Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 5
ARRET DU 07 JUIN 2016
(n° 2016/ 214 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/24685
Décision déférée à la Cour : Arrêt du 10 Novembre 2013 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/03143
APPELANTE
Madame [Z] [W] épouse [U]
née le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 3] 13ème
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée et assistée par Me Hélène WILLIAMS, avocat au barreau de PARIS, toque : R288
INTIMÉE
SA ALLIANZ IARD anciennement AGF IARD agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
N° SIRET :542 110 291 04757
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assistée de Me Philippe BERNARD de l'AARPI NGO JUNG & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, toque : R013
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Mai 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Christian BYK, Conseiller, chargé du rapport et Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Catherine LE FRANÇOIS, Présidente de chambre
Monsieur Christian BYK, Conseiller
Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Madame Catherine LE FRANÇOIS, présidente et par Madame Catherine BAJAZET, greffier présent lors du prononcé.
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Le 1er décembre 2007, madame [W] a souscrit une police d'assurance 'AGF Immeuble', avec effet à compter du 1er janvier 2008, au profit du moulin, dont elle était propriétaire à [Adresse 3] (Essonne).
Le 13 septembre 2011, un incendie a détruit ce bâtiment mais, la société ALLIANZ, nouvelle appellation des AGF, refusait sa garantie, considérant que l'assurée avait fait de fausses déclarations lors de la souscription et, par acte des 25, 26 janvier et 22 février 2012, cet assureur a saisi le Tribunal de grande instance de Paris à cette fin.
Par jugement du 10 novembre 2014, cette juridiction a :
- annulé le contrat et dit que le sinistre n'est pas garanti,
- donné acte à messieurs [Q] [B], [H] [F] et [P] [R] de ce qu'ils se réservent d'introduire toute demande contre madame [Z] [W] dans l'hypothèse où ils seraient déclarés propriétaires de 1'immeuble.
Par déclaration du 5 décembre 2014, enregistrée le 8 décembre, Mme [W] a fait appel de cette décision et, dans ses dernières conclusions notifiées le 19 avril 2016, elle sollicite que la cour ordonne la mise en cause du cabinet de courtage ASSURANCES REDONDO-LARAIGNOU, infirme le jugement déféré, condamne ALLIANZ à la garantir et, à défaut d'expertise, elle dise que les dommages ne pourront être inférieurs à la somme de 000 euros. titre subsidiaire, il est demandé de renvoyer les parties devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris, saisi (RG : 15/57348) pour l'évaluation et la réparation des dommages subis, de condamner l'assureur à lui verser la somme de 100.000 € à titre de provision, outre 50 000 euros de dommages et intérêts et 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 28 avril 2016, la société ALLIANZ sollicite la confirmation et, subsidiairement, de dire irrecevable ou mal-fondée la demande de provision. Il est réclamé, en tout état de cause, la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.
CE SUR QUOI, LA COUR
Sur la demande de mise en cause du courtier:
Considérant qu'ALLIANZ estime que cette demande nouvelle n'est pas justifiée par l'évolution du litige et pourrait être déclarée irrecevable, cet assureur s'en remettant toutefois à justice sur ce point ;
Considérant que l'évolution du litige permettant de procéder à l'intervention forcée d'un tiers en cause d'appel, conformément à l'article 555 du code civil, n'est caractérisée que par la révélation d'une circonstance de fait ou de droit née du jugement ou postérieur à celui-ci et modifiant les données juridiques du litige ;
Considérant que tel n'est pas le cas en l'espèce, l'intervention du courtier au contrat et le manquement allégué à son devoir d'information et de conseil, dont l'assureur devrait répondre comme étant son mandant, étant connus de l'appelante avant le jugement déféré ;
Que la demande sera déclarée irrecevable ;
Sur l'allégation de fausse déclaration:
Considérant qu'au soutien de son appel, Mme [W] avance n'avoir commis aucune fausse déclaration dès lors qu'elle a déclaré un bien « partiellement à usage d'habitation » et non pas « habité » ;
Considérant que l'assureur répond qu'il s'agit d'un bien à usage d'habitation, qui n'était pas inoccupé en totalité et qu'il ne pouvait être considéré comme désaffecté à la date de la souscription ;
Qu'il ajoute que cette fausse déclaration a modifié son opinion du risque car il est évident que dans le cadre de la souscription d'une police visant à assurer un bâtiment, la réalité de la situation de ce dernier est un élément essentiel ;
Considérant qu'aux termes des conditions particulières du contrat, Mme [W] a déclaré que « le moulin d'Huisson est à usage d'habitation et/ou de bureau mais peut être occupé par une activité commerciale et/ou artisanale pour moins du quart de sa superficie développée » et qu' « il n'est pas inoccupé en totalité » ;
Considérant que les conditions générales de la police définissent l'inoccupation comme « l'abandon complet de l'immeuble assuré par vous-même, les membres de votre famille, vos préposés, ou toute autre personne dont vous avez autorisé le séjour dans les locaux assurés. Il est précisé que le passage de temps à autre, pendant cette période, d'une personne autorisée (gardien ou autre) n'interrompt pas l'inoccupation » ;
Considérant que Mme [W], à qui il incombe de démontrer l'existence des conditions de mise en 'uvre de la garantie, ne produit aucune pièce afin de démontrer que le moulin aurait eu, au moment de la souscription du contrat, un usage qui aurait permis de le qualifier de partiellement occupé, qu'elle se contente de dire qu' « elle s' y rendait régulièrement pour en assurer l'entretien courant » sans produire des photos, attestations ou autres éléments de preuve visant à montrer qu'il existait des pièces en état d'être occupées, voire habitées ;
Que son assertion est, en outre, démentie par un faisceau d'éléments contraires ;
Qu'en effet, le moulin n'était plus raccordé au réseau électrique lors de la signature du contrat, que, par ailleurs, le compromis de vente signé le 27 septembre 2007 et rédigé par le cabinet immobilier Century 21 JM Conseil, mandaté par l'appelante, décrit « un moulin désaffecté avec dépendances » ;
Que le maire avait dû intervenir pour fermer les lieux dans lesquels venaient souvent les jeunes du village et solliciter à plusieurs reprises Mme [W] pour qu'elle prenne des mesures de sécurité appropriées au regard du devenir du bâtiment, ce que reconnaît l'appelante ;
Que le fait, comme elle l'avance, de venir sur les lieux, même plusieurs fois dans l'année, ne permet pas, au regard de la définition contractuelle de l'inoccupation, de dire que ces passages ont interrompu l'inoccupation constatée par l'abandon des lieux ainsi décrit ;
Que l'entretien courant, dont elle affirme avoir eu le souci, était, en tout état de cause, insuffisant pour rendre au moulin son caractère de bâtiment occupé, même partiellement, ainsi que le montrent les photographies produits par l'assureur ;
Qu' ainsi, en pleine connaissance de l'état des lieux, Mme [W] a fait à l'assureur de fausses déclarations, qui doivent être ainsi qualifiées d'intentionnelles ;
Que, compte tenu de l'état d'abandon des lieux qui les rendait propices à un risque important de sinistre accidentel ou volontaire, ces fausses déclarations ont changé l'opinion, du risque par l'assureur ;
Qu'il s'ensuit que la nullité du contrat doit être prononcée, conformément à l'article L 113-8 du code des assurances ;
Sur la demande d'expertise:
Considérant que l'assureur fait valoir que le juge des référés est déjà saisi d'une telle demande;
Considérant que la cour ayant prononcé la nullité du contrat, il n' y a pas lieu de faire droit à cette demande ;
Sur la demande de provision:
Considérant que l'assureur fait valoir que cette demande est nouvelle en cause d'appel et donc irrecevable ;
Considérant que cette demande est, pour les mêmes raisons, sans objet ;
Sur la demande de dommages et intérêts:
Considérant que Mme [W] ne démontrant aucune faute ni abus de l'intimée dans son droit d'ester et de se défendre en justice, elle sera déboutée de sa demande ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile:
Considérant que l'équité commande de condamner Mme [W] à payer à la société ALLIANZ la somme de 1 500 euros, qu'en revanche, il n' y a pas lieu de faire droit à sa demande de ce chef ;
PAR CES MOTIFS
Statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré et, y ajoutant ;
Déclare irrecevable la demande de mise en cause du courtier MILLY ASSURANCES REDONDO-LARAIGNOU ;
Déboute madame [W] de ses demandes d'expertise, de provision, de dommages et intérêts et de celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamne à payer à la société ALLIANZ la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE