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14/11/2016 | FRANCE | N°16/08749

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 1, 14 novembre 2016, 16/08749


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 1



ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2016



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 16/08749



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Avril 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/52983





APPELANT



Organisme HUMANIS PREVOYANCE

[Adresse 1]

[Localité 1]



Assisté de Maîtr

e Audrey BELMONT, avocat plaidant au barreau de PARIS, et représenté par Me Antoine SAPPIN de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat postulant au barreau de PARIS, toque : K0020





INTIMES



Maître [X] [N] ès qu...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 1

ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2016

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 16/08749

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Avril 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/52983

APPELANT

Organisme HUMANIS PREVOYANCE

[Adresse 1]

[Localité 1]

Assisté de Maître Audrey BELMONT, avocat plaidant au barreau de PARIS, et représenté par Me Antoine SAPPIN de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat postulant au barreau de PARIS, toque : K0020

INTIMES

Maître [X] [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SARMATE

[Adresse 2]

[Localité 1]

Madame [G] [K]

[Adresse 3]

[Localité 2]

née le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 3]

Madame [T] [E]

[Adresse 4]

[Localité 4]/France

née le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 5]

Assistés de Me Elise MIALHE, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : L0301 et représentés par Me Frédéric BROUD, avocat postulant au barreau de PARIS, toque : L0301

PARTIE INTERVENANTE

Madame [O] [D]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Assistée de Me Elise MIALHE, avocat plaidant au barreau de PARIS, toque : L0301 et représentée par Me Frédéric BROUD, avocat postulant au barreau de PARIS, toque : L0301

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 septembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Irène CARBONNIER, Président de chambre

Mme Florence PERRET, Conseillère

Mme Fabienne LAGARDE, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Marine CARION, aux débats et à la mise à disposition.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, conformément à l'avis donné après les débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Florence PERRET, conseillère ayant assisté aux débats et au délibéré, en remplacement du président empêché, et par Madame Marine CARION, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * *

Par assignation du 18 février 2016, Maître [X] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sarmate (ci-après Sarmate) et trois salariées licenciées le 1er juillet 2015 pour motif économique ont sollicité du président du tribunal de grande instance de Paris, par voie de référé d'heure à heure, qu'il soit ordonné à la compagnie d'assurance Humanis Prévoyance d'exécuter, conformément à l'article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale, les contrats d'assurance collectifs souscrits par la société Sarmate au profit de ses salariés licenciés par suite de la liquidation judiciaire.

L'ordonnance déférée datée du 7 avril 2016 a retenu qu'en refusant, à compter du jugement de liquidation de Sarmate en date du 1er juillet 2015, de se conformer à l'article L. 911-8 du Code de la sécurité sociale prévoyant un dispositif de portabilité gratuite au profit des salariés licenciés des garanties 'frais de santé et prévoyance' résultant des contrats d'assurance collectifs, Humanis Prévoyance a commis un trouble manifestement illicite, la persistance du défaut de couverture des salariés concernés suscitant le risque d'un dommage imminent et a fait injonction à la compagnie :

- d'assurer le maintien de la couverture résultant des contrats litigieux, dans les conditions de garanties initialement souscrites, pour les 12 mois courant à compter de la rupture effective des contrats de travail des salariés licenciés par la société Sarmate consécutivement à l'adoption du plan de cession de l'entreprise,

- de payer ou rembourser les sommes qu'elle aurait dû prendre en charge à ce titre, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, l'infraction s'entendant de la non satisfaction dans les quinze jours de toute demande de paiement ou de remboursement formulée au titre et dans les conditions de ces contrats.

Humanis Prévoyance a interjeté appel de cette ordonnance en faisant valoir qu'elle avait résilié les contrats d'assurance collectifs sur le fondement de l'article L. 932-10 du Code de la sécurité sociale dont les dispositions sont d'ordre public, les 6 juillet (pour le personnel non cadre) et 6 août 2015 (pour les cadres), soit avant l'application théorique de la portabilité, la rupture des contrats de travail n'ayant pris effet qu'après ces dates ; qu'elle invoquait pour ce faire le défaut de paiement des cotisations par le liquidateur.

Devant la Cour d'appel, Humanis Prévoyance fait valoir que le liquidateur de Sarmate n'a pas exigé la poursuite des contrats dont les garanties ont donc été mises à néant par la résiliation, que l'article L. 932-10 du Code de la sécurité sociale est une exception dérogeant à l'article L.911-8 du Code de la Sécurité Sociale et s'applique tout spécialement en cas de liquidation judiciaire de la société qui a souscrit les contrats de prévoyance, la compagnie ne pouvant continuer d'assurer les ex-salariés gratuitement.

Considérant qu'il n'y a pas lieu à référé par absence de tout trouble illicite ou danger imminent, elle sollicite l'infirmation de la décision entreprise et la condamnation des intimées à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les intimées, quant à elles, demandent à la Cour de confirmer l'ordonnance rendue le 7 avril 2016 au motif notamment que dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire entamée par jugement du 4 février 2015, Humanis Prévoyance ne lui a fait délivrer aucune mise en demeure quant à la continuation des contrats d'assurance collectifs qui ont donc continué de s'appliquer en vertu des dispositions de l'article L641-11-1 du code de commerce et des articles L.911-8 et L932-10 du Code de la Sécurité Sociale.

Vu l'ordonnance de clôture du 12 septembre 2016,

***

Considérant que l'article L.911-8 du Code de la Sécurité Sociale, issu de la loi du 14 juin 2013, prévoit que ' Les salariés garantis collectivement, dans les conditions prévues à l'article L. 911-

1, contre le risque décès, les risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou les risques d'incapacité de travail ou d'invalidité bénéficient du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime d'assurance chômage, selon les conditions suivantes :

1° Le maintien des garanties est applicable à compter de la date de cessation du contrat de travail et pendant une durée égale à la période d'indemnisation du chômage, dans la limite de la durée du dernier contrat de travail ou, le cas échéant, des derniers contrats de travail lorsqu'ils sont consécutifs chez le même employeur. Cette durée est appréciée en mois, le cas échéant arrondie au nombre supérieur, sans pouvoir excéder douze mois;

2° Le bénéfice du maintien des garanties est subordonné à la condition que les droits à remboursements complémentaires aient été ouverts chez le dernier employeur ;

3° Les garanties maintenues au bénéfice de l'ancien salarié sont celles en vigueur dans l'entreprise ; '

Que ces dispositions étaient déjà en vigueur au moment du jugement de liquidation judiciaire de Sarmate le 1er juillet 2015, et au plus tard à compter du 1er juin 2015 ; qu'elles ont vocation à s'appliquer à compter de la rupture des contrats de travail des intéressés laquelle, en l'espèce, est postérieure à la date de résiliation intervenue à l'initiative de l'institution de prévoyance les 6 juillet et 6 août 2015 ;

Que ces dispositions de l'article L.911-8 du Code de la Sécurité Sociale, applicables de la manière la plus large à toutes les entreprises et à toutes les activités en l'absence de précisions contraires, sont d'ordre public ; que notamment, il n'est point distingué selon la situation des salariés, licenciés par une entreprise in bonis ou salariés d'une entreprise placée en liquidation judiciaire ;

Qu'il n'est pas contesté qu'aucun des salariés en demande de profiter en l'espèce de la portabilité de la couverture sociale n'a commis de faute lourde au préjudice de son ex employeur ;

Considérant enfin que l'article L641-11-1 du code de commerce vient conforter les droits des intimées en disposant que « Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture ou du prononcé d'une procédure de liquidation judiciaire. Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture, le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit, au profit des créanciers, qu'à déclaration au passif» ;

Considérant néanmoins que l'article L. 932-10 du Code de la sécurité sociale issu d'une loi n°94-678 du 8 août 1994, crée un droit de résiliation spéciale au profit de chacune des parties, en cas de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaires, à condition qu'il soit exercé dans les trois mois à compter de la date du jugement ; que ce délai a été en l'espèce respecté par l'appelante puisque elle a résilié les contrats un mois et demi après le jugement de liquidation judiciaire ; qu'il est expressément prévu par ce texte que la portion de cotisation afférente au temps pendant lequel l'institution de prévoyance ne couvre plus le risque doit être restituée au débiteur ce qui implique en soi que ces dispositions s'appliquent dans le cas où le débiteur était parfaitement à jour de ses cotisations, contrairement à ce que soutiennent les intimées ; qu'il n'est donc pas possible d'affirmer comme l'a fait le premier juge à la suite de ces dernières que ce texte ne s'applique de façon certaine qu'au seul cas de non-paiement des cotisations en amont du jugement d'ouverture ;

Considérant que ces dispositions, certes plus anciennes que celles de l'article L 911-8 du code de la sécurité sociale mais non abrogées, sont également d'ordre public ;

Considérant que l'article L932-9 du code de la sécurité sociale qui prévoit une faculté de résiliation unilatérale spécifique pour l'institution de prévoyance en cas de non paiement des cotisations par l'entreprise souscriptrice ne se confond donc pas de façon évidente avec l'article suivant, L932-10 ce dont se prévalent les intimées ;

Que les termes 'garanties en vigueur dans l'entreprise' visant les garanties maintenues gratuitement au bénéfice de l'ancien salarié tels qu' exprimés dans le 3e de l'article L911-8 du code de la sécurité sociale, fondement des demandes, ne se comprennent pas en cas de liquidation judiciaire et donc de disparition de l'ex-employeur puisqu'aucune garantie ne peut survivre dans une entreprise disparue ;

Qu'il apparaît enfin dans les débats préalables au vote d'un amendement n°4884 ayant donné lieu à l'adoption de l'article 4 de la loi du 14 juin 2013 que les dispositions de l'article L911-8 devaient donner lieu à la création d'un fonds de solidarité destiné à rendre effective la portabilité de la couverture et que celui-ci n'a jamais été créé par les compagnies d'assurances et les pouvoirs publics ; qu'il était alors prévu en cas de liquidation judiciaire de l'entreprise qu'en fonction des ses ressources, le salarié devenu demandeur d'emploi bénéficie des dispositifs de droit commun (CMU-C et ACS) ;

Qu'il apparaît ainsi, au vu de ces différentes dispositions, un conflit de normes juridiques d'égale valeur constituant une contestation sérieuse que la jurisprudence n'a apparemment pas encore tranché ; qu'en effet, toutes les décisions invoquées par chacune des parties présentent un contexte différent des circonstances de l'espèce, soit que le débiteur n'ait pas été à jour de ses cotisations à la date du jugement, soit qu'il s'agisse d'un règlement judiciaire laissant subsister l'entreprise ;

Que le juge des référés n'est pas compétent pour trancher un tel conflit qui crée certes un trouble mais qui n'est pas manifestement illicite aux termes de l'article 809 du code de procédure civile la violation de la loi n'étant dès lors pas flagrante ; qu'aucun dommage imminent n'est établi par les intimées ;

Qu'il doit donc être dit qu'il n'y a pas lieu à référé,

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles engendrés par l'instance d'appel, il convient de les débouter de leurs demandes respectives de ce chef ;

Que les dépens seront laissés à la charge de l'appelante ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée ;

Dit n'y avoir lieu à référé ;

Condamne l'institution de prévoyance Humanis Prévoyance aux entiers dépens de l'instance.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 16/08749
Date de la décision : 14/11/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K1, arrêt n°16/08749 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-14;16.08749 ?
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