Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4- Chambre 1
ARRÊT DU 09 SEPTEMBRE 2016
(no, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 13097
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Décembre 2013- Tribunal de Grande Instance de CRETEIL-RG no 12/ 08928
APPELANTE
SCI X..., SCI représentée par son gérant Monsieur X... José domicilié en cette qualité audit siège No SIRET : A 4 224 375 90
ayant son siège au 10 RUE GUY MOQUET-94130 NOGENT SUR MARNE
Représentée et assistée sur l'audience par Me Sandrine LEBAR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1625
INTIMÉS
Monsieur Gérard Y... né le 26 Juillet 1958 à FONTENAY SOUS BOIS
demeurant...
Représenté par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
SARL LE STRASBOURG prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège au 52 BOULEVARD DE STRASBOURG-94130 NOGENT SUR MARNE
non représenté
Ayant reçu signification de la déclaration d'appel en date du 29 juillet 2014 par remise à l'étude d'huissier et assignation devant la Cour d'appel de Paris avec signification de conclusions en date du 25 septembre 2014 par remise à l'étude d'huissier.
INTERVENANT
Monsieur Florent Y... né le 21 Octobre 1986
intervenant volontaire
demeurant...
Représenté par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Juin 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Chantal SARDA, Présidente de chambre
Mme Christine BARBEROT, Conseillère
M. Fabrice VERT, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Christophe DECAIX
ARRÊT : DÉFAUT
-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par la conseillère Mme Christine BARBEROT signant en lieu et place de la présidente empêchée et par Monsieur Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision à été remise par le magistrat signataire.
*
* *
M. Gérard Y..., propriétaire d'un pavillon, sis... (94), cadastré section L no 90, a souhaité en 2010 procéder à sa démolition et à sa reconstruction. Il en a été empêché par la présence, au premier étage de son fonds, d'un local à usage de WC desservant l'immeuble mitoyen, sis 52 boulevard de Strasbourg, cadastré section L no 89, appartenant à la SCI X... depuis le 30 avril 1999 et exploité à usage d'hôtel par la SARL Le Strasbourg, en vertu d'un bail commercial. Suivant acte du 17 février 2011, M. Gérard Y... a assigné la société X... devant le juge des référés. Par ordonnance du 11 mars 2011, M. Yves Z... a été désigné en qualité d'expert. Après dépôt du rapport d'expertise le 7 novembre 2011, par actes des 11 et 13 septembre 2012, M. Gérard Y... a assigné les sociétés X... et Le Strasbourg aux fins d'être autorisé à démolir le local litigieux.
C'est dans ces conditions que, par jugement du 12 décembre 2013, le Tribunal de grande instance de Créteil a :
- dit que le local à usage de WC, installé au premier étage de l'immeuble appartenant à la société X..., constituait un empiétement sur la propriété de M. Gérard Y...,
- donné acte à M. Gérard Y... de ce qu'il acceptait de payer les travaux de déplacement de ce local à hauteur de 2 500, 35 €,
- débouté les parties de toutes autres demandes,
- condamné la société X... à payer à M. Gérard Y... la somme de 2 500 € en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens en ce compris les frais d'expertise.
Sur l'appel interjeté par la SCI X..., cette Cour, par un premier arrêt avant dire droit du 5 novembre 2015, a :
- invité M. Gérard Y... à justifier de son titre d'unique propriétaire de l'immeuble sis...,
- invité les parties à conclure sur le point de savoir si l'empiétement, réalisé par le local à usage de WC de l'immeuble 52 boulevard de Strasbourg sur l'immeuble sis 52 bis, était décelable par les propriétaires respectifs successifs des deux fonds en cause et, dans tous les cas de figure, d'en tirer les conséquences sur l'usucapion invoquée par la société X...,
- ordonné la réouverture des débats à l'audience du 11 mars 2016 après avoir révoqué l'ordonnance de clôture et fixé la nouvelle clôture au 25 février 2016.
A la suite de la production de titres, par un second arrêt avant dire droit du 15 avril 2016, cette Cour a :
- invité les parties à conclure sur la question de savoir si le droit, conféré par le contrat des 17 et 28 mars 1887 aux propriétaires, ou à " leurs représentants ", du " pavillon attenant ", soit l'immeuble sis actuellement 52 bis, dans lequel se trouve le local à usage de WC, de démolir ce pavillon, et l'obligation réciproque, pesant sur les propriétaires de l'immeuble sis au no 52 de transférer les WC au rez-de-chaussée de cet immeuble, ne révélerait pas que les propriétaires de l'immeuble du no 52 n'ont eu l'usage de ce local qu'en vertu d'une détention précaire excluant toute possession acquisitive.
Par dernières conclusions du 1er juin 2016, la SCI X..., demande à la Cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- vu les articles 712, 2258 à 2261 du Code Civil,
- à titre principal :
- constater qu'il n'existe aucun empiétement réalisé par les WC de l'immeuble sis 52 boulevard de Strasbourg sur l'immeuble sis 52 bis,
- dire que le WC au premier étage ne constitue pas un empiétement,
- dire qu'elle a acquis la propriété de la partie enclavée dans la propriété voisine par prescription trentenaire,
- en conséquence, débouter M. Y... de l'intégralité de ses demandes,
- à titre infiniment subsidiaire,
- débouter M. Y... de ses demandes de dommages-intérêts,
- condamner M. Y... à lui payer la somme de 5 000 € au titre du préjudice moral et celle de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, dépens en sus, en ce compris les frais d'expertise.
Par conclusions du 23 février 2016, M. Florent Y..., intervenant volontaire, en présence de M. Gérard Y..., prie la Cour de :
- vu les articles 544, 545, 1289, 1382, 2258 à 2261 du Code Civil,
- recevoir son intervention volontaire,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
. dit que le WC installé au premier étage de l'immeuble appartenant à la société X... constituait un empiétement sur la propriété de M. Gérard Y...,
. donné acte à M. Gérard Y... de ce qu'il acceptait de payer les travaux de déplacement du WC à hauteur de 2 500, 35 €,
- statuant à nouveau :
- débouter la société X... de l'intégralité de ses demandes,
- dire que la société X... n'est pas propriétaire du WC litigieux,
- dire que les conditions de la prescription acquisitive ne sont pas remplies,
- dire que la société X... devra procéder sans délai à la démolition du WC constituant un empiétement sur son fonds, sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification du présent arrêt,
- condamner la société X... à lui payer la somme de 25 752 € en réparation de son préjudice financier, celle de 5 000 € en réparation de son préjudice moral,
- à titre subsidiaire,
- dire que la société X... fait abus de son droit de propriété et dire qu'elle doit procéder à la démolition du WC sous la même astreinte,
- en tout état de cause, condamner la société X... à lui payer la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, dépens en sus, en ce compris les frais d'expertise.
La SARL Le Strasbourg, assignée en l'étude de l'huissier, n'a pas constitué avocat.
SUR CE
LA COUR
Considérant, sur la propriété du bien immobilier sis..., que, par acte authentique du 18 avril 1955, André Y... et Marguerite A..., épouse Y..., ont acquis de Renée B..., veuve C... et de Marc B... ainsi que de son épouse Madeleine D..., l'immeuble sis... ; qu'après le décès d'André Y..., puis de son épouse, le bien a été dévolu à leur fils, François Y..., ainsi qu'à la fille de leur autre fils décédé, Mme Nelly Y..., épouse E... ; qu'après le décès de François Y... survenu le 28 mars 1998, le bien a été dévolu à son fils, M. Gérard Y... et à Mme E... ; qu'à la suite de la licitation par acte du 15 mai 2000, faisant cesser l'indivision entre ces derniers, M. Gérard Y... est devenu seul propriétaire du bien précité ; que, par acte du 4 novembre 2015, M. Gérard Y... a fait donation à son fils, M. Florent Y..., de la propriété ce même bien ;
Qu'il convient de recevoir M. Florent Y... en son intervention volontaire à l'instance en qualité de propriétaire de l'immeuble sis..., reprenant l'instance engagée par M. Gérard Y... ;
Considérant qu'il résulte de l'acte authentique du 24 octobre 1964 par lequel les époux F... ont vendu à Albert G... l'immeuble sis 52 boulevard de Strasbourg, acte dont la société X... tire ses droits, qu'à cette date, la propriété située au no 52 du boulevard précité consistait en " Une maison élevée moitié sur cave et moitié sur terre plein, d'un rez de chaussée divisé en boutique de marchand de vins, cuisine et chambre-d'un premier étage composé de quatre chambres, un cabinet de toilette et Water-closets-grenier au dessus couvert de tuiles. Atelier et cour. Tout à l'égout avec fosse septique. Le tout tenant : devant au boulevard de Strasbourg, au fond à M...ou à représentant par un mur paraissant lui appartenir, d'un côté au passage N...et d'autre côté à B... ou représentant, par des murs mitoyens " ;
Que cet acte du 24 octobre 1964 fait référence au contrat de vente par acte authentique du 18 février 1935, aux termes duquel le bien sis au no 52 avait été vendu par Mme H... aux époux F..., acte qui faisait lui-même référence à un contrat des 17 et 28 mars 1887 contenant vente par les époux I... à Mme J... de ce même bien et dans lequel il était indiqué " Observation ici faite qu'au cas où Monsieur et Madame I... ou leur représentants viendraient à démolir le pavillon attenant à la maison présentement vendue et dans laquelle se trouvent les cabinets d'aisance, ceux-ci seraient transférés au rez de chaussée toujours dans la même propriété de Monsieur et Madame I... et on y aura accès par une porte donnant dans la propriété présentement vendue qui sera pratiquée dans le couloir conduisant actuellement au jardin. Tous ces changements de distribution seront faits aux frais des vendeurs. La vidange de la fosse d'aisances se fera à frais communs ainsi que les réparations qui deviendraient nécessaires à ladite fosse " ; que l'acte de 1935 ajoutait : " Les acquéreurs seront subrogés activement et passivement dans tous les droits et obligations résultant pour la venderesse des stipulations qui viennent d'être rappelées et ils devront en faire leur affaire personnelle de manière à ne donner lieu à aucun recours contre cette dernière. Madame veuve H... déclare que par suite de transformations la seule communauté qui reste subsister avec la propriété voisine est celle de la fosse d'aisances " ;
Qu'il ressort du contrat des 17 et 28 mars 1887 qu'à l'origine, les pavillons sis l'un au no 52 et l'autre au no 52 bis, appartenaient aux époux I... et que, bien que cet acte énonce : au cas où les époux I... viendraient à démolir le pavillon attenant à la maison présentement vendue « et dans laquelle se trouvent les cabinets d'aisance », c'est par erreur que le rédacteur a utilisé le pronom « laquelle » se rapportant à la maison, au lieu de « duquel » se rapportant au pavillon ; qu'en effet, le transfert des cabinets d'aisance était prévu dans le cas où le pavillon sis au no 52 bis, qui restait la propriété des époux I... après la vente du bien sis au no 52, serait démoli, ce dont il doit être déduit que les cabinets d'aisance étaient situés dans le pavillon sis au 52 bis puisque sa démolition affectait l'existence de ce local ; que c'est, d'ailleurs, cette configuration qui a été constatée par l'expert judiciaire, M. Z..., lequel a relevé que les WC litigieux étaient construits depuis une centaine d'années sur l'emprise du pavillon sis au no 52 bis ;
Considérant que, dans l'acte de 1887, les époux I... ont réglé la situation des cabinets d'aisance dans le pavillon sis au no 52 bis qui restait leur propriété en prévoyant, en dépit de la vente à Mme J..., un usage commun avec les propriétaires du pavillon attenant sis au no 52 ; que, si dans l'acte du 18 février 1935, le vendeur Mme H..., a déclaré que « par suite de transformations la seule communauté qui reste subsister avec la propriété voisine est celle de la fosse d'aisances ", cependant, il ne peut en être déduit qu'il a été mis fin aux dispositions de l'acte de 1887 relatives à la démolition du pavillon sis au no 52 bis ni aux conséquences de celle-ci sur l'existence du local à usage de cabinet d'aisance auxquels les propriétaires de la maison voisine sise au no 52 avaient accès ;
Qu'il s'en déduit que la détention des cabinets d'aisance par ces derniers, qui est précaire, exclut l'acquisition de la propriété de ce local par usucapion ;
Considérant qu'en conséquence, il y a lieu de dire que le WC litigieux dépend de l'immeuble sis..., actuellement propriété de M. Florent Y... ; que ce local, qui a été édifié par les auteurs de M. Y... à l'intérieur du pavillon, propriété de M. Y..., ne constitue pas un empiétement de l'immeuble sis au no 52 sur l'immeuble sis au no 52 bis, de sorte que M. Y..., qui peut démolir ce local, doit être débouté de sa demande tendant à la condamnation de la société X... à le démolir ; qu'il pourrait seulement être ordonné à cette dernière de cesser d'occuper ce lieu et d'en fermer l'accès, au besoin sous peine d'expulsion, ce que M. Y... ne réclame pas ;
Considérant, sur les préjudices invoqués par M. Y..., que le local litigieux étant la propriété de M. Y..., ce dernier pouvait le démolir, sauf à mettre, préalablement, en demeure la SCI X... de le libérer et à défaut, de réclamer l'expulsion de l'occupant sans titre, ce qui n'est toujours pas demandé devant la Cour en dépit de deux réouvertures des débats pour permettre à M. Y... de justifier de ses droits et de qualifier ses demandes ; qu'en outre, la complexité de la situation trouve son origine dans la volonté des auteurs de M. Y... de donner un usage commun aux cabinets d'aisance, la situation ayant perduré pendant de nombreuses années ; que l'entrave à la libre jouissance de ce local n'est donc pas entièrement imputable à la SCI X... ; qu'au vu de ces éléments, les préjudices de M. Y... toutes causes confondues sont évalués à la somme de 5 000 € au paiement de laquelle l'appelante sera condamnée ;
Considérant que l'équité ne commande pas qu'il soit fait droit à la demande de la société X... en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Considérant que l'équité commande qu'il soit fait droit à la demande de M. Y... en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Reçoit M. Florent Y... en son intervention volontaire à l'instance, en qualité de propriétaire de l'immeuble sis... (94), reprenant l'instance engagée par M. Gérard Y... ;
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le local à usage de WC, installé au premier étage de l'immeuble appartenant à la société X..., constituait un empiétement sur la propriété de M. Gérard Y... et en ce qu'il a débouté M. Y... de ses autres demandes ;
Statuant à nouveau :
Dit que le local à usage de WC, dont la SCI X... fait usage au premier étage de la propriété sise 52 boulevard de Strasbourg à Nogent-sur-Marne, cadastrée section L no 89, d'une superficie de 1 are et 27 centiares, acquise de Mme Micheline K... suivant acte authentique reçu le 30 avril 1999 par M. Patrick L..., notaire associé à Neuilly-sur-Marne (93), dépend du pavillon sis 52 bis boulevard de Strasbourg dans la même commune, cadastré section L no 90, d'une superficie de 1 are 62 centiares, propriété de M. Florent Y... suivant acte de donation du 4 novembre 2015 par M. Gérard Y... ;
Dit que la SCI X... n'a pas acquis la propriété de ce local par usucapion ;
Déboute M. Florent Y... de sa demande de condamnation de la SCI X... à démolir ce local ;
Condamne la SCI X... à payer à M. Florent Y... la somme de 5 000 € de dommages-intérêts ;
Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;
Ordonne la publication du présent arrêt au service de la publicité foncière compétent, par la partie la plus diligente et aux frais de la SCI X... ;
Condamne la SCI X... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;
Condamne la SCI X... à payer à M. Florent Y... la somme de 5 000 € en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel.
Le Greffier, La Présidente,