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29/09/2016 | FRANCE | N°15/07864

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 29 septembre 2016, 15/07864


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8



ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2016



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/07864



Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de PARIS en date du 20 Mars 2015 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 11/085587



APPELANTS



1) Monsieur [Z] [M]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1]

de natio

nalité canadienne

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 2]-CANADA



Représenté par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

ayant pour avocat plaidant M...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2016

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/07864

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Commerce de PARIS en date du 20 Mars 2015 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 11/085587

APPELANTS

1) Monsieur [Z] [M]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 1]

de nationalité canadienne

demeurant [Adresse 1]

[Adresse 2]-CANADA

Représenté par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

ayant pour avocat plaidant Me David GORDON-KRIEF, du cabinet SBKG, avovat au barreau de Paris, toque : P313

2) Société GESTION MOODY INC. Société de droit Canadien

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 2]-CANADA

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jean-Philippe AUTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0053

ayant pour avocat plaidant Me David GORDON-KRIEF, du cabinet SBKG, avovat au barreau de Paris, toque : P313

INTIMÉES

1) INTERNATIONAL FLAVORS & FRAGRANCES FRANCE HOLDING II anciennement SAS GROUPE UNIPEX

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n°752 872 358

ayant son siège social [Adresse 3]

[Adresse 4]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

ayant pour avocat plaidant Me olivier BARATELLI, avocat au barreau de PARIS , toque : E183

2) SA FONDS COMMUN DE PLACEMENT A RISQUE AXA LBO FUND IV

ayant son siège social [Adresse 5]

[Adresse 6]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

ayant pour avocat plaidant Me Maxence BLOCH, société KINGWOOD MALLESONS, avocat au barreau de Paris, toque : R253 et Me Léa FORESTIER de la société BOURDON et ASSOCIÉS, avocat au barreau de Paris, toque :R143

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Mai 2016, en audience publique, devant la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, Présidente de chambre

Mme Isabelle ROHART-MESSAGER, Conseillère

M. Laurent BEDOUET, Conseiller

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Pauline ROBERT

MINISTÈRE PUBLIC : l'affaire a été communiquée au Ministère Public.

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-Christine HEBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Mme Pauline ROBERT, greffier présent lors du prononcé.

*

En mai 2008, M.[M] a dans le cadre d'une opération de LMBO racheté la division 'Ingrédients actifs et spécialités chimiques' qu'il dirigeait au sein de la société Atrium Innovations, spécialisée dans les matières premières pour les produits cosmétiques et pharmaceutiques, ce rachat s'effectuant par le biais de la Sas Groupe Unipex dans laquelle étaient notamment associés Axa Private Equity, M.[M] et sa holding personnelle, Gestion Moody Inc, société de droit canadien, M.[M] étant nommé président de Groupe Unipex.

Le 22 mai 2008, les futurs associés ont signé un pacte organisant leurs relations au sein de Groupe Unipex. Le pacte comportait notamment une promesse de cession des titres détenus par les membres du Cercle 1 dont faisait partie M.[M], au profit de l'actionnaire majoritaire, en cas de cessation de leurs fonctions.

Le 1er mars 2011, le comité de surveillance de Groupe Unipex a révoqué M.[M] de son mandat de président, cette révocation emportant également cessation de ses fonctions au sein des différentes filiales du groupe, la présidence de Groupe Unipex étant aussitôt confiée à M.[B].

Le 15 avril 2011, Axa Private Equity a levé l'option d'achat dont elle bénéficiait sur les titres détenus par M.[M] et sa holding personnelle, à l'exception des 318.925 actions non comprises dans l'option, qu'ils ont pu conserver.

Considérant la révocation abusive et vexatoire et l'exécution de mauvaise foi du pacte, M.[M] et sa holding Gestion Moody Inc ont saisi le tribunal de commerce de Paris le 21 novembre 2011 en paiement de divers dommages et intérêts.

En cours de procédure ,

- Axa Private Equity a, en 2012, cédé sa participation dans Groupe Unipex au Fonds IK2007,

- La société Groupe Unipex a été cédée en septembre 2012 en dégageant une plus- value substantielle pour tous les actionnaires.

- le 28 novembre 2014, la société Groupe Unipex a fait l'objet d'une fusion absorption par la société Unipex Neptune International.

Par jugement du 20 mars 2015, le tribunal de commerce de Paris a rejeté les fins de non-recevoir tirées du défaut d'intérêt à agir de Gestion Moody Inc et du défaut d'intérêt à agir de M.[M], a rejeté toutes les demandes de M.[M] et de Gestion Moody Inc, ainsi que les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts et a condamné in solidum M.[M] et Gestion Moody Inc aux dépens et à payer 30.000 euros à Groupe Unipex , ainsi qu'au Fonds Commun Axa LBO Fund ( aux droits de Axa Private Equity) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Postérieurement au jugement, la société Groupe Unipex a changé de dénomination sociale, le 30 juillet 2015, pour devenir International Flavors & Fragrances France Holding II.

M.[M] et Gestion Moody Inc ont relevé appel de cette décision selon déclaration du 9 avril 2015.

Par conclusions signifiées le 2 mars 2016, M.[M] et Gestion Moody Inc demandent à la cour de les dire recevables en leur appel, d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau:

- de condamner in solidum Groupe Unipex et le FCPR Axa LBO Fund IV à payer:

- 500.000 euros à M.[M] ,au titre de la révocation abusive et vexatoire de son mandat social et de ses autres mandats au sein du groupe Unipex,

- 1.216.986,13 euros à M.[M] et 1.111.766,64 euros à Gestion Moody Inc au titre de l'abus de droit commis dans l'exécution du pacte d'associés,

- 229.554 euros à M.[M] et 207.221 euros à Gestion Moody Inc au titre de l'exécution de mauvaise foi du pacte d'associés à l'occasion de l'augmentation de capital décidée le 31 juillet 2011,

- de condamner le FCPR Axa LBO Fund IV à verser à M.[M] 424.026,33 euros au titre de son engagement irrévocable de prendre en charge le prêt souscrit par M.[M] et les intérêts y afférents pour financer l'opération de LMBO,

- de condamner in solidum Groupe Unipex et le FCPR Axa LBO Fund IV à leur payer 150.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre la prise en charge des entiers dépens de l'instance.

Dans ses écritures signifiées le 6 novembre 2015, la société International Flavors & Fragrances France Holding II, intimée et appelante incidente, anciennement dénommée Groupe Unipex et venant aux droits de cette société ensuite de la fusion absorption intervenue le 28 novembre 2014, sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M.[M] et Gestion Moody Inc de l'intégralité de leurs demandes, son infirmation en ce qu'il a dit Gestion Moody Inc recevable à agir en indemnisation au titre de la révocation prétendument abusive de M.[M] et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive. Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de déclarer Gestion Moody Inc irrecevable en son action en indemnisation au titre de la révocation de M.[M], de condamner M.[M] et Gestion Moody Inc à lui payer chacun 100.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi que 60.000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens.

Par conclusions signifiées le 6 novembre 2015, le Fonds Professionnel de Capital Investissement AXA LBO Fund IV, anciennement dénommé Axa Investment Managers Private Equity Europe, demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Ardian France de ses demandes tendant à voir juger irrecevables les prétentions de M.[M] et de Gestion Moody Inc en paiement de dommages et intérêts au titre de la révocation, statuant à nouveau, de déclarer ces demandes irrecevables, de l'infirmer en ce qu'il a débouté la société Ardian France de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de condamner in solidum M.[M] et Gestion Moody Inc à payer à Ardian France 100.000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, de confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions, y ajoutant de condamner M.[M] et Gestion Moody Inc à payer chacun à Ardian France 90.000 euros au titre des frais irrépétibles, outre la prise en charge des entiers dépens.

SUR CE,

I- Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la révocation

Sur les fins de non-recevoir :

International Flavors & Fragrances France Holding II et Axa LBO Fund IV reprennent en cause d'appel les fins de non-recevoir tirées, d'une part, du défaut d'intérêt à agir de Gestion Moody Inc au titre de la révocation de M.[M], s'agissant d'une action attitrée n'appartenant qu'au mandataire révoqué, d'autre part, tirée de ce que l'action de M.[M] ne peut être engagée qu'à l'encontre de la société l'ayant révoqué et non d'un associé de celle-ci.

Gestion Moody Inc soutient à juste titre qu'elle a bien intérêt à agir au soutien de la demande de M.[M], dès lors que la révocation de celui-ci a eu pour conséquence de permettre à Axa de lever l'option de la promesse de cession des actions détenues tant par M.[M] qu'elle-même, en vertu du pacte d'associés auquel elle était partie, sachant que Gestion Moody Inc ne sollicite pas à titre personnel de dommages et intérêts de ce chef.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté cette fin de non-recevoir.

S'agissant de la fin de non-recevoir opposée à M.[M] en ce qu'il dirige sa demande d'indemnisation également contre AXA LBO Fund IV, actionnaire de la société ayant procédé à la révocation, il sera relevé que l'appelant fonde sa demande de condamnation in solidum sur la faute personnelle de cet actionnaire dont la responsabilité peut être recherchée à raison d'une volonté malveillante ou d'une intention de nuire et que le débat sur ce point relève du fond, la recevabilité d'une action n'étant pas subordonnée à la démonstration de son bien fondé.

Le jugement sera également confirmé sur ce point.

Sur les conditions de la révocation:

M.[M] soutient que sa révocation est intervenue dans des conditions brusques, vexatoires, en violation du principe du contradictoire, à l'issue d'un comité de surveillance dont la tenue a été anticipée, cette question n'ayant pas été inscrite à l'ordre du jour et ayant fait l'objet d'une présentation trompeuse suite à la demande d'explication de M.[M], que rien ne lui laissait présager une telle décision alors qu'il venait à nouveau d'investir dans Groupe Unipex, qu'il n'a dans ces conditions pas été mis en mesure de préparer utilement sa défense. Il ajoute que la nomination immédiate de son successeur, sans une communication concertée qui aurait été de nature à couper court aux rumeurs, caractérise des circonstances vexatoires.

Il résulte de l'article 12.5 des statuts de la Sas Groupe Unipex et du pacte d'associés ( article 2.1.1), que les membres du comité de direction parmi lesquels le président sont révocables ad nutum, la révocation pouvant intervenir par décision collective des associés ou, comme en l'espèce, par décision du comité de surveillance à la majorité simple, les statuts précisant que cette décision peut être prise sans préavis et qu'elle ne peut donner lieu à des dommages et intérêts.

Il ressort des pièces au débat que la révocation est intervenue dans les circonstances suivantes:

- le 15 février 2011, M.[O], président du comité de surveillance a, à la demande de l'actionnaire majoritaire, convoqué les membres du comité, ainsi que M.[M], pour une réunion le 1er mars 2011, avec pour ordre du jour:

1. Revue du développement interne et externe de Groupe Unipex

2. Revue de l'organisation du groupe

3. Questions diverses

- en retour le 25 février, M.[M] signalant ne pas avoir reçu de documents ou de précisions concernant l'agenda du comité de surveillance du 1er mars lui indiquait

' Compte tenu que les sujets à l'ordre du jour sont plutôt larges et imprécis, pourrais-tu nous fournir plus de détail sur ce que l'on entend aborder afin que nous puissions nous préparer'Quels dossiers devons-nous préparer ou apporter' Quels aspects de l'organisation du groupe souhaite-t-on revoir'',

- le 26 février, M.[O] lui répondait' Ce conseil est organisé à la demande des représentants d'AXA, qui veulent discuter de questions de développement externe; il n'y a pas de documents spécifiques à préparer'.

- le 1ermars suivant, le comité de surveillance s'est tenu, en présence de M.[M], et a décidé d'aborder immédiatement le second point de l'ordre du jour relatif à l'organisation de la société; les membres du comité de surveillance ont alors fait état du caractère décevant des performances du Groupe Unipex en 2010, très en deçà du business plan qui avait été élaboré en 2008, de l'insuffisance de stratégie de croissance externe, Unipex n'ayant procédé qu'à une acquisition de taille non significative, à l'absence de renfort de l'organisation managériale du groupe malgré plusieurs départs et au caractère insatisfaisant, bien qu'apaisé, de la relation entre M.[M] et l'associé majoritaire, le président n'ayant pas su restaurer un climat de confiance,

- après avoir reçu les explications de M.[M] sur ces différents points, le comité de surveillance a voté sa révocation à la majorité, son successeur étant nommé à la suite.

Le président étant révocable ad nutum et sans préavis, le comité de surveillance pouvait, comme il l'a fait, révoquer M.[M] sans avoir à caractériser une faute, la procédure devant seulement être conduite loyalement, dans le respect du principe du contradictoire et ne pas revêtir de caractère vexatoire. S'agissant d'une révocation sans faute, M.[M] ayant cédé ses actions en vertu de la clause de ' good leaver' les contestations sur la pertinence des motifs retenus par le comité de surveillance sont inopérantes.

Manque également de pertinence le moyen pris de ce que la révocation du président ne figurait pas dans l'ordre du jour convoquant le comité de surveillance, dès lors qu'un président est appelé à répondre de sa gestion à tout moment tant devant l'assemblée générale des actionnaires que devant le comité de surveillance, et que M.[M] a été invité à s'exprimer avant le vote devant l'organe appelé à délibérer.

Toutefois, si M.[M] a bien été entendu en ses explications, le procès-verbal de réunion retraçant les réponses qu'il a apportées sur les différents points faisant débat, la lecture des échanges ayant précédé cette réunion révèle un manque de loyauté à son égard.

En effet, alors que l'objet de la réunion anticipée du 1er mars était à l'évidence de se prononcer sur la remise en cause du mandat social de M.[M] sur la base de constats déjà identifiés, la réponse apportée quelques jours avant cette réunion par le président du comité, aux questions précises de M.[M] qui s'interrogeait sur les éléments à développer, a été de nature à l'induire en erreur sur l'enjeu réel de la réunion, en ce qu'en banalisant l'objet de la rencontre, elle n'a pas incité M.[M] à préparer une réponse spécialement étayée et a de ce fait pu nuire à l'organisation de sa défense. Ce manque de loyauté à l'égard d'un président, membre fondateur, ouvre droit à indemnisation.

S'agissant du caractère vexatoire de la révocation allégué par M.[M], il sera relevé que le fait de demander à des personnes non membres du comité de surveillance de quitter la salle de réunion avant que n'interviennent les échanges avec l'intéressé, tout comme le fait de ne publier au registre du commerce et des sociétés, pour officialiser le changement de dirigeant, qu'un extrait du procès-verbal de réunion, loin d'être vexatoires, sont au contraire des mesures destinées à ne pas placer l'intéressé dans une situation délicate vis à vis de subordonnés ou des tiers, en évitant de rendre publiques les contestations sur sa gestion

La désignation immédiate d'un successeur, en la personne de M.[B], procède d'une gestion normale de la société, tout comme sa rapide présentation aux équipes du Québec avant le retour du président démis et ne caractérise pas la volonté d'humilier le dirigeant sortant, dès lors qu'il n'est pas établi que cette présentation s'est accompagnée de dénigrement, M.[M] ne pouvant faire grief à Groupe Unipex de ne pas avoir publié un communiqué commun, rien ne l'y obligeant.

En cet état, seul le manque de loyauté dans les échanges préalables à la réunion du comité de surveillance sera retenu. La société International Flavors & Fragrances France Holding II ( anciennement Groupe Unipex) sera condamnée à payer à M.[M], en réparation du préjudice subi, 20.000 euros de dommages et intérêts.

S'agissant de la demande de condamnation in solidum dirigée contre AXA LBO Fund IV, M.[M] fait valoir la préméditation de l'actionnaire majoritaire, qui a vu dans cette révocation l'opportunité d'augmenter sa participation dans un contexte de sortie planifiée, avec l'espoir d'un gain important.

Il est de principe que la révocation du président est une décision sociale relevant au premier chef de la responsabilité de la société ayant mis fin au mandat et que la responsabilité de ses associés ne peut être recherchée qu'à raison d'une faute personnelle de ceux-ci, faute qui ne saurait résulter du seul exercice du droit de vote, prérogative liée à la qualité d'associé, mais suppose de caractériser l'existence d'une intention malveillante à l'égard du président révoqué.

En l'espèce, la révocation a été décidée à la majorité des membres du comité de surveillance, organe habilité à cet effet par les statuts. Le fait qu'Axa ait vraisemblablement décidé de voter la révocation avant même la tenue de la réunion, 'aucune chance' n'ayant été laissée à [Z] [M] selon M.[A], membre du comité de surveillance, ne suffit pas à caractériser la volonté de nuire à M.[M] et de le déposséder de son investissement, traduisant avant tout la volonté du majoritaire de voir gérer la société selon la stratégie qu'il souhaite, étant souligné que le président sortant a pu céder ses titres sous option à la valeur applicable aux départs non fautifs.

En conséquence, M.[M] sera débouté de sa demande de condamnation in solidum d' AXA LBO Fund IV, le jugement étant confirmé de ce chef.

- Sur la violation du pacte d'associés

M.[M] et Gestion Moody Inc font valoir qu'en révoquant le président sans motif, de manière préméditée, afin de mettre en oeuvre la clause de cession forcée des titres sous option, les intimés ont fait un usage déloyal des prérogatives contractuelles et contraire à la commune intention des parties telle qu'exprimée comme suit en préambule du pacte ' L'objet du partenariat des Parties au sein de la Société est de favoriser le développement du Groupe et la valorisation de leur investissement à moyen terme, dans le respect de l'indépendance et de la cohérence du Groupe à la date des présentes et sans cession ou démantèlement à court terme....' les privant ainsi de la juste rémunération prévue en sortie du LMBO dans le 'management package' dont ils bénéficiaient.

Cependant les dispositions liminaires du pacte, rappelant l'objectif poursuivi par les associés et leur souci de cohésion jusqu'à la liquidité de la société à moyen terme, ne s'opposent pas à l'application des clauses contractuelles détaillées et claires qui suivent cet énoncé général, qui ont vocation à régir de façon concrète les relations entre les associés pendant l'opération de LMBO et qui constituent la loi de tous les signataires.

Ainsi, ne caractérise pas une violation du pacte la mise en oeuvre des dispositions relatives à la révocation du dirigeant, ni celles de l'article 9.1 prévoyant qu'En cas de cessation de fonction, chacun de membres du cercle 1 promet de céder l'intégralité de ses Titres Sous Option au Fonds APE[....], dès la levée de cette promesse par le Fonds APE. Le Fonds APE accepte cette promesse en tant que promesse unilatérale de vente, sans obligation d'acheter et se réserve la faculté de lever cette option d'achat. L'option d'achat portera également le cas échéant, sur tous les titres sous option détenus par la société patrimoniale ou les ayants-droit du membre du cercle 1 concerné et suivra le régime applicable aux membres du cercle 1 concerné.' , étant observé que la cour n'est pas saisie des modalités d'application concrètes de cette clause qui a donné lieu à la désignation d'un tiers-expert pour définir le prix de cession, puis au paiement des titres cédés dans des conditions finalement acceptées par les cédants.

La contestation par M.[M] du bien fondé des critiques de sa gestion par le comité de surveillance n'est pas opérante, dès lors que ces faits ne lui ont pas été imputés à faute et que le prix de cession des titres sous option a été fixé sur la base de la clause dite de 'good leaver' correspondant à un départ sans faute (article 9.4), donc dans les conditions du pacte les plus favorables pour les cédants.

C'est encore vainement que les appelants soutiennent que les conditions de mise en oeuvre de cette promesse de vente ont conféré au bénéficiaire, le Fonds APE, une faculté potestative à l'origine d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, dès lors que la levée de l'option supposait le départ d'un membre du Cercle 1, et que le départ forcé résultant d'une révocation ne dépend pas, aux termes du pacte et des statuts, de la seule volonté du bénéficiaire de la promesse, mais d'une décision collective des associés ou d'une décision prise à la majorité simple du comité de surveillance, composé en l'espèce de six membres, l'un d'eux ayant d'ailleurs voté contre la révocation.

Le jugement mérite donc confirmation en ce qu'il a débouté M.[M] et Gestion Moody Inc de leurs demandes de ce chef.

- Sur l'augmentation de capital

Le 31 juillet 2011, la société Groupe Unipex a procédé à une augmentation de capital de 437.000 euros afin de pouvoir réaliser l'acquisition de la société Lucas Meyers Cosmetic, M.[M] et sa holding étant à cette date encore détenteurs de titres de Groupe Unipex, la promesse de cession forcée n'ayant pas porté sur toutes leurs participations.

M.[M] et Gestion Moody Inc font valoir que le prix des actions a, dans le cadre de cette augmentation de capital, été fixé en violation de l'article 12.3 du pacte d'associés selon lequel ' ...le prix des Actions Ordinaires sera déterminé sur la base d'une valeur de marché agréée entre les Fonds APE et le dirigeant principal, ou en cas de désaccord, par un Tiers-Expert ( fairness opinion) pour la fixation d'une valeur de marché', en ce qu'il n' y a eu ni accord entre Axa PE et M.[M], ni nomination d'un tiers-expert, et qu'Axa a imposé une valeur très inférieure à la valeur de marché réelle, de 1,80 euros, valeur hautement dilutive, qui a eu pour effet de réduire le prix de l'action de la revente de Groupe Unipex en septembre 2012 à 5,69 euros au lieu de 6,13 ou de 6,26 euros, représentant un préjudice de 229.554 euros pour M.[M] et de 207.221 euros pour Gestion Moody Inc.

AXA LBO Fund IV soutient que cette demande est irrecevable dès lors qu'en vertu de l'article L 235-9 alinéa 3 du code du commerce, l'action visant à obtenir la nullité d'une décision ayant autorisé une augmentation de capital se prescrit par trois mois à compter de la date de l'assemblée générale suivant la décision d'augmenter le capital et, qu'en tout état de cause, il n'est démontré aucune faute en lien avec le préjudice allégué, M.[M] et sa holding ayant été libres de souscrire à cette augmentation, ce qu'ils n'ont pas fait.

Il n'est pas contesté que M.[M] et Gestion Moody Inc se sont abstenus d'introduire un recours contre la délibération du 31 juillet 2011, ayant décidé du principe et des modalités de l'augmentation de capital litigieuse, dans le délai fixé par l'article L.235-9 alinéa 3 du code du commerce, de sorte que toute action en nullité est prescrite.

Il s'ensuit que les demandes de dommages et intérêts de M.[M] et de Gestion Moody Inc se heurtent à une décision des associés devenue irrévocable en son principe et ses modalités, que les appelants ne sont plus fondés, sous couvert d'une violation du pacte, à remettre en cause.

M.[M] et Gestion Moody Inc seront par conséquent déboutés de leur demande de dommages et intérêts au titre de l'augmentation de capital. A ces motifs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a, dans son dispositif, débouté M.[M] et sa holding de ce chef.

- Sur le prêt

M.[M] soutient qu'Axa n'a pas respecté l'engagement qu'elle avait pris de lui rembourser l'emprunt bancaire qu'il avait été tenu de souscrire pour respecter le 'Senior Facility Agreement' imposé par les banques et les intérêts y afférents de 42.026,33 euros, soit un total de 424.026,33 euros.

AXA LBO Fund IV objecte que seul un engagement de moyens a été souscrit, qu'il ne portait que sur le coût de l'emprunt, c'est à dire sur les intérêts, et était soumis à des conditions qui n'ont pas été remplies, ajoutant qu'en tout état de cause les retours sur investissements dont a bénéficié M.[M] ont amplement couvert les intérêts de l'emprunt.

Lors de la mise en place du LMBO, M.[M] a cédé les stock options qu'il détenait dans Atrium et a contracté un emprunt bancaire de 382.000 euros afin de pouvoir investir 1,2 millons de dollars canadiens, représentant environ 870.000 euros, les banques exigeant un seuil d'investissement important de la part des managers.

Lors du montage de l'opération de LMBO, M.[S], managing director de la société Axa Private Equity indiquait par courriel du 2 avril 2008 à M.[M] : 'Pour faire suite à nos discussions, dans l'hypothèse où le produit de cession de l'intégralité de vos stock-options ne permet pas d'atteindre le montant de 1,2m$, je vous confirme que nous ferons nos meilleurs efforts pour négocier un emprunt bancaire personnel sans recours

( autre qu'une garantie sur vos titres de Newco) d'un montant égal à la différence. Par ailleurs, nous trouverons un mécanisme (par exemple, prix différencié) pour compenser votre coût de remboursement du dit emprunt lors de la sortie. En revanche, si la plus-value sur les titres ne suffit pas à couvrir le coût du remboursement, il est entendu que n'aurons pas à vous compenser'.

Ce mail contient deux engagements successifs de la part d'Axa vis à vis de M.[M]:

- d'une part, en l'aidant à obtenir un emprunt personnel sans recours si la cession des stock options d'Atrium ne permettait pas d'atteindre le prix de 1,2 millions de dollars canadiens, nécessaire pour monter l'opération de LMBO,

- d'autre part, en lui offrant de compenser le coût de remboursement du prêt lors de la sortie, seul point en litige soumis à la cour.

Ces engagements sont complémentaires, mais distincts.

Ainsi, contrairement à ce que soutient Axa, les termes 'nous ferons nos meilleurs efforts' qui traduisent un engagement de moyens, ne concernent que la recherche d'un prêt sans recours pour M.[M]. En revanche, la compensation du coût de remboursement de l'emprunt, traitée dans un second paragraphe introduit par les termes ' par ailleurs', qui dépend de la volonté d'Axa, constitue un engagement ferme de prise en charge, sauf l'hypothèse, mentionnée in fine, dans laquelle la plus-value des titres ne suffirait pas à couvrir le coût du remboursement.

Axa invoque vainement le non respect des conditions posées par cet engagement, dès lors que la cession de l'intégralité des stock options d'Atrium, à laquelle M.[M] soutient au demeurant avoir procédé, et leur cession à un prix inférieur à 1,2 millions de dollars canadiens, ne se rapportent qu'à la recherche du prêt lui-même, dont les conditions d'obtention en 2008 n'ont pas en son temps été remises en cause par Axa.

Si la prise en charge du coût de remboursement de l'emprunt par Axa n'est effectivement prévue qu'à la sortie de l'investissement, soit au moment de la cession des participations du Groupe Unipex, force est de constater qu'Axa, M.[M] et Gestion Moody Inc.ont désormais cédé leurs titres.

Par ailleurs, il ne ressort pas des termes de l'engagement ou de pièces contraires que cette prise en charge est subordonnée à la condition que la plus-value réalisée par M.[M] soit inférieure au coût de l'emprunt, l'exception prévue in fine n'excluant au contraire cette compensation que si la plus-value des titres lors de la cession ne suffit pas à couvrir le coût du remboursement, soit l'hypothèse d'une sortie défavorable du Groupe Unipex, les titres visés dans cette seconde branche de l'engagement ne pouvant s'entendre que de ceux du Groupe Unipex et non des stock options d'Atrium. Il est admis par Axa que la cession du Groupe Unipex en 2012 a été lucrative, de sorte qu'il est indifférent que M.[M] et sa holding aient réalisé une plus-value de plus de 2 millions d'euros.

Ainsi, Axa est bien tenue par cet engagement dont il n'est pas allégué qu'il ait été rapporté ou déjà exécuté.

Toutefois, Axa soutient à juste titre que ' le coût du remboursement' correspond uniquement aux intérêts de l'emprunt souscrit, que M.[M] chiffre à 42.026,33 euros, ce montant n'étant pas en lui-même contesté.

Il s'ensuit que le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté M.[M] de sa demande en paiement et la cour, statuant à nouveau, condamnera Axa LBO FUND IV venant aux droits d'Axa Private Equity, à payer à M.[M] la somme de 42.026,33 euros.

- Sur les demandes en dommages et intérêts

International Flavors & Fragrances France Holding II et Ardian France représentant d'AXA LBO Fund IV sollicitent des dommages et intérêts pour procédure abusive, invoquant l'acharnement procédural de M.[M] et de sa holding, ainsi que l'atteinte portée à l'image d'Axa Private Equity, qui gérait le FCPR AXA LBO Fund IV, au moment de sa mise en vente.

Il se déduit de la solution du litige que la procédure initiée par M.[M] et sa holding n'est pas abusive. Le jugement mérite donc confirmation en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts de Groupe Unipex et de AXA LBO Fund IV représentée par Ardian France.

- Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Si M.[M] obtient une réformation partielle du jugement, il succombe cependant pour une part importante de ses demandes, les montants réclamés ayant par ailleurs compromis les chances de parvenir à un règlement amiable du litige entre anciens partenaires de LMBO.

Dans ce contexte, les dépens de première instance et d'appel seront partagés par moitié, entre d'une part, M.[M] et Gestion Moody Inc, d'autre part, International Flavors & Fragrances France Holding II et AXA LBO Fund IV, le jugement étant réformé de ce chef.

Aucune considération d'équité ne justifie d'allouer à quiconque une indemnité au titre des frais irrépétibles, le jugement étant réformé de ce chef.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a débouté M.[M] de ses demandes de dommages et intérêts au titre de sa révocation et de remboursement au titre de l'emprunt et en ce qu'il a condamné in solidum M.[M] et la société Gestion Moody Inc aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'infirme de ces chefs,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la société International Flavors & Fragrances France Holding II (anciennement Groupe Unipex) à payer à M.[M] la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre des circonstances de sa révocation, et déboute M.[M] de sa demande de condamnation in solidum à l'encontre de la société AXA LBO Fund IV de ce chef,

Condamne Axa LBO FUND IV à payer à M.[M] la somme de 42.026,33 euros au titre de l'engagement de compensation du coût de remboursement de l'emprunt et déboute M.[M] de sa plus ample demande de ce chef,

Rejette toutes les demandes de dommages et intérêts reconventionnelles et les plus amples demandes des parties,

Déboute toutes les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel,

Condamne aux dépens par moitié, d'une part, M.[M] et la société Gestion Moody Inc in solidum, d'autre part, les sociétés International Flavors & Fragrances France Holding II et AXA LBO Fund IV et dit que les dépens pourront être recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Pauline ROBERT Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 15/07864
Date de la décision : 29/09/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I8, arrêt n°15/07864 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-29;15.07864 ?
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