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27/10/2016 | FRANCE | N°13/11748

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 27 octobre 2016, 13/11748


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 27 Octobre 2016

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11748



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 11/02784





APPELANTE

SA [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représentée par Me Céline VIEU DEL BOVE, avocat au barreau de LYON



INTIME

Monsieur [M] [C]

Le Ferron

[Adresse 3]

comparant en personne, assisté de Me Jean LEGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0542



COMPOSITION DE LA COUR :



En applicati...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 27 Octobre 2016

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/11748

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 12 Novembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL RG n° 11/02784

APPELANTE

SA [Y]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représentée par Me Céline VIEU DEL BOVE, avocat au barreau de LYON

INTIME

Monsieur [M] [C]

Le Ferron

[Adresse 3]

comparant en personne, assisté de Me Jean LEGER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0542

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-président placé, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine BEZIO, président de chambre

Mme Patricia DUFOUR, conseiller

Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-président placé

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Catherine BEZIO, Président et par Madame Véronique BESSERMAN-FRADIN, greffière présente lors du prononcé.

Faits et procédure :

Monsieur [M] [C] a été engagé par la Société [Y] par un contrat à durée indéterminée à compter du 04 novembre 1991, en qualité de Directeur.

L'entreprise compte plus de 10 salariés.

La relation de travail est régie par la Convention collective du Négoce de l'ameublement.

Monsieur [M] [C] a été placé en arrêt pour maladie entre le 10 janvier 2011 et le 03 avril 2011.

Durant cette période, Monsieur [C] explique que son employeur lui a proposé de signer une rupture conventionnelle, qu'il a refusée compte-tenu du montant des indemnités envisagées. Il précise qu'il avait reçu auparavant un courrier pour absence injustifiée malgré l'envoi de son premier arrêt pour maladie.

Monsieur [C] soutient qu'il s'est ensuite vu notifier des horaires très précis, alors qu'il était cadre et que ce fonctionnement n'avait jamais été observé durant les 20 années précédentes, mais également des réunions de reporting hebdomadaires.

Par courrier en date du 08 arvil 2011, un avertissement a été notifié à Monsieur [C] pour absence injustifiée.

Convoqué le 11 mai 2011 à un entretien préalable fixé le 19 mai 2011, Monsieur [C] a été licencié pour faute grave.

Contestant son licenciement, Monsieur [C] a saisi le Conseil de Prud'hommes de CRETEIL d'une demande tendant en dernier lieu à dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Par décision en date du 12 novembre 2013, le Conseil de Prud'hommes a dit le licenciement de Monsieur [C] dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la SA [Y] au paiement des sommes suivantes :

-23 335, 50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-2333, 05 euros au titre des congés payés,

-44 726, 37 euros à titre d'indemnité de licenciement,

-108 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La SA [Y] a interjeté appel de cette décision dont elle sollicite l'infirmation. Elle demande à la Cour de juger le licenciement de Monsieur [C] fondé sur une faute grave et de le débouter de l'ensemble de ses demandes. La SA [Y] sollicite la condamnation de Monsieur [C] à lui payer la somme de 5000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Monsieur [C] a interjeté appel de cette décision dont il sollicite la confirmation s'agissant du principe d'un licenciement reconnu comme dépourvu de cause réelle et sérieuse et des indemnités de rupture (préavis, congés payés et indemnité de licenciement). En revanche, Monsieur [C] demande à la Cour de condamner la SA [Y] à lui payer la somme de 280 025 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre 7778, 50 euros pour irrégularité de la procédure de licenciement.

Monsieur [C] demande également que la SA [Y] soit condamnée au paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Il sollicite également la condamnation de la Société [Y] au paiement de la somme de 5000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 16 septembre 2016, reprises et complétées à l'audience.

MOTIVATION,

Sur le harcèlement moral :

En application des articles L1152-1 et suivants du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

S elon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

En cas de litige, en application de l'article L 1154-1 du code du travail, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'agissements constitutifs d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision se justifie par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures qu'il estime utile.

Monsieur [C] indique que ses conditions de travail se sont fortement dégradées au cours de l'année 2010, précisant qu'il a été victime du harcèlement de Monsieur [Y] et de son fils, qui ont constamment remis en cause ses compétences professionnelles et ses prérogatives de direction, étant précisé que les modifications juridiques de l'entreprise avaient été l'occasion de faire entrer le fils, Monsieur [K] [Y], dans l'entreprise en septembre 2010.

Il ajoute qu'il a souffert d'une dépression à la suite de ces agissements.

Force est de constater que Monsieur [C] se borne à verser aux débats, outre les arrêts pour maladie successifs entre le 10 janvier 2011 et le 03 avril 2011 et un certificat médical en date du 07 mai 2012 qui mentionne « Monsieur [C] est en arrêt maladie sans discontinuité du 23 novembre 2010 au 30 avril 2012 . Son état de santé a entraîné des difficultés dans la gestion de ses affaires courantes notamment administratives».

Il produit également un mail adressé par Monsieur [P] [Y], Président de la Société, qui, après avoir fait référence aux absences répétées et aux perturbations de fonctionnement dans le suivi des clients, impose à Monsieur [C]

« tes nouvelles obligations :

-présence au bureau tous les matins à 09h, aucun rdv ches les clients à 10h, sauf les jours d'ouverture des salons te concernant,

-reporting hebdomadaire,

-analyse le vendredi des contacts et des rdv clients pour la semaine suivante,

-['] liste de salons récurrents qui te sont attribués, plus quelques salons à respecter,

-concernant ton intervention se bornera à un brief [donné] aux décorateurs, ['],

-à partir de ce jour tu devras respecter les règles groupe concernant l'utilisation des voitures à titre personnel, [...] »

Si Monsieur [C] produit également aux débats la réponse qu'il a adressée à Monsieur [Y] et la réponse de ce dernier, il ressort de la lecture de ces documents, seuls documents auxquels se réfère Monsieur [C] au soutien de son allégation de harcèlement moral et qui ne sont donc étayés par aucune autre pièce, que le courrier électronique du 02 mars 2011, fait unique dénoncé par le salarié, s'inscrit de surcroît dans un contexte d'absences réitérées depuis plusieurs semaines.

Il s'ensuit que Monsieur [C] n'établit pas l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre. Dès lors, le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [C] de sa demande à ce titre.

Sur le licenciement :

Tout licenciement pour motif personnel doit avoir une cause réelle et sérieuse (article L 1232-1 du Code du Travail).

La faute grave est définie comme un manquement du salarié à ses obligations tel que la rupture immédiate du contrat est justifiée. Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu'il invoque. Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables.

En application de l'article L. 1232-6 du Code du Travail, la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La lettre de licenciement en date du 26 mai 2011 est rédigée comme suit :

« Nous avons constaté votre absence injustifiée depuis le 04 avril 2011. Nous vous avons adressé un courrier recommandé daté du 08 avril 2011 vous notifiant un avertissement pour non-respect de la procédure de déclaration des absences et vous demandant de justifier de vos absences. Nous n'avons eu aucune réponse à ce courrier.

Le 27 avril 2011 une demande de justificatif d'absence vous a été adressé par courrier recommandé. A nouveau, aucun justificatif ne nous a été adressé. Pour cette raison, nous vous avons convoqué par courrier recommandé en date du 11 mai 2011 à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement fixé le 19 mai 2011. Vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien au cours duquel nous souhaitions vous exposer les faits qui vous sont reprochés et recueillir vos explications. Depuis le 04 avril 2011, vous ne vous êtes pas présenté à votre poste de travail sans donner d'explication à votre hiérarchie malgré les nombreux courriers qui vous ont été adressés. Nous vous le rappelons à nouveau que toute absence doit être justifiée dans les 48 heures. Nous regrettons de devoir constater que ce type de comportement de votre part a déjà été constaté. Pour rappel, nous vous avons déjà adressé deux courriers pour le même motif, le 21 et 31 janvier dernier (demande de justificatif d'absence), courriers auxquels vous n'avez jamais répondu. Puis un courrier du 02 février vous rappelant à nouveau la procédure en place dans la société (48h pour justifier votre absence).

Enfin, le 07 mars 2011, vous avez reçu un nouveau courrier vous notifiant un avertissement pour non-respect des procédures en vigueur dans la société.

Nous ne pouvons en aucun cas tolérer ce manque de sérieux de votre part et ce d'autant plus que vous occupez un poste à responsabilités dans la société et devez être à ce titre exemplaire sur le respect des procédures. Nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour faute grave. »

La SA [Y] explique, qu'en dépit des deux avertissements auxquels elle fait référence dans la lettre de licenciement et qu'elle verse aux débats en date des 07 mars et 08 avril 2011, Monsieur [C] a persisté à ne pas justifier de ses absences. Elle indique qu'elle a été destinataire de certains arrêts pour maladie de Monsieur [C], toutefois jamais dans les délais impartis, mais que le salarié ne lui a plus adressé de pièces justificatives de son absence depuis le 04 avril 2011, échéance du dernier arrêt pour maladie reçu.

La SA [Y] ajoute que la persistance de cette situation a engendré des difficultés d'organisation ainsi que dans le suivi de certains clients.

Si la Société produit deux copies d'enveloppe, dont le cachet de la poste mentionne pour la première « 15-2 » et la seconde « 19-3 », dont il ressort que Monsieur [C] avait adressé un ou plusieurs arrêts de travail à ces dates, il demeure que Monsieur [C] ne complète aucunement ces éléments et ne justifie pas de l'envoi des arrêts pour maladie successifs, se bornant à affirmer que son employeur avait connaissance de sa situation, à l'instar des autres salariés de la société qui lui ont témoigné son soutien.

Dès lors, il apparaît que la matérialité du grief retenu à son encontre, l'absence de justification de son absence continue à compter du 04 avril 2011, est établie, et ce nonobstant de la connaissance de la situation par la SA [Y] ponctuellement.

En revanche, s'agissant de la gravité de ce manquement et de l'opportunité d'une rupture immédiate de la relation de travail décidée par l'employeur, elle ne peut qu'être appréciée à l'aune de la durée de la relation de travail (20 ans), de la dégradation de la santé psychique de Monsieur [C] qui produit des courriers de soutien manifestement antérieurs à la rupture de la relation de travail et qui démontrent que ses collaborateurs étaient informés de la prégnance de ses difficultés personnelles.

La SA [Y], qui argue de difficultés et de plaintes de clients, ne justifie pas de ses assertions.

Dès lors, au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que la fin de la relation de travail repose, non sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé sur ce point.

Par conséquent, il convient d'infirmer le jugement déféré également en ce qu'il a alloué la somme de 108 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais il convient de confirmer la décision, compte-tenu des pièces produites, du salaire de l'intéressé et de sa qualification professionnelle, en application des dispositions de l'article L 1234-9 et de l'article L 1234-5 du Code du travail en ce qu'elle a condamné la SA [Y] au paiement des sommes suivantes :

-23 335, 50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

-2333, 05 euros au titre des congés payés,

-44 726, 37 euros à titre d'indemnité de licenciement.

En application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, l'équité commande de condamner la SA [Y] au paiement de la somme de 2000 euros à Monsieur [C].

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qui concerne le rejet de la demande au titre du harcèlement moral, l'octroi de la somme de 23 335, 50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, la somme de 2333, 05 euros au titre des congés payés afférents et la somme de 44 726, 37 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

STATUANT à nouveau des autres chefs et Y AJOUTANT,

DIT que le licenciement de Monsieur [M] [C] repose sur une cause réelle et sérieuse,

DEBOUTE Monsieur [C] de sa demande au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SA [Y] aux entiers dépens,

CONDAMNE la SA [Y] au paiement à Monsieur [C] de la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

DEBOUTE la SA [Y] de sa demande à ce titre,

La Greffière Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 13/11748
Date de la décision : 27/10/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°13/11748 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-27;13.11748 ?
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