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30/06/2016 | FRANCE | N°13/08507

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 30 juin 2016, 13/08507


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 30 juin 2016

(n° 486 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/08507



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Avril 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN RG n° 10/00944





APPELANT

Monsieur [S] [V]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1967 à MELUN (77000)

comparant en pers

onne, assisté de Me Pascale TRAN, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC001







INTIMEE

SA CARREFOUR SUPPLY CHAIN VENANT AUX DROITS DE LA SAS LOGIDIS COMPTOIRS MODERNES

[Adr...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 30 juin 2016

(n° 486 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 13/08507

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Avril 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN RG n° 10/00944

APPELANT

Monsieur [S] [V]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1967 à MELUN (77000)

comparant en personne, assisté de Me Pascale TRAN, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC001

INTIMEE

SA CARREFOUR SUPPLY CHAIN VENANT AUX DROITS DE LA SAS LOGIDIS COMPTOIRS MODERNES

[Adresse 3]

[Adresse 4]

[Adresse 5]

N° SIRET : 428 240 287 00295

représentée par Me Camille-Frédéric PRADEL, avocat au barreau d'Angers substitué par Me Rachid ABDERREZAK, avocat au barreau de PARIS, toque : D0107

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Avril 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Mourad CHENAF, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère faisant fonction de Présidente

M. Mourad CHENAF, conseiller

Mme Camille-Julia GUILLERMET, Vice-Présidente placée

Greffier : Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère faisant fonction de Présidente et par Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, greffier présent lors du prononcé.

Faits et procédure

Monsieur [S] [V] a été embauché par la Société LOGIDIS COMPTOIR MODERNES, devenue la Société CARREFOUR SUPPLY CHAIN le 5 novembre 2001, en qualité de préparateur de commandes.

Le 10 mars 2004, Monsieur [S] [V] a été élu délégué du personnel suppléant et membre titulaire du comité d'établissement du site de [Localité 1].

Le 19 janvier 2006, l'employeur a convoqué Monsieur [S] [V] à un entretien préalable avec une mise à pied conservatoire fixé au 27 janvier 2006 pour avoir proféré des insultes et des menaces contre des responsables hiérarchiques.

Aux termes d'une enquête contradictoire, l'inspection du travail a autorisé le licenciement de Monsieur [S] [V].

Selon courrier recommandé du 7 mars 2006, la Société CARREFOUR a notifié à Monsieur [S] [V] son licenciement pour faute grave.

Cette décision a donné lieu aux décisions suivantes : un recours hiérarchique devant le Ministre du Travail qui a confirmé l'avis de l'inspection du travail, un recours contentieux devant le Tribunal administratif qui a confirmé la validité du licenciement de Monsieur [S] [V], un arrêt de la Cour Administrative d'Appel de Paris qui a le 15 mars 2010, annulé le jugement du Tribunal administratif, une demande de réintégration sollicitée par Monsieur [S] [V] le 20 avril 2010, un arrêt en date du 27 août 2010 du Conseil d'Etat qui a rejeté le pourvoi formé par l'employeur.

Souhaitant faire un point sur sa situation la Société CARREFOUR a convoqué Monsieur [S] [V] à un entretien avec la directrice des ressources humaines le 10 septembre 2010 au cours duquel Monsieur [S] [V] s'est montré agressif et menaçant.

Le 16 septembre 2010, Monsieur [S] [V] a saisi le Conseil des Prud'Hommes de Melun d'une demande tendant à voir dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et obtenir la condamnation de la Société CARREFOUR à lui payer l'indemnité spéciale de réintégration qu'il a chiffré initialement à 80 209,76 euros, les indemnités de rupture, outre une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 8 octobre 2010, la formation de référé, statuant en départage, a ordonné la réintégration de Monsieur [S] [V] dans les effectifs de la Société CARREFOUR.

Par courrier en date du 20 octobre 2010, Monsieur [S] [V] a été invité à se présenter à une visite médicale de reprise prévue le 27 octobre 2010.

Par courrier du 5 novembre 2010, la Société CARREFOUR a demandé à Monsieur [S] [V] de se présenter à son poste en qualité de préparateur de commandes le 9 novembre 2010.

Soutenant que l'employeur persistait à refuser sa réintégration et à s'opposer à son indemnisation malgré plusieurs décisions de Justice, Monsieur [S] [V] a pris acte de la rupture de la relation de travail aux torts de l'employeur par courrier du courrier du 8 novembre 2010.

La Société CARREFOUR occupe habituellement plus de 11 salariés.

La relation de travail et régie par les dispositions de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire .

Par ordonnance du 10 janvier 2011, le bureau de conciliation a accordé au salarié, à titre provisionnel, une somme de 9558,32 au titre de l'indemnisation spéciale qui lui a été réglée le 31 janvier 2011.

Par arrêt en date du 29 mars 2012, la Cour d'appel de Paris statuant en référé a fixé, à titre provisionnel, l'indemnité spéciale à la charge de l'employeur à la somme de 34 233,78 € qui a été réglée à Monsieur [V] en juillet 2012.

Par décision en date du 28 juin 2013, le conseil des Prud'Hommes a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit avoir les effets d'une démission, a pris acte du versement de la somme de 43 592,10 € par la Société CARREFOUR au titre de l'indemnisation spéciale, a débouté Monsieur [S] [V] de sa demande d'indemnité au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la Société CARREFOUR au paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Monsieur [S] [V] a fait appel de cette décision dont il sollicite l'infirmation en ce qu'elle a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analysait en une démission. Il demande à la Cour, en conséquence, de condamner la Société CARREFOUR à lui payer les sommes suivantes :

- 54 867 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 3024 € au titre du préavis

- 302 € au titre des congés payés afférents

- 1512 € au titre de l'indemnité de licenciement

- 2016 € au titre des salaires dus pour la période de mise à pied conservatoire

- 3000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire

- 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Société CARREFOUR a conclu à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et à la condamnation de Monsieur [V] au paiement d'une indemnité de 2000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens développés, aux conclusions respectives des parties, visées par le greffier et soutenues oralement à l'audience du 15 avril 2016.

A la suite des débats, les parties ont été entendues en leurs dires et observations et avisées que l'affaire a été mise en délibéré pour un arrêt rendu le 16 juin 2016, prorogé au 30 juin 2016.

Motivation

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail :

En application de l'article L 1231-1 du code du travail, lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Les faits reprochés à l'employeur doivent être suffisamment graves pour que la prise d'acte s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture ne fixe pas les limites du litige.

Au cas d'espèce, Monsieur [S] [V] reproche à son employeur son refus persistant de ne pas le réintégrer et de ne pas lui verser l'indemnisation de son préjudice spécial. Il estime que la société CARREFOUR ne cesse de violer ses droits car elle persiste à estimer que, ni sa réintégration, ni son indemnisation n'étaient acquises à la date du 5 novembre 2010.

Sur le droit à l'indemnité spéciale :

En vertu des dispositions de l'article L 2422-4 du code du travail, « Lorsque l'annulation d'une décision d'autorisation est devenue définitive, le salarié investi d'un des mandats mentionnés à l'article L. 2422-1 a droit au paiement d'une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s'il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision.

L'indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l'expiration du délai de deux mois s'il n'a pas demandé sa réintégration.

Ce paiement s'accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire ».

Dans son courrier du 8 novembre 2010, Monsieur [S] [V] soutient que la Société CARREFOUR a persisté dans son refus de lui verser l'indemnité spéciale due au salarié en application des textes précités alors qu'elle devait s'exécuter dès l'annulation du licenciement le 15 mars 2010 par la Cour d'appel de Paris.

Au cas d'espèce, Monsieur [V] a formulé pour la première fois une demande d'indemnité spéciale en application des textes précités dans sa requête du 16 septembre 2010 dans laquelle il a sollicité la somme de 80 209,76 euros sans communiquer à l'employeur les avis d'imposition pour les années 2006 à 2010.

En effet, la somme au paiement de laquelle pouvait prétendre Monsieur [V] ne revêt pas un caractère forfaitaire, comme il l'a soutenu, mais devait tenir compte des revenus de remplacement perçus par le salarié au titre de la période litigieuse, ce qui lui imposait de fournir à la société CARREFOUR les avis d'imposition pour les années 2006 à 2010 pour qu'elle puisse déterminer le montant net de cette indemnité spéciale.

Or, comme l'a justement relevé la Cour d'appel statuant en référé dans son arrêt du 29 mars 2012 et le Conseil de Prud'hommes dans son jugement du 28 juin 2013, à la date du 8 novembre 2010, Monsieur [S] [V] n'avait pas mis son employeur en mesure de calculer le montant de cette indemnité spéciale faute d'avoir communiqué ses avis d'imposition.

Il résulte des pièces du dossier que Monsieur [V] n'a produit ses avis d'imposition au soutien de sa demande d'indemnité spéciale que lors d'une audience de conciliation en janvier 2011 et après deux courriers des 19 novembre et 17 décembre 2010 lui réclamant les pièces justificatives de ses revenus perçus depuis mars 2006.

Par ailleurs, Monsieur [S] [V] ne produit aucune pièce pour établir qu'à la date du 8 novembre 2010, la Société CARREFOUR avait refusé de lui régler l'indemnité spéciale.

Les éléments du dossier démontrent au contraire que la Société CARREFOUR a été empêchée de lui verser l'indemnité spéciale d'un montant de 43 592,10 euros avant le 29 mars 2012, du fait de sa propre carence et d'une demande à hauteur de 80 209,76 euros qui n'était étayée par aucune pièce justifiant d'éventuels revenus de remplacement depuis 2006.

Ce manquement n'est pas établi.

Sur le refus de réintégrer le salarié :

Dans son courrier du 8 novembre 2010, Monsieur [S] [V] invoque un refus persistant de l'employeur de le réintégrer malgré l'arrêt de la Cour d'appel de Paris rendu le 13 mars 2010 ayant annulé son licenciement. Il ajoute que sa demande en ce sens formulée le 20 avril 2010 est restée sans effet.

Il résulte des éléments du dossier que lors d'une réunion extraordinaire du CHSCT, le 18 janvier 2006, Monsieur [S] [V] a proféré de façon virulente des insultes et des menaces d'agressions physiques à l'encontre du Directeur des Ressources Humaines et du Responsable de la maintenance sécurité pendant près de dix minutes.

Seule l'intervention de salariés présents sur les lieux a pu éviter que Monsieur [V] s'en prenne physiquement aux membres de la direction. Malgré l'interposition de salariés pour tenter de calmer Monsieur [V], celui-ci a proféré de nouvelles menaces dirigées contre le Directeur des Ressources Humaines et sa famille.

Compte tenu du comportement violent du salarié et du retentissement de ses agissements sur les salariés qui ont été agressés ou simplement témoins de sa violence, il ne peut être fait grief à la Société CARREFOUR d'avoir présenté une requête de sursis à exécution à la suite de l'annulation de son licenciement par la Cour d'appel de Paris, ni d'avoir considéré que sa réintégration pouvait faire courir un risque à certains salariés, ni d'avoir souhaité prendre des précautions pour protéger les salariés victimes de la vindicte de Monsieur [S] [V] dont l'agressivité s'est à nouveau manifestée lors d'un entretien avec la directrice des ressources humaines le 10 septembre 2010.

Dès lors, en convoquant le salarié à une visite médicale de reprise seulement deux jours après la notification de l'ordonnance de référé ordonnant la réintégration du salarié et en lui demandant de se présenter à son poste par courrier du 5 novembre 2010, il n'apparaît pas que la Société CARREFOUR se soit opposée abusivement à la réintégration du salarié comme il le prétend dans son courrier du 8 novembre 2010.

Enfin, il convient de relever qu'à la date du 9 novembre 2010, la réintégration de Monsieur [S] [V] était acquise et que c'est bien le salarié qui n'a pas souhaité réintégrer l'entreprise.

Ce second manquement imputé à la Société CARREFOUR n'est pas établi.

Il résulte de l'ensemble des éléments qui précédent que faute pour Monsieur [S] [V] de rapporter la preuve de manquements graves de l'employeur empêchant la poursuite de la relation de travail, sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail doit produire les effets d'une démission.

En conséquence, Monsieur [S] [V] est débouté de l'intégralité de ses demandes.

L'équité commande de dire que Monsieur [S] [V], qui succombe à l'instance, est condamné aux entiers dépens de l'instance et au paiement à la Société CARREFOUR de la somme de 1500 € au titre de ses frais irrépétibles.

Monsieur [S] [V] est débouté de sa demande de ce chef.

Par ces motifs, la cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [S] [V] à payer à la Société CARREFOUR somme de 1500 € au titre de ses frais irrépétibles ;

Le déboute de ce chef ;

Condamne Monsieur [S] [V] aux entiers dépens de l'instance.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 13/08507
Date de la décision : 30/06/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°13/08507 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-30;13.08507 ?
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