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27/10/2016 | FRANCE | N°15/14898

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 27 octobre 2016, 15/14898


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 8



ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2016

(n° , 7 pages)







Numéro d'inscription au répertoire général : 15/14898



Décision déférée à la Cour : jugement du 30 juin 2015 - juge de l'exécution de Paris - RG n° 15/81244





APPELANT



M. [Q] [F], né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1] (Algérie)

[Adresse 1]




Représenté par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050, ayant pour avocat plaidant Me Michael SICAKYUZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 8

ARRÊT DU 27 OCTOBRE 2016

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/14898

Décision déférée à la Cour : jugement du 30 juin 2015 - juge de l'exécution de Paris - RG n° 15/81244

APPELANT

M. [Q] [F], né le [Date naissance 1] 1951 à [Localité 1] (Algérie)

[Adresse 1]

Représenté par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050, ayant pour avocat plaidant Me Michael SICAKYUZ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0611

INTIMÉE

SAS AUTREMENT IMMOBILIER prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° Siret : 807 648 332 00011

dont le siège social est sis [Adresse 2]

Représentée par Me Delphine MENGEOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0006, ayant pour avocat plaidant de Me Paul ZEITOUN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1878

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 septembre 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie Hirigoyen, Présidente de chambre

Mme Anne Lacquemant, Conseillère

M. Gilles Malfre, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Mme Fatima-Zohra Amara

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence Pontonnier, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, procédure et prétentions des parties

Par acte du 17 mars 2015 et en vertu d'un contrat de bail du 3 mars 2004, la Sas Autrement Immobilier a fait pratiquer une saisie conservatoire de créance, pour garantie d'une somme de 23'737,80 euros. Cette saisie a été dénoncée le 20 mars 2015 à M. [Q] [F], qui l'a contestée devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris par acte du 15 avril 2015.

Par jugement 30 juin 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a rejeté la demande de nullité du procès-verbal de saisie du 17 mars 2015 ainsi que de sa dénonciation et n'a pas fait droit à la demande de mainlevée ni à la demande de dommages-intérêts pour abus de saisie. La société Autrement Immobilier a été déboutée de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour abus de procédure et M. [F] a été condamné à lui payer 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.

M. [F] a relevé appel de ce jugement, selon déclaration du 9 juillet 2015.

Dans ses conclusions signifiées le 29 juin 2016, M. [F] sollicite in limine litis et en application de l'article 47 du code de procédure civile que l'affaire soit renvoyée devant la cour d'appel de Versailles du fait de sa qualité d'avocat et s'oppose à la demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile présentée par l'intimée alors qu'elle s'oppose à cette demande de renvoi.

Sur le fond, M. [F] poursuit l'infirmation du jugement du 30 juin 2015, sauf en ce qu'il a débouté la société Autrement Immobilier de ses demandes reconventionnelles. Il sollicite en conséquence :

- l'annulation du procès-verbal de saisie conservatoire de créance du 17 mars 2015 et de sa dénonciation du 20 mars 2015 ;

- la mainlevée de cette saisie conservatoire de créance ;

- la condamnation de la société Autrement Immobilier à lui rembourser l'ensemble des frais de cette saisie conservatoire de créance représentant une somme à tout le moins de 111 euros, à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les divers préjudices subis du fait des agissements de la société Autrement Immobilier, de son gestionnaire d'immeuble et de la saisie conservatoire litigieuse, la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,'outre les 1'000 euros qu'il a payés en exécution du jugement entrepris au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [F] s'oppose à toutes les demandes de la partie adverse.

Sur l'application de l'article 47 du code de procédure civile, il rappelle qu'il est avocat inscrit à l'ordre des avocats de Paris depuis avril 1981 et qu'il est de jurisprudence constante que sa demande de renvoi peut être invoquée à tout moment de la procédure et que le juge doit y faire droit.

Sur le fond, M. [F] estime en premier lieu que le jugement doit être infirmé du fait de la violation du principe du contradictoire, en raison de pièces communiquées tardivement par la partie adverse mais non écartées des débats par le premier juge. Il souligne qu'il ne lui a été accordé qu'un seul jour pour répliquer par note en délibéré aux volumineuses pièces adverses ainsi qu'aux conclusions tardivement communiquées et contenant des demandes reconventionnelles qui devaient être débattues contradictoirement.

Sur la nullité du procès-verbal de saisie conservatoire, M. [F] développe le même moyen que devant le premier juge, à savoir l'absence de signature par l'huissier, qui n'est pas un simple vice de forme mais une formalité substantielle ne nécessitant pas la démonstration d'un grief, alors que cet acte de saisie ne peut être diligenté que par un huissier. Il estime que la photocopie de ce procès-verbal comportant une signature a été régularisée a posteriori et constitue un faux. Il considère en outre que la saisie est caduque dans la mesure où n'était pas jointe à cet acte une copie complète du contrat de bail lui servant de fondement et que la dénonciation de cette saisie ne lui a pas été régulièrement signifiée à sa personne, soulignant ne pas connaître la personne à qui cet acte a été remis alors qu'elle n'y était pas habilitée, outre le fait que l'acte n'a pas été placé sous pli fermé.

Sur le principe de créance allégué, M. [F] fait valoir qu'il n'est pas établi, outre le fait que cette créance n'est pas menacée dans son recouvrement. Il rappelle que M. [K] [Z] lui a donné à bail, selon contrat du 3 mars 2004, un local à usage mixte situé au troisième étage de l'immeuble sis [Adresse 3], ainsi que deux chambres de services situées au septième étage, que par contrat du 30 novembre 2004, M. [Z] lui a consenti un bail mixte sur des locaux situés au premier étage du même immeuble. Il indique avoir subi dans ces lieux situés au premier étage de très nombreux dégâts des eaux provenant de l'appartement situé au-dessus et appartenant aux époux [O], de sorte qu'il a dû résilier ce second bail le 22 octobre 2013 et qu'il a introduit une procédure au fond devant le tribunal d'instance de Paris 16ème qui est toujours pendante. M. [F] souligne avoir quitté ces lieux le 31 décembre 2014 pour installer son cabinet au troisième étage. Il fait valoir que le 23 décembre 2014, la société Autrement Immobilier a indiqué être la nouvelle propriétaire de l'immeuble mais sans en justifier, qu'il a fait savoir à la société se déclarant mandataire de ce supposé propriétaire, la société Jac Immobilier représentée par le fils des époux [O], qu'il n'avait plus de chauffage dans son appartement, outre des nuisances sonores du fait de travaux dans les autres appartements de l'immeuble qui perdurent alors qu'il a toujours réglé son loyer bien que des avis d'échéance ne lui soient pas adressés et qu'il souffre de graves problèmes de santé. Il conteste le bien fondé du commandement de payer visant la clause résolutoire qui lui a été signifié le 11 mars 2015, soit antérieurement à la saisie contestée, et fait état de dégâts des eaux ayant affecté ses locaux au troisième étage au mois de mai 2015, qui ont entraîné le résiliation de sa police d'assurance, que si des travaux de remplacement de la colonne de descente des eaux ont bien été effectués par la bailleresse il n'en est rien des travaux de remise en état. Il fait également état du fait que son courrier ne lui est plus régulièrement remis, que la propriétaire s'est illégalement introduite dans une de ses chambres de service au 7ème étage, à deux reprises, pour y effectuer irrégulièrement des travaux qui rendent cette chambre inutilisable, outre le fait qu'à cette occasion des effets personnels lui ont été volés, que la bailleresse a fait effectuer des travaux dans la cour intérieure de l'immeuble avec démolition du garage à vélo à la suite desquels son vélo lui a été dérobé, qu'il a subi dans les locaux au 3ème étage au mois de décembre 2015 un nouveau dégât des eaux qui n'a toujours pas été réparé.

Par conclusions signifiées le 16 juin 2016, la société Autrement Immobilier entend que M.[F] soit déclaré irrecevable en sa demande de renvoi au profit de la cour d'appel de Versailles et qu'il soit condamné au paiement d'une amende civile de 3 000 euros du fait de cette demande tardive de renvoi.

Sur le fond, elle sollicite la confirmation du jugement querellé en ce qu'il a validé la saisie conservatoire de créance du 17 mars 2015 ainsi que son acte de dénonciation du 20 mars 2015.

Pour le surplus, la société Autrement Immobilier entend que le jugement de première instance soit réformé et que par conséquent M. [F] soit condamné à lui payer 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère abusif de son appel ainsi que de la demande de renvoi formée tardivement sur le fondement de l'article 47 du code de procédure civile. Elle sollicite en outre la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Sur la demande de renvoi, la société Autrement Immobilier rappelle que son auteur doit la présenter dès qu'il a connaissance de la cause motivant ce renvoi. Or, elle souligne que l'appelant est avocat au barreau de Paris depuis plus de 35 ans de sorte qu'il a eu nécessairement connaissance de la cause de renvoi lorsqu'il a saisi le juge de l'exécution de sa contestation de la saisie-conservatoire pratiquée à son encontre.

Sur la demande d'infirmation du jugement du fait de la violation du principe du contradictoire par le premier juge, l'intimée n'a pas conclu.

Sur la régularité de la saisie, la société Autrement Immobilier entend que le jugement de première instance soit confirmé, soulignant que l'omission de signature de l'huissier dans l'acte de saisie est un vice de forme nécessitant la preuve d'un grief non rapportée et qu'il ne peut être contesté que cet acte a bien été diligenté par un huissier de justice. Sur l'acte de dénonciation, elle fait valoir qu'était joint le bail en intégralité ainsi que cela résulte des mentions de cet acte valant jusqu'à inscription de faux et que cette dénonciation a régulièrement été signifiée à une personne se trouvant dans les lieux, étant rappelé que l'huissier n'est pas tenu de vérifier l'exactitude des déclarations faites par la personne présente acceptant la remise.

Sur le fond, l'intimée estime que dans la mesure où elle a pratiqué la saisie conservatoire en vertu d'un contrat de bail, le juge n'a pas à vérifier que les conditions prévues à l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution sont réunies. Dans tous les cas, elle rappelle qu'il suffit de démontrer une apparence de créance pour que la saisie soit confirmée, qu'à cet égard elle rappelle que M. [F] ne règle plus son loyer depuis le mois de novembre 2014 de sorte que la dette s'élève au mois de juin 2016 à la somme de 93 584,06 euros. Elle souligne n'être propriétaire des lieux loués que depuis le 7 novembre 2014 et qu'elle n'est donc pas concernée par des contentieux antérieurs, et qu'en matière de baux, l'exception d'inexécution ne peut être invoquée que lorsque la chose louée est totalement inutilisable, alors que M. [F] n'a jamais demandé à être autorisé à séquestrer les loyers. La société Autrement Immobilier considère que le défaut de paiement persistant par le locataire constitue une menace dans le recouvrement de sa créance, alors qu'il n'est pas justifié de l'assurance des lieux que l'appelant sous-loue irrégulièrement.

SUR CE

Sur la demande de renvoi sur le fondement de l'article 47 du code de procédure civile

Aux termes des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile, lorsqu'un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d'une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe. Le défendeur, ou toutes les parties en cause d'appel peuvent également demander le renvoi devant une juridiction choisie dans les mêmes conditions ; il est alors procédé comme il est dit à l'article 97. À peine d'irrecevabilité, la demande est présentée dès que son auteur a connaissance de la cause de renvoi.

Il résulte de cette disposition que si une demande de renvoi peut être formée à tous les stades de la procédure et notamment en cause d'appel, elle doit cependant et à peine d'irrecevabilité être présentée dès que son auteur a eu connaissance de la cause de renvoi. En l'espèce, M. [F] qui est avocat inscrit au barreau de Paris depuis de nombreuses années, a eu nécessairement connaissance de cette situation à la date à laquelle il avait saisi le juge de l'exécution de sa contestation, de sorte qu'il est irrecevable à présenter sa demande de renvoi en cause d'appel.

La société Autrement Immobilier n'est pas recevable à solliciter le prononcé d'une amende civile en application de l'article 32-1 du code de procédure civile, au motif que M. [F] s'est tardivement prévalu des dispositions de l'article 47 du code de procédure civile. En effet, seule la juridiction peut décider de prononcer cette amende civile.

Sur le respect du principe du contradictoire par le premier juge

M. [F] allègue que le principe du contradictoire n'a pas été respecté par le premier juge,'au motif qu'il n'a pas disposé du temps nécessaire pour répliquer aux pièces et conclusions tardivement communiquées par la partie adverse. Cependant, le moyen tiré de la violation du contradictoire ne peut être sanctionné que par l'annulation du jugement entrepris alors que l'appelant se borne dans ses écritures à solliciter l'infirmation du jugement. Ce moyen est donc inopérant.

Sur la régularité du procès-verbal de saisie conservatoire de créance du 17 mars 2015 et de son acte de dénonciation du 20 mars 2015

Sur le procès-verbal de saisie et comme l'a justement rappelé le premier juge,'l'omission de la signature de l'huissier de justice ne constitue qu'un vice de forme, qui nécessite la preuve d'un grief par celui qui l'allègue pour en poursuivre la nullité. En l'espèce, force est de constater que M. [F] ne rapporte pas la preuve d'un tel grief.

Par ailleurs, il est inopérant pour l'appelant d'exciper que la partie adverse produit une photocopie de ce procès-verbal comportant une signature, ce qui constituerait un faux destiné à régulariser a posteriori ce défaut de signature, alors que la société Autrement Immobilier ne se fonde pas sur la copie de cet acte pour conclure à la régularité de la saisie et ne conteste d'ailleurs pas que l'original n'a pas été signé. De plus, M. [F] soutient de manière inopérante qu'un procès-verbal de saisie conservatoire ne peut être délivré que par un huissier de justice, et non un clerc, alors qu'aucun élément ne permet dans tous les cas d'établir que cette saisie n'aurait pas été diligentée par un huissier.

Enfin, et comme l'a pertinemment relevé le jugement entrepris, il résulte des mentions de la dénonciation du procès-verbal de saisie, qui font foi jusqu'à inscription de faux, qu'était jointe à cet acte la copie du bail sous seing privé du 3 mars 2004 fondant la mesure conservatoire, que l'appelant n'est donc pas fondé à soulever la caducité de la saisie en ce qu'elle ne comporte pas copie du titre en vertu duquel elle a été pratiquée.

Sur la dénonciation de la saisie conservatoire, il est rappelé qu'en cas d'impossibilité de signification à personne, en l'absence du destinataire, la copie de l'acte pourra être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire, à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénom et qualité. Si l'huissier de justice doit préciser sur l'original de l'acte les nom et qualité de la personne à laquelle la copie a été laissée, il n'a pas à vérifier l'exactitude des déclarations de la personne présente au domicile ou à résidence qui accepte de recevoir l'acte. En l'espèce, l'huissier de justice a régulièrement signifié le 20 mars 2015 l'acte de dénonciation de la saisie litigieuse à M. [S] [L], une personne se trouvant dans le lieux et se présentant comme un ami de M. [F], qui a accepté de recevoir l'acte, sans que l'huissier n'ait légalement à s'assurer d'une habilitation à recevoir cet acte. Il est par ailleurs rappelé dans cet acte,'dont les mentions font foi jusqu'à inscription de faux, qu'a été laissée une copie sous enveloppe fermée. Cette acte de dénonciation est donc parfaitement régulier et ne saurait être annulé.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande de nullité du procès-verbal de saisie conservatoire et de sa dénonciation.

Sur le bien fondé de la mesure conservatoire

Aux termes de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance parait fondée en son principe peut solliciter du juge de l'exécution l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement. L'article L. 511-2 du même code dispense le créancier d'une autorisation préalable du juge lorsqu'il se prévaut notamment d'un loyer resté impayé dès lors qu'il résulte d'un contrat écrit de louage d'immeuble.

Conformément à l'article L. 512-1 du code des procédures civiles d'exécution, même lorsqu'une autorisation préalable n'est pas requise, le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s'il apparaît que les conditions prescrites par l'article L. 511-1 ne sont pas réunies.

Contrairement à ce que soutient la société Autrement Immobilier, le fait qu'elle ait été dispensée d'une autorisation judiciaire préalable pour procéder à la saisie conservatoire litigieuse car destinée à garantir une créance de loyers impayés résultant d'un bail écrit, ne la dispense nullement, dans le cadre de la contestation introduite par le débiteur, de justifier d'une apparence d'un principe de créance et dont le recouvrement est menacé.

Sur le principe de créance, il convient de rappeler qu'en matière de bail, le locataire ne peut se prévaloir de l'exception d'inexécution pour ne pas régler ses loyers que dans l'hypothèse où il ne lui est pas possible de jouir de la chose louée. En l'espèce, la preuve d'une impossibilité de jouissance n'est pas rapportée de sorte que M. [F] n'était pas fondé à suspendre le paiement de ses loyers, étant observé qu'exerçant la profession d'avocat il ne pouvait ignorer que seule une autorisation judiciaire aurait pu lui permettre d'être dispensé en totalité du paiement des loyers. Au surplus, M [F] fait état de troubles de jouissance portant sur des locaux loués au premier étage, selon bail du 30 novembre 2004, alors que la saisie conservatoire litigieuse ne porte que sur les locaux du troisième étage faisant l'objet du bail du 3 mars 2004. Par ailleurs, s'il est attesté d'un dégât des eaux dans les lieux sis au troisième étage, ce sinistre s'est produit au mois de mai 2015 et a fait l'objet de travaux par la bailleresse au mois de juillet 2015. Il ne pouvait donc pas justifier d'une suspension du paiement des loyers pour des termes antérieurs, alors que la saisie contestée a été pratiquée le 17 mars 2015. Il doit en outre être relevé que la société Autrement Immobilier rapporte la preuve qu'elle est propriétaire de l'ensemble de l'immeuble sis [Adresse 3] qu'elle a acquis de M. [E] et Mme [P] par acte authentique reçu le 7 novembre 2014. M. [F] n'est dès lors pas fondé à contester la qualité de propriétaire de l'intimée pour ne pas régler ses loyers.

La société Autrement Immobilier justifie par conséquent d'un principe de créance constitué par les loyers impayés depuis le terme du mois de novembre 2014. Lors de la signification de la saisie conservatoire, ce montant des loyers impayés s'élevait à 23 737,80 euros, terme du mois de mars 2015 inclus. L'intimée produit un décompte actualisé de cette dette, qui s'élève à la somme de 93 584,06 euros, terme du mois de juin 2016 inclus. M [F] ne rapporte la preuve d'aucun paiement que la bailleresse n'aurait pas pris en compte. L'importance de cette dette et l'aggravation dans son montant caractérisent la menace dans son recouvrement.

Le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande de mainlevée de la saisie conservatoire de créances du 17 mars 2015.

Sur les autres demandes

M. [F] n'étant pas accueilli en ses demandes de nullité et de mainlevée de la saisie conservatoire de créance, il sera débouté de sa demande complémentaire de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis du fait de cette saisie. Il ne saurait de même être fait droit à sa demande nouvelle en cause d'appel de remboursement des frais supportés du fait de cette saisie.

Il n'est pas établi que c'est de mauvaise foi ou de manière abusive que M. [F] a contesté la saisie litigieuse en appel. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Autrement Immobilier de sa demande de dommages-intérêts.

Partie perdante, M. [F] sera condamné à payer à la partie adverse la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles. Il n'y a pas lieu de condamner la société Autrement Immobilier à rembourser les 1 000 euros que l'appelant a payé en exécution du jugement entrepris.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevable la demande de renvoi formée par M. [Q] [F] en application de l'article 47 du code de procédure civile ;

Confirme le jugement ;

Y ajoutant ;

Déboute M. [Q] [F] de sa demande complémentaire de dommages-intérêts, pour les divers préjudices consécutifs à la saisie litigieuse, et de sa demande de remboursement des frais supportés du fait de cette saisie ;

Rejette la demande de prononcé d'une amende civile ;

Condamne M [Q] [F] à payer à la Sas Autrement Immobilier la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [Q] [F] aux entiers dépens.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 15/14898
Date de la décision : 27/10/2016

Références :

Cour d'appel de Paris G8, arrêt n°15/14898 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-27;15.14898 ?
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