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13/10/2016 | FRANCE | N°15/09447

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 13 octobre 2016, 15/09447


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 13 Octobre 2016

(n° 682 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09447



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Août 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/03660



APPELANT

Monsieur [H] [T]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 2], MICHIGAN, ETATS-UNIS
r>comparant en personne



INTIMEES

SOCIETE ORCO PROPERTY GROUP

[Adresse 2]

[Localité 3]

LUXEMBOURG

représentée par Me Cédric GUILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 13 Octobre 2016

(n° 682 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/09447

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Août 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS RG n° 14/03660

APPELANT

Monsieur [H] [T]

[Adresse 1]

[Localité 1]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 2], MICHIGAN, ETATS-UNIS

comparant en personne

INTIMEES

SOCIETE ORCO PROPERTY GROUP

[Adresse 2]

[Localité 3]

LUXEMBOURG

représentée par Me Cédric GUILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-présidente placée, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère faisant fonction de Présidente

Mme Patricia DUFOUR, Conseillère,

Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-Présidente placée

Greffier : Mme Cécile DUCHE BALLU, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, délibéré prorogé ce jour.

- signé par Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-Présidente placée, pour la Présidente régulièrement empêchée, et par Madame Wafa SAHRAOUI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

Faits et procédure :

Monsieur [H] [T] indique que si la Société ORCO PROPERTY GROUP a souhaité l'engager à compter du 09 novembre 2011, après qu'il ait répondu à une offre d'emploi pour un poste de juriste, il a tout d'abord signé un contrat de services d'une durée de trois mois avec cette société. Il précise toutefois que la dénomination de ce contrat était erronée et qu'il s'agissait d'une relation de travail.

Il affirme que la Société ORCOP PROPERTY GROUP s'était engagée à l'échéance de ce contrat de services à procéder à son embauche en contrat à durée indéterminée et à faire les démarches utiles pour lui permettre d'obtenir un titre de séjour.

Monsieur [T] indique que la relation contractuelle s'est poursuivie au-delà du terme du contrat initial, et ce jusqu'en juin 2012. Il précise qu'en juin 2012, la Société ORCO PROPERTY GROUP lui a fait signer deux contrats, liés l'un à l'autre, intitulés « contrats de service ».

La Société ORCO PROPERTY GROUP indique, quant à elle, que Monsieur [T] a réalisé diverses prestations de service en tant que consultant juridique indépendant, dans le cadre de contrat de services signés entre la société qu'il a créée, la Société [T] CONSULTING, et la Société ORCO PROPERTY GROUP. Le premier contrat a pris effet le 14 novembre 2011. A son échéance, le 29 février 2012, le contrat a été prolongé jusqu'au 30 avril 2012, pour devenir un contrat de services à durée indéterminée à compter du 01 mai 2012. Elle précise qu'un second contrat de services a été signé le 30 avril 2012, prévoyant un renouvellement tacite de mois en mois.

Il ressort des explications concordantes des parties sur ce point que Monsieur [T] a quitté le territoire national le 21 août 2012 et qu'il est revenu en France le 31 octobre 2012.

Il ressort également de ces explications que Monsieur [T] a été embauché par la Société ORCO PROPERTY GROUP, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 20 février 2013, en qualité de juriste en droit boursier et droit financier, pour une rémunération brute mensuelle d'un montant de 5000 euros.

Convoqué le 30 octobre 2013 à un entretien préalable qui s'est tenu le 08 novembre 2013, Monsieur [T] a accepté le contrat de sécurisation professionnelle. La relation de travail a pris fin le 29 novembre 2013.

L'entreprise compte plus de 10 salariés.

Sollicitant la requalification des contrats de service en contrat de travail et contestant son licenciement, Monsieur [T] a saisi le Conseil de Prud'hommes de PARIS d'une demande tendant en dernier lieu à dire son licenciement nul et à condamner la Société au paiement de rappels de salaire et d'indemnités de rupture.

Par décision en date du 25 août 2015, le Conseil de Prud'hommes a débouté Monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes.

Monsieur [T] a interjeté appel de cette décision dont il sollicite l'infirmation. Il demande à la Cour de requalifier l'ensemble des relations contractuelles, depuis le 14 novembre 2011, en contrat de travail et de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner la société à lui payer les sommes suivantes, augmentées des intérêts au taux légal :

- 85 464 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 42 732 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article L 8252-2 du code du travail,

- 256 392 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 14 244 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement.

Monsieur [T] sollicite la condamnation de la Société ORCO PROPERTY GROUP au paiement de la somme de 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'employeur conclut à la confirmation du jugement et au rejet de l'ensemble des demandes de Monsieur [T]. La Société ORCO PROPERTY GROUP sollicite également la condamnation de Monsieur [T] au paiement de la somme de 1000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 11 avril 2016, reprises et complétées à l'audience.

MOTIVATION,

- sur la relation contractuelle entre le 14 novembre 2011 et le 20 février 2013 :

Monsieur [H] [T] soutient que les contrats de service, produits aux débats, celui en date du 14 novembre 2011, prorogé le 01 mai 2012, et celui en date du 30 avril 2012, doivent s'analyser, malgré leurs dénominations « xontrats de service » en contrat de travail. Il indique qu'il était placé dans un lien de subordination à l'égard de [C] [X], cadre de la Société ORCO PROPERTY GROUP, et que cette entreprise mettait à sa disposition l'ensemble du matériel nécessaire à la réalisation de la prestation demandée (ordinateur, téléphone portable, locaux...).

La Société ORCO PROPERTY GROUP réfute cette présentation faite par Monsieur [T], expliquant que la prestation réalisée par l'intéressé l'a toujours été dans le cadre d'un contrat de service, signé de surcroît non par Monsieur [T] pour lui-même mais en tant que représentant de la Société [T] CONSULTING. La Société ORCO PROPERTY GROUP se fonde sur les dispositions de l'article L 8221-6 et de l'article L 8221-6-1 du Code du Travail pour opposer à Monsieur [T] le statut de travailleur indépendant et une présomption d'absence de contrat de travail.

Nonobstant ce fondement juridique invoqué par la Société ORCO PROPERTY GROUP, qui de srucroît ne fournit aucun élément de nature à démontrer une quelconque inscription de Monsieur [T] à l'un des registres cités par ces textes pour pouvoir l'inclure dans le champ d'application de ces dispositions, il apparaît que la Société ORCO PROPERTY GROUP conteste en réalité l'existence d'un contrat de travail et du lien de subordination allégués par Monsieur [T].

L'existence d'un contrat travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties ou de la dénomination de la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur et en l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, comme en l'espèce, il appartient à Monsieur [T] qui invoque l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve, en application des dispositions de l'article 1221-1 du Code du Travail.

Monsieur [T] verse aux débats les contrats de service successivement signés entre lui, en tant que représentant de la Société [T] CONSULTING domiciliée aux ETATS-UNIS, et la Société ORCO PROPERTY GROUP. Il produit également des débats afférents à la « facturation » de ces missions et services, mails dont il ressort que les parties évoquent communément des « factures », dont le montant fixe s'élève à 7500 euros par mois.

Si Monsieur [T] prétend que les paiements étaient faits sur son compte personnel et non sur celui de la Société [T] CONSULTING, force est de constater que les relevés bancaires éparses qu'il produit concerne non la période discutée mais celle dont il est établi par les pièces produites aux débats et les explications des parties qu'elle est régie par un contrat de travail, celui signé le 20 février 2013 (relevés partiels avril 2013, juin 2013, juillet 2013, septembre 2013). A l'inverse, la Société ORCO PROPERTY produit l'ensemble des factures relatives aux prestations rémunérées durant les relations contractuelles au cours de l'année 2012 dont il apparaît que ces factures sont émises avec l'entête « [H] [T], [T] consulting, 125 East 12th Street #2A, New York, NY 10003, USA ».

S'agissant de la période discutée par Monsieur [T], entre le 14 novembre 2011 et le 20 février 2013, il apparaît que Monsieur [T] ne produit aucune pièce de nature à étayer un lien de subordination, des directives concrètes qui lui auraient été données, une absence d'autonomie ou la caractérisation d'un pouvoir de direction à son égard, le seul mail en date du 01 juin 2012 relatif à l'organisation du département juridique étant insuffisant pour caractériser un encadrement hiérarchique régulier de la prestation à fournir par Monsieur [T].

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de requalifier les relations contractuelles résultant des contrats de service discutés successifs en date des 14 novembre 2011, 30 avril 2012 et 01 mai 2012 en contrat de travail. Monsieur [T] est débouté de sa demande à ce titre. Le jugement déféré est confirmé.

- sur le travail dissimulé :

Compte-tenu de ce qui précède et du rejet de la demande de requalification en contrat de travail des contrats de service signés entre le 14 novembre 2011 et le 20 février 2013, Monsieur [T] est débouté de sa demande au titre du travail dissimulé. Le jugement est confirmé.

- sur l'emploi d'un salarié étranger :

Monsieur [T] sollicite le versement d'une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article L 8251-1 du Code du Travail, s'agissant de la période du 14 novembre 2011 au 20 février 2013. Il indique que la Société ORCO PROPERTY GROUP a manqué à ses obligations contractuelles en n'effectuant pas les démarches administratives nécessaires pour lui permettre d'obtenir un titre de séjour.

Compte-tenu de ce qui précède, et de l'absence de contrat de travail et de statut de salarié aux dates énoncées, Monsieur [T] est mal-fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L 8251-1 du Code du Travail. Il est donc débouté de sa demande à ce titre. Le jugement est confirmé.

sur le licenciement économique :

En application des articles L 1233-3 et 4 du code du travail, le licenciement économique comporte des motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel appartient l'entreprise. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

Il résulte de ces textes que le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que si :

- les difficultés économiques ou les mutations technologiques avérées ont abouti à la suppression de l'emploi du salarié ou à une modification substantielle de son contrat de travail qu'il n'a pas acceptée ;

- le reclassement du salarié est impossible,

En cas de contestations, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif économique allégué et de ce qu'il a satisfait à l'obligation de reclassement lui incombant.

A défaut d'établir un seul de ces éléments, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

En outre, en application des dispositions de l'article L 1233-15 du Code du Travail, l'employeur notifie le licenciement par lettre recommandée avec avis de réception, étant précisé que cette lettre ne peut être expédiée moins de sept jours ouvrables à compter de la date prévue de l'entretien préalable de licenciement.

En application de l'article L1233-16 du code du travail, la lettre de licenciement doit énoncer les motifs économiques invoqués par l'employeur.

Force est de constater que si la convocation à l'entretien préalable en date du 30 octobre 2013 versée aux débats, fixant l'entretien préalable le 08 novembre 2013, fait explicitement référence à une éventuelle et postérieure lettre de licenciement en fonction de la décision de l'employeur, aucune lettre de licenciement n'est versée aux débats par l'une des parties, et notamment l'employeur.

En effet, la Société ORCO PROPERTY GROUP se borne à verser les documents de fin de contrat (solde de tout compte et certificat de travail), sans produire une lettre de licenciement conforme aux dispositions précitées. Il s'ensuit que le licenciement de Monsieur [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé.

En application des dispositions de l'article L 1235-5 du Code du Travail, au regard de l'ancienneté du salarié, du préjudice subi et des circonstances de la rupture tels qu'ils résultent des pièces produites et des explications des parties, il convient de condamner la Société ORCO PROPERTY GROUP au paiement de la somme de 15 000 euros à Monsieur [T] à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive.

Compte-tenu de ce qui précède, en application des dispositions de l'article L 1235-2 et de l'article L 1235-5 du Code du Travail, et en l'absence de préjudice distinct, Monsieur [T] est débouté de sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement. Le jugement est confirmé.

En application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, et dans les limites de la demande de Monsieur [T], il convient de condamner la Société ORCO PROPERTY GROUP à lui payer la somme de 200 euros.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement déféré sauf en ce qui concerne le licenciement de Monsieur [T] et l'octroi de domamges-intérêts pour rupture abusive,

STATUANT à nouveau sur ces seuls chefs, et Y AJOUTANT,

DIT le licenciement économique de Monsieur [T] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la Société ORCO PROPERTY GROUP à payer à Monsieur [H] [T] la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

CONDAMNE la Société ORCO PROPERTY GROUP aux entiers dépens,

CONDAMNE la Société ORCO PROPERTY GROUP au paiement de la somme de 200 euros à Monsieur [T] en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER LA VICE PRESIDENT PLACEE

Pour la Présidente empêchée


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 15/09447
Date de la décision : 13/10/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°15/09447 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-13;15.09447 ?
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