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30/06/2016 | FRANCE | N°15/01065

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 30 juin 2016, 15/01065


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 30 Juin 2016

(n° 499 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01065



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Janvier 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section RG n° 12/04814



Jonction avec les affaires RG : 15/01128 et RG : 15/01934



APPELANTE

Me [E] [T] (SELARL [E]-[A])

Administrateur judiciaire

de SA GLOBAL FACILITY SERVICES

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représenté par Me Jean-Philippe FELDMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0275



Me [P] [T] - Mandatair...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 30 Juin 2016

(n° 499 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/01065

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Janvier 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de PARIS section RG n° 12/04814

Jonction avec les affaires RG : 15/01128 et RG : 15/01934

APPELANTE

Me [E] [T] (SELARL [E]-[A])

Administrateur judiciaire de SA GLOBAL FACILITY SERVICES

[Adresse 1]

[Adresse 2]

représenté par Me Jean-Philippe FELDMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0275

Me [P] [T] - Mandataire judiciaire de SA GLOBAL FACILITY SERVICES

[Adresse 3]

325 065 860 00034

[Adresse 4]

représenté par Me Jean-Philippe FELDMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0275

SA GLOBAL FACILITY SERVICES

[Adresse 5]

[Adresse 6]

N° SIRET : 343 902 136

représentée par Me Jean-Philippe FELDMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0275

INTIMEES

Madame [R] [D]

[Adresse 7]

[Adresse 8]

née le [Date naissance 1] 1958 à

représentée par M. [O] [F] (Délégué syndical ouvrier)

Syndicat UNION SYNDICALE CGT Hôtels de Prestige et Economiques

[Adresse 9]

[Adresse 6]

représentée par M. [O] [F] (Délégué syndical ouvrier)

AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 10]

[Adresse 11]

représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Pierre CAPPE DE BAILLON, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

SAS SOCIETE HOTELIERE PARIS EIFFEL

[Adresse 12]

[Adresse 6]

N° SIRET : 778 133 785

représentée par Me Jean D'ALEMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 Mai 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, conseillère faisant fonction de Présidente

M. Mourad CHENAF, Conseiller

Madame Patricia DUFOUR, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, greffier présent lors du prononcé.

Faits et procédure

Par jugement en date du 8 janvier 2015, auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la procédure, le conseil des Prud'Hommes de Paris, statuant en sa formation de départage, et faisant partiellement droit aux demandes de la salariée, a notamment dit que Mme [R] [D] travaillait à temps complet, qu'elle était l'objet d'une discrimination indirecte, d'un marchandage illicite, victime d'une minoration de ses droits sociaux, que son licenciement était nul. Le conseil a, en conséquence ordonné la réintégration de Mme [D] au sein de la société Hôtelière Paris Eiffel, condamné la société Facility services à lui payer une indemnité d'un montant de 48 289,12 €, fait droit aux demandes du syndicat CGT.

La Sas Hôtelière Paris Eiffel Suffren a fait appel de cette décision dont elle sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a fait droit aux demandes de Mme [D] et à sa condamnation. Elle en demande la confirmation en ses dispositions ayant rejeté les prétentions de la salariée et conclut au débouté de toutes ses demandes. Elle réclame sa mise hors de cause ainsi que la condamnation solidaire des appelants à lui payer la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Me [P] es-qualités de liquidateur de la société Sa Global Facility Services, Me [E], es-qualités d'administrateur judiciaire, soulèvent l'irrecevabilité de l'intervention du syndicat CGT-HPE en cause d'appel en lieu et place de l'Union syndicale CGT du commerces des services et de la distribution de Paris, en tout état decause son irrecevabilité sur la base de ce qu'il reconnaît la licéité de la sous-traitance. Ils réclament sa condamnation à lui payer la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire, ainsi que celle de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur le fond, ils réclament l'infirmation du jugement déféré en conséquence, leur mise hors de cause, le débouté des appelants et la condamnation des appelants à leur restituer les sommes qu'ils ont reçues en exécution de l'ordonnance de référé et du jugement déféré (10 880 € et 2 000 €).

Les Ags rappellent le caractère subsidiaire et les limites légales de leur garantie. Elles concluent au débouté de Mme [D] en toutes ses demandes.

Les appelants demandent le paiement à Mme [D] des sommes suivantes :

- 14 136,50 €, subsidiairement 5 854,81 €, à titre de rappel de salaire sur la base d'un temps complet

- 1 423,65 €, subsidiairement 585,48 €, au titre des congés payés afférents

- 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé

- 7 909,32 € à titre d'indemnité de nourriture

- 790,93 € au titre des congés payés afférents

- 1 819,05 € au titre des jours fériés

- 181,91 € au titre des congés payés afférents

- 5 575,38 € au titre du 13èm mois

- 6 429,15 € à titre de rappel de salaire sur taux horaire

- 642,92 € au titre des congés payés afférents

- 535,76 € au titre du 13èm mois afférent

- 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour minoration des droits sociaux

- 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour marchandage et/ou discrimination indirecte

- 50 307,31 €, subsidiairement 42 725,10 € à titre de rappel de salaire du 10 octobre 2012, date de l'éviction de la salariée du [Établissement 1] jusqu'au 31 janvier 2015

- 3 303,38 €, subsidiairement 3 108,18 € au titre du 13èm mois pour les années 2013 et 2014

- 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

Ils demandent, en outre, la remise des documents sociaux conformes, sous astreinte, ainsi que la poursuite du contrat de travail de Mme [D] au sein de l'hôtel [Établissement 1], sous astreinte.

Le syndicat demande le paiement des sommes suivantes :

- 10 000 € en application de l'article L2132-3 du code du travail

- 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 26 mai 2016, reprises et complétées à l'audience.

Motivation

- Sur la recevabilité du syndicat CGT-HPE en cause d'appel en lieu et place de l'Union syndicale CGT du commerces des services et de la distribution de Paris

Il convient de considérer que le syndicat CGT est intervenant en première instance et en appel sans considération d'autres spécificités. Il est à ce titre recevable, alors en outre, que n'est pas pertinent l'estoppel invoqué par les appelants à son encontre pour conclure à son irrecevabilité.

L'intervention du syndicat CGT est donc recevable.

- Sur le marchandage et la discrimination indirecte

En application de les articles L8231-1 et L8241-1 du code du travail, 'toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main d'oeuvre est interdite' sauf dans le cadre du travail temporaire, du portage salarial, notamment.

Pour que soit admise la réalité d'un contrat de sous-traitance, la convention passée doit comporter l'exécution d'une tâche nettement définie rémunérée de façon forfaitaire ainsi que le maintien de l'autorité du sous-traitant sur son personnel, auquel il verse son salaire et dont il assure l'encadrement, la discipline et la sécurité.

Dès lors qu'il a constaté qu'un travailleur a été employé pour les besoins de l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice, en sorte que le contrat la liant à celle-ci relevait du droit commun et notamment des dispositions interdisant le prêt de main d'oeuvre à but lucratif, le juge ne saurait le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour marchandage intentée contre l'entreprise utilisatrice, sans rechercher si sa mise à disposition réalisait une opération de fourniture de main d'oeuvre procurant à celle-ci des facilités et des économies dans la gestion du personnel.

L'activité de nettoyage est par nature un besoin constant afférent à toute activité humaine. En l'espèce, elle constitue une activité support de celle de l'hôtellerie dont la vocation principale est la qualité du service fourni en termes d'accueil des hôtes. Considérer le contraire reviendrait à nier la possibilité pour une entreprise de nettoyage d'exister de manière autonome.

Il s'ensuit qu'il n'apparaît pas que la licéité de l'externalisation de l'activité de nettoyage, en l'espèce, soit sérieusement contestée par les intimés qui, par ailleurs au surplus, font valoir l'existence d'une charte sur la sous-traitance du nettoyage Louvre Hôtels Group conclue le 7 mai 2014.

En outre, il apparaît que la salariée est demeurée sous la subordination juridique de son employeur la société de nettoyage et que les liens entretenus avec la société cliente n'ont pas excédé les besoins et les limites de la bonne exécution du service de nettoyage fourni.

Au vu de ces éléments, le délit de marchandage n'est pas constitué.

En outre, le fait, à le supposer même établi, que l'essentiel des contingents de salariés de la société de nettoyage soit constitué de femmes étrangères n'est pas, en soi, de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination indirecte, au soutien de laquelle il convient de constater qu'il n'est pas versé aux débats d'éléments sérieux.

Mme [D] ne peut donc qu'être déboutée de sa demande de ce chef. En conséquence, elle ne peut ni revendiquer l'application de la convention collective des hôtels-cafés-restaurants, ni réclamer son intégration au sein de l'hôtel [Établissement 1], ni les rappels de salaire et accessoires afférents.

Le jugement déféré est donc infirmé sur ces chefs.

En revanche, il ressort des pièces et des explications des parties que sont en cause les modalités d'exécution des contrats de travail dans le cadre de la sous-traitance, celle-ci, du fait de la relation triangulaire instaurée entre les sociétés utilisatrice et sous-traitante et le salarié, relation qui n'a cependant pas vocation à permettre l'emploi de salariés en violation de leurs droits.

- Sur le temps de travail et les rappels de salaire et accessoires afférents pour un temps complet

Adoptant les motifs pertinents des premiers juges, la cour constate qu'à défaut de précision dans son contrat de travail, sur la répartition des jours de travail de Mme [D] dans la semaine, la présomption de temps complet s'applique et la conduit, en l'absence d'éléments sérieux produits par l'employeur pour la combattre, à conclure que Mme [D] a travaillé à temps complet.

Il convient en conséquence d'admettre que celle-ci a été embauchée à temps complet et a droit aux salaires afférents.

Il convient donc de fixer au passif de la société Facility Services venant aux droits de la société Française de Service Groupe la somme de 14 136,50 € à ce titre, selon le décompte non sérieusement contesté par la salariée, outre 1 413,65 € au titre des congés payés afférents.

- Sur le rappel de salaire sur taux horaire et accessoires

Compte-tenu de ce qui précède, Mme [D] ne peut valablement s'appuyer sur un accord d'entreprise bénéficiant aux salariés du [Établissement 1] pour réclamer le paiement d'un rappel de salaire et des accessoires (jours fériés, 13èm mois, indemnité de nourriture) sur la base d'un taux horaire supérieur à celui obtenu en application de la convention collective des entreprises de propreté applicable en l'espèce.

Elle ne peut donc qu'être déboutée de ses demandes de ces chefs.

- Sur la minoration des droits sociaux

Compte-tenu de ce qui précède, il ne peut être reproché la minoration de droits sociaux à l'employeur.

Mme [D] ne peut donc qu'être déboutée de cette demande.

En outre, au vu de ce qui précède, il convient de débouter Mme [D] de toutes ses demandes formées à l'encontre de la Sa Hôtelière Paris Eiffel Suffren

- Sur le travail dissimulé

En application de l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour l'employeur, soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L1221-10 du code du travail relatif à la déclaration préalable d'embauche, soit de se soustraire intentionnellement à la formalité prévue à l'article L 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli. L'article L 8223-1 du code du travail sanctionne le travail dissimulé, 'd'une indemnité forfaitaire allouée au salarié égale à 6 mois de salaire, à moins que l'application d'autres règles légales ou de stipulations conventionnelles ne conduise à une solution plus favorable'.

Compte-tenu de ce qui précède, caractérise la volonté de celui-ci de recourir au travail dissimulé, le fait pour l'employeur d'imposer à Mme [D] une rémunération par chambre, de se dispenser, par là, de procéder, comme l'y oblige la loi, par des moyens fiables, à un contrôle du temps de travail effectif réalisé par la salariée dans l'entreprise utilisatrice.

En adoptant les motifs pertinents des premiers juges qui ont fixé à 1 413,65 € le montant du salaire brut mensuel de la salariée, il y a lieu de fixer au passif de la société Sa Global Facility Services venant aux droits de la société Française de Services Groupe, la somme de 8 481,90 € à titre d'indemnité en application de l'article L8223-1 du code du travail.

Le jugement est donc infirmé sur ce chef.

- Sur le licenciement

La cour, retenant et adoptant les motifs pertinents des premiers juges, confirme que le licenciement de Mme [D] , salariée protégée pour avoir déclarée l'imminence de sa candidature à une élection professionnelle, ne pouvait valablement faire l'objet d'un licenciement sans autorisation préalable de l'inspection du travail.

Le licenciement de Mme [D] en l'absence de l'autorisation préalable requise, est donc nul.

Cette situation donne droit à Mme [D] à percevoir une indemnité égale au montant de la rémunération qu'elle aurait perçue depuis la date de son éviction, fixée à la somme de 48 289,12 € au passif de la société Facility Service Groupe.

Le jugement est donc confirmé sur ce point.

Compte-tenu de ce qui précède, il convient d'ordonner au liquidateur de remettre à Mme [D] les documents sociaux conformes.

- Sur les demandes du syndicat CGT

Compte-tenu de ce qui précède, la cour, adoptant les motifs pertinents des premiers juges, confirme leur décision sur ce chef.

Par ces motifs, la cour,

Ordonne la jonction avec les affaires RG : 15/01128 et RG : 15/01934

- déclare recevable l'intervention du syndicat CGT

- infirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le licenciement, l'indemnité pour licenciement nul, la remise des documents sociaux, l'indemnité accordée au syndicat CGT, l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- fixe au passif de la société Facility Services venant aux droits de la société Française de Service Groupe la somme de 14 136,50 € à ce titre, outre 1 413,65 € au titre des congés payés afférents.

- fixe au passif de la société Sa Global Facility Services venant aux droits de la société Française de Services Groupe, la somme de 8 481,90 € à titre d'indemnité en application de l'article L8223-1 du code du travail

- déboute Mme [R] [D] pour le surplus

- confirme le jugement déféré en ses autres dispositions

- fixe les dépens au passif de la société Sa Global Facility Services venant aux droits de la - société Française de Services Groupe,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

- déclare la présente décision opposable aux Ags dans la limite de leur garantie légale.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 15/01065
Date de la décision : 30/06/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°15/01065 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-30;15.01065 ?
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