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27/09/2016 | FRANCE | N°15/10881

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 27 septembre 2016, 15/10881


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5



ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2016



(n° 2016/ 290 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 15/10881



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mai 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/14200





APPELANTE



SA AXA FRANCE venant aux droits d'AXA COURTAGE agissant poursuites et diligences de ses représentants

légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 722 057 460 01971



Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5

ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2016

(n° 2016/ 290 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/10881

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mai 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 13/14200

APPELANTE

SA AXA FRANCE venant aux droits d'AXA COURTAGE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 722 057 460 01971

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée de Me Stella BEN ZENOU, avocat au barreau de PARIS, toque : G0207

INTIMÉES

SA DILISCO prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N° SIRET : 345 261 160 00018

SNC NATIOCREDIMURS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET :332 199 462 00026

Représentées par Me Antoine CHATAIN de l'AARPI Chatain & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R137

Assistées de Me Thomas DE BOYSSON de l'AARPI Chatain & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R137

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Juin 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère, entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre

Monsieur Christian BYK, Conseiller

Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, présidente et par Madame Déborah TOUPILLIER, greffier présent lors du prononcé.

'''''

La SA DILISCO, qui fait partie du groupe d'édition ALBIN MICHEL, exploite plusieurs bâtiments industriels et commerciaux, situés [Adresse 4]) dans la [Adresse 4].

Elle a obtenu le 18 février 2000, un permis de construire pour entreprendre l'édification d'une extension (un bâtiment de stockage de 3800m²) à son unité industrielle de [Localité 1], cette construction devant intervenir dans le cadre d'un contrat de crédit-bail immobilier signé avec la société NATIOCREDIMURS, le 7 août 2001. Aux termes de ce contrat, la société DILISCO avait la double qualité de crédit-preneur et de maître d'ouvrage délégué aux opérations de construction. Elle s'est assurée au titre d'une police 'dommages-ouvrage' auprès d'AXA COURTAGE, devenue AXA FRANCE IARD.

Le chantier a été déclaré ouvert, le 16 mai 2001 et les travaux ont été confiés notamment aux sociétés SOMIVAL (en charge d'une maîtrise d'ouvrage transitoire du 30 juin 2000), LRCI (entreprise générale tous corps d'état qui a fait appel à des sous-traitants), VERITAS (contrôleur et coordonnateur SPS) et ALPHA BTP (pour les études de sol). La réception des travaux a été prononcée le 25 octobre 2001 avec des réserves qui ont été levées le 8 novembre 2001.

Se plaignant de désordres affectant notamment le dallage de son extension de stockage, la SA DILISCO a mandaté un cabinet d'audit, le cabinet [D] [P], qui a établi un rapport le 10 juillet 2011, listant une quarantaine de désordres. Sur la base de ce rapport, les sociétés DILISCO et NATIOCREDIMURS ont procédé à une déclaration de sinistre, le 13 juillet 2011 auprès de la SA AXA FRANCE IARD. Celle-ci a commis le cabinet SARETEC qui a remis son rapport préliminaire, le 2 septembre 2011.

L'assureur ayant notifié le dit rapport à son assurée, la société DILISCO et notifié à celle-ci et à la société NATIOCREDIMURS, le 13 septembre 2011, un refus de garantie, les sociétés ont engagé une procédure de référé-expertise au contradictoire de la SA AXA FRANCE IARD, qui a également appelé dans la cause, les constructeurs et leurs assureurs. Ces procédures ont été jointes et l'expertise judiciaire confiée à M [X] [T] par ordonnance du 13 décembre 2011.

Par acte du 13 octobre 2011, une instance au fond a été engagée par les sociétés DILISCO et NATIOCREDIMURS contre les constructeurs, leurs assureurs et la SA AXA FRANCE IARD qui a également assigné les constructeurs et leurs assureurs respectifs. Un sursis à statuer a été prononcé dans ces deux instances dans l'attente du dépôt du rapport par Monsieur [T], qui a adressé aux parties une note de synthèse le 11 mars 2014.

Alors que les opérations d'expertise judiciaire étaient en cours, les sociétés DILISCO et NATIOCREDIMURS ont adressé deux déclarations de sinistres à la SA AXA FRANCE IARD, les 12 août et 28 août 2013 sur la base des rapports d'audit complémentaires

établis par le cabinet [P], respectivement les 15 et 19 septembre 2011. La SA AXA FRANCE IARD a notifié, le 21 août 2013 (pour les désordres dénoncés le 12 août) et le 12 septembre 2013 (pour ceux dénoncés le 28 août) un refus de garantie fondé sur le caractère tardif de la déclaration effectuée après l'expiration du délai décennal, ce qui rendait la subrogation impossible.

Par acte d'huissier en date du 16 novembre 2013, les sociétés DILISCO et NATIOCREDIMURS ont fait assigner la société AXA FRANCE IARD, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir déclarer acquis le principe de la garantie dommages-ouvrage pour la totalité des désordres déclarés en août 2013, dire que la SA AXA FRANCE IARD est tenue au règlement des intérêts majorés au double du taux légal sur la totalité des indemnités à intervenir à compter de l'assignation, avec capitalisation des intérêts et ordonner, avant dire droit sur la liquidation des dommages, une mesure d'expertise judiciaire.

Par jugement du 18 mai 2015, le tribunal a déclaré acquis aux sociétés DILISCO et NATIOCREDIMURS le principe de la garantie de l'assureur dommages-ouvrage, la SA AXA FRANCE IARD, au titre des désordres déclarés les 12 août 2013 et 23 août 2013, a débouté les sociétés demanderesses de leur demande de règlement des intérêts majorés et avant dire droit sur les autres demandes, ordonné la mesure d'instruction sollicitée, confiée à M [O].

Par déclaration d'appel du 27 mai 2015, la SA AXA FRANCE IARD a interjeté appel. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 20 juin 2016, elle demande à la cour sous divers dire et juger reprenant ses moyens, d'infirmer le jugement déféré et de déclarer dépourvues de fondement les réclamations des sociétés DILISCO et NATIOCREDIMURS et dans l'hypothèse, où la cour confirmait son obligation de garantir les dommages, de rejeter l'appel incident des intimées, de les débouter de toutes leurs autres demandes et de les condamner au paiement d'une somme de 10 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 9 juin 2016, les sociétés DILISCO et NATIOCREDIMURS soutiennent la confirmation du jugement, sur le principe de la garantie due par la SA AXA FRANCE IARD au titre des désordres déclarés les 12 et 23 août 2013 et de débouter l'appelante de ses prétentions. Elles demandent également à la cour, faisant droit à leur appel incident, de juger que la SA AXA FRANCE IARD est tenue de régler des intérêts majorés au double du taux légal sur la totalité des indemnités à venir et ce, à compter de leur assignation du 16 septembre 2013 et avec anatoscisme. Enfin, elles sollicitent l'allocation à chacune d'une indemnité de procédure de 7.000€ et la condamnation de l'appelante aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue, le 20 juin 2016.

SUR CE, LA COUR

Considérant que la SA AXA FRANCE IARD critique le jugement déféré, qui selon elle se contredit gravement en admettant que la perte du recours subrogatoire du fait de l'assuré décharge l'assureur de son obligation de garantie mais affirme que cela ne l'autorise pas à considérer que la mise en jeu de sa garantie est manifestement injustifiée, ce qui l'exonère en application de l'article A 243-1 de l'annexe II du code des assurances, de mettre en place une expertise amiable des dommages dès lors, qu'elle notifie son refus dans les quinze jours de la réception de la déclaration de sinistre ; qu'elle affirme que l'article L 242-1 du code des assurances qui pose le principe de l'obligation pour l'assureur dommage ouvrage de pré-financer les travaux nécessaires pour remédier aux désordres de nature décennale selon une procédure et des délais qu'elle précise et qui sanctionne le non-respect de ces délais n'a pas vocation à s'appliquer lorsque comme en l'espèce, une cause de non-garantie est notifiée dans les délais de l'article A 243-1 de l'annexe II, peu importe que le motif de la décharge de garantie soit ensuite jugé non pertinent ; qu'elle ajoute qu'en l'espèce, les sociétés intimées ont, sans motifs avouables, retardé de près de deux années, l'envoi de leurs déclarations de sinistre lui interdisant d'engager la responsabilité des constructeurs et de rechercher la garantie de leurs assureurs, dans le délai d'épreuve de l'immeuble ;

Que les sociétés intimées objectent qu'elle ont procédé à une déclaration de sinistre dans les délais de l'article L 114-1 du code des assurances, ayant attendu d'en connaître 'l'ampleur exacte, c'est à dire le coût financier de leur réfection', ajoutant que la prétendue tardiveté de ces déclarations est insuffisante pour caractériser le lien entre ce fait et la perte du recours subrogatoire, le délai d'instruction de la déclaration de sinistre et donc celui d'un refus éventuel de garantie de la SA AXA FRANCE IARD excluant qu'elles aient pu assigner les constructeurs et leurs assureurs avant le 25 octobre 2011 ; qu'elles ajoutent que le recours à l'article A 243-1 annexe II du code des assurances ne peut être envisagé que si la mise en jeu de la garantie de l'assureur est manifestement injustifiée au regard des éléments que doit obligatoirement contenir la déclaration de sinistre de l'assuré, l'assureur ne pouvant invoquer la perte du recours subrogatoire que si la mobilisation de sa garantie est acquise au regard des conclusions de l'expertise préliminaire ;

Considérant que, aux termes de l'article 242-1 du code des assurances 'l'assureur (dommage ouvrage) a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l'assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat. Lorsqu'il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l'assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d'indemnité, revêtant le cas échéant un caractère provisionnel et destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. En cas d'acceptation, par l'assuré, de l'offre qui lui a été faite, le règlement de l'indemnité par l'assureur intervient dans un délai de quinze jours.

Lorsque l'assureur ne respecte pas l'un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d'indemnité manifestement insuffisante, l'assuré peut, après l'avoir notifié à l'assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L'indemnité versée par l'assureur est alors majorée de plein droit d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal.'

Que le paragraphe B de l'article A 243-2 de l'annexe II du code des assurances précise que 'L'assureur n'est pas tenu de recourir à l'expertise lorsqu'au vu de la déclaration de sinistre (...) la mise en jeu de la garantie est manifestement injustifiée. Lorsqu'il décide de ne pas recourir à une expertise, l'assureur notifie à l'assuré son indemnité ou sa décision de refus de garantie dans le délai de 15 jours à compter de la réception de la déclaration de sinistre constituée';

Qu'il s'ensuit que l'assureur qui ne respecte pas les délai de 60 jours et de 90 jours stipulés en cas d'expertise doit garantir le coût total de la remise en état de l'immeuble ; qu'il s'agit d'une sanction légale répondant à une finalité : imposer à l'assureur de prendre rapidement position sur sa garantie dont l'application ne peut être envisagée dès lors que l'assureur respecte les délais qui lui sont imposés pour prendre position ; qu'il s'ensuit qu'il importe peu que la dispense de recours à l'expertise amiable notifiée par l'assureur dans les quinze jours de la réception de la déclaration de sinistre, soit ou non justifiée, l'abus de cette prérogative contractuelle n'étant sanctionné que par la mise en jeu de la responsabilité de l'assureur sur le fondement de l'article 1147 du code civil ;

Qu'en outre, le texte sus-mentionné permet à l'assureur de ne pas organiser d'expertise que si, au vu de la déclaration de sinistre, la mise en jeu de la garantie est manifestement injustifiée, ce qui inclus l'hypothèse où comme en l'espèce, l'assureur est en mesure de constater à la lecture de la déclaration que lui adresse son assuré, que celui-ci a laissé dépérir son recours subrogatoire et en l'espèce, l'invocation d'un tel motif de non-garantie n'est nullement dépourvue de pertinence ; qu'en effet, le fait que les sociétés DILISCO et NATIOCREDIMURS puissent utilement déclarer un sinistre dans les deux ans de sa révélation ne les dispensait nullement de respecter l'obligation de diligence que vient sanctionner l'article L 121-12 du code des assurances et qu'en l'espèce, elles ont, de par leur retard apporté dans leurs déclarations de sinistre, interdit à l'assureur dommage- ouvrage d'exercer un recours à l'encontre des constructeurs et de leurs assureurs, celui-ci étant forclos à toute action à l'encontre tant des constructeurs que de leurs assureurs, faute de leur avoir dénoncé les désordres dans les délais d'épreuve de l'immeuble ;

Considérant que la demande des sociétés DILISCO et NATIOCREDIMURS de voir constater la garantie de la SA AXA FRANCE IARD au titre de la sanction prévue à l'article L242-1 alinéa 3 du code des assurances sera rejetée, l'expertise destinée uniquement à évaluer le coût des travaux de remise en état de l'immeuble étant désormais inutile, la cour devant infirmer la décision déférée tant sur le principe de la garantie que sur le recours à une expertise ;

Qu'enfin et pour les motifs qui précédent, la demande de majoration des intérêts ne peut pas plus prospérer, la décision déférée devant être confirmée sur ce point ;

Considérant que les sociétés DILISCO et NATIOCREDIMURS, parties perdantes, seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel et devront rembourser les frais irrépétibles de la SA AXA FRANCE IARD dans la limite de 6000€ ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris, le 18 mai 2015 en ce qu'il a débouté les sociétés DILISCO et NATIOCREDIMURS de leur demande tendant à voir dire que la SA AXA FRANCE IARD était tenue au règlement des intérêts majorés au double du taux légal sur la totalité des indemnités à intervenir à compter de l'assignation et l'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute les sociétés DILISCO et NATIOCREDIMURS de leurs autres demandes ;

Condamne les sociétés DILISCO et NATIOCREDIMURS à payer à la SA AXA FRANCE IARD la somme de 6000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 15/10881
Date de la décision : 27/09/2016

Références :

Cour d'appel de Paris C5, arrêt n°15/10881 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-27;15.10881 ?
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