Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 7
ARRET DU 26 OCTOBRE 2016
(n° 31 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/07681
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mars 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/02330
APPELANTE
SASU CONSORTIUM PUBLICITAIRE EUROPEEN Agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 1]
N° SIRET : 522 909 829
Représentée par Me Audrey LAZIMI de la SELEURL AUDREY LAZIMI AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0245
Assistée de Me Pierre-Yves COUTURIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0102
INTIMES
Monsieur [D] [Q]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représenté par Me Alexis MACCHETTO, avocat au barreau de PARIS, toque : B0846
Assistée de Me Nicolas CELLUPICA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1476
Association RESEAU ANTI-ARNAQUES
C/o M. [D] [Q]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Me Alexis MACCHETTO, avocat au barreau de PARIS, toque : B0846
Assistée de Me Nicolas CELLUPICA, avocat au barreau de PARIS, toque : E1476
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 31 Août 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Sophie PORTIER, Présidente de chambre
M. Pierre DILLANGE, Conseiller
Mme Sophie- Hélène CHATEAU, Conseillère
qui en ont délibéré sur le rapport de M. Pierre DILLANGE
Greffier, lors des débats : Mme Maria IBNOU TOUZI TAZI
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Sophie PORTIER, président et par Mme Maria IBNOU TOUZI TAZI, greffier présent lors du prononcé.
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* *
La société CONSORTIUM PUBLICITAIRE EUROPEEN ci-après (CPE) qui exerce une activité de vente par correspondance, diffuse ainsi les produits de différentes enseignes tels « LES DELI. CES D'ANNIE », « DELICES ET GOURMANDISES » et « NATUR'SANTE ». Pour ce faire elle adresse à ses clients potentiels des catalogues accompagnés de propositions de participation à des jeux concours.
Elle a découvert, fin 2011, que circulait sur internet une « liste noire » des sociétés de vente par correspondance, parmi lesquelles celles précédemment citées. Ces informations étaient le fait d'une association dite « RESEAU ANTI-ARNAQUE » qui, sur un site internet éponyme, avait publié ces informations sous le titre : ' Loteries et cadeaux par correspondance : La liste noire des catalogues à éviter. '
En conséquence, CPE a assigné tant cette association que [D] [Q], président du bureau de celle-ci et directeur de publication de son site, en vue de faire constater le caractère fautif de la publication précitée en ce qu'elle se composerait d'informations inexactes non vérifiées et « manquant à un devoir d'impartialité ». Elle a demandé leur condamnation solidaire à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme principale de 2 457 659 € au titre de ses préjudices financiers, du dénigrement et d'abus du droit de critique.
Subsidiairement, elle a demandé différentes mesures de publication et la condamnation des défendeurs à lui payer une somme de 8000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire du 11 mars 2015, la 17eme chambre du le tribunal de grande instance de Paris a rejeté une demande de sursis à statuer formée par les défendeurs en raison de l'existence de différentes procédures pénales pendantes devant le tribunal correctionnel de Paris contre différentes des entreprises relevant du groupe CPE, et notamment « DELICES ET GOURMANDISES », du chef de publicité de nature à induire en erreur. Le tribunal a estimé qu'une telle mesure ne relevait pas d'une bonne administration de la justice, d'autant qu'il n'était pas établi que ces procédures intéresseraient la demanderesse.
La décision déférée a déclaré irrecevables les demandes dirigées contre [D] [Q], en ce qu'aucun fait ne lui a personnellement été imputé, alors que le premier juge a été saisi sur le fondement de l'article 1382 du code civil et non sur celui de la loi sur la presse.
Au fond, le tribunal a débouté CPE de l'ensemble de ses demandes. Il s'est fondé sur les nombreuses réclamations de consommateurs produites par l'association défenderesse, ainsi que sur un matériel publicitaire nominatif « singeant » des documents officiels, tendant à faire croire à leurs destinataires qu'ils sont les gagnants de prix de plusieurs milliers d'euros, qui leur seraient remis en échange de produits du catalogue. Dès lors les mises en gardes du RESEAU ANTI-ARNAQUE n'auraient aucun caractère abusif ou fautif. Il était encore relevé que la reprise de ses avis sur d'autres sites ne sauraient engager la responsabilité de la défenderesse.
La demande reconventionnelle de celle-ci dirigée contre CPE pour procédure abusive a encore été rejetée.
Enfin, CPE a été condamnée à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile les sommes de 1000 € au profit de [D] [Q] et celle de 5000 € au profit de l'association RESEAU ANTI-ARNAQUE.
CPE a relevé appel de ce jugement le 15 avril 2015.
Dans le dernier état de ses écritures, elle reprend l'ensemble de ses demandes de premières instance sollicitant donc la réformation en ce sens de l'ensemble de ce jugement, exception faite du débouté de la défenderesse de sa demande pour procédure abusive.
Les intimés sollicitent la confirmation de la même décision, sauf en ce qu'elle a débouté l'association RESEAU ANTI-ARNAQUE de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive. Elle demande à ce titre la condamnation de l'appelante à lui payer une somme de 1500 €. Au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, elle demande enfin sa condamnation à payer les sommes de 1500 € à [D] [Q] et de 10000 € à RESEAU ANTI-ARNAQUE.
SUR CE,
La cour observera tout d'abord que l'appelante n'a fait valoir aucune observation relative à la mise hors de cause de [D] [Q] par le premier juge. Alors que l'intéressé demande à ce titre confirmation du jugement, rappelant la motivation de celui-ci, soit l'indifférence de sa qualité de directeur de publication du site internet de son association, au regard de la nature de l'action engagée contre cette dernière. Aussi, la décision du tribunal sera-t-elle sur ce point confirmée.
CPE allègue d'une confusion qui serait entretenue par les intimés entre les diverses entreprises composant leur groupe et la nature de celles-ci, la conséquence de cette confusion supposée n'étant pas explicitée. Elle considère que les intimés ne sont pas aptes à justifier de son inscription sur leur « liste noire ». Elle affirme en effet qu'elle n'a été créée qu'en 2010, à la suite de l'achat d'autres entreprises, et qu'elle était donc, à l'époque de la mise en ligne dénoncée, étrangère aux agissements qui pourraient fonder cette inscription. Elle développe un historique de sa création qui demeure indifférent au contentieux principal, si ce n'est qu'elle prétend être sans lien avec les pratiques commerciales dénoncées en raison de leur antériorité à l'acquisition des enseignes mises en cause.
CPE critique encore l'aspect péremptoire de sa mise à l'index, sans que les intimés ne puissent produire de pièces justificatives. Elle leur reproche de ne pas s'être rapprochés d'elle pour lui offrir une possibilité de contradiction.
Elle estime que la décision déférée est erronée, en ce qu'elle est fondée sur une structure sociale antérieure à 2011 et des éléments de preuves postérieurs à la même date. Par ailleurs, elle persiste à considérer que les intimés se seraient dans leurs critiques affranchis d'obligations de prudence, d'investigation et d'impartialité. CPE conteste encore la pertinence de la production des documents qu'elle distribue à sa clientèle, alors qu'elle n'aurait pas encore été condamnée à ce titre.
La mise hors de cause de [D] [Q] étant acquise, il ne sera fait état que des moyens concernant l'association Réseau ANTI-ARNAQUE.
Celle-ci rappelle, en premier lieu, l'historique de la société de droit suisse PROMODELICES, acquise par la société suisse BONBINI, achetée elle même par CPE en décembre 2011. Il n'y aurait donc aucune ambiguïté quant à la qualité des personnes morales en cause, cette filiation résultant des pièces de l'appelante et notamment de son « Kbis ».
Elle fait valoir en deuxième lieu, que CPE, dont l'activité d'origine est « la publicité, la communication et le marketing », a pour spécialité « le marketing direct dans sa forme la plus agressive ».
Elle rappelle en troisième lieu les nombreuses réclamations de consommateurs qui ont pu fonder son appréciation sur les sites de l'appelante.
Elle met en quatrième lieu en avant des manoeuvres de l'appelante relatives à la gestion de ses propres pièces.
En cinquième lieu, elle rappelle que sa demande initiale de sursis à statuer, à laquelle elle a renoncé en appel, n'exclut néanmoins pas l'existence de poursuites contre les entreprises achetées par l'appelante.
L'intimée retient de ces éléments que l'appelante ayant fait choix de ne pas engager son action sur le terrain de la loi sur la presse, elle ne saurait mettre en avant des éléments relatifs à une absence supposée de bonne foi de sa part. Elle constate que son « classement » en liste noire de différentes enseignes de l'appelante est directement lié à son objet social et est fondé sur des éléments objectifs.
De fait la cour observera que, si elle n'a pas à qualifier pénalement les publicités et pseudo-concours proposés par l'appelante, ceux-ci sont à tout le moins de nature à tromper des personnes peu attentives à qui sont affirmé l'espoir d'un gain important en retour d'une commande d'un montant modeste. La présentation supposée « officielle » et « certaine » de ces gains constitue, au moins au sens commun du terme, des tentatives d'abus de faiblesse, lorsque se retrouvent sur des courriers personnalisés les techniques commerciales des sociétés qu'elle a rachetées. La pertinence des mises en garde de l'intimée à l'époque de leur mise en ligne est donc incontestable, quels qu'aient été, à cette époque, les détenteurs du capital des sociétés en cause.
Au delà de simples affirmations, l'association RESEAU ANTI-ARNAQUE n'a pas démontré le caractère abusif de l'action initiale et de l'appel de CPE. Elle sera donc à nouveau déboutée de ses demandes.
L'équité commande que l'appelante soit par ailleurs, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamnée à payer à [D] [Q] la somme de 1500 € et à l'association Réseau Anti-Arnaques celle de 4000 € en cause d'appel.
Enfin, la société CPE sera condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 11 mars 2015,
Y ajoutant,
Condamne la société CPE à payer les sommes de 1500 € à [D] [Q] et de 4000 € à l'association Réseau Anti-Arnaques au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
La condamne aux entiers dépens.
LE PRÉSIDENTLE GREFFIER