Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 28 OCTOBRE 2016
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 16/03571
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2016 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2015035135
APPELANTE :
Société VIVESCIA INDUSTRIES
immatriculée au RCS de Reims sous le n° 344 444 021
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 1]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020
Ayant pour avocat plaidant Me Philippe GENIN, avocat au barreau de LYON
INTIMÉS :
Monsieur [X] [O]
né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 2]
de nationalité française
demeurant [Adresse 2]
[Localité 3]
Madame [M] [D]
née le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 4]
de nationalité française
demeurant [Adresse 3]
[Localité 5]
Monsieur [B] [Z]
né le [Date naissance 3] 1949 à [Localité 6]
de nationalité française
demeurant [Adresse 4]
[Localité 7]
Monsieur [F] [D]
né le [Date naissance 4] 1959 à [Localité 8] (50)
de nationalité française
demeurant [Adresse 5]
[Localité 9]
Monsieur [U] [R]
né le [Date naissance 5] 1971 à [Localité 10] (06)
de nationalité française
demeurant [Adresse 6]
[Localité 11]
Monsieur [J] [U]
né le [Date naissance 6] 1968 à [Localité 12] (53)
de nationalité française
demeurant [Adresse 7]
[Localité 13]
Madame [Q] [U]
née le [Date naissance 7] 1965 à [Localité 14] (2)
demeurant [Adresse 7]
[Localité 13]
Monsieur [Z] [C]
né le [Date naissance 8] 1956 à [Localité 15] (22)
de nationalité française
demeurant [Adresse 8]
[Localité 16]
Monsieur [I] [T]
né le [Date naissance 9] 1951 à [Localité 17] (MAROC)
de nationalité française
demeurant [Adresse 9]
[Localité 18]
Monsieur [O] [V]
né le [Date naissance 10] 1959 à [Localité 19] ( 33)
de nationalité française
demeurant[Adresse 10]
[Localité 20]
Monsieur [G] [E]
né le [Date naissance 11] 1958 à [Localité 21] (56)
de nationalité française
demeurant [Adresse 11]
[Localité 4]
Madame [Y] [E]
née le [Date naissance 12] 1957 à [Localité 22] (64°
de nationalité française
demeurant[Adresse 11]
[Localité 4]
Monsieur [A] [I]
né le [Date naissance 13] 1957 à [Localité 23] (78)
de nationalité française
demeurant[Adresse 12]
[Localité 24]
Monsieur [H] [A]
né le [Date naissance 14] 1948 à [Localité 25] (10)
de nationalité française
demeurant[Adresse 13]
[Localité 26]
Monsieur [L] [J]
né le [Date naissance 15] 1951 à [Localité 27] (59)
de nationalité française
demeurant[Adresse 14]
[Localité 28]
Monsieur [K] [Q]
né le [Date naissance 16] 1993 à [Localité 29] (92)
de nationalité française
demeurant [Adresse 15]
[Localité 30]
Monsieur [D] [Q]
né le [Date naissance 17] 1999 à [Localité 29] (92)
de nationalité française
demeurant [Adresse 15]
[Localité 30]
Madame [V] [Q]
née le [Date naissance 18] 1958 à [Localité 30]
de nationalité française
demeurant [Adresse 15]
[Localité 30]
Madame [C] [Q]
née le [Date naissance 19] 1984 à [Localité 31] (USA)
de nationalité française
demeurant [Adresse 15]
[Localité 30]
Monsieur [E] [Q]
né le [Date naissance 20] 1951 à [Localité 32] (42)
de nationalité française
demeurant [Adresse 16]
[Localité 30]
Monsieur [S] [Q]
né le [Date naissance 21] 1981 à [Localité 4]
de nationalité française
demeurant [Adresse 16]
[Localité 30]
Madame [P] [Q]
née le [Date naissance 22] 1986 à [Localité 4]
de nationalité française
demeurant [Adresse 16]
[Localité 30]
Madame [R] [Q]
née le [Date naissance 23] 1953 à [Localité 4]
de nationalité française
demeurant [Adresse 16]
[Localité 30]
Madame [W] [Q]
née le [Date naissance 4] 1979 à [Localité 33] (92)
de nationalité française
demeurant[Adresse 16]
[Localité 30]
Monsieur [Z] [L]
né le [Date naissance 24] 1949 à [Localité 34] (17)
de nationalité française
demeurant[Adresse 17]
[Localité 35]
Monsieur [T] [P]
né le [Date naissance 25] 1956 à [Localité 36] (76)
de nationalité française
demeurant [Adresse 18]
[Localité 37]
Monsieur [Z] [W]
né le [Date naissance 26] 1952 à [Localité 38] (56)
de nationalité française
demeurant [Adresse 19]
[Localité 39]
Monsieur [N] [K]
né le [Date naissance 27] 1962 à [Localité 29] (92)
de nationalité française
demeurant [Adresse 20]
[Localité 40]
Monsieur [VV] [F]
né le [Date naissance 28] 1957 à [Localité 41] (56)
de nationalité française
demeurant [Adresse 21]
[Localité 42]
Monsieur [MM] [S]
né le [Date naissance 10] 1959 à [Localité 43] ( 56)
de nationalité française
demeurant [Adresse 22]
[Localité 44]
Monsieur [EE] [H]
né le [Date naissance 29] 1953 à [Localité 45] (93)
de nationalité française
demeurant [Adresse 23]
[Localité 46]
Madame [KK] [H]
née le [Date naissance 30] 1953 à [Localité 47] (78)
de nationalité française
demeurant [Adresse 23]
[Localité 46]
Monsieur [L] [Y]
né le [Date naissance 31] 1966 à [Localité 48] (70)
de nationalité française
demeurant [Adresse 24]
[Localité 49] (Allemagne)
Monsieur [AA] [X]
né le [Date naissance 32] 1956 à [Localité 50] (57)
de nationalité française
demeurant [Adresse 25]
[Localité 51]
Monsieur [SS] [N]
né le [Date naissance 33] 1964 à [Localité 4]
de nationalité française
demeurant [Adresse 26]
[Localité 52]
Madame [FF] [G]
née le [Date naissance 19] 1954 à [Localité 19]
de nationalité française
demeurant [Adresse 27]
[Localité 53]
Monsieur [BB] [M]
né le [Date naissance 34] 1953 au Congo Belge
de nationalité belge
demeurant [Adresse 28]
[Localité 54] (Belgique)
Madame [LL] [B]
né le [Date naissance 35] 1948 à [Localité 55] (10)
de nationalité française
demeurant [Adresse 29]
[Localité 56]
Monsieur [II] [SS]
né le [Date naissance 36] 1948 à [Localité 57] (37)
de nationalité française
demeurant [Adresse 30]
[Localité 58]
Monsieur [QQ] [MM]
né le [Date naissance 37] 1949 à [Localité 59] (59)
de nationalité française
demeurant [Adresse 31]
[Localité 60]
Monsieur [DD] [Q]
[Adresse 15]
[Localité 30]
Société civile HF B1
immatriculée au RCS de Paris sous le n°752 839 233
ayant son siège social [Adresse 15]
[Localité 30]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Société civile HF B2
immatriculée au RCS de Paris sous le n° 752 839 183
ayant son siège social [Adresse 15]
[Localité 30]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
SCI MYYL
immatriculée au RCS de Troyes sous le n° 477 530 810
ayant son siège social [Adresse 32]
[Localité 61]
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentés par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Ayant pour avocat plaidant Me Alexandre MERVEILLE de la SELARL Versini - Campinchi, Merveille & Colin, avocat au barreau de PARIS, toque : P0454
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 Juin 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre
M. Laurent BEDOUET, Conseiller
Mme Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Pervenche HALDRIC
Ministère Public : L'affaire a été communiquée au ministère public.
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente et par Mariam ELGARNI-BESSA, greffière présente lors du prononcé.
*
En exécution d'un protocole de cession signé le 12 juillet 2012, 400 collaborateurs ou anciens collaborateurs du groupe Nutrixo, réunis au sein de la société Atrixo qui détenait alors 40,12% de la société Nutrixo, ont le 11 décembre 2012 cédé l'intégralité de leurs participations dans Atrixo à la société Vivescia Industries pour un prix principal 74.791.142,40 euros.
Ce montant était assorti de deux compléments de prix, cumulatifs, dépendant de l'issue de deux procédures introduites à l'encontre de Nutrixo par l'Autorité de la concurrence à raison de sa participation supposée à des cartels anti-concurrentiels, dont les conditions de détermination et de mise en oeuvre étaient définies au protocole.
A la date de la cession, la première procédure (amende 1) était pendante devant la cour d'appel de Paris, ensuite du recours formé contre la décision de sanction prononcée par l'Autorité de la concurrence le 13 mars 2012 et la seconde (amende 2) était en cours d'instruction par l'Autorité de la concurrence et n' avait encore donné lieu à aucune notification de grief ou de décision.
Dans le cadre de la première procédure, la cour d'appel de Paris a par arrêt du 20 novembre 2014 réduit l'amende due par Nutrixo de 80.034.000€ à 20.129.000€. Cette décision fait l'objet d'un pourvoi pendant devant la Cour de cassation.
La seconde procédure a abouti à un abandon des poursuites par l'Autorité de la concurrence, le 26 mars 2015.
Par courrier du 9 avril 2015, le représentant des cédants a demandé au cessionnaire le paiement de la somme de 23.998.938,23 euros au titre du complément de prix n°1 et celle de 32.095.780,80 euros au titre du complément de prix n°2
Le 17 avril 2015,Vivescia a contesté l'exigibilité des compléments de prix, considérant, d'une part, que l'arrêt du 20 novembre 2014 ne mettait pas un terme irrévocable au différend avec l'Autorité de la concurrence, d'autre part, s'agissant du second complément, qu'il convenait d'attendre l'expiration du délai de recours et l'absence de recours.
C'est dans ce contexte que les cédants ont par acte du 17 juin 2015 fait assigner à jour fixe Vivescia en paiement des compléments de prix n° 1 et 2 outre intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 9 avril 2015.
Vivescia a réglé le complément de prix n°2 le 9 juillet 2015.
Par jugement du 29 janvier 2016, le tribunal de commerce de Paris a débouté M. [O] et autres ( ci-après les cédants) de leur demande d'intérêt légal sur le complément de prix n°2, a condamné la SCA Vivescia Industries à payer à chacun des demandeurs ( suivant tableau détaillé repris dans le jugement) les sommes dues au titre du complément de prix n°1, a ordonné l'exécution provisoire sous réserve que les demandeurs fournissent une caution bancaire couvrant le parfait remboursement de toutes les sommes versées en exécution du jugement, outre les intérêts éventuellement courus sur ces sommes et a condamné Vivescia Industries à payer à chacun des demandeurs 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La société Vivescia Industries a relevé appel de cette décision le 8 février 2016 et a été autorisée par ordonnance du 16 février 2016 à assigner les cédants pour l'audience du 21 juin 2016, selon la procédure à jour fixe.
Dans ses conclusions signifiées par RPVA le 13 juin 2016 et reprises à l'audience Vivescia Industries demande à la cour :
- à titre principal, de réformer le jugement déféré, de juger qu'en qualifiant de « définitive » la décision de justice à intervenir permettant le paiement des compléments de prix prévus au protocole de cession du 12 juillet 2012, les parties ont entendu que cette décision ne puisse être frappée d'aucun recours, ordinaire ou extraordinaire, et de débouter en conséquence les intimés de leur action,
- subsidiairement, en cas de confirmation, de maintenir également, en contrepartie du paiement, l'exigence d'une garantie bancaire présentant toutes les garanties de restitution des sommes versées aux cédants, c'est à dire une garantie bancaire à première demande auprès de banques de premier rang sans bénéfice de discussion, ni de division si la garantie est conjointe, afin de garantir la restitution des sommes qu'ils auront perçues, et ce dans l'hypothèse où la Cour de cassation casserait l'arrêt de la cour d'appel de Paris
- de condamner chacun des intimés à lui payer la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.
Dans leurs écritures déposées et signifiées le 23 mai 2016, M. [O] et autres (ci-après les cédants) demandent à la cour :
- de débouter l'appelante de toutes ses prétentions,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Vivescia payer à chacun des cédants le complément de Prix n°1 et une indemnité de 300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de l'infirmer en ce qu'il a omis de statuer ou rejeter les demandes portant sur les intérêts légaux et, statuant à nouveau, de condamner Vivescia :
1) au paiement des intérêts de retard sur le complément de prix n°1au taux légal de 4,06% pour l'ensemble des intimés personnes physiques et au taux de 0,93% pour les intimés personnes morales à compter du 17 avril 2015, et subsidiairement, à compter de l'assignation introductive du 17 juin 2015, avec anatocisme à l'issue de la première année, et ce jusqu'à complet paiement,
2) au paiement des intérêts de retard sur le complément de prix n°2 au taux légal de 4,06% pour l'ensemble des intimés personnes physiques et de 0,93% pour les intimés personnes morales, à compter du 17 avril 2015, et subsidiairement à compter de l'assignation introductive du 17 juin 2015, jusqu' au 9 juillet 2015 ,
- de condamner la société appelante à payer 2.000 euros à chacun des intimés en application de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE
- Sur le complément de prix n°1
L'article 3.2.1 ( i) et ( ii) du protocole d'accord, stipule que l'acquéreur versera aux cédants un complément de prix n°1 égal à la différence entre la quote-part Atrixo de l'amende 1 maximale et la quote-part Axtrio de l'amende 1 définitive, le montant de l'amende 1 pris en compte pour le calcul de ce complément de prix étant celui déterminé par le premier de l'un des trois événements suivants, seul le second cas étant en débat dans la présente instance:
a) une transaction entre le Groupe Nutrixo et les autorités compétentes pour fixer le montant de l'amende 1,
b) la signification aux sociétés concernées du Groupe Nutrixo d'une décision de justice définitive ayant autorité et force de chose jugée, fixant le montant de l'Amende 1 à payer par Nutrixo et/ou les autres sociétés concernées du Groupe Nutrixo;'
c) un accord entre vendeurs et acquéreur sur le montant de l'amende 1.
Selon le (iii) de cet article, le paiement du complément de prix interviendra dans les 30 jours ouvrés suivant la survenance du premier des événements mentionnés au paragraphe (ii), en l'occurrence la signification d'une décision de justice définitive ayant autorité et force de chose jugée, fixant le montant de l'amende.
Les parties sont en désaccord sur le sens donné dans le protocole à une 'décision de justice définitive ayant autorité et force de chose jugée' , sur le point de savoir si l'arrêt du 20 novembre 2014 répond ou non à ces conditions et déclenche le mécanisme du paiement du complément de prix n°1, Vivescia soutenant qu'au sens de la convention il doit s'agir d'une décision devenue irrévocable, supposant que toutes les voies de recours, ordinaires comme extraordinaires, sont épuisées, et que tel n'est pas le cas de l'arrêt du 20 novembre 2014 qui fait l'objet d'un pourvoi en cassation, tandis que les cédants considèrent qu'une décision définitive s'entend d'une décision exécutoire ne pouvant faire l'objet d'un recours ordinaire, ajoutant que ce complément de prix correspond à la valorisation réelle des actions cédées et vient équilibrer le transfert de propriété et de jouissance immédiate des titres sociaux avec l'absence d'intérêts durant la procédure en fixation de l'amende.
Le protocole d'accord ne définit pas les termes de décision définitive, d'autorité de chose jugée et de force de chose jugée. Il rappelle toutefois en préambule après avoir évoqué l'existence des procédures en cours, qu'il a été convenu que ' l'issue' de chacune de ces procédures fera l'objet d'un complément de prix déterminé en fonction d'une indexation en relation avec l'impact de ces procédures sur l'activité de holding de Nutrixo, dans les conditions stipulées ci-après. La convention vise par ailleurs à de nombreuses reprises le caractère définitif de l'amende ou de la décision la fixant.
Ce protocole d'accord ayant été rédigé par des professionnels du droit, il est conforme à la volonté des parties de prendre les termes 'autorité et force de chose jugée' dans leur acception juridique.
A force de chose jugée, selon l'article 500 du code de procédure civile , un jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution. L'arrêt du 20 novembre 2014 remplit incontestablement cette première condition, le pourvoi en cassation n'ayant pas d'effet suspensif.
L'autorité de la chose jugée attachée au jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal ou qui statue sur une exception de procédure une fin de non-recevoir ou tout autre incident, a pour effet d'interdire aux parties de soumettre au juge le même litige.Une décision de justice ayant autorité de chose jugée s'entend ainsi d'une décision qui n'est plus susceptible d'être remise en cause, qui est donc devenue irrévocable. Tel n'est pas le cas de l'arrêt du 20 novembre 2014, en ce qu'étant déféré à la Cour de cassation, il est susceptible de faire l'objet d'une cassation avec renvoi, le litige se trouvant alors rejugé par la cour d'appel de renvoi. Dès lors, l'absence d'emploi du terme 'irrévocable' dans la convention n'est pas révélateur d'une volonté contraire des parties.
L'ajout de la mention 'décision de justice définitive' conforte l'intention des parties d'attendre une issue définitive à la procédure pour fixer et déclencher le paiement du complément de prix.
Pour contester l'exigence d'une décision irrévocable, les cédants se prévalent de la clause d'ajustement du complément de prix n°1 figurant à l'article 3.2.1(iv) selon laquelle "Dans l'hypothèse où le montant effectivement supporté ou payé au titre de l'Amende 1 par les sociétés du groupe Nutrixo postérieurement à la détermination et/ou au paiement du Complément du Prix d'Acquisition 1 serait finalement inférieur au montant de l'Amende 1 tel qu'arrêté ou pris en compte pour le calcul du Complément du Prix d'Acquisition 1 conformément aux stipulations du paragraphes ci-dessus' , considérant que cette réserve d'ajustement, uniquement à la hausse, a justement été prévue pour corriger les effets de la fixation et du paiement d'un complément de prix avant l'intervention d'une décision irrévocable sur le montant de l'amende.
Cependant, ainsi que le soutient Vivescia, cette clause qui permet de procéder à un nouveau calcul en faveur des cédants, trouve tout autant sa justification dans l'hypothèse d'une transaction ou d'un accord définitif entre les parties sur le montant de l'amende, de telles négociations demeurant possibles après une décision fixant l'amende, une décision de justice, fût-elle juridiquement irrévocable, ne mettant un terme qu'au processus judiciaire, étant relevé que l'emploi des termes 'effectivement supporté ou payé' renvoie davantage à une exécution conventionelle qu'à une exécution pure et simple d'une condamnation judiciaire à paiement.
Ainsi, cette clause d'ajustement du complément de prix ne vient pas contredire l'analyse ci-dessus des termes 'décision de justice définitive ayant autorité et force de chose jugée' .
Manquent également de pertinence les considérations générales des cédants relatives à la valeur des actions, à l'entrée en jouissance immédiate du cessionnaire alors que le paiement d'une partie du prix est différée sans contrepartie d'intérêts, dès lors qu'il ressort du préambule du protocole que les parties étaient dans l'incertitude de la valeur finale des titres cédés, ayant précisé que les deux procédures initiées par l'Autorité de la concurrence sont de par leur importance potentielle, de nature à avoir un impact significatif direct sur la valorisation même de Nutrixo et partant d'Atrixo et qu'en connaissance de cet aléa, elles n'ont pas pour autant décidé de faire courir des intérêts sur le complément de prix en attendant qu'intervienne, à une date inconnue, une décision définitive ayant autorité et force de chose jugée. Le fait que les arrêts de cour d'appel sont exécutoires de plein droit ne suffit pas à soutenir que l'arrêt du 24 novembre 2014 a permis aux parties de connaître l'impact définitif de la procédure de l'Autorité de la concurrence sur l'activité de la holding
Il s'ensuit que les parties ont entendu, dans le protocole relatif à la cession des actions, subordonner la mise en oeuvre du complément de prix n°1 à une décision irrévocable. L'arrêt du 24 novembre 2014, ne remplissant pas cette condition, n'a donc pas rendu exigible le complément de prix n°1.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné Vivescia à verser le complément de prix n°1, la cour, statuant à nouveau déboutera les cédants de leur demande en paiement de ce complément de prix. Le principal n'étant pas dû, la demande en paiement au titre des intérêts de retard sera également rejetée.
-Sur les intérêts de retard du complément de prix n°2
Selon l'article 3.2.2 (vi) du protocole, si l'Autorité de la concurrence décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre au titre de la 'Procédure Contentieuse BA', le complément de prix n°2 devra être payé dans les 10 jours suivant la survenance de cet événement.
Le 26 mars 2015, l'Autorité de la concurrence a dit n'y avoir lieu à poursuite à l'encontre de Nutrixo et de ses filiales, cette décision a été notifiée le 7 avril suivant aux sociétés concernées.
Par courrier recommandé du 9 avril 2015, le représentant des cédants se référant à la décision du 26 mars 2015 de l'Autorité de la concurrence écrivait au cessionnaire:
' La Décision de l'ADLC constitue donc un événement déclencheur du Complément de Prix d'Acquisition 2 conformément à l'article 3.2.2 (vi) (b) du Protocole de Cession.
Par conséquent, le montant du Complément du Prix d'Acquisition 2 est dû dans son intégralité, soit un montant de Trente- deux millions quatre-vingt-quinze mille sept cent quatre-vingt euros et quatre-vingt centimes (32.095.780,80€) et doit être payé par l'Acquéreur aux Cédants à réception de la présente.[....]
Conformément à l'article 3.2.3 du Protocole de Cession, les Compléments du Prix d'Acquisition doivent être payés par l'Acquéreur sur le compte de chacun des Cédants.
Afin de régler au mieux les modalités pratiques de paiement, nous vous remercions de nous adresser, dès réception de la présente, le fichier des coordonnées bancaires des Cédants qui est en votre possession, de façon à ce que nous le mettions à jour et vous le renvoyions une fois vérifié, pour réalisation des paiements par Cédant concerné.'
Le complément de prix n°2 a été versé le 9 juillet 2015.
Les cédants sollicitent la condamnation de Vivescia au paiement d'intérêts de retard dont ils situent le point de départ au 17 avril 2015, date du refus opposé à leur demande en paiement du 9 avril 2015, ou à défaut à compter du 17 juin 2015, date de la délivrance de l'assignation et jusqu'au 9 juillet 2015
Vivescia conclut au rejet de cette demande, faisant valoir que le courrier du 9 avril 2015 n'est pas constitutif d'une mise en demeure, que les intérêts légaux ne courent pas à compter de l'assignation mais du jugement et qu'en l'espèce le jugement ne l'a pas condamnée au paiement des intérêts légaux.
Si au 9 avril 2015, le complément de prix n°2 était devenu exigible et a donc été payé avec retard au-delà du délai de 10 jours, le 9 juillet 2015, le courrier adressé à cette date par le représentant des cédants ne constitue cependant pas une interpellation suffisante lui conférant la nature de mise en demeure, dès lors qu'il ressort de ses termes mêmes, que le paiement ne pouvait intervenir avant un nouvel échange permettant d'actualiser les coordonnées bancaires des nombreux créanciers.
En revanche, l'assignation délivrée le 17 juin 2015 aux fins de paiement a bien valeur de mise en demeure et, s'agissant de l'exécution d'une obligation contractuelle, a fait courir des intérêts de retard à compter de sa date jusqu'au jour du règlement. A défaut de dispositions contractuelles contraires, ces intérêts de retard seront dûs au taux contractuel en vigueur au 1er semestre 2015, soit au taux de 4,06% pour les cédants ( intimés) personnes physiques et au taux de 0,93% pour les cédants (intimés) à personnes morales.
Le jugement ayant débouté les cédants de leurs demandes d'intérêts de retard sera infirmé et Vivescia sera condamnée à verser aux cédants les intérêts de retard dans les conditions ci-dessus.
- Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Eu égard à la solution du litige, les dépens seront partagés par moitié entre l'appelant d'une part, les intimés d'autre part. Aucune considération d'équité ne commande de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile, le jugement étant réformé en ce sens.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
En l'état de la procédure relative à la fixation de l'Amende 1 (arrêt de la cour d'appel de Paris du 20 novembre 2014), déboute les cédants ( parties intimées dans la présente instance) de leur demande en paiement du complément de prix n°1 et de leur demande au titre des intérêts de retard qui en sont l'accessoire,
Condamne Vivescia à verser aux cédants ( parties intimées) les intérêts de retard au titre du complément de prix n°2, au taux légal de 4,06% pour les cédants personnes physiques et au taux de 0,93% pour les cédants personnes morales pour la période ayant couru du 17 juin 2015 au 9 juillet 2015,
Déboute toutes les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles de procédure,
Partage par moitié les dépens entre Vivescia, d'une part, les cédants pris ensemble d'autre part et dommages et intérêts qu'ils pourront être recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Mariam ELGARNI-BESSA Marie -Christine HÉBERT-PAGEOT