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05/09/2016 | FRANCE | N°13/18621

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2- chambre 3, 05 septembre 2016, 13/18621


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 3

ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2016

(no 16/, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 18621

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juillet 2013- Tribunal de Grande Instance de paris-RG no 12/ 04369

APPELANTE

SA MAAF ASSURANCES, prise en la personne de ses représentants légaux
Chaban de chauray
79000 NIORT

Représentée par Me Pierre-Vincent ROUX, avocat au barreau

de PARIS, toque : B0393

INTIMES

Madame Sakeena Bibi X...agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2- Chambre 3

ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2016

(no 16/, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/ 18621

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juillet 2013- Tribunal de Grande Instance de paris-RG no 12/ 04369

APPELANTE

SA MAAF ASSURANCES, prise en la personne de ses représentants légaux
Chaban de chauray
79000 NIORT

Représentée par Me Pierre-Vincent ROUX, avocat au barreau de PARIS, toque : B0393

INTIMES

Madame Sakeena Bibi X...agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs Sarahbie Y...née le 20/ 12/ 1996 à Vitry Sur Seine, Safirah Y...né le 17/ 08/ 1999 à Vitry Sur Seine et Reyyan Y...né le 31/ 01/ 2003 à VITRY SUR SEINE
...
94320 THIAIS

Mademoiselle Sarahbie Y...
...
94320 THIAIS
née le 20 Décembre 1996 à VITRY SUR SEINE

Représentées par Me Pascale NABOUDET-VOGEL de la SCP NABOUDET-HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046
Assistées de Me Emmanuelle GUYON, avocat plaidant pour le Cabinet Rémy LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L299

CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS, prise en la personne de ses représentants légaux
Rue du Vergne
33059 BORDEAUX CEDEX

Représenté par Me Fabienne DELECROIX, avocat au barreau de PARIS, toque : R229
Assisté de Me Marie-Agnès PERRUCHE, avocat plaidant pour Me Fabienne PERRUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : R229

CONSEIL GÉNÉRAL DU VAL DE MARNE, prise en la personne de son Président
Avenue du général de gaulle
94011 CRETEIL

Représenté par Me Frédéric GABET, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB139

Compagnie d'assurances ALLIANZ IARD, prise en la personne de ses représentants légaux
87 RUE DE RICHELIEU
75002 PARIS

Représentée par Me Stéphane BRIZON, avocat au barreau de PARIS, toque : D2066

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE VAL DE MARNE, prise en la personne de ses représentants légaux
1-9 Avenue du général de Gaulle
94031 CRÉTEIL

Défaillante

MUTUELLE GÉNÉRALE, prise en la personne de ses représentants légaux
3 square max hymans
75748 PARIS

Défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mai 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Thierry RALINCOURT, Président de chambre, entendu en son rapport et Madame Marie-Brigitte FREMONT, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry RALINCOURT, Président de chambre
Madame Catherine COSSON, Conseillère
Madame Marie-Brigitte FREMONT, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Nadia DAHMANI

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Thierry RALINCOURT, Président de chambre et par Mme Zahra BENTOUILA, greffier présent lors du prononcé.

****

Le 24/ 05/ 2008, Reshad Y..., né le 14/ 12/ 1962 et alors âgé de 45 ans, a été victime d'un accident mortel de la circulation (accident de la vie privée) dans lequel a été impliqué un véhicule conduit par Olivier Z...et assuré par la société ALLIANZ France IARD.

Par arrêt du 11/ 12/ 2009, la cour d'appel de Douai, a liquidé l'indemnisation du préjudice d'affection de Sakeena veuve Y...et des trois enfants Sarahbie née le 20/ 12/ 1996, Safirah née le 17/ 08/ 1999 et Reyyan né le 31/ 01/ 2003.

Saisi par les consorts Y..., le Tribunal de grande instance de Paris a, par jugement du 8/ 07/ 2013 (instance no 12/ 04369) :
- rejeté les demandes de la société MAAF Assurances,
- condamné la société ALLIANZ IARD à payer les sommes suivantes en réparation des préjudices économiques, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement : :
à Sakeena veuve Y...: 161. 951, 12 €,
à Sarahbie Y...légalement représentée par Sakeena veuve Y...: 8. 673, 40 €,
à Safirah Y...légalement représentée par Sakeena veuve Y...: 12. 254, 40 €,
à Reyyan Y...légalement représentée par Sakeena veuve Y...: 16. 520, 40 €
- condamné la société ALLIANZ IARD à payer à la Caisse des Dépôts et Consignations une somme de 66. 732, 48 € avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement,
- déclaré le jugement commun à la CPAM du Val de Marne, à la MGEN et au Conseil Général du Val de Marne et opposable à la société MAAF assurances,
- condamné in solidum la société MAAF assurances et la société ALLIANZ IARD aux dépens comprenant les frais d'expertise,
- condamné la société ALLIANZ France IARD à payer les indemnités suivantes par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement :
à Sakeena veuve Y...: 3. 000 €,
à chaque enfant légalement représenté par Sakeena veuve Y...: 1. 000 €,
à la Caisse des Dépôts et Consignations : 1. 000 €,
- rejeté la demande relative à la prise en charge exclusive du débiteur des frais d'exécution forcée.

Sur appel interjeté par déclaration du 25/ 09/ 2013, et selon dernières conclusions notifiées le 20/ 12/ 2013, il est demandé à la Cour par la société MAAF Assurances de :
- constater qu'elle limite son appel au rejet par le Tribunal de son recours subrogatoire à hauteur de ses règlements provisionnels,
- infirmer le jugement et faire droit à son recours subrogatoire à hauteur de 290. 100 € à l'encontre de la société ALLIANZ en qualité d'assureur d'Olivier Z...,
- condamner la société ALLIANZ au paiement des sommes de :
290. 100, 00 €,
2. 500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Selon conclusions notifiées le 12/ 02/ 2014, il est demandé à la Cour par la société ALLIANZ de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté le recours subrogatoire formée à son encontre par la MAAF,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il entendu retenir la barème de capitalisation publié dans la Gazette du Palais des 7 et 9 novembre 2004,
- rejeter les demandes des consorts Y...,
- infirmer le jugement entrepris sur les montants alloués aux consorts Y...,
- dire et arrêter satisfactoires les évaluations formées par la société ALLIANZ,
- condamner la MAAF verser à la société ALLIANZ une indemnité de 5. 000 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Selon dernières conclusions notifiées le 15/ 01/ 2015, il est demandé à la Cour par les consorts Y...(Sarahbie Y..., devenue majeure, intervenant volontairement à l'instance à titre personnel) de :
- condamner la société ALLIANZ à payer les sommes suivantes en indemnisation de leurs préjudices économiques, avec application du barème de capitalisation au taux de 1, 20 % et subsidiairement au taux de 2, 35 % :
à Sakeena veuve Y...personnellement : 334. 224, 36 € ou subsidiairement 277. 571, 61 €,
à Sarahbie Y...: 8. 090, 78 € ou subsidiairement 8. 039, 24 €,
à Safirah Y...légalement représentée par Sakeena veuve Y...: 14. 008, 44 € ou subsidiairement 13. 664, 84 €,
à Reyyan Y...légalement représentée par Sakeena veuve Y...: 18. 258, 10 € ou subsidiairement 17. 547, 48 €,
- condamner la société ALLIANZ à payer les indemnités suivantes par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile :
à Sakeena veuve Y...: 8. 000 €,
à Sarahbie Y...: 3. 000 €,
- dire que dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement (sic) à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l'huissier en application du tarif des huissiers devra être supporté par la compagnie ALLIANZ en sus de l'article 700 du Code de procédure civile,
- rendre l'arrêt à intervenir commun à la CPAM du Val de Marne, à la MGEN, à la Caisse des Dépôts et Consignations, au Conseil Général du Val de Marne et opposable à la MAAF.

Selon conclusions notifiées le 18/ 02/ 2014, il est demandé à la Cour par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) de :
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- condamner la société ALLIANZ à lui verser une somme de 69. 068, 29 € en remboursement du capital représentatif de sa créance actualisée au 1er février 2014,
- assortir la condamnation des intérêts aux taux légal à compter du prononcé du jugement,
- condamner la société ALLIANZ à lui payer une indemnité de 1. 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel.

Selon conclusions notifiées le 7/ 04/ 2014, il est demandé à la Cour par le Conseil Général du Val-de-Marne de :
- le mettre hors de cause,
- condamner la société MAAF à lui payer une indemnité de 2. 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel.

La CPAM du Val-de-Marne, assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avocat mais a fait savoir par courrier du 7/ 09/ 2011 qu'elle n'a servi aucune prestation pour la victime directe décédée, ni pour les victimes par ricochet.
La Mutuelle Générale de l'Education Nationale (MGEN), assignée à personne habilitée, n'a pas constitué avocat mais a fait savoir par courrier du 21/ 08/ 2009 qu'elle a versé une prestation " décès " à caractère non indemnitaire, et donc non imputable sur la créance indemnitaire des victimes.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR

1- sur le recours subrogatoire de la société MAAF à l'encontre de la société ALLIANZ

La société MAAF fait valoir à l'appui de son recours et de son appel :
- qu'elle a versé les sommes suivantes :
à Sakeena veuve Y...:
-3. 100 € au titre des frais funéraires,
-80. 000 € à titre de capital-décès
à chacun des 3 enfants : une rente-éducation dont les capitaux représentatifs jusqu'à l'âge de 21 ans, s'élèvent à 52. 900 €, 67. 620 € et 86. 480 €,
- qu'elle fonde son recours sur l'article 33 alinéa 3 de la loi no 85-677 du 5/ 07/ 1985, et non sur l'article 29 de ladite loi sur lequel le Tribunal s'est fondé, à tort selon l'appelante,
- que l'article 33 alinéa 3 n'exigerait pas que les indemnités contractuelles versées par l'assureur à titre d'avance sur recours (comme tel serait le cas en l'occurrence) soient indemnitaires,
- qu'il importerait seulement, pour que le recours soit ouvert à l'assureur de la victime, que la prestation d'assurance versée ne soit pas fixée indépendamment du préjudice subi,
- que peu importerait que l'avance soit calculée sur la base d'éléments prédéterminés si, cumulativement, en premier lieu, elle est fixée en rapport avec le préjudice subi, ce qui serait le cas, et, en second lieu, le contrat d'assurance prévoit expressément la qualification d'avance sur indemnité.

La société ALLIANZ, assureur du véhicule impliqué, fait valoir en réplique que le Tribunal a considéré, à bon droit, que les prestations versées par la MAAF présenteraient un caractère forfaitaire, exclusif de toute subrogation.

Les consorts Y...font valoir :
- qu'en vertu de l'article L. 132-1 du Code des Assurances, le recours subrogatoire ne serait ouvert à l'assureur de la victime que pour le versement de prestations contractuelles fixées à la mesure des préjudices subis, et non pas déterminées par des critères contractuels forfaitaires,
- que le capital-décès de 80. 000 € versé à Sakeena veuve Y...serait indiscutablement forfaitaire, et exclusif de tout recours subrogatoire pour l'assureur,
- que le montant mensuel de 460 € de la rente-éducation versée par la MAAF à chacun des trois enfants serait également déterminé de manière forfaitaire et non en fonction du préjudice réellement subi, et n'ouvrirait donc pas droit à recours subrogatoire pour la MAAF.

A titre préliminaire, la société MAAF fait exactement valoir que son recours ne peut être fondé sur l'article 29 § 5 de la loi no 85-677 du 5/ 07/ 1985 puisque ce texte n'ouvre un recours subrogatoire qu'aux assureurs ayant versé des indemnités journalières de maladie et des prestations d'invalidité, alors que telle n'est pas la nature des sommes qu'elle a versées aux consorts Y...(capital-décès pour la conjointe survivante, et capital représentatif de rente-éducation pour les enfants).

La société MAAF fonde expressément son action récursoire sur l'article 33 (alinéa 3) de la loi no 85-677 du 5/ 07/ 1985 (devenu l'article L. 211-25 du Code des Assurances) qui dispose :
Lorsqu'il est prévu par contrat, le recours subrogatoire de l'assureur qui a versé à la victime une avance sur indemnité du fait de l'accident peut être exercé contre l'assureur de la personne tenue à réparation dans la limite du solde subsistant après paiements aux tiers visés à l'article 29.

Ce texte constitue une exception à la règle posée par l'alinéa 1er du même article 33 en vertu duquel, hormis les prestations mentionnées aux articles 29 et 32, aucun versement effectué au profit d'une victime en vertu d'une obligation conventionnelle n'ouvre droit à une action contre la personne tenue à réparation du dommage ou son assureur.

L'article L. 211-25 du Code des Assurances, ouvrant un recours subrogatoire à l'assureur de personne ayant versé à la victime une avance sur indemnité, ne déroge pas à la disposition générale du droit des assurances posée par l'article L. 131-2 alinéa 2 du même code qui, pour les contrats d'assurance de personne garantissant l'indemnisation des préjudices résultant d'une atteinte à la personne, n'ouvre à l'assureur une faculté de recours subrogatoire contre le tiers responsable que pour le remboursement des seules prestations à caractère indemnitaire prévues au contrat.
Il en résulte que ledit article L. 211-25 n'ouvre à l'assureur de personne un recours subrogatoire que pour le versement d'une avance sur indemnité présentant un caractère indemnitaire.

La solution du litige impose donc de déterminer si les prestations contractuelles servies par la société MAAF aux consorts Y..., qualifiées d'avance sur indemnité, sont de nature indemnitaire.

A cet égard, la MAAF soutient concurremment-et de manière apparemment contradictoire-que " ce qui est en débat porte donc sur le caractère indemnitaire des prestations provisionnelles telles que versées par l'assureur " (conclusions page 5) et que " l'article 33 n'exige pas que les indemnités versées en avance sur recours soient indemnitaires " (conclusions page 6).

Le contrat d'assurance souscrit par Reshad Y...auprès de la société MAAF dispose (pages 33-34 de l'exemplaire produit par cette dernière ; pages 14-15 de l'exemplaire produit par les consorts Y...) :
" Le rôle des garanties dommages corporels au conducteur : après un accident garanti, permettre au conducteur assuré ou à ses proches (en cas de blessures ou de décès consécutifs à cet accident) de percevoir :
- une aide financière immédiate,
- des indemnités s'il est responsable,
- des avances de fonds s'il ne l'est pas.
" (...) Fonctionnement de la garantie- (...) Si le conducteur assuré n'a aucune responsabilité dans l'accident, nous lui versons (ou à ses ayants droit) A TITRE d'AVANCE SUR RECOURS, des provisions dont le montant total ne peut excéder les montants garantis ci-après.
" Nous récupérons les avances sur recours versées, auprès du responsable ou de l'organisme qui lui est substitué.
" Montants garantis- (...) En cas de décès du conducteur :
- pour le conjoint non séparé de corps ou le concubin de l'assuré, un capital de 80. 000 €
- pour chacun des enfants célibataires de moins de 21 ans de l'assuré, un capital égal à 460 € multiplié par le nombre de mois séparant la date du décès de l'assuré de la date du 21ème anniversaire de chacun des enfants
-le remboursement dans la limite de 3. 100 € à la personne qui justifie en avoir fait l'avance, des frais de transport du corps de l'assuré décédé et des frais funéraires ".

La prestation servie par l'assureur de personne, dont les modalités contractuelles de calcul sont indépendantes de celles de la réparation du préjudice selon le droit commun, est dépourvue de caractère indemnitaire, et n'ouvre donc pas droit à recours subrogatoire dudit assureur.

En l'occurrence, le contrat stipule le versement au conjoint ou concubin survivant d'un capital de 80. 000 €, dont le montant contractuel forfaitaire est fixé indépendamment du montant, selon le droit commun, du préjudice économique subi par ledit conjoint ou concubin survivant, et, en particulier, indépendamment des revenus perçus en son vivant par l'assuré, et de son âge lors de son décès.
Cette prestation, dépourvue de caractère indemnitaire, n'ouvre pas droit à recours subrogatoire de la MAAF en application de l'article L. 211-25 du Code des Assurances, peu important la qualification qui lui est donnée contractuellement.

Concernant les enfants l'assuré, le montant contractuel forfaitaire de la rente mensuelle capitalisée (460 €) est fixé indépendamment de la réparation du préjudice économique selon le droit commun, et, en particulier, indépendamment du montant des ressources de l'assuré défunt et/ ou de la part qu'en son vivant il consacrait aux frais d'entretien et d'éducation de chacun des enfants.
Cette prestation, dépourvue de caractère indemnitaire, n'ouvre pas droit à recours subrogatoire de la MAAF en application de l'article L. 211-25 du Code des Assurances, peu important la qualification qui lui est donnée contractuellement.

Il résulte de la clause contractuelle précitée que la prestation pour frais d'obsèques versée par la MAAF à Sakeena Y...présente un caractère indemnitaire dès lors :
- que son montant n'est pas fixé forfaitairement, mais seulement limité à un plafond (3. 100 €),
- qu'elle est versée sur justificatif de l'avance de ces frais faite par la victime par ricochet, pour un montant effectivement versé au cas particulier.
L'action récursoire de la société MAAF doit être accueillie à ce titre, étant observé que la règle de l'exercice du recours poste par poste posée par l'article 31 de la loi no 85-677 du 5/ 07/ 1985 n'est pas applicable au recours fondé sur l'article 33 alinéa 3 de ladite loi (article L. 211-25 du Code des Assurances).

2- sur le préjudice et l'appel incident des consorts Y....

Les parties s'accordent sur les revenus annuels du couple Y...constituant la base de la liquidation du préjudice :
- Reshad Y...(né en 1962) : 18. 549 €
- Sakeena Y...(née en 1973) : 10. 423 €
- total : 28. 972 €

Elles sont en désaccord :
- sur la part d'autoconsomation du défunt, de 20 % selon ALLIANZ ? et de 15 % selon les consorts Y...conformément au jugement entrepris,
- sur le barème de capitalisation applicable, ALLIANZ invoquant celui publié par la Gazette du Palais en 2004 au taux de 3, 20 % ? et les consorts Y...invoquant celui publié par la Gazette du Palais en 2013 au taux de 1, 20 % et subsidiairement au taux de 2, 35 %.

Compte tenu du montant peu élevé des revenus du couple Y...et de la présence de trois enfants, la part d'autoconsommation du défunt sera évaluée à 15 % conformément à l'appréciation de la juridiction du premier degré.
Par ailleurs, il sera fait application du barème de capitalisation publié par la Gazette du Palais en 2013 (taux de 1, 20 %) qui s'appuie sur les données démographiques les plus récemment publiées (2006-2008) et apparaît le mieux adapté aux données économiques actuelles.

La perte annuelle du foyer, du fait du décès de Neshad Y..., s'élève à :
18. 549 €- (28. 972 € * 15 %) = 14. 203, 20 €

Les parties s'accordant sur la part d'autoconsommation de chaque enfant (10 %), leur préjudice économique temporaire jusqu'à l'âge de 20 ans (selon l'accord des parties) s'élève à :
- concernant Sarahbie Y...âgée de 11 ans en mai 2008 :
14. 203, 20 € * 10 % * 8, 478 = 12. 041, 47 €
- concernant Safirah Y...âgée de 8 ans en mai 2008 :
14. 203, 20 € * 10 % * 11, 107 = 15. 775, 49 €
- concernant Reyyan Y...âgé de 5 ans en mai 2008 :
14. 203, 20 € * 10 % * 13, 638 = 19. 370, 32 €

Compte tenu de l'âge de Reshad Y...au jour de son décès (45 ans), le préjudice viager du foyer s'élève à : 14. 203, 20 € * 27, 094 = 384. 821, 50 €
Le préjudice économique de Sakeena veuve Y..., égal à la différence entre le préjudice viager du foyer et la somme des préjudices économiques temporaires des enfants, s'élève à :
384. 821, 50 €- (12. 041, 47 € + 15. 775, 49 € + 19. 370, 32 €) = 337. 634, 22 €

Les parties s'accordent sur l'imputation des prestations des tiers payeurs, de sorte que l'indemnisation des préjudices économiques des consorts Y...doit être liquidée comme suit :
- concernant Sakeena veuve Y...: 337. 634, 22 €
capital-décès versé par le Conseil Général : 5. 304, 29 €
pension de reversion versée par la CDC : 69. 068, 29 €
sous- total74. 372, 58 €-74. 372, 58 €
solde263. 261, 64 €
- concernant Sarahbie Y...: 12. 041, 47 €
capital-décès versé par le Conseil Général :-4. 346, 60 €
solde 7. 694, 87 €
- concernant Safirah Y...: 15. 775, 49 €
capital-décès versé par le Conseil Général-4. 346, 60 €
solde11. 428, 89 €
- concernant Reyyan Y...: 19. 370, 32 €
capital-décès versé par le Conseil Général :-4. 346, 60 €
solde15. 023, 72 €

3- sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

La société MAAF, dont l'action récursoire est presque intégralement rejetée, conservera la charge des dépens de première instance et d'appel exposés par elle.
La société ALLIANZ supportera la charge des dépens de première instance et d'appel exposés par les consorts Y..., le Conseil Général du Val-de-Marne et la Caisse des Dépôts et Consignations, et conservera la charge de ses propres dépens

La demandes des consorts Y...tendant à faire supporter par la société ALLIANZ les frais d'exécution forcée susceptibles de leur incomber en application du tarif des huissiers de justice est abusive et a été rejetée avec pertinence par la juridiction du premier degré, puisqu'aucune disposition légale ne permet de déroger aux règles d'imputation des frais posées par ledit tarif.

Il n'est pas inéquitable que la société MAAF conserve la charge des frais irrépétibles exposés par elle, de sorte que sa demande indemnitaire fondée sur l'article 700 du Code de Procédure Civile doit être rejetée.
Dès lors que la société ALLIANZ succombe envers les consorts Y...et qu'elle doit conserver la charge de ses frais irrépétibles exposés en défense à leur action, il serait inéquitable de faire supporter ces frais par la société MAAF. La demande indemnitaire formée contre cette dernière par la société ALLIANZ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile doit être rejetée.
Les indemnités allouées en première instance aux consorts Y...et à la Caisse des Dépôts et Consignations sur le même fondement seront confirmées.
Les demandes pareillement fondées des consorts Y...en cause d'appel seront accueillies à hauteur d'une somme globale de 6. 000 €.
La demande indemnitaire de la Caisse des Dépôts et Consignations pareillement fondée sera accueillie dans son principe et son montant.
Celle du Conseil Général du Val-de-Marne sera accueillie à hauteur de 1. 000 €.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 8/ 07/ 2013, mais seulement en ce qu'il a :
- déclaré ledit jugement commun à la CPAM du Val de Marne, à la Mutuelle Générale de l'Education Nationale et au Conseil Général du Val-de-Marne et opposable à la société MAAF assurances,
- condamné la société ALLIANZ France IARD à payer les indemnités suivantes par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement :
à Sakeena veuve Y...: 3. 000 €,
à chaque enfant légalement représenté par Sakeena veuve Y...: 1. 000 €,
à la Caisse des Dépôts et Consignations : 1. 000 €.
- rejeté la demande relative à la prise en charge exclusive du débiteur des frais d'exécution forcée.

Infirme ledit jugement en ses autres dispositions et statuant à nouveau dans cette limite,

Condamne la société ALLIANZ à payer à la société MAAF Assurances une somme de 3. 100 € (trois mille cent euros).

Rejette le surplus des demandes de la société MAAF.

Condamne la société ALLIANZ à payer les sommes suivantes à titre d'indemnisation des préjudices économiques, en deniers ou quittances, provisions et sommes versées en exécution provisoire du jugement non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus :
- à Sakeena veuve Y...: 263. 261, 64 € (deux cent soixante-trois mille deux cent soixante et un euros soixante-quatre centimes)
- à Sarahbie Y...: 7. 694, 87 € (sept mille six cent quatre-vingt-quatorze euros quatre-vingt-sept centimes)
- à Safirah Y...légalement représentée par Sakeena veuve Y...: 11. 428, 89 € (onze mille quatre cent vingt-huit euros quatre-vingt-neuf centimes)
- à Reyyan Y...légalement représenté par Sakeena veuve Y...: 15. 023, 72 € (quinze mille vingt-trois euros soixante-douze centimes).

Condamne la société ALLIANZ à payer à la Caisse des Dépôts et Consignations une somme de 69. 068, 29 € (soixante-neuf mille soixante-huit euros vingt-neuf centimes) en remboursement du capital représentatif de sa créance actualisée au 1er février 2014, outre intérêts aux taux légal à compter du 8/ 07/ 2013.

Déclare le présent arrêt commun à la CPAM du Val-de-Marne et à la Mutuelle Générale de l'Education Nationale.

Condamne la société ALLIANZ à payer les indemnités suivantes par application, en cause d'appel, de l'article 700 du Code de Procédure Civile :
- aux consorts Y..., créanciers solidaires : 6. 000 € (six mille euros)
- à la Caisse des Dépôts et Consignations : 1. 500 € (mille cinq cents euros).

Condamne la société MAAF Assurances à payer au Conseil Général du Val-de-Marne une indemnité de 1. 000 € (mille euros) par application, en cause d'appel, de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Dit que la société MAAF Assurances conservera la charge des dépens de première instance et d'appel exposés par elle.

Condamne la société ALLIANZ à tous les autres dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise.

Dit que les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même Code.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2- chambre 3
Numéro d'arrêt : 13/18621
Date de la décision : 05/09/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2016-09-05;13.18621 ?
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