La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/11/2016 | FRANCE | N°12/00429

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 1, 23 novembre 2016, 12/00429


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 3 - Chambre 1



ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2016



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/00429



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Novembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de MELUN - RG n° 10/04296





APPELANTE



SCI LICHÉ [T], RCS MELUN 424 247 252, ayant son siège social

[Adresse 1]

[Adr

esse 2]



représentée et assistée par Me Olivier BEJAT de la SELARL ATTIQUE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0301





INTIMES



Madame [C] [F] épouse [W]

née le [Date naissance 1...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 1

ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2016

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/00429

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Novembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de MELUN - RG n° 10/04296

APPELANTE

SCI LICHÉ [T], RCS MELUN 424 247 252, ayant son siège social

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représentée et assistée par Me Olivier BEJAT de la SELARL ATTIQUE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0301

INTIMES

Madame [C] [F] épouse [W]

née le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 1]

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Monsieur [K] [L]

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 2]

[Adresse 5]

[Adresse 2]

représentés et assistés par la SCP LMBE, avocats au barreau de PARIS, toque : J100

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l'affaire a été débattue le 27 Septembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Evelyne DELBÈS, Président de chambre

Madame Monique MAUMUS, Conseiller

Madame Nicolette GUILLAUME, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Emilie POMPON

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Evelyne DELBÈS, Président et par Madame Emilie POMPON, Greffier.

[I] [C] épouse [P] est décédée le [Date décès 1] 2009, laissant pour lui succéder M. [D] [P], son époux séparé de biens, et un testament olographe du 8 mai 2005 instituant légataires universels, chacun pour moitié, M. [K] [L] et Mme [C] [F] épouse [W], à charge pour eux de délivrer à Mme [B] [R] épouse [J] un legs d'une somme de 100 000 euros net de frais et droits, et exhérédant son époux, sauf en ce qui concerne l'usufruit de leur maison de [Localité 3].

M. [L] et Mme [W] ont été envoyés en possession de leurs legs le 8 avril 2009.

Par jugement du 6 septembre 2011, le tribunal de grande instance de Melun a, notamment, dit que M. [P] est titulaire d'un droit de jouissance et d'un droit d'habitation sur la maison de [Localité 3] et que les legs consentis par la défunte à M. [L], Mme [W] et Mme [J] ne pourront excéder les trois quarts de l'actif net successoral, reconnaissant ainsi la qualité d'héritier réservataire du conjoint survivant.

Le 6 août 1999, les époux [P] avaient constitué la SCI Liché [T] dont ils portaient l'intégralité des 100 parts, 49 pour l'épouse et 51 pour l'époux. [I] [P] a été la gérante de cette société jusqu'à son décès.

Par acte du 27 septembre 2010, M. [L] et Mme [W] ont assigné la SCI Liché [T] devant le tribunal de grande instance de Melun en remboursement d'une somme inscrite au compte courant d'associé de la défunte.

Par jugement du 29 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Melun a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M. [L] et Mme [W],

- dit que la clause prévue à l'article 5.3 des statuts de la SCI est nulle,

- condamné la SCI à payer la somme de 222 754,14 euros, pour moitié à M. [L] et pour moitié à Mme [W],

- débouté la SCI de ses prétentions,

- condamné l'intéressée à payer à M. [L] et Mme [W] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions.

La SCI Liché [T] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 9 janvier 2012.

Par arrêt du 23 janvier 2013, cette cour a, pour l'essentiel :

- confirmé le jugement déféré, mais uniquement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M. [L] et Mme [W] et dit nulle la clause prévue à l'article 5.3 des statuts de la SCI,

- avant dire droit sur le surplus,

- ordonné une expertise,

- désigné pour y procéder M. [Q] [H] avec mission de :

+ examiner les comptes de la SCI Liché [T] depuis son origine et tous documents relatifs aux comptes bancaires de [I] [P] ou autres documents, notamment sociaux, bancaires ou contractuels, qui lui paraîtront utiles,

+ rechercher les conditions de constitution, l'origine des fonds, l'évolution et la consistance du compte-courant d'associé de [I] [P] à son décès et postérieurement à celui-ci,

+ donner son avis sur la régularité comptable de cette gestion,

- mis la consignation de la provision à valoir sur les honoraires de l'expert, d'un montant de 3 000 euros, à la charge de la SCI Liché [T].

L'expert a déposé son rapport le 5 novembre 2015.

Dans ses dernières écritures en ouverture de rapport d'expertise du 22 janvier 2016, la SCI Liché [T] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- vu le rapport de M. [H],

- vu les articles 1131 et 1133 du code civil,

- débouter, en vertu de l'adage 'fraus omnia corrupit', et, subséquemment, en raison de la cause illicite des avances soit-disant consenties, M. [L] et Mme [W], légataires universels de [I] [P], de leurs revendications concernant le paiement du compte-courant, purement comptable et artificiel, de cette dernière dans les livres de la SCI,

- subsidiairement,

- dire que les créanciers de compte-courant ne disposent pas d'un droit à traitement préférentiel par rapport aux autres créanciers, notamment bancaires,

- dire, au cas où une créance de compte-courant serait retenue au profit des intimés, que son paiement ne pourra être effectué par elle qu'à la suite de la réalisation de ses actifs afin de préserver les droits de la totalité des créanciers, notamment, le Crédit Agricole,

- condamner M. [L] et Mme [W] à lui verser, chacun, la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter tous les dépens, tant de première instance que d'appel, en ce compris les frais d'expertise.

Dans leurs dernières conclusions du 29 janvier 2016, M. [L] et Mme [W] demandent à la cour de :

- vu l'article 1134 du code civil,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- en conséquence,

- constater que le montant du compte-courant d'associé ouvert dans les livres de la SCI Liché [T] de l'indivision [I] [P] s'élève à la somme de 122 096 euros,

- en conséquence,

- condamner la SCI Liché [T] à verser la somme inscrite en compte-courant pour moitié à chacun d'eux, soit la somme de 122 096 euros,

- débouter la SCI Liché [T] de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions et, notamment, juger que les avances consenties par [I] [P] ne sont ni frauduleuses ni dépourvues de cause,

- subsidiairement,

- juger que les sommes portées au compte-courant d'associé par [I] [P] ne présentent aucun caractère frauduleux,

- juger que les avances en compte-courant sont causées,

- juger que la demande de remboursement des comptes-courants n'est aucunement fautive,

- en toute hypothèse,

- condamner la SCI Liché [T] à leur verser, à chacun, la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise.

SUR CE

Considérant que la SCI Liché [T] fait valoir, pour s'opposer à la demande de remboursement du compte courant d'associé de [I] [P] formée par les légataires universels de l'intéressée, que l'expertise confirme sa suspicion sur l'origine des fonds figurant au crédit du dit compte courant et démontre que la défunte a consenti des avances à la société dans le seul but de masquer le déséquilibre financier des opérations immobilières qu'elle a conduit à sa tête, a mené une gestion volontairement défectueuse et préjudiciable à l'intérêt social et s'est livrée, à compter de 2005, dans ses déclarations d'ISF, à une évaluation des actifs sociaux sans rapport avec leur valeur brute comptable et à leur valeur de marché à seule fin d'augmenter la valeur des parts dont elle était porteuse ; qu'elle soutient que la gestion de la défunte a été frauduleuse et que cette fraude entache les comptes courant comptables, en vertu de l'adage 'fraus omnia corrumpit', confère, à tout le moins, une cause illicite aux avances en compte courant opérée par [I] [P] et fait obstacle à la demande de remboursement de ses légataires ; qu'elle fait plaider, subsidiairement, que le remboursement réclamé la mettrait, alors qu'elle ne dispose pas des liquidités nécessaires pour y procéder et que les banques ont, à son encontre, une créance considérable, en état de cessation des paiements et ajoute que commet une faute l'ancien dirigeant qui se fait rembourser son compte-courant alors qu'il sait que la créance d'un tiers n'a pas été prise en considération ;

Considérant que les intimés répliquent que l'expertise établit que les avances consenties par [I] [T] à l'appelante ont été faites des deniers personnels de l'intéressée et contestent qu'elles aient pu procéder d'une quelconque fraude et revêtir un quelconque caractère illicite ; qu'ils soutiennent que leur demande de remboursement ne présente elle-même aucun caractère fautif, un associé étant, en l'absence de terme spécifié, en droit de demander le remboursement de son compte courant à tout moment et quelque soit la situation financière de la société ;

Considérant que l'apport en compte courant consiste pour l'associé à consentir à la société des avances ou des prêts en versant directement des fonds ou en laissant à sa disposition des sommes qu'il renonce provisoirement à percevoir ; qu'il s'agit d'un mécanisme courant de financement destiné à assurer les besoins en fonds de roulement des sociétés qui sont confrontés à des difficultés de trésorerie ;

Considérant que l'expert, qui a examiné les grands livres et les comptes annuels de la SCI depuis sa constitution en 1999 jusqu'à l'exercice clos le 31 décembre 2014, a déterminé que les avances consenties par [I] [P] à la SCI Liché [T] (59 721 euros lors de l'acquisition des biens immobiliers et 225 797 euros par la suite) ont été effectués par des virements en provenance de comptes bancaires personnels de l'intéressée ; qu'aucun autre flux financier n'a été mis en évidence de nature à établir une origine des fonds autre que personnelle ;

Considérant que l'expert a relevé, à propos de la gestion de la défunte :

- la souscription d'emprunts d'un montant supérieur aux besoins,

- le choix d'un maître d'oeuvre sans référence professionnelle et sans garantie financière,

- un manque de vigilance dans la vérification des factures de l'intéressé,

- l'absence de mesures conservatoires ou correctrices après la défaillance du même qui a abandonné le chantier le 31 décembre 2004, sans constat de l'état des travaux, et qui a reçu, malgré tout, un dernier paiement le 28 janvier 2005 pour une facture d'acompte de 43 K€ datée du 31 décembre 2004,

- des avances en compte courant et surévaluation des parts sociales de 2005 à 2008 dans ses déclarations ISF qui ont pu masquer le déséquilibre financier des opérations réalisées par la société ;

Considérant qu'il n'y a rien de frauduleux et d'illicite dans le fait, pour un associé, de financer sa société afin de remédier à une insuffisance de trésorerie et de lui apporter les fonds nécessaires à son exploitation, ce qui a été le cas de la SCI Liché [T] à compter de 2002 ; que le seul fait que les avances en compte courant permettent de faire face à ce type de difficulté ne caractérise aucun fraude de la part de l'associé qui les effectue ;

Considérant que s'ils mettent en évidence des négligences et des erreurs de jugement conséquentes de la gérante de la SCI Liché [T], les travaux de l'expert ne permettent pas de leur attribuer un quelconque caractère volontaire et frauduleux, ce que le fait que [I] [P] ait été la dirigeante de plusieurs sociétés oeuvrant dans le secteur de l'immobilier ne suffit pas à faire supposer ; que les emprunts contractés ont été approuvés par l'assemblée générale des associés, au sein de laquelle [I] [P] n'était pas majoritaire ; que l'expert n'a démontré aucun lien entre l'approvisionnement du compte-courant d'associé de la gérante et les fonds débloqués par les banques ; que rien ne permet d'affirmer, au regard des constatations de l'expert, que la société maître d'oeuvre, dans laquelle il n'est pas démontré que la défunte aurait eu des intérêts, aurait été créée dans l'unique but d'encaisser les fonds empruntés par la SCI ; que les déclarations ISF des époux [P] ne concernent que les rapports des intéressés avec l'administration fiscale ;

Considérant que les qualités d'associés et de créancier de la société sont indépendantes de sorte que la société ne peut opposer aucune exception tirée du contrat de société pour suspendre l'exécution du contrat de prêt qui la lie parallèlement à son associé;

Considérant que force est de constater que l'appelante qui fustige la gestion de son ancienne dirigeante, n'a engagé à son encontre, alors que les déséquilibres financiers de ses opérations immobilières sont apparues dès 2002, en même temps qu'avait lieu l'essentiel de ses avances en compte courant, aucune action en responsabilité aux fins de réparation des préjudices en ayant éventuellement résulté et ne forme encore aujourd'hui aucune demande de dommages et intérêts à ce titre ;

Considérant que l'associé qui a consenti à la société une avance en compte courant à durée indéterminée a le droit d'en exiger le remboursement à tout moment, à défaut d'une disposition conventionnelle contraire, absente en l'espèce ;

Considérant que l'appelante ne démontre pas le caractère abusif et fautif de la demande de remboursement formulée depuis 2010 par les intimés qui ont participé depuis le décès de [I] [P], grâce à leur créance en compte courant, à ses pertes; qu'elle n'établit pas que le remboursement serait exigé dans le but de lui nuire et de la mettre en péril ; que l'expert n'a mis en évidence aucun état de cessation des paiements au jour de l'assignation introductive d'instance et au 31 décembre 2014, date du dernier exercice par lui analysé ; que l'appelante ne produit pas ses comptes et bilan au 31 décembre 2015 et aucun élément sur sa situation actuelle ; qu'elle ne démontre pas que la créance des banques qui s'élevait au 31 décembre 2014 à 101 589 euros serait aujourd'hui supérieure ; que les intimés ne se trouvent pas dans la situation visée par la jurisprudence qu'elle invoque selon laquelle commet une faute l'associé qui se fait rembourser son compte courant en sachant que la créance d'un tiers n'a pas été prise en considération dans la répartition de l'actif de la société ; que la demande de l'appelante tendant à voir reconnaître à la créance des banques un caractère préférentiel ne repose sur aucun fondement juridique;

Considérant que la société ne peut pas, pour refuser le remboursement immédiat sollicité, opposer à son associé ses difficultés financières ni limiter son remboursement à la somme que peut supporter sa trésorerie ; que le paiement qu'elle doit ne peut être subordonné par la cour à la réalisation d'actifs qu'il dépendrait de sa seule volonté d'opérer ou non ;

Considérant qu'il convient donc de condamner la SCI Liché [T], qui ne démontre ni n'invoque l'existence de pertes constatées depuis le 31 décembre 2014, à payer la somme de 122 096 euros, montant non contesté du solde créditeur du compte courant à cette date, et ce pour moitié à M. [L] et pour moitié à Mme [W] ;

Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé sur l'article 700 du code de procédure civile sans qu'il y ait lieu d'y ajouter en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Vu l'arrêt du 23 janvier 2013,

Confirme le jugement sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation principale,

Statuant à nouveau quant à ce,

Condamne la SCI Liché [T] à payer la somme de 122 096 euros pour moitié à M. [L] et pour moitié à Mme [W],

Rejette toute autre demande,

Condamne la SCI Liché [T] aux dépens d'appel, en ce compris les frais d'expertise.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 12/00429
Date de la décision : 23/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris E1, arrêt n°12/00429 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-23;12.00429 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award