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01/07/2016 | FRANCE | N°15/15933

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 01 juillet 2016, 15/15933


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 2









ARRET DU 01 JUILLET 2016



(n°137, 10 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 15/15933





Décision déférée à la Cour : jugement du 09 avril 2015 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 4ème section - RG n°14/03596







APPELANTE A

U PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE





S.A.S. ALTAMYS, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Pascal GUG, avocat au barr...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 2

ARRET DU 01 JUILLET 2016

(n°137, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/15933

Décision déférée à la Cour : jugement du 09 avril 2015 - Tribunal de grande instance de PARIS - 3ème chambre 4ème section - RG n°14/03596

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE

S.A.S. ALTAMYS, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Pascal GUG, avocat au barreau de PARIS, toque D 1759

Assistée de Me Marc ARTINIAN plaidant pour et substituant Me Pascal GUG, avocat au barreau de PARIS, toque D 1759

INTIMEE AU PRINCIPAL, APPELANTE INCIDENTE et INTIMEE INCIDENTE

S.A. TEAMNET, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS AVOCATSS, avocat au barreau de PARIS, toque B 1055

Assistée de Me Farid BOUZIDI, avocat au barreau de PARIS, toque E 1097

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE

S.A.S.U. LEGALBOX, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me David GILBERT-DESVALLONS de la SELARL GILBERT-DESVALLONS SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque L 0012

Assistée de Me Tatiana SAÏDI plaidant pour la SELARL GILBERT-DESVALLONS SOCIETE D'AVOCATS et substituant Me David GILBERT-DESVALLONS, avocat au barreau de PARIS, toque L 0012

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mai 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Colette PERRIN, Présidente, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mme Colette PERRIN a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Colette PERRIN, Présidente

Mme Sylvie NEROT, Conseillère

Mme Véronique RENARD, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Colette PERRIN, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société MT Software a développé un logiciel dénommé 'Modula Parapheur Intelligent' ci-après dénommé MPI.

Par un jugement du tribunal de commerce en date du 3 mai 2012, les éléments corporels et incorporels de la société MT Software, qui avait été précédemment placée en redressement judiciaire, ont été intégralement transférés au pro't de la société Teamnet désignée comme repreneur.

Ayant tenté de se rapprocher de la société Altamys qui avait conclu avec la société MT Software un contrat de distribution non exclusive du logiciel MPI pour poursuivre le partenariat, la société Teamnet s'est heurtée à un refus.

La société Teamnet prétend que la société MT Software et la société Legalbox, ces deux sociétés ayant le même dirigeant et le même siège social, commercialisent un logiciel qu'elle considère comme étant une contrefaçon du logiciel MPI.

Le 20 janvier 2014, la société Teamnet a présenté une requête à fin de saisie-contrefaçon devant le tribunal de grande instance de Paris, en visant les articles 145 du code de procédure civile et L332-4 du code de la propriété intellectuelle.

Une ordonnance rendue le même jour a autorisé les opérations de saisies-contrefaçons dans les locaux des sociétés Altamys et Legalbox, lesquelles ont été réalisées le 11 février 2014.

Le 3 mars 2014, la société Teamnet a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris les sociétés Altamys et Legalbox en contrefaçon de logiciel.

La société Teamnet a introduit une procédure d'incident devant le juge de la mise en état, en sollicitant que soit levée la confidentialité des documents et codes source ainsi classifiés lors de la saisie, et que lui soit communiquée l'intégralité des documents émanant de la saisie.

Les sociétés Altamys et Legalbox ont soulevé la nullité de l'ordonnance du 20 janvier 2014 autorisant les mesures de saisie-contrefaçons, des procès-verbaux dressés le 11 février 2014 et de l'ensemble des opérations alors réalisées, et a demandé la restitution des documents saisis.

Le 18 juin 2014, la société Teamnet a présenté une nouvelle requête au visa de l'article L332-4 du code de la propriété intellectuelle, à fin de saisie-contrefaçon au siège des sociétés Altamys et Legalbox et y a été autorisée par une ordonnance rendue le 19 juin 2014.

Les opérations de saisies-contrefaçons ont eu lieu le 25 juin 2014 au siège de ces sociétés.

Une ordonnance du 9 octobre 2014 a déclaré irrecevable comme tardive la demande formée par la société Altamys qui a sollicité la rétractation de l'ordonnance du 19 juin 2014.

Par ordonnance du 15 janvier 2015, le juge de la mise en état a jugé qu'à l'expiration du délai imparti par l'article R332-2 pour demander la mainlevée de la mesure de saisie, la contestation portant sur la validité de la requête au vu de laquelle a été autorisée la saisie-contrefaçon relevait de la juridiction saisie au fond et qu'il importait que les demandes relatives à la validité de la requête au vu de laquelle a été prononcée l'ordonnance du 19 juin 2014, dont dépend la validité de la saisie réalisée le 25 juin 2014, et des opérations du 11 février 2014, soient examinées avant la demande présentée par la société Teamnet tendant à la levée cle la confidentialité des piéces alors saisies.

Par jugement contradictoire en date du 9 avril 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :

- déclaré nulles les opérations de saisie-contrefaçon effectuées au vu de l'ordonnance du 20 janvier 2014, les procès-verbaux de saisie contrefaçon établis le 11 février 2014

- ordonné la restitution à chacune des société Altamys et Legalbox des éléments saisis en suite de ces opérations et détenus tant par la société Teamnet que par l'huissier instrumentaire ;

- constaté la validité des opérations de saisie-contrefaçon effectuées au vu de l'ordonnance du 19 juin 2014, les procès-verbaux de saisie-contrefaçon établis le 19 juin 2014 ;

- ordonné que la communication à la société Teamnet de l'ensemble des documents saisis par l'huissier instrumentaire Me. [T], pièces numérotées 1 à 10 saisies au siège de la société Altamys et numérotées 1 à 7 saisies au siège de la société Legalbox ;

- renvoyé la procédure à l'audience de mise en état du 4 juin 2015 à 15h30 pour les conclusions au fond de la société Teamnet ;

- réservé les dépens et frais irrépétibles engagés par les parties.

Par jugement rectificatif en date du 9 juillet 2015, le tribunal a fait droit à la demande de la société Teamnet de rectification du jugement rendu le 9 avril 2015, et a ordonné la rectification du 5e paragraphe du dispositif dudit jugement, en ce qu'il devait être ordonné la communication à la société Teamnet des « codes source et codes exécutables remis sous forme de CD ROM à Me. [T] le 1er juillet 2014 ».

La société Altamys a fait appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du 22 juillet 2015.

Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 2 décembre 2015, la société Altamys demande à la cour de :

- infirmer partiellement la décision de première instance

Concernant l'ordonnance rendue par le Président du tribunal le 19 juin 2014

In limine litis :

- déclarer nul l'acte de signification de l'ordonnance rendue sur requête, dressé le 25 juin 2014 par Me. [Q] [T] 

En conséquence :

- constater la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon qui s'en sont suivis, dressés le 25 juin 2014 par Me [Q] [T], huissier de justice.

A titre subsidiaire :

- constater le caractère trompeur et insuffisamment motivé de la requête présentée le 19 juin 2014 par la société Teamnet ;

- constater l'absence de circonstances, aux termes de la requête présentée le 19 juin 2014 par la société Teamnet, justifiant une dérogation au principe du dérogatoire.

En conséquence :

- ordonner la mainlevée de l'ordonnance rendue le 19 juin 2014 par le Président de la juridiction ;

- constater la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon qui s'en sont suivis, dressés le 25 juin 2014 par Me. [Q] [T], huissier de justice.

En tout état de cause :

- ordonner la restitution au profit de la société Altamys de l'intégralité des documents (courriers, télécopies, contrats, factures, codes sources, etc...) saisis par Me. [Q] [T], le 25 juin 2014, ainsi que les éléments, et notamment les codes source et codes exécutables remis sous forme de CD ROM à Me. [Q] [T] le 1er juillet 2014, dans le cadre des opérations de saisie, qui sont actuellement détenus tant par la société Teamnet que par Me. [Q] [T] ;

- faire interdiction à la société Teamnet de se prévaloir dans ses écritures devant le Tribunal, et dans toute autre action judiciaire qu'elle viendrait à engager, du contenu des procès- verbaux de Me. [Q] [T], des pièces appréhendées lors des opérations de saisie, et des informations et pièces et documents dont elle a obtenu la communication dans le cadre des procédures de saisie-contrefaçon.

Concernant l'ordonnance rendue par le Président du tribunal le 20 janvier 2014

- constater que l'ordonnance du Président du tribunal autorisant les mesures de saisie- contrefaçon, au visa des articles 145 du Code de procédure civile et L. 332-4 du Code de la propriété intellectuelle, a été rendue le 20 janvier 2014, et que l'assignation de la société Teamnet a été délivrée aux sociétés Altamys et Legalbox, le 3 mars 2014, soit au-delà du délai fixé par l'article R. 332-4 du Code de la propriété intellectuelle.

En conséquence :

. Déclarer nuls et de nul effet :

-  l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal le 20 janvier 2014, autorisant les mesures de saisie-contrefaçon ;

-  les procès-verbaux de saisie-contrefaçon établis le 11 février 2014 par Me [Q] [T] ;

-  et de manière générale, l'ensemble des opérations de saisie-contrefaçon dont on fait l'objet les sociétés Altamys et Legalbox.

Condamner la société Teamnet aux entiers dépens et à lui régler à la société la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 23 mars 2016, la société Legalbox demande à la cour de :

Sur les opérations de saisies réalisées le 25 juin 2014 :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la validité des opérations de saisie contrefaçon effectuées au vu de l'ordonnance du 19 juin 2014 et les procès verbaux de saisie contrefaçon établis le 25 juin 2014, et ordonné les communications consécutives à la société Teamnet.

Et, statuant à nouveau, de :

- déclarer nulle l'ordonnance rendue par le Président du tribunal le 19 juin 2014, faute pour la société Teamnet d'avoir assigné au fond dans le délai prévu par l'article R332-4 du code de la propriété intellectuelle 

- constater en conséquence la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon dressés le 25 juin 2014.

A titre subsidiaire, de :

- déclarer nul l'acte de signification de l'ordonnance rendue sur requête, dressé le 25 juin 2014 ;

- constater la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon dressés le 25 juin 2014.

A titre plus subsidiaire, de

-  dire et juger trompeuse et insuffisamment motivée la requête présentée le 19 juin 2014 par la société Teamnet ;

- dire et juger non justifiée la dérogation au principe de la contradiction visé par ladite requête ;

- ordonner la mainlevée de l'ordonnance rendue le 19 juin 2014 par le Président de la juridiction,
- constater la nullité des procès-verbaux de saisie-contrefaçon qui s'en sont suivis, dressés le 25 juin 2014.

Sur les opérations de saisies du 11 février 2014 :

- confirmer le jugement entrepris en qu'il a déclaré nulles les opérations de saisies contrefaçon effectuées au vu de l'ordonnance du 20 janvier 2014 et les procès verbaux de saisie contrefaçon établis le 11 février 2014, et ordonné les restitutions consécutives qui s'imposent.

Sur l'ensemble du litige :

- ordonner la restitution au profit de la société Legalbox de l'intégralité des documents (courriers, télécopies, contrats, factures, codes sources, etc...) saisis les 11 février et 25 juin 2014, qui sont actuellement détenus tant par la société Teamnet que par l'huissier instrumentaire ;

- faire défense à la société Teamnet de se prévaloir dans ses écritures dans la présente procédure, et dans toute autre action judiciaire qu'elle viendrait à engager, du contenu des procès-verbaux de l'huissier instrumentaire, des pièces appréhendées lors des opérations de saisie, et des informations et pièces et documents dont elle a obtenu la communication dans le cadre des procédures de saisie-contrefaçon ;

- condamner la société Teamnet aux entiers dépens et à régler à la société Legalbox la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 5 janvier 2016, la société Teamnet demande à la cour de :

Sur l'appel principal de la société Altamys:

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté la validité des opérations de saisie- contrefaçon effectuées au vu de l'ordonnance du 19 juin 2014 et ordonné la communication à la société Teamnet de l'ensemble des documents saisis par l'huissier instrumentaire numérotés de 1 à 10 saisies au siège de la société Altamys et numérotées de 1 à 7 au siège de la société Legalbox, en ce compris, les codes source ;

- constater la prescription de la demande de mainlevée, Constater l'absence de tout grief - constater l'inapplicabilité de l'article 680 du Code de procédure civile au référé rétractation ou en mainlevée et cantonnement ;

- constater que la nouvelle requête a été soumise au greffe de la 3ème Chambre ' 4ème Section, saisie au fond du litige l'opposant aux sociétés Altamys et Legalbox ;

- constater que l'ordonnance a été rendue par Madame le Vice-Président de la 3ème Chambre ' 4ème Section au vu du dossier de mise en état ;

- constater que la société Teamnet n'a pas manqué à la loyauté judiciaire ;

- dire que la procédure sur requête était justifiée, compte-tenu du risque important de dissipation des preuves, qui imposait une exception au principe de la contradiction ;

- dire que la société Teamnet n'avait pas à assigner au fond dans le délai d'un mois du prononcé de la seconde ordonnance, dès lors que le Tribunal était déjà saisi au fond ;

Sur l'appel incident de la société Teamnet :

- recevoir la société Teamnet en son appel incident ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité les opérations de saisie-contrefaçon effectuées au vu de l'ordonnance du 20 janvier 2014, les procès verbaux de saisie- contrefaçon établis le 11 février 2014, sans distinguer parmi les mesures ordonnées et exécutées celles non atteintes par la nullité dès lors qu'elles ressortaient d'une mesure in futurum ;

- constater que devant le juge des référé, devant les premiers juges et en cause d'appel, la société Altamys a relevé la dualité des mesures ordonnées, en distinguant les mesures ordonnées dans la première, puis dans la seconde ordonnance ;

Y ajoutant et statuant à nouveau,

- dire que la nullité opposée ne peut concerner que ce qui ressort de la mesure de saisie- contrefaçon, sans affecter la mesure in futurum, et les documents recueillis par Maître [T] en exécution de cette mesure ;

En conséquence,

- cantonner la nullité opposée à la seule saisie-contrefaçon des codes source des logiciels Documys et LegalBox ;

- ordonner la levée de confidentialité et la communication à la société Teamnet de l'intégralité des documents recueillis par Maître [T] le 11 février 2014 en exécution de la mesure in futurum, revêtus du sceau confidentiel sur la demande des sociétés Altamys et Legalbox ;

- condamner les sociétés Altamys et LegalBox à verser à la société Teamnet la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

mettre les entiers dépens à la charge des sociétés Altamys et LegalBox, en ce compris le coût des PV de confidentialité, en application de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 avril 2016.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande de la société Altamys portant sur l'ordonnance du 20 janvier 2014 et les procès verbaux établis le 11 février 2014

Considérant que la société Altamys soutient la nullité de l'ordonnance du 20 janvier 2014 et des procès verbaux subséquents en ce que la société Teamnet ne lui a délivré une assignation ainsi qu'à la société Legalbox que le 3 mars 2014 soit au delà du délai fixé par l'article R332-4 du code de la propriété intellectuelle.

Considérant que la société Teamnet ne conteste pas l'absence de saisie de la juridiction dans le délai prescrit, soutenant toutefois que les mesures ordonnées le 20 janvier 2014 doivent nécessairement être distinguées, et que seules les opérations de saisie-contrefaçon des codes source des logiciels Documys et Legalbox pouvaient être atteintes par la nullité de l'article L. 332-2 du Code de la propriété intellectuelle, à l'exclusion de celles relevant des mesures d'instruction in futurum prévues par l'article 145 du code de procédure civile.

Considérant que l'article R 332-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que :

« Le délai prévu au troisième alinéa de l'article L332-4 et imparti au demandeur pour se pourvoir au fond est de vingt jours ouvrables ou de trente jours civils si ce délai est plus long à compter de la date de l'ordonnance  ».

Considérant que, si la présentation d'une requête unique au visa des articles 145 du code de procédure civile et 332-4 du code de la propriété intellectuelle n'est pas interdite, il appartenait à la société Teamnet de préciser les mesures rattachées spécifiquement à l'une ou l'autre de ces dispositions ; que le juge délégué dans son ordonnance du 20 janvier 2014 a statué par une seule décision et n'a pas davantage opéré de distinction quand bien même il résulte de ratures portées sur la requête que certaines mesures demandées ont été écartées et qu'il a ajouté le visa de l'article 332-4 du code de la propriété intellectuelle.

Considérant que le 11 février 2014 l'huissier de justice a établi deux procès verbaux ; que, quand bien même il les a intitulés chacun « Procès verbal de saisie contrefaçon », il indique que « les deux procès verbaux de saisie contrefaçon et de l'article 145 du code de procédure civile sont rédigés en même temps sur mon ordinateur portable en fonction des éléments trouvés tout au long de ces opérations »; qu'il a terminé son constat au sein de la société Altamys à 18H05 indiquant  remettre le procès verbal de saisie contrefaçon et de constat visant l'article 145 du code de procédure civile à M. [X] [U], président de la SAS Altamys » ; qu'il a clôturé le second procès verbal avec la même mention sauf à porter l'horaire de 21H45 et à mentionner M. [X] en qualité cette fois de président de la SAS Legalbox.

Considérant, en conséquence, qu'il ne peut être distingué, ni dans l'ordonnance, ni dans les procès verbaux les mesures qui auraient concerné une contrefaçon de celles « in futurum » qui auraient porté sur la réparation d'un préjudice de concurrence déloyale.

Considérant que le délai de l'article R 332-4 du code de la propriété industrielle n'a pas été respecté ; que c'est à bon droit que les premiers juges ont prononcé la nullité des opérations de saisie-contrefaçon effectuées au vu de l'ordonnance rendue le 20 janvier 2014 et des procès verbaux subséquents ; qu'il y a lieu d'ordonner la restitution de l'intégralité des documents saisis le 11 février 2014.

Sur les demandes des sociétés Altamys et Legalbox portant sur l'ordonnance rendue le 19 juin 2014 et les procès verbaux de saisie dressés le 25 juin 2014

Sur la nullité alléguée de l'acte de signification

Considérant que la société Altamys soutient que l'acte de signification de l'ordonnance du 19 juin 2014 est entaché de nullité en ce qu'il ne mentionne pas la possibilité de solliciter la mainlevée ou le cantonnement de la mesure de saisie-contrefaçon en application de l'article L. 332-2 du Code de la propriété intellectuelle mais mentionne expressément l'article 497 du Code de procédure civile, inapplicable en matière de saisie contrefaçon, et que ces deux irrégularités lui ont fait grief.

Considérant que l'article 680 du code de procédure civile dispose que « l'acte de notification d'un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d''opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l'une de ces voies de recours est ouverte ainsi que les modalités selon lesquelles ce recours peut être exercé.

Que la mainlevée ou le cantonnement de la mesure de saisie-contrefaçon ne constituent pas des voies de recours au sens prévu par l'article 680 du code de procédure civile; que dès lors il ne saurait être tiré argument d'une absence de mention dans l'acte de signification de la possibilité de mainlevée ou de cantonnement prévue par l'article L. 332-2 du Code de la propriété intellectuelle.

Considérant que l'article 496 du code de procédure civile visé qui prévoit une procédure de rétractation ne pouvait pas s'appliquer ; qu'il n'en est résulté aucun grief pour la société Altamys puisque celle-ci a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 9 octobre 2014 a indiqué que le juge avait la possibilité de requalifier la demande de rétractation en demande de mainlevée mais que l'article R332-2 prévoit que le délai est de 20 jours ouvrables ou de 31 jours civils à compter du jour de la signature du procès verbal de saisie ou du jour de l'exécution de l'ordonnance et que ces deux délais étaient expirés au jour de l'assignation en rétractation ; qu'en conséquence la mention de l'article 496 du code de procédure civile ne faisait pas grief puisque la société Altamys a usé de la procédure prévue par cette article et ne saurait prétendre avoir été privée d'une voie de recours.

Sur le caractère trompeur et et l'insuffisance de motifs de la requête

Considérant que la société Altamys ajoute que l'ordonnance rendue le 19 juin 2014 est intervenue de manière déloyale et en fraude de ses droits et des devoirs d'information pesant sur la société Teamnet, qui s'est sciemment abstenue d'informer le Président du tribunal de grande instance de Paris de l'existence d'une procédure alors pendante au fond et d'une ordonnance précédente entachée de nullité tendant aux mêmes objectifs.

Considérant que l'article 494 dispose que « Si elle (la requête) est présentée à l'occasion d'une instance en cours elle doit indiquer la juridiction saisie ».

Considérant que cette omission ne fait pas grief dès lors que l'ordonnance a été rendue par le magistrat qui a eu connaissance de la procédure introduite, le vice Président de la formation du tribunal devant laquelle était déjà audiencée la procédure au fond suite aux premières opérations ce qui résulte notamment des courriers transmis par les conseils respectifs par la voie du RPVA.

Considérant que la société Teamnet a exposé dans une requête de 12 pages en date du 18 juin 2014 les motifs de sa demande et a développé des éléments précis et circonstanciés à l'appui desquels elle a fourni 33 pièces, exposant qu'il existait « une contradiction manifeste entre, d'une part, le contrat de développement d'un logiciel spécifique écrit le 2 mai 2011 ensuite duquel le prestataire céderait et transférerait au client prétendu (Altamys) les droits sur la propriété du logiciel développé et, d'autre part, l'avenant daté du 9 mai 2011 aux termes duquel le client (Altamys) ne jouit que d'un droit de concession exclusive pour une durée déterminée de 2 ans sur le logiciel MPI , ajouté au fait que seul cet avenant a été exécuté par les parties contractantes, justifiant des doutes de la société requérante sue la réalité du prétendu contrat de développement daté du 2 mai 2011 et partant sur la prétendue titularité des droits de la société Altamys sur le logiciel Documys et par conséquent celle de la société Legalbox sur le logiciel Legalbox ».

Considérant que l'intimée estime que l'ordonnance du 19 juin 2014 est entachée de nullité, car l'existence de la procédure de fond entamée par la société Teamnet au moment où elle a présenté sa deuxième requête prive de tout fondement l'exception au principe de contradiction et que s'appliquait la procédure de mise en état.

Considérant que l'article 771 du code de procédure civile dispose que :

« Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissenent, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal pour :

4. Ordonner toutes autres mesures provisoires même conservatoires à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires ainsi que modifier ou compléter en cas de survenance d'un fait nouveau les mesures qui auraient déjà été ordonnées

5. ordonner même d'office toute mesure d'instruction ».

Considérant que cette disposition ne fait pas obstacle à la procédure spécifique prévue par le code de la propriété intellectuelle en matière de contrefaçon de logiciel dès lors qu'il existe des risques de disparition ou de destruction des preuves ; que ce risque ne pouvait être écarté du seul fait que les sociétés Altamys et Legalbox prétendent que le logiciel MPI constitue un outil de travail puisqu'est en cause une contrefaçon de celui-ci.

Considérant que la société Teamnet a fourni des motifs pertinents à l'appui de sa requête justifiant ses craintes de voir disparaître des éléments de preuve ; que l'ordonnance a limité la saisie au logiciel MPI et à la documentation technique et a autorisé l'huissier à rechercher les documents électroniques enregistrés ou apparents sur un ordinateur ou un support externe relatifs à ce logiciel ; que la cour constate dès que c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté les sociétés Altamys et Legalbox de leur demande de mainlevée de l'ordonnance de saisie contrefaçon rendue le 19 juin 2014 et de nullité des procès verbaux de saisie dressés le 25 juin 2014.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que la société Teamnet a dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge , qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 dans la mesure qui sera précisée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré,

CONDAMNE les sociétés Altamys et Legalbox à payer à la société Teamnet la somme de 10 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande, fin ou conclusion plus ample ou contraire,

CONDAMNE les sociétés Altamys et Legalbox aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 15/15933
Date de la décision : 01/07/2016

Références :

Cour d'appel de Paris I2, arrêt n°15/15933 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-07-01;15.15933 ?
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