirentiers tous pouvoirs définitifs et irrévocables pour faire signifier tous commandements et engager toutes poursuites permettant de récupérer le capital destiné tant au remboursement du montant des arrérages avancés par lui pendant la procédure que le capital substitutif à revenir aux crédirentiers.
La fin de non recevoir tirée du défaut de droit à agir de la société intimée sera en conséquence rejetée.
Sur la prescription de l'action exercée par la société Axa assurances vie mutuelle
L'article L. 110-4 du code de commerce qui, dans sa rédaction antérieure à la loi 2008-561 du 17 juin 2008, prescrit par dix ans les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants ne concerne pas l'action exercée par la société Axa assurances vie mutuelle. Son engagement est en effet accessoire aux contrats constitutifs de rente viagère conclus entre des personnes non commerçantes. Constituée en forme de société d'assurance mutuelle, elle poursuit elle-même un objet non commercial en application de l'article L. 322-26-1 du code des assurances. Même rémunéré, le cautionnement qu'elle a délivré revêt donc un caractère civil.
L'article L. 114-1 du code des assurances qui prescrit par deux ans toute action dérivant du contrat d'assurance ne régit que les relations entre assureurs et assuré. Le recours exercé par la caution, qui ne concerne pas ses rapports contractuels avec les crédirentiers bénéficiaires de sa garantie, mais procède du droit d'exercer un recours contre les débiteurs auxquels elle s'est substituée, n'est pas enfermé dans un tel délai.
Le délai pour agir de la caution qui, ayant désintéressé le créancier, exerce son recours personnel contre le débirentier défaillant, sans être elle-même titulaire de la créance payable à termes périodiques, n'est pas plus soumis à la prescription quinquennale édictée par l'ancien article 2277 du code civil, mais relève du droit commun ainsi que l'ont retenu les premiers juges.
Le délai a pour point de départ la date du premier paiement que la caution a opéré pour assurer aux créanciers le service de la rente. Les premiers incidents concernés par son recours ont fait l'objet dès le 19 mars 1991 d'un commandement de payer signifié par Les Mutuelles unies. Le commandement du 11 octobre 2011 qui fait l'objet de la contestation porte lui-même sur des paiements pris en charge à compter du 1er janvier 1994. Le délai a ainsi pris cours sous l'empire de l'ancien article 2262 du code civil édictant une prescription d'une durée de trente ans. Cette durée ayant été réduite à cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi 2008-561 du 17 juin 2008 sans que, selon l'article 26 II de la nouvelle loi, sa durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, le délai est venu à expiration le 19 juin 2013 ainsi que l'a exactement jugé le tribunal. L'action de la société Axa assurances vie mutuelle n'est donc pas atteinte par la prescription.

Sur le fond

La validité du cautionnement n'est pas affectée par les irrégularités invoquées du fait d'un défaut d'agrément de la société d'assurance ou d'un défaut d'habilitation de son conseil d'administration, dépourvues de fondement pour les motifs précités.
L'obligation de la caution est énoncée au titre VII c) des conventions, prévoyant que le garant s'engage en renonçant expressément au bénéfice de division et de discussion ainsi qu'au bénéfice de l'article 2037 du code civil à payer aux lieu et place du débirentier en cas de défaillance de ce dernier les sommes dues en vertu des présentes et représentant les arrérages et les honoraires de gestion dus à Crédirente et ce jusqu'au versement du produit de la réalisation amiable ou forcée du ou des bien (s) immeuble (s) affecté (s) en garantie. Le même titre VII c) ajoute que cette caution pourra être mise en jeu à tout moment à compter de ce jour et pendant toute la durée de la rente viagère étant précisé que ses effets seront, en tout état de cause, limités à la couverture de trois annuités de rente, à compter de la substitution effective du garant dans le paiement des sommes dues par le débirentier en vertu du titre I (constitution de la rente et révision). Il précise encore qu'en cas de non paiement des sommes dues par le débirentier par application des titres I et V (modalités du service de la rente), le garant se substituera aussitôt au débirentier défaillant afin que le compte habituel du crédirentier soit crédité, au plus tard, aux dates contractuelles et qu'il pourvoira à l'exécution des obligations du débirentier en ce qui concerne le paiement des arrérages et pendant un laps de temps qui en saurait excéder trois années. Le titre VIII prévoit par ailleurs qu'en cas de non paiement et par voie de conséquence de substitution du garant, le présent contrat sera résolu de plein droit, après simple mise en demeure notifiée à la requête du garant substitué et par les soins de Crédirente au débirentier d'avoir à exécuter dans le délai de quinzaine et demeurée sans effet. En cas de résolution, le titre IX dispose que le débirentier s'oblige à verser au crédirentier, indépendamment du solde des arrérages qui pourraient lui rester dû, le cas échéant, le montant du capital nécessaire pour lui assurer, au jour de la restitution des fonds, le service d'une rente viagère d'un même montant que celle qu'il aurait perçue si la résolution n'était pas intervenue et que le calcul du capital sera alors établi en prenant pour base l'âge atteint par le crédirentier à la date de résolution du contrat.
La clause résolutoire ainsi stipulée au titre VIII a expressément été visée et reproduite dans le commandement que la société Les Mutuelles unies a fait signifier le 19 mars 1991 aux époux Y... pour avoir paiement de la somme de 58 785, 94 francs au titre des arrérages de rentes viagères des 1er juillet 1990, 1er octobre 1990 et 1er janvier 1991. Seul le paiement intégral des causes de ce commandement dans le délai imparti a pu faire échec à cette clause. Or, les seuls règlements mentionnés dans la procédure sont ceux opérés dans le cadre de la procédure collective ouverte le 6 avril 1992. La société intimée se borne à affirmer que le contrat constitutif de rentes viagères n'a pas été résolu dans les conditions de son titre VIII mais ne fournit aucun état de sa créance antérieure au 1er janvier 1994, et en particulier le détail de la déclaration faite dans le cadre de la liquidation judiciaire de M. Y... par la société Française de rentes et de financements Crédirente en qualité de gestionnaire du service des rentes. Il s'ensuit que la résolution a opéré de plein droit au terme du délai de quinzaine venu à expiration le 2 avril 1991.
Il résulte de l'acte du 19 mars 1991 par lequel la société Les Mutuelles unies a personnellement réclamé aux époux Y... les arrérages des rentes viagères impayés depuis le 1er juillet 1990 qu'elle était bien substituée en qualité de garant dans le paiement des sommes dues par les débirentiers à compter de cette même date. L'obligation du garant ayant été expressément limitée par application des dispositions du titre VII c) à la couverture de trois annuités de rentes à compter de sa substitution effective, le commandement du 13 octobre 2011 ne peut produire effet pour des arrérages et leurs accessoires décomptés depuis le 1er janvier 1994 dans l'état de créance annexé, faisant abstraction pure et simple de la période du 1er juillet 1990 au 30 juin 1993 correspondant aux trois annuités de rente garanties à dater de la substitution. La société intimée ne démontre pas même le service des arrérages pouvant fonder le recours qu'elle entend exercer à compter du 1er janvier 1994, les relevés de compte bancaire qu'elle produit pour en justifier ne permettant pas d'identifier, comme étant ceux concernés par les conventions litigieuses, les bénéficiaires des opérations inscrites à son débit sous le libellé prl crédirentiers en janvier, avril, octobre 1994, janvier 1995 et juillet 1996.
La résolution qui a opéré au 2 avril 1991 a elle-même entraîné en application du titre IX l'exigibilité des capitaux substitutifs revenant aux crédirentiers encore tous vivants à cette date. Or, aucun calcul n'est présenté pour en préciser le montant, excepté pour le compte de M. C... suivant le calcul établi à la date du commandement du 13 octobre 2011 postérieur à la résolution. A cette date, M. C... n'était pas au demeurant le seul crédirentier survivant comme l'indique la société intimée puisque Mme F... et Mme A..., bénéficiaires d'une clause de réversibilité, ne sont décédées que les 18 août 2013 et 13 mars 2015. En particulier, le montant des capitaux substitutifs pris en compte dans la déclaration de créance faite dans le cadre de la liquidation judiciaire de M. Y... n'est pas communiqué.
La société intimée affirme que le mandataire liquidateur a effectué deux règlements à hauteur de 750 000 francs (114 336, 76 euros) le 10 décembre 1993 et de 200 000 francs (30 489, 80 euros) le 25 janvier 1995 qui ont permis de désintéresser la société Française de rentes et de financements Crédirente d'une partie de la créance hypothécaire déclarée pour un montant global de 1 022 848, 70 francs (155 932, 28 euros). Mais aucun élément ne permet de vérifier le montant effectivement déclaré ni la date et l'imputation des paiements reçus par le gestionnaire, étant observé que ce dernier n'avait pas de créance propre autre qu'au titre de ses honoraires de gestion. Elle affirme encore que les règlements ont permis de rembourser les capitaux substitutifs revenant crédirentiers non décédés autres que M. C..., à savoir M. D... et les époux E..., A... et F..., et n'ont pas été imputés en déduction de sa propre créance, sans que la répartition ainsi opérée soit établie par le moindre décompte permettant de déterminer le montant des créances concernées et l'imputation des paiements, étant en outre relevé que selon le titre VII c) les capitaux récupérés sur les poursuites du garant devaient d'abord être affectés au remboursement du montant des arrérages avancés par lui pendant la procédure avant de l'être aux capitaux substitutifs revenant au crédirentiers en cas de résolution.
En l'absence de toute justification de l'étendue exacte de la créance et de l'affectation des fonds distribués dans le cadre de la liquidation judiciaire de M. Y..., la réalité d'une dette quelconque encore exigible à l'encontre de la codébitrice ne peut être reconnue tant au titre des arrérages et de leurs accessoires que du capital substitutif réclamé pour le compte de M. C....
Dès lors, la cour réformant le jugement déféré jugera sans effet le commandement délivré pour des causes non justifiées.
Il est équitable de compenser à hauteur de 3 000 euros les frais non compris dans les dépens que l'appelante a été contrainte d'exposer.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement,
Rejette le moyen tiré de l'irrecevabilité en application de l'article 564 du code de procédure civile des prétentions présentées en appel par Mme Marie X... épouse Y...,
Rejette la fin de non recevoir tirée du défaut de droit à agir de la société Axa assurances vie mutuelle,
Rejette les fins de non recevoir tirées de la prescription de l'action de la société Axa assurances vie mutuelle en application des articles L. 110-4 du code de commerce et L. 114-1 du code des assurances,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf en ce qu'il a déclaré l'action non prescrite en application de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi 2008-561 du 17 juin 2008 et de l'article 26 II de cette loi,
Et, statuant à nouveau,
Déclare sans effet le commandement de payer que la société Axa assurances vie mutuelle a fait signifier le 13 octobre 2011 à Mme Marie X... épouse Y...,
Déboute la société Axa assurances vie mutuelle de toutes ses demandes,
La condamne aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, et à verser à Mme Marie X... épouse Y... la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du même code.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : C2
Numéro d'arrêt : 15/098807
Date de la décision : 24/11/2016
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2016-11-24;15.098807 ?
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