Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRET DU 17 JUIN 2016
(n° 2016- , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/01250
Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Décembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/15497
APPELANT
Monsieur [W] [S]
Né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 2] (ALGÉRIE)
[Adresse 2]
[Adresse 3]
Représenté et assistée par Me Sarah PINEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : E0247
INTIMEE
Madame [E] [F]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Dominique OLIVIER de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069
Assistée de Me Nicolas UZAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L153
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2015/013290 du 03/04/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 Avril 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente de chambre
Madame Isabelle CHESNOT, conseillère
Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente de chambre et par Monsieur Guillaume LE FORESTIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
Monsieur [S] et Madame [F] ont entretenus de 2003 à 2011 des relations à la fois d'affaires et personnelles. Les deux parties ont signé en 2003 un contrat intitulé «'cadre d'intention pour une collaboration entre TEMKAL (VARSOVIE/POLOGNE) et DATEM'(AIX-LES-BAINS)». Dans le cadre de ces relations, Monsieur [S] indique avoir versé diverses sommes d'argent à Madame [F] pour un montant total de 53'300 € durant la période 2005 à 2011.
A la suite de l'absence de réactions de Madame [F] à sa mise en demeure en date du 29 novembre 2011, de lui payer cette somme, Monsieur [S] a assigné celle-ci devant le tribunal de grande instance de Paris qui par un jugement rendu le 9 décembre 2014, a condamné Madame [F] à lui payer la somme de 20'697 € au titre du remboursement des prêts et à une somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Monsieur [S], par acte du 16 janvier 2015 a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions n°3 signifiées le 13 avril 2016, Monsieur [S] demande à la cour au visa des articles 893, 931, 1104 et suivants, 1315,1316-1 et suivants, 1874 et 2276 et suivants du code civil de condamner Madame [F] à lui payer une somme principale de 35'600 €, assortie des intérêts légaux à compter de la mise en demeure, une somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et mauvaise foi et une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses demandes, Monsieur [S] fait valoir les arguments suivants:
* que Madame [F] lui a emprunté une somme de 53 330 € en 4 ans profitant tant de sa générosité que des relations de confiance les liant du fait de leur partenariat professionnel ;
* qu'elle a remboursé sa dette à hauteur de 17 700 €;
* qu'elle a expressément reconnu lui devoir plus de '30Ke'et s'est engagée à la rembourser avec intérêts ;
* que la qualification de dons manuels ne peut de fait être retenue, l'obligation de restitution des fonds ne faisant aucun doute au vu de ses propres écrits.
Il ajoute s'agissant des montants écartés par le tribunal que ces chèques ont été remis à Madame [F] ou lui ont profité. Il conteste avoir eu une relation amoureuse avec cette dernière ou avoir vécu en concubinage.
Dans ses dernières conclusions d'appel incident n°3 notifiées le 4 avril 2016, Madame [F] demande à la cour au visa de l'article 1244-1 du code civil de :
- dire et juger Madame [F] recevable en son appel incident et bien fondé en ses demandes, fins et conclusions ;
- dire et juger Monsieur [S] irrecevable en son appel et mal fondé en ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté pour partie les demandes de Monsieur [S] ;
- infirmer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :
- constater que les sommes réclamées sont des dons manuels ;
- dire et juger que Madame [F] n'est redevable d'aucune somme à l'égard de Monsieur [S] ;
- décharger Madame [F] de toutes condamnations ;
- en conséquence, débouter Monsieur [S] de l'intégralité de ses demandes.
A titre subsidiaire :
- constater que Monsieur [S] réclame des sommes d'un montant total de 14 903 € sans apporter la preuve que Madame [F] lui en serait redevable ;
et en conséquence,
- retrancher la somme de 14 903 € à toute éventuelle condamnation ;
- constater la qualité d'éventuel débiteur de bonne foi de Madame [F] ;
- débouter Monsieur [S] de ses demandes au titre d'une prétendue résistance abusive de la part de Madame [F] ainsi qu'au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
En tout état de cause
- octroyer à Madame [F] des délais de grâces de 24 mois pour faire face à ses éventuelles condamnations en paiement en application de l'article 1244-1 du code civil ;
- condamner Monsieur [S] à verser à Madame [F] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions applicables à l'aide juridictionnelle.
Elle fait valoir que'les mails invoqués par l'appelant ne caractérisent aucunement une reconnaissance de dette, le terme de dette n'étant utilisé par elle que sous l'influence puis la pression exercée par Monsieur [S] pour obtenir le remboursement de ses sommes. Elle explique que Monsieur [S] lui a versé divers montants afin de subvenir à ses besoins, et non dans le cadre d'une relation professionnelle, que dès lors ces sommes correspondent à des dons manuels «comme cela se produit souvent entre concubins» et ne donnent pas lieu à remboursement. Elle ajoute que Monsieur [S] fait preuve de mauvaise foi en niant l'existence d'une relation amoureuse entre les parties et qu'il n'a réclamé remboursement de diverses sommes qu'à la suite de leur rupture sachant qu'il n'est pas établi que nombres de ces montants lui ont profité.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 avril 2016.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
Ceci étant exposé, la Cour,
Considérant que la société de droit polonais TEMKAL, gérée par Madame [F] et le consortium DATEM géré par Monsieur [S] étaient en relations d'affaires ; que dans ce cadre, Madame [F] et Monsieur [S] ont développé une relation amicale voir amoureuse comme en attestent les mails échangés entre les parties et les attestations d'amis ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que Madame [F] a eu des difficultés financières tant au niveau professionnel que personnel et que Monsieur [S] l'a aidée en lui versant régulièrement divers montants ou en payant des trajets en train ; que ces virements bancaires pour l'essentiel n'ont pas fait l'objet de reconnaissances de dettes ;
Que selon les dires de Monsieur [S], Madame [F] lui a remboursé divers montants pour une somme globale de 7 000 € selon le décompte établi par Monsieur [S] le 1 /11/09 pour la période 2005 à novembre 2009, document annexé à une mise en demeure du 28 mars 2011 et dans lequel il lui réclame paiement d'un solde de 34 921,60 € ( pièce 1 de Madame [F]) ;
Que dans un autre décompte toujours établi par Monsieur [S] (pièce n°2 de Monsieur [S]), celui -ci estime que Madame [F] lui est redevable d'un montant de 53 925 € pour la même période ;
Considérant que Madame [F] ne conteste pas avoir reçu ces divers montants et affirme dans un mail du 22 février 2011 : ' ton aide financière m'a sauvé mais a permis aussi de réaliser quelques projets pour toi, de monter DATEMINOV ce qui par ailleurs n'a pas été une bonne chose in fine... et je t'avais bien dit que LA TONALITÉ DE LA DETTE AVEC LES INTÉRÊTS TE SERA REMBOURSÉE DES LA VENTE DE MON TERRAIN AU PRINTEMPS 2011...'
Considérant qu'aux termes de l'article 1315 du code civil , celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ;
Considérant que c'est à bon droit que le premier juge a relevé que la preuve de la remise des fonds ne suffit pas à justifier l'obligation pour celui qui les a reçus de les restituer ;
Considérant que Monsieur [S] justifie avoir opéré 6 virements bancaires pour Madame [F] soit :
- une somme de 1500 € le 17 novembre 2006 avec pour motif : sous-traitance,
- une somme de 1200 € le 22 novembre 2006 avec pour motif : honoraires avances
- une somme de 3000 € le 24 juin 2008 sans motif,
- une somme de 3500 € le 11 septembre 2008 avec pour motif : avance sur contrat,
- une somme de 3 000 € le 11 mai 2009 avec pour motif avance sur missions en cours
- une somme de 3000 € le 10 juin 2009 avec pour motif : versement personnel ;
Que ces documents n'entraînent pas par eux-mêmes une obligation de remboursement étant observé qu'un seul des virement mentionne un motif personnel ; que les autres versements s'inscrivent à défaut de preuve contraire dans le cadre de leurs relations commerciales ;
Considérant que l'engagement de Madame [F] de rembourser sa dette vis à vis de Monsieur [S] suite à la rupture de leurs relations professionnelles et amicales en 2011 ne vaut pas reconnaissance d'une dette qui n'est pas définie ni en son principe ni en son montant ;
Qu'en conséquence, Monsieur [S] sera débouté de l'ensemble de ses demandes et le jugement déféré infirmé ;
Considérant que l'équité justifie que les frais irrépétibles exposés par Madame [F] soit supporté par l'appelant qui succombe en ses demandes à hauteur de 3 000 € ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 9 décembre 2014 ;
Déboute Monsieur [W] [S] de l'ensemble de ces demandes ;
Condamne Monsieur [W] [S] à payer à Madame [E] [F] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Condamne Monsieur [W] [S] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions applicables en matière d'aide juridictionnelle .
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE