Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRET DU 8 NOVEMBRE 2016
(n° 2016/ 336 , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/08880
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Février 2015 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2013000733
APPELANTES
SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 399 227 354 00129
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistée de Me Bernard METTETAL de la SCP HONIG METTETAL NDIAYE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0429
SA ALLIANZ IARD venant aux droits de GAN EUROCOURTAGE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 2]
N° SIRET : 542 110 291 00011
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistée de Me Matthieu PATRIMONIO de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0133
INTIMÉES
SA NATIXIS agissant poursuites et diligences de son président en exercice domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 3]
[Localité 3]
N° SIRET : 542 044 524 00818
Représentée par Me Emmanuel JARRY de la SARL GICQUEL ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C1463
Assistée de Me Rémi PASSEMARD de la SCP BOUCKAERT ORMEN PASSEMARD & AUTRES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0555
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Septembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre
Monsieur Christian BYK, Conseiller
Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère, entendue en son rapport
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, présidente et par Madame Catherine BAJAZET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
'''''
La SA NATIXIS propose à ses clients :
- des placements sous forme de 'EMTN' (Euros Mediums Term Notes) qui correspondent à des programmes d'émissions obligataires pour lesquels les modalités de calcul des intérêts et de remboursement, sont déterminées par des formules proposées par NATIXIS et acceptées par le client final, en général investisseur institutionnel.
- des 'TRS' (Total Returns Swaps), soit des contrats d'échange de rendement conclus de gré à gré par lequel le client paie une somme définie à la signature du contrat et en contrepartie, NATIXIS s'engage à lui régler une performance avec effet de levier dont elle assure le financement contre rémunération.
Pour couvrir la performance annoncée de ces placements, adossée pour l'essentiel à celle du fonds Fairfield Sentry Limited (ci-après Sentry) géré par la Fairfield Greenwich (Bermuda) Limited ainsi qu'à celle des fonds alternatifs Sigma, Harley, Herald, M-Invest et Mount Capital, la SA NATIXIS a acquis des parts des dits fonds.
La SA NATIXIS a souscrit un programme d'assurance dit 'Globale de Banque', à effet du 1er janvier 2008, se décomposant en plusieurs lignes distinctes :
- une police 'sous-jacente globale de banque' n°413 034 351 20 souscrite auprès la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS dotée d'un plafond de garantie de 2.000.000 € par sinistre ;
- une Police « globale de banque » n°413 034 333 20 souscrite auprès de la compagnie sus-mentionnée en qualité d'apéritrice en coassurance à hauteur de 45% avec le GAN Eurocourtage (aux droits desquels vient la SA ALLIANZ IARD), avec un plafond de garantie de 48.000.000 € par sinistre et par année d'assurance ;
- une police première ligne dite '1er excess combiné' n°°07.700.529 souscrite auprès de la Société ZURICH INSURANCE IRELAND LIMITED à hauteur de 25.000.000 €;
- une police n°568 372 002 dite '2ème excess combiné' n°568.372-002 souscrite auprès de la Société LIBERTY MUTUAL, en coassurance avec la Société XL INSURANCE à hauteur de 50% chacune et dotée d'un plafond de garantie de 25.000.000 € ;
- une police n°71 019 399 dite 'troisième excess combiné' souscrite auprès de la compagnie ACE EUROPE offrant une couverture supplémentaire de 25.000.000 €, en
coassurance avec la Société PZU à hauteur de 40%.
Ces polices comprennent une garantie FRAUDE aux termes de laquelle, 'l'assureur garantit les pertes pécuniaires subies par l'assuré résultant directement d'une fraude commise à l'encontre de l'assuré, par toute personne identifiée ou non telle que préposé de l'assuré, client de l'assuré ou tiers agissant avec ou sans complicité, quel que soit le moyen utilisé et notamment en cas (...) de falsifications ou utilisation frauduleuse de documents ou de procédés, matérialisant un ordre ou une autorisation de transfert de fonds (...) falsifications et faux sur instruments financiers, valeurs mobilières, (...) ', la fraude étant définie comme 'tout acte intentionnel délictueux et portant sur les biens assurés (...) commis dans le cadre ou à l'occasion des activités de l'ASSURE, qualifié en France par le Code pénal français ou à l'étranger au sens de la législation pénale applicable localement, ou à défaut au sens du Code pénal français, tels que détournements, escroquerie, abus de confiance, faux écritures et usage de faux ou fraude informatique, visant à procurer un profit illicite pour son auteur ou pour un tiers complice, qu'il soit identifié ou non et générant une perte pécuniaire pour l'assuré' ;
Par courrier du 9 janvier 2009, la SA NATIXIS a déclaré un sinistre auprès des différents assureurs, se disant victime de la fraude de [Z] [P] découverte dans la nuit du 11 au 12 décembre 2008 dont le montant est estimé à ce jour à plusieurs centaines de millions d'euros. Le 9 mai 2009, elle complétait sa déclaration, décrivant ses investissements et les circonstances du sinistre ajoutant qu'au jour de la découverte de la fraude elle détenait, en valeur comptable, la somme de 591 800 000 € constituées de parts dans des fonds nourriciers (dont 170 900 000€ au titre du fonds SENTRY). Afin de caractériser l'escroquerie dont elle prétendait être la victime directe au sens du contrat d'assurance, elle expliquait que le mécanisme de Ponzi avait permis à [Z] [P] de convaincre ses investisseurs de la réalité des performances puisque certains porteurs avaient pu se faire rembourser de leur souscription initiale, performance incluse et que son habileté afin d'être convaincant quant à l'efficience de sa gestion selon la stratégie 'slipt-strike conversion' était de construire (à posteriori) des performances parfaitement possibles et de faire corroborer celles-ci par les administrateurs des fonds nourriciers, sur la base de l'inventaire des fonds d'investissements établis à partir des tickets d'achats et de ventes que leur avait transmis [Z] [P] quelques jours après la date des prétendues opérations.
Le 9 décembre 2011, la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS a opposé à la SA NATIXIS un refus de garantie aux motifs que la fraude imputée à M [Z] [P] consiste dans la dissipation des sommes confiées à la Société [Z] L.[P] Investment Securities LLC (ci-après BLMIS) et que les fonds dans lesquels elle avait investi ne peuvent être qualifiés de fonds nourriciers de BLMIS, qui n'est pas un fonds maître. Elle relevait que la perte de l'assurée consistait dans la dévalorisation des parts des fonds alternatifs qu'elle détient toujours, les fonds alternatifs ayant placé auprès de BLMIS, le prix de ces parts (dans la proportion de 95%), cette société s'étant fait désigner comme sous-dépositaire du dépositaire officiel du fonds, déniant ainsi que le préjudice subi par l'assuré soit la conséquence directe de la fraude commise au niveau de BLMIS puisque l'escroquerie porte non sur les sommes remises à NATIXIS mais sur celles confiées par SENTRY à BLMIS en qualité de sous-dépositaire.
Les assureurs au titre des polices 'excess combiné' ont également dénié leurs garanties, celles-ci ne pouvant être mises en oeuvre qu'en complément ou après épuisement des garanties de première ligne.
Par actes des 24 et 26 décembre 2012, la SA NATIXIS a fait assigner la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS, le GAN EUROCOURTAGE et la SA ALLIANZ IARD devant le tribunal de commerce de Paris et par jugement en date du 19 février 2015, la juridiction consulaire a condamné la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS à payer à la SA NATIXIS la somme de 26 200 000€ et la SA ALLIANZ IARD à lui payer une somme de 19 800 000€, ces deux sommes portant intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2011, avec anatocisme, condamnant la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS et la SA ALLIANZ IARD au paiement d'une indemnité de procédure de 250 000€ et aux dépens, rejetant les autres demandes et refusant d'assortir sa décision de l'exécution provisoire.
La SA NATIXIS, la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS et la SA ALLIANZ IARD ont relevé appel de cette décision respectivement les 29 avril et 4 mai 2015. Ces deux procédures ont été jointes le 26 octobre suivant.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 29 juillet 2016, la SA NATIXIS soutient la confirmation du jugement déféré, sauf en ce qu'il a déduit le montant de la franchise du montant de l'indemnité d'assurance allouée, demandant à la cour de condamner :
- la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS au paiement de la somme de 2.000.000 € au titre de la police d'assurance n°413 034 330 10 et celle de 26.400.000 € au titre de la police d'assurance n°413 034 330 20, ces deux sommes portant intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2011, qui seront capitalisés annuellement à compter de la date de cette mise en demeure, et pour la première fois le 14 avril 2012 ;
- la SA ALLIANZ IARD au paiement de la somme de 21.600.000 € au titre de la police d'assurance n°413 034 330 20, avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2011, qui seront capitalisés annuellement à compter de la date de cette mise en demeure, et pour la première fois le 14 avril 2012 ;
- solidairement la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS et la SA ALLIANZ IARD au paiement de la somme de 46.485,71 € au titre des frais de traduction engagés dans cette affaire, d'une indemnité de procédure de 200.000 € en sus de la somme de 250.000€ allouée en première instance et aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 juin 2016, la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS demande à la cour, infirmant le jugement déféré, de la décharger de toutes condamnations. Subsidiairement, elle sollicite de la cour qu'elle lui donne acte de la limite de ses engagements au titre des polices, franchise déduite, à 5,3 millions d'euros, en application de la sous limite « falsification et faux sur instruments financiers, valeurs mobilières, effets de commerce, warrants». Très subsidiairement, elle demande à la cour de dire que la SA NATIXIS ne justifie pas du quantum de ses demandes et sollicite qu'il lui soit donné acte d'une part, de la limitation de ses engagements, franchise déduite, à 26,2 millions d'euros pour la garantie fraude, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point et d'autre part, que les intérêts n'ont couru qu'à compter du 14 avril 2011, leur capitalisation ne pouvant intervenir qu'à compter du 26 décembre 2012, date de l'assignation contenant cette demande. En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de l'appelante au paiement d'une indemnité de procédure de 300 000€ et aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 23 août 2016, la SA ALLIANZ IARD (venant aux droits du GAN EUROCOURTAGE) soutient, à titre principal, l'infirmation du jugement déféré et le débouté des demandes présentées par la SA NATIXIS, les conditions de la garantie n'étant pas réunies. A titre subsidiaire, elle soutient le rejet des prétentions de la SA NATIXIS en application de l'exclusion de garantie de l'article 3.3.9 de sa police et plus subsidiairement, de l'article 113-1 du code des assurances. A titre plus subsidiaire, elle demande à la cour de :
- faire injonction sous astreinte à la SA NATIXIS de produire diverses pièces (ses échanges avec SENTRY et les autres fonds alternatifs depuis décembre 2008, y compris au visa de ses activités au Comité de liquidation du fonds SENTRY, les justificatifs de toutes démarches amiables, pré-contentieuses ou contentieuses qu'elle a pu initier directement ou par le truchement du liquidateur de ces fonds pour sauvegarder ses droits, ainsi que son éventuelle réclamation auprès du fonds d'état MVF, ou de tous autres fonds d'indemnisation, ou de tous garants ou assureurs des personnes physiques ou morales qu'elle aurait pu viser dans ses recours amiables ou contentieux, ou dont elle évoque les négligences dans le cadre de ses écritures, les justificatifs d'une part, de la récupération de sommes versées ou d'actions en ce sens, notamment, tel que précisé dans le projet de formulaire de réclamation MVF (VIII) et d'autre part, de l'état actuel de la procédure opposant NATIXIS à M [H], liquidateur de BLMIS) demandant à la cour au constat que la SA NATIXIS ne justifie pas du quantum de son préjudice, de la débouter de ses demandes ou à tout le moins de suspendre l'instance jusqu'à la production des pièces réclamées ;
- de lui donner acte qu'elle se réserve expressément le droit de compléter son argumentation en référence aux exclusions de garantie prévues à la police ou plus généralement à toutes dispositions légales ou contractuelles ;
A titre infiniment subsidiaire, elle demande à la cour de juger qu'elle ne saurait être tenue à garantie au-delà de la somme de 4.500.000 € dans l'hypothèse où la garantie serait accordée en référence aux prétendus faux sur instruments financiers ou, à défaut d'application de cette sous limite, au-delà de la somme de 19.800.000€ et ce après application de la franchise contractuelle, fixant le point de départ des éventuels intérêts à la date du jugement du tribunal de commerce. Enfin, elle réclame, la condamnation de l'appelante au paiement d'une somme de 150.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture est intervenue le 29 août 2016.
SUR CE, LA COUR
Considérant que la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS et la SA ALLIANZ IARD critiquent la décision déférée en ce qu'elle a retenu que les conditions de la garantie « fraude » étaient réunies au regard de décisions des juridictions américaines (l'ordonnance de 'Consent order' émise par la Massachusetts Sécurities Division, la procédure ayant opposé les liquidateurs de BLMIS et SENTRY, les procédures Anar/Fairfield Greenwich et Sentry/Fairfield Greenwich) dont les termes et la portée sont dénaturés ; qu'elles rappellent que l'argumentation de l'appelante repose, sur un certain nombre de postulat et en particulier sur l'implication des fonds alternatifs (dont SENTRY) qu'elle qualifie à tord de nourriciers, dans le schéma frauduleux de BLMIS, ce qu'elles contestent, insistant sur l'utilité au débat de l'avis d'expert fait sous serment par [L] H. [X], avocat au barreau de New-York qu'elles produisent ;
Considérant que la SA ALLIANZ IARD fait valoir que la preuve que doit rapporter la SA NATIXIS en application de l'article 1315 du code civil et de l'article 9 du code de procédure civile, porte sur une fraude telle que définie au contrat, c'est à dire un fait intentionnel qualifié pénalement commis à son encontre et portant sur les biens assurés, dont résultent directement ses pertes pécuniaires, en déduisant que les pertes des victimes 'par ricochet' de la fraude ne sont pas assurées (ni même assurables) ; qu'elle affirme que la SA NATIXIS, qui doit qualifier pénalement des faits la concernant personnellement, échoue dans sa démonstration d'un acte positif de l'infraction la visant personnellement et matériellement, contestant que le comportement des fonds (dont SENTRY) puissent relever d'une incrimination pénale en l'absence de poursuites aux USA et en raison de l'ordonnance de non-lieu mettant fin à l'instruction ouverte suite à sa plainte, ajoutant que les pièces qui viennent appuyer sa démonstration se rapportent à des procédures civiles ou administratives menées aux USA et qui, au surplus, ont donné lieu à transaction ; qu'elle dénie également une atteinte directe à ses biens, les parts du fonds acquises par l'assurée n'ayant pas été appréhendées par BLMIS mais dépréciées, le prix payé par la SA NATIXIS étant devenu la propriété de SENTRY ' société indépendante et distincte de BLMIS - et ayant changé deux fois de propriétaires avant d'être versé au compte de BLMIS, sous-dépositaire de SENTRY ; qu'elle critique la qualification de fonds maître appliqué à BLMIS et celle de fonds nourricier donné à SENTRY et insiste sur le fait que les sommes appréhendées par BLMIS appartenaient à SENTRY et l'ont été en exécution de conventions liant cette société à BLMIS, la perte de la SA NATIXIS consistant en la dépréciation de ses actifs et non en la perte des sommes investies ; qu'enfin, elle nie tout lien de causalité directe entre la fraude et les pertes, par référence à la causalité telle qu'envisagée par le droit pénal français, qui dénie tout droit d'action aux victimes dite par ricochet, en raison du caractère indirect de leur préjudice dont elle rappelle que celui-ci a été admis, à maintes reprises, par la SA NATIXIS ;
Que la société AXA CORPORATE SOLUTIONS soutient des moyens similaires, retenant que sa garantie n'est pas acquise car la fraude n'était pas dirigée contre la SA NATIXIS, qu'elle ne portait pas sur les biens assurés au sens de la police et qu'il n'y a pas de lien direct entre la fraude de BLMIS et les pertes de la SA NATIXIS, relevant que cette dernière a d'ailleurs fait l'aveu de sa qualité de victime indirecte à maintes reprises devant la presse et le sénat et lorsqu'elle a déclaré ses pertes au « [P] Victim fund », invoquant le principe de l'estoppel ;
Considérant que la SA NATIXIS prétend à l'existence d'un rapport de causalité directe entre les manoeuvres de [Z] [P] et ses pertes, se référant à la théorie civiliste de l'équivalence des conditions et à la doctrine pénaliste, relevant que dans l'infraction d'escroquerie, il est courant que les manoeuvres de l'escroc supposent l'intervention d'un tiers ou que la remise des fonds soit faite par son intermédiaire et qu'il importe peu qu'il soit de bonne ou de mauvaise foi ; qu'elle affirme que la condition d'une fraude portant sur des biens assurés est remplie dès lors qu'elle démontre une fraude à son encontre, disant que sa perte était constituée dès qu'elle a transféré, de sa trésorerie, des sommes afin d'acquérir les parts de fonds dont la valeur économique réelle était déjà nulle ou quasi nulle en raison même de la fraude de BLMIS (qui était en place depuis de nombreuses années), sommes qui plutôt que d'être investies sur les marchés financiers étaient virées par SENTRY sur un compte ouvert au nom de BLMIS, en déduisant que la fraude portait sur les fonds propres qu'elle a remis à SENTRY et qu'ils constituent bien un profit illicite pour [Z] [P] ; qu'elle dénie toute pertinence à l'analyse de la jurisprudence par les assureurs citant la doctrine ou des décisions de justice qui admettent, s'agissant d'escroquerie visant les biens d'une société, le caractère direct du préjudice des actionnaires, déposants ou prêteurs ; qu'elle affirme être directement victime de faits imputés à [Z] [P], visés à la décision pénale new-yorkaise du 29 juin 2009 et prétend caractériser le délit d'escroquerie, selon le droit pénal français, affirmant que la participation des fonds (dont SENTRY) constituait une des manoeuvres essentielles de [Z] [P] pour perpétrer son escroquerie, ceux-ci venant donner crédit, par l'information qu'ils délivraient, aux manoeuvres de l'escroc, relevant également l'automaticité des transferts des sommes reçues par les fonds vers BLMIS ; qu'elle retient aussi l'incrimination d'escroquerie caractérisée par l'abus de qualité vraie et l'établissement de faux intellectuels et fait valoir qu'elle a été directement victime de la fraude puisque ses acquisitions étaient motivées par le fait que les parts de SENTRY correspondaient à des placements financiers effectués par BLMIS, contestant l'assimilation faite par les assureurs de la notion de victime directe et de celle de client, titulaire d'un compte chez BLMIS et disant que la police d'assurance n'exige pas que les sommes détournées aient été remises directement par la victime à l'escroc ;
Que subsidiairement, la SA NATIXIS prétend que le fonds SENTRY a commis des fautes pénalement qualifiables, rappelant au préalable, que l'arrêt de la chambre de l'instruction du 7 décembre 2005 confirmant le non-lieu est dépourvu d'autorité de chose jugée et qu'il appartient à la présente juridiction de qualifier le comportement du fonds, l'invitant à constater à la lecture des actes de procédure et décisions de juridictions américaines 'une étroite connivence' entre les équipes des fonds et de BLMIS et l'implication de ceux-ci et ainsi qu'une 'volonté effrontée et intentionnelle de ne pas procéder à des contrôles et des manoeuvres qui se sont traduites par la production de faux documents' ; que les assureurs objectent qu'aucun des fonds n'a fait l'objet de poursuite ou même été pénalement incriminé tant aux USA qu'en France, les fautes alléguées présentant un caractère civil, en l'absence de démonstration d'une intention criminelle ;
Considérant que la 'garantie fraude' des polices souscrites auprès de la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE et de la SA ALLIANZ IARD oblige l'assureur à garantir 'les pertes pécuniaires subies par l'assuré résultant directement d'une fraude commise à l'encontre de l'assuré, par toute personne identifiée ou non telle que préposé de l'assuré, client de l'assuré ou tiers agissant avec ou sans complicité, quel que soit le moyen utilisé et notamment en cas (...) de falsifications ou utilisation frauduleuse de documents ou de procédés, matérialisant un ordre ou une autorisation de transfert de fonds (...) falsifications et faux sur instruments financiers, valeurs mobilières, effets de commerce, warrants (...)', la fraude étant définie comme 'tout acte intentionnel délictueux et portant sur les biens assurés (...) commis dans le cadre ou à l'occasion des activités de l'ASSURE, qualifié en France par le Code pénal français ou à l'étranger au sens de la législation pénale applicable localement, ou à défaut au sens du Code pénal français, tels que détournements, escroquerie, abus de confiance, faux écritures et usage de faux ou fraude informatique, visant à procurer un profit illicite pour son auteur ou pour un tiers complice, qu'il soit identifié ou non et générant une perte pécuniaire pour l'assuré' ;
Qu'il s'ensuit que la SA NATIXIS peut demander au juge du contrat de constater la fraude dont elle se prétend victime et qualifier celle-ci, au regard du droit pénal français, le contrat n'exigeant nullement que la fraude ait été pénalement sanctionnée, ce qui rend inopérant la prétention des assureurs à cantonner le débat à la décision de condamnation de [Z] [P] et à la procédure de liquidation de BLMIS, qui ne retient comme victimes directes que les personnes ou institutions ayant investi par l'intermédiaire de cette société, comme d'ailleurs le constat qu'aucun juge pénal français ou américain n'aurait validé la thèse de la SA NATIXIS qui retient l'implication des fonds alternatifs ;
Considérant que l'article 313-1 du Code pénal énonce que 'l'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de man'uvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge' ;
Considérant que, pour financer l'effet de levier promis à ses clients dans le cadre d'instruments dérivés, la SA NATIXIS a investi des sommes considérables provenant de ses fonds propres dans les fonds alternatifs américains dénommés Fairfield Sentry Limited (ci-après Sentry), Sigma, Harley, Herald, M-Invest et Mount Capital, sa demande d'indemnisation portant sur la souscription de parts du fonds SENTRY réalisées entre le 29 décembre 2006 et le 31 octobre 2008 ;
Que le fonds SENTRY était supposé répliquer les performances de la gestion [P] (entre 10 et 17% de rendement) et le prix des parts acquises par les investisseurs étaient remis à son dépositaire la société CITCO qui le transférait (déduction faite des frais de souscription et d'une poche de liquidités de 5% qu'elle conservait) au sous-dépositaire, BLMIS, qui était également « Exécution agent » (et devait, à ce titre, exécuter les ordres relatifs à la mise en oeuvre de la stratégie de gestion du fonds) ;
Qu'il est constant et ressort d'ailleurs de sa déclaration de culpabilité que [Z] [P] avait organisé, au début des années 1990, un mécanisme qualifié de pyramide de Ponzy, les sommes remises à BLMIS, en qualité de sous-dépositaire, n'étant nullement investies contrairement aux engagements contractuels de cette société ; qu'elles étaient déposées sur un compte bancaire courant amalgamé ouvert par BLMIS auprès de la Chase Manhattan Bank et utilisées pour assurer le train de vie de [Z] [P] et des ses proches, pour satisfaire les demandes de rachats des clients et pour régler les profits prétendument réalisés ; que [Z] [P] a été, sur reconnaissance de culpabilité, condamné pour diverses infractions (escroquerie aux valeurs mobilières, fraude en qualité de conseil en investissement, fraude au courrier, fraude au virement, blanchiment, faux témoignages et parjures) par la Cour du district sud de New-York ainsi que deux de ces collaborateurs ([P] [K], directeur financier de BLMIS et son comptable, [U] [J] ) ;
Que dans sa reconnaissance de culpabilité (pièce 19 de NATIXIS) [Z] [P] explique que la fraude a commencé au début des années 1990 ; qu'il promettait à ses clients ou à ses clients potentiels que leurs fonds seraient investis dans un panier d'actions ordinaires et prétendait parvenir aux rendements attendus par ceux-ci par la mise en oeuvre d'une gestion d'option selon la stratégie de 'slipt-strike conversion' ; qu'en réalité, il analysait à posteriori l'évolution de l'indice de référence (l'indice S&P 100) et construisait un portefeuille fictif basé sur des opérations imaginaires permettant de retracer les gains allégués, créant, afin d'en dissimuler le caractère fictif, de fausses confirmation des transactions, de faux relevés de comptes clients qui faisaient état de transactions et de positions fantômes, documents qui étaient adressés aux clients concernés ; qu'il avoue avoir aussi déposé auprès de la Securities & echanges commission des Etats-Unis (SEC) des rapports d'audits et des comptes annuels certifiés ; que dans sa décision du 29 juin 2009, la cour du district sud de New-York retient qu'il a été envoyé des millions de pages de relevés de compte (mensongers) aux investisseurs de BLMIS ;
Considérant, ainsi qu'il ressort de l'affidavit de M [X] (§24 à 28), de la plainte du liquidateur de BLMIS, du rapport du liquidateur du fonds SENTRY, du Private Placement Mémorandum du fonds (PPM) et de la convention signée entre SENTRY et les sociétés du groupe CITCO du 3 juillet 2006, que le fonds SENTRY a été créé le 30 octobre 1990, ouvrant dès sa création, un compte chez BLMIS ; qu'il proposait ses parts sociales à des investisseurs professionnels qui en payaient (ou recevait en cas de rachat) la valeur nette d'inventaire ; qu'à la date de sa liquidation, le fonds avait émis 4 692 549 actions (d'une valeur nominale de 0,01$ mais dont le prix de vente initial en 1990 était de 200$), ces actions étant détenues par 725 actionnaires enregistrées ; que la politique d'investissement de ce fonds était 'd'obtenir l'appréciation de ses actifs à travers l'utilisation d'une stratégie de négociation d'options non traditionnelle appelée slipt strike conversion (...) mise en oeuvre par BLMIS à travers des comptes tenus par le fonds auprès de cet établissement (...) les services et le personnel de BLMIS (étant) indispensables au fonctionnement du fonds et à sa rentabilité', l'indisponibilité des services du gestionnaire de placement étant qualifiée de risque substantiel, au côté des risques commerciaux et de l'échec de la stratégie de négociation (page 24 et 25 du PPM) ; que le gestionnaire de portefeuille du fonds, la société Fairfield Grendwich Limited puis sa filiale à 100%, la Fairfield Grendwich (Bermuda) (ci-après FGB) en application d'un accord du 1er octobre 2004, devait contrôler pour le compte de SENTRY, le respect par BLMIS (qui intervenait également comme 'execution agent') des lignes directrices fixées par le dit accord et surveiller les investissements ; que son dépositaire, la société CITCO calculait la valeur nette des investissements et cette société utilisait à son tour BLMIS comme sous-dépositaire, en vertu d'un « custodian agreement » du 3 juillet 2006 ;
Que les assureurs contestent que SENTRY puisse être qualifié de fonds nourricier de BLMIS, sans pour autant argumenter sur ce point ; qu'un fonds nourricier est un fonds d'alternatif pouvant opérer jusqu'à 100% de ses investissements à travers un autre fonds appelé fonds maître ; que si les relations juridiques de SENTRY et de BLMIS se limitaient aux conventions organisant le sous-dépôt et confiant à BLMIS le rôle d'Exécution agent, leurs relations économiques ont conduit les observateurs à faire une application constante du terme 'fonds nourricier' pour désigner les relations de SENTRY avec BLMIS, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier [notamment les liquidateurs du fonds (les pièces 54 et 58 de Natixis) et de BLMIS (sa pièce 65)], de multiples communiqués ou articles de presse (ses pièces 25, 49, 50, 51, 52) et de la lecture de l'ordonnance du tribunal des faillites en date du 28 juin 2011 (cité par M [X] § 36) comme de l'arrêt du 22 février 2013 de la cour d'appel des Etats Unis pour le second circuit (la pièce 2 d'ALLIANZ IARD ; que les liquidateurs de SENTRY relèvent que ce fonds a opéré 'largement en qualité de fond nourricier de BLMIS' et qu'il était 'le plus important des fonds nourriciers de BLMIS avec approximativement 7,2 milliards investis à la fin du mois d'octobre 2008" ;
Que les assureurs ne démentent pas l'importance des investissements de SENTRY dans BLMIS (représentant 95% de ses avoirs), qui peut d'ailleurs être constaté en rapprochant le montant de ces investissements (7,2 milliards de $) et la valeur des autres avoirs de SENTRY évalués par ses liquidateurs (le solde d'un compte chez CITCO pour 70 millions de dollars et des investissements dans d'autres fonds pour 82 millions de dollars) ;
Que la cour doit faire le constat que la seule stratégie de gestion de SENTRY avait été de choisir d'investir auprès de BLMIS, comme l'annonce d'ailleurs le « PPM » du fonds dont les termes sont cités ci-dessus, SENTRY, revendiquant, d'ailleurs, dans ce document une dépendance opérationnelle à l'encontre de BLMIS, auquel elle remettait 95% des sommes obtenues auprès de ses investisseurs ;
Que par ailleurs, les assureurs ne contestent pas que BLMIS refusait d'ouvrir des comptes au nom d'investisseurs autres que les fonds alternatifs et dès lors, les investisseurs institutionnels non américains comme NATIXIS devaient se tourner vers certains de ces fonds dont SENTRY qui leur était plus particulièrement destinés (pièce 69 de Natixis); qu'il s'ensuit que le circuit financier jusqu'au compte de BLMIS, était pour l'investisseur non américain, un circuit obligé et que les fonds remis par les investisseurs de SENTRY avaient pour unique et inéluctable destination, le compte bancaire ouvert par BLMIS auprès de la Chase Manhattan Bank ;
Considérant qu'il est constant que la fraude - qui a durée près de vingt ans - a eu un retentissement mondial, tant en raison du constat des autorités de régulation que '50 milliards de dollars investis par des particuliers et des institutions se sont volatilisés' (la pièce 51 de Natixis) que du fait que [Z] [P] avait étendu ses opérations en Europe, en Asie du sud-est et aux pays du Golfe ; qu'un schéma de pyramide de Ponzi suppose un accroissement constant des sommes détenues par l'escroc afin de rémunérer les investissements par les fonds remis par les nouveaux entrants, la fraude n'étant viable que tant que la clientèle afflue, attirée en masse par les promesses financières (et d'autant plus tentantes que les premiers investisseurs sont satisfaits) ; que dans sa lettre du 7 janvier 2014, le 'Special Master du [P] Victim fund' précise que 'l'appétit de [P] pour l'argent était vorace et des milliers de produits d'investissement ou de fonds ont été utilisés pour lever des fonds. Les fonds des investisseurs se sont retrouvés dans [P] Securities par l'intermédiaire de sociétés de placement, de fonds de fonds, de trusts' ; que l'implication des fonds alternatifs ou leur instrumentalisation est incontournable, ceux-ci devant tout à la fois, drainer l'argent des nouveaux entrants (notamment celui des investisseurs institutionnels non américains comme Natixis) afin d'assurer la pérennité du système qui supposait des mouvements de fonds considérables et donner force et crédit à l'efficience de la méthode de gestion de [Z] [P] ;
Qu'à ce titre, il n'est nullement démenti que le fonds SENTRY mettait en avant de 'faramineux retours sur investissements' et qu'il 'vendait des 11% par an sur les quinze dernières années avec seulement treize mois de retour négatif, un bilan de plus en plus intéressant ces dernières années au fur et à mesure que les marchés devinrent plus volatils' (pièce 51 précitée), qu'il promettait, comme toute institution financière, de procéder à de multiples contrôles sur ses fonds d'investissements (PPM communiqué en pièce 13) dont son gestionnaire rendait compte (questionnaire de due diligences communiqué en pièce 85) ; qu'enfin, il adressait aux investisseurs des rapports mensuels récapitulant les transactions prétendument effectuées par BLMIS pour le compte du fonds;
Que l'instrumentalisation du fonds par BLMIS était nécessaire au succès puis à la pérennité de la pyramide de Ponzi initiée par [Z] [P], le fonds donnant force et crédit à la prétendue rentabilité des investissements réalisés par [Z] [P] selon une stratégie particulièrement efficiente ; que cette croyance de la SA NATIXIS dans une rentabilité exceptionnelle des investissements réalisés par BLMIS « répliqués » par SENTRY constituait la cause déterminante de son investissement ; que la remise des fonds à SENTRY pour laquelle elle recherche l'indemnisation de son assureur, a été obtenue en conséquence de la réussite de la machination frauduleuse mise en oeuvre par [Z] [P], le code pénal n'exigeant nullement que le tiers participant à cette machination soit de mauvaise foi ou puisse être incriminé en tant que complice ;
Qu'il s'ensuit que la fraude a, au sens des polices souscrites auprès la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS et de la SA ALLIANZ IARD été commise à l'encontre de la SA NATIXIS et porte bien sur les biens assurés (les liquidités investies) ; qu'en effet, le dommage de la SA NATIXIS ne peut être constitué que par la perte de ses liquidités, dès leur remise, en l'absence de contrepartie réelle, la valeur donnée aux parts du fonds n'étant qu'une illusion, les assureurs ne pouvant prétendre à la dépréciation d'un actif, qui n'avait en réalité aucune valeur, du fait de l'inexistence des investissements servant d'assiette à sa valorisation ;
Que sont, dès lors, dépourvus de pertinence les arguments tirés de l'analyse juridique des rapports contractuels nés des dépôts successifs ou de l'analyse des décisions de justice rendues par les tribunaux américains dans la liquidation de BLMIS qui ne reconnaissent la qualité de victime directe qu'aux clients ou cocontractants de la société, l'escroquerie commise par [Z] [P] étant une opération complexe impliquant des tiers dont les agissements ont directement provoqué la remise des liquidités détournées ;
Considérant que la dernière condition posée par les polices d'assurance : une perte pécuniaire subie par l'assuré résultant directement de la fraude, qui implique un lien de causalité directe entre l'un des éléments constitutifs de l'escroquerie et le préjudice subi par l'assurée est également indiscutable, eu égard à ce qui précède, la remise de liquidités appartenant à la SA NATIXIS afin qu'elles intègrent le circuit financier de la fraude trouvant notamment sa cause dans le crédit que cette société a donné aux mensonges de [Z] [P] ;
Considérant enfin, que tant le moyen fondé sur l'estoppel (fin de non recevoir qui ne figure pas dans le dispositif des conclusions de l'assureur) ou sur un prétendu aveu de la SA NATIXIS de sa qualité de victime indirecte ne résiste pas à l'examen, la SA NATIXIS ayant toujours soutenu, quel que soit son interlocuteur, avoir été victime des agissements de [Z] [P] au travers de ses investissements dans SENTRY, étant rappelé que l'aveu ne peut porter que sur les faits et non sur le droit, la qualification d'un fait relevant de l'office du juge ;
Considérant qu'à titre subsidiaire, les assureurs opposent à la SA NATIXIS l'exclusion de garantie prévue à l'article 3-3-9 de leurs polices selon laquelle ne sont pas garanties 'les pertes pécuniaires, en cas de fraude commise par un ou plusieurs tiers sans la complicité d'un préposé, subies par l'assuré et résultant de l'ouverture, du renouvellement ou de l'extension d'un crédit ou d'un financement sous quelque forme que ce soit (notamment d'un crédit documentaire, d'un crédit revolving, caution etc...) ;
Qu'ainsi que l'allègue la SA NATIXIS, cette clause d'exclusion ne répond pas aux exigences de l'article L 113-1 du code des assurances faute d'être limitée, la référence à un 'financement sous quelque forme que ce soit' et le renvoi à des opérations de crédit ou de financement qui ne sont pas limitativement énumérées ne permet pas à l'assuré de connaître avec certitude dans quels cas et conditions, il n'est pas garanti et laisse ouverte aux prétentions de l'assureur d'invoquer, à l'occasion d'un sinistre, d'autres hypothèses que celles expressément envisagées ;
Que les assureurs prétendent également à l'existence d'une faute dolosive, au sens de l'article L113-1 du code des assurances, alléguant pour l'un que la SA NATIXIS s'est abstenue de contrôler BLMIS avant d'investir de façon indirecte des centaines de millions d'euros et pour l'autre, qu'en violation avec le protocole de placement privé remis de SENTRY en date du 14 août 2006, la SA NATIXIS s'est abstenue préalablement à ses investissements de procéder aux consultations requises, de poser des questions et obtenir des informations et malgré les signaux d'alerte dont elle disposait pourtant, celle-ci s'est bien gardée de procéder à aucune vérification indépendante ;
Que force est de constater qu'alors que l'assurée est une personne morale à laquelle ils imputent une faute dolosive, les assureurs n'identifient nullement la personne physique, susceptible d'incarner la personne morale et qui en serait l'auteur ;
Qu'en outre, en l'absence de lien contractuel entre BLMIS et la SA NATIXIS, celle-ci n'avait aucune obligation et encore moins le pouvoir de contrôler les activités de ce courtier ; que l'allégation qu'il s'agirait d'une fraude grossière que des diligences normales auraient permis de déceler, se heurte à la réalité d'une fraude dissimulée pendant de nombreuses années, y compris aux organes de contrôle et de régulation du marché boursier américain, ce dernier constat rendant peu crédible l'allégation de la possibilité de détecter la fraude en raison de signaux d'alertes invoqués par le liquidateur de BLMIS (pièce 3 d'Axa) dans la procédure menée contre la SA NATIXIS et qui, tous, se rapportent à la gestion de [Z] [P] ;
Qu'enfin la référence au protocole de placement du 14 août 2006, est tout aussi inopérante pour caractériser une prétendue faute dolosive, celui-ci n'imposant nullement aux investisseurs de s'informer sur les opérations réalisées par BLMIS mais les invitant à 'poser des questions ou obtenir des informations complémentaires (') sur le Fonds (Sentry) compris des informations complémentaires pour vérifier que les informations de ce protocole sont complètes et exactes' ce qui ne peut l'obliger à se substituer à son cocontractant dans l'exécution du contrôle des activités de BLMIS ;
Que dès lors, la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE et la SA ALLIANZ IARD doivent leurs garanties à la SA NATIXIS, dans les limites, qui seront examinées ci-dessous ;
Considérant s'agissant du quantum du préjudice indemnisable, que la SA ALLIANZ IARD sollicite au visa 'des dispositions contractuelles et de l'article L 121-12 alinéa 2 du code des assurances', la production de multiples pièces demandant à la cour de débouter la SA NATIXIS de ses demandes, faute de preuve d'un préjudice certain et en tout état de cause un sursis à statuer dans l'attente de leur communication, se réservant le 'droit de compléter son argumentation en référence aux exclusions de garantie prévues à la police ou plus généralement à toutes dispositions légales ou conventionnelles' ;
Que la SA ALLIANZ IARD doit sa garantie au titre de la police « globale de banque » n°413 034 333 20 ayant pour apéritrice la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ; que cette dernière a soumis la réclamation de la SA NATIXIS à l'examen de M [Y], expert financier qui, dans son rapport en date du 9 octobre 2013 et sa note complémentaire du 18 juin 2014, retient une perte de 170,9 millions d'euros au titre de l'investissement net (rachats déduits) dans le fonds SENTRY ; que cette somme correspond au montant (déduction faite de l'indemnité d'assurance en litige) de la provision pour risque comptabilisée par la SA NATIXIS pour l'exercice 2009 et validée par son commissaire aux comptes (ses pièces 55 et 56), la SA ALLIANZ IARD ne soutenant nullement la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise ou de l'arbitrage par un tiers expert, envisagé à l'article 4.6.3 de la police ;
Que dès lors, le dommage aux biens assurés évalué selon l'article 4.6.2 de la police au jour de leur survenance, peut être fixée à la somme sus-mentionnée ;
Que pour caractériser une incertitude quant à la réalité du préjudice de la SA NATIXIS, la SA ALLIANZ IARD évoque les différentes procédures menées par son assurée (auprès de la banque UBP, des fonds d'indemnisation ou des liquidateurs des fonds dans lesquels elle avait investi) ; or, ces procédures intéressent l'ensemble des investissements de la SA NATIXIS affectés par la fraude [P] et ont permis la récupération d'un peu plus de 115 millions de dollars US (soit environ 103 millions d'euros), somme qu'il convient de rapprocher de la perte totale de la SA NATIXIS évaluée en 2009 à 574,1 millions d'euros, étant relevé que l'avenant à la police n°1 du 20 février 2009, reconnaît à l'assurée, une priorité sur les montants susceptibles d'être obtenus dans le cadre des recours engagés à la suite de la fraude, de telle sorte que les assureurs n'ont vocation à percevoir des sommes des recours qu'après qu'elle a été indemnisée de l'intégralité de sa perte ; que le préjudice de la SA NATIXIS est, au jour où la cour statue certain, à hauteur de la somme de 170,9 millions d'euros, la cour n'ayant nullement à surseoir à statuer dans l'attente de la communication de documents dont l'utilité aux débats n'est nullement démontrée mais qui intéressent, en réalité, l'application de l'avenant sus-mentionné, étranger aux débats dont elle est saisie ;
Qu'enfin, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de donner acte de la SA ALLIANZ IARD qui entend se réserver le droit de compléter son argumentation, qu'en effet le donné acte, qui ne formule qu'une constatation, n'est pas susceptible de conférer un droit à la partie qui l'a requis et obtenu ;
Considérant s'agissant du montant des indemnités d'assurance, que la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS et la SA ALLIANZ IARD prétendent voir appliquer la sous limite de garantie prévue à l'article 5.1 de leurs polices dans l'hypothèse où la fraude a été commise par 'falsification de documents ou faux documents ou de procédés, matérialisant un ordre ou une autorisation de transfert de fonds', inapplicable en l'espèce, la cour ayant retenue une escroquerie et, dès lors, seul le plafond général de la garantie fraude de 2 000 000€ pour la police n°413 034 351 20 souscrite auprès la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS et celui de 48 000 000€ de la police n°413 034 333 20 déterminent, aux termes des dites polices 'l'engagement maximum' des assureurs ;
Qu'ainsi que l'affirme la SA NATIXIS au soutien de son appel, les plafonds de garantie fixent l'engagement maximum de l'assureur par sinistre et année d'assurance et dès lors, la franchise n'a pas à être imputée sur leur montant mais vient en déduction du montant du dommage, en l'espèce, très supérieur au dit plafond ;
Que la décision déférée sera, en conséquence, réformée en ce qu'elle a réduit l'indemnisation de la SA NATIXIS en imputant la franchise sur le plafond de garantie, la cour devant entrer en voie de condamnation à l'encontre de :
- la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE à hauteur de 2.000.000 € au titre de la police d'assurance n°413 034 330 10 et de celle de 26.400.000 € au titre de la police d'assurance n°413 034 330 20 ;
- la SA ALLIANZ IARD à hauteur de 21.600.000 € au titre de la police d'assurance n°413 034 330 20 ;
Que ces sommes porteront intérêts à compter de la mise en demeure du 14 avril 2011 en application de l'article 1153 du code civil, la prétention de la SA ALLIANZ IARD de voir fixer le point de départ à la date du jugement du tribunal de commerce, au motif que la SA NATIXIS ne 'remplissait pas les conditions imposées par la police d'assurance notamment quant à la justification de sa plainte pénale et des opérations effectuées avec les fonds alternatifs' devant être écartée ; qu'en effet, l'article 4.6.relatif aux modalités de la gestion des sinistres impose à l'assuré de porter plainte au commissariat ou au parquet ce dont la SA NATIXIS a justifié en adressant le récépissé de la plainte déposée le 28 juillet 2010 auprès du bureau d'ordre ECOFI du parquet du tribunal de grande instance de Paris par courrier du 28 septembre 2010 (sa pièce 34), aucune difficulté n'ayant été élevée par l'assureur apériteur et coassureur avec la SA ALLIANZ IARD au titre de la police n°413 034 330 20 au cours de l'instruction de la déclaration de sinistre, quant à la communication des documents relatifs aux opérations effectuées sur le fonds ;
Qu'en revanche, l'article 1154 du code civil énonçant que les intérêts échus des capitaux peuvent produire eux-mêmes intérêts, pourvu que soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dûs pour une année entière, la capitalisation des intérêts ne peut intervenir, pour la première fois qu'une année après qu'une demande en a été judiciairement formée, soit à compter du 26 décembre 2012 ;
Considérant enfin, que la SA NATIXIS fait grief aux assureurs d'avoir multiplié les incidents, les arguments et polémiques qu'elle qualifie d'ineptes pour contester leurs obligations et d'avoir, en cause d'appel, employé une tactique consistant à déformer les termes du jugement de première instance concluant que pour ses raisons, elle sollicite 'pour la procédure d'appel une indemnité de 200 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile en sus des montants accordés en première instance et le remboursement de frais de traduction s'établissant à 46 785,71€' ; or ces derniers frais ont été engagés par la SA NATIXIS pour faire valoir ses droits en justice et étaient incontournables dès lors qu'elle engageait une procédure judiciaire ; qu'ils ne constituent pas un préjudice réparable et ne peuvent être remboursés que sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que certes la procédure a été longue et émaillée d'incidents mais la SA NATIXIS recherche la sanction de ce qu'elle estime constituer un abus de droit, ce qui n'est nullement la finalité du texte sus-mentionné ; que l'indemnité de procédure qui lui est due peut être raisonnablement fixée à la somme de 75 000€ pour la procédure de première instance et à 25 000€ en cause d'appel, l'indemnité allouée par les juges étant ramenée à cette somme, la décision déférée étant reformée sur ce point et les parties perdantes devant être condamnées in solidum au paiement des indemnités dues ;
Qu'enfin, la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS et la SA ALLIANZ IARD seront condamnées aux dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,
Réforme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 19 février 2015 sur le montant des indemnités d'assurance allouées à la SA NATIXIS et en ce qu'il fixe à 250 000€ l'indemnité qui lui est due en application de l'article 700 du code de procédure civile et le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS à payer à la SA NATIXIS la somme de 2.000.000 € au titre de la police d'assurance n°413 034 330 10 et celle de 26.400.000 € au titre de la police d'assurance n°413 034 330 20 ;
Condamne la SA ALLIANZ IARD à payer à la SA NATIXIS la somme de 21.600.000 € au titre de la police d'assurance n°413 034 330 20 ;
Rappelle que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2011, avec anatocisme et dit que les intérêts seront capitalisés annuellement à compter du 26 décembre 2011 et, pour la première fois, le 26 décembre 2012 ;
Condamne in solidum, la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS et la SA ALLIANZ IARD à payer à la SA NATIXIS la somme de 75000€ au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et à celle de 25 000€ au titre des frais exposés en cause d'appel ;
Condamne in solidum la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS et la SA ALLIANZ IARD aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE