RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 8
ARRÊT DU 26 Mai 2016
(n° 398 , 3 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/03031
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Mars 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU RG n° 13/00082
APPELANTE
Madame [I] [K] [T]
[Adresse 1]
[Localité 2]
née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 3] (COLOMBIE)
représentée par Me Johann BOUDARA, avocat au barreau d'EVREUX
INTIMEE
Association [Établissement 1]
[Adresse 2]
[Localité 1]
N° SIRET : [Établissement 1]
représentée par Me Nathalie MICAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1235
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Mars 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère
M. Mourad CHENAF, Conseiller
Madame Patricia DUFOUR, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, Conseillère
- signé par Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-RÉVENEAU, président et par Madame Véronique FRADIN-BESSERMAN, greffier présent lors du prononcé.
Faits et procédure
L'Association libre [Établissement 1], établissement d'enseignement, a conclu avec l'Etat le 3 février 1981 un contrat d'association.
Mme [I] [K] [T] a été embauchée par l'Association libre [Établissement 1] le 1er septembre 2002 par contrat à durée indéterminée en qualité de professeur d'espagnol pour un poste à temps plein (18 heures par semaine) pour une rémunération mensuelle brute de 1 500 €.
Durant la relation de travail, le nombre d'heures d'enseignement confiées à Mme [K] [T] a varié, pour aller en diminuant à 3 heures par semaine pour l'année scolaire 2011/2012.
Parallèlement, à compter de l'année scolaire 2009/2010, Mme [K] [T] a signé avec l'Etat divers engagements à durée déterminée, en qualité de professeur d'espagnol au sein de l'Association libre [Établissement 1], selon des modalités qui ont varié, le nombre d'heures confiées allant en augmentant avec les années, en l'occurrence à 3 heures hebdomadaires en 2010/2011, il s'est établi à 8 heures hebdomadaires en 2011/2012.
Absente pendant toute l'année scolaire 2011/2012, Mme [K] [T] a été licenciée le 30 juillet 2012, en raison de ses absences prolongées désorganisant l'école.
Contestant la rupture, Mme [K] [T] a, le 1er février 2013, saisi le conseil des Prud'Hommes de Longjumeau.
In limine litis, sur le fondement de la loi du 5 janvier 2005 complétant l'article L 442-5 du code de l'éducation, l'Association libre [Établissement 1] a soulevé l'incompétence de la juridiction judiciaire au profit de la juridiction administrative, en l'occurrence le tribunal administratif de Versailles.
Par décision en date du 2 mars 2015, le conseil des Prud'Hommes s'est déclaré incompétent au profit de la juridiction administrative ainsi désignée et a renvoyé l'affaire devant cette juridiction.
Mme [K] [T] a fait appel de cette décision dont elle demande l'infirmation. Contestant l'application à la présente espèce de la loi de 2005, elle demande à la cour de juger le conseil des Prud'Hommes compétent pour connaître de ses réclamations et de renvoyer l'affaire devant un conseil des Prud'Hommes autre que celui ayant rendu la décision critiquée, en l'espèce le conseil des Prud'Hommes d'Evry. Elle réclame la somme de 1 200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'employeur conclut à la confirmation du jugement déféré. A titre subsidiaire, il demande à ce que l'affaire soit renvoyée devant le conseil des Prud'Hommes de Longjumeau ainsi que la condamnation de Mme [K] [T] à lui payer la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 24 mars 2016, reprises et complétées à l'audience.
Motivation
Selon la loi n°2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement privé sous contrat, et son article 2, 'en leur qualité d'agent public, [ les maîtres des établissements d'enseignement privé sous contrat], ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l'Etat, liés par un contrat de travail à l'établissement au sein duquel l'enseignement leur est confié'.
Selon les termes de l'article L442-5 du code de l'éducation, complété par la loi n°2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement privé sous contrat, et son article 2, 'le contrat d'association peut porter sur une partie ou sur la totalité des classes de l'établissement. Dans les classes faisant l'objet du contrat, l'enseignement est dispensé selon les règles et programmes de l'enseignement public. Il est confié, en accord avec la direction de l'établissement, soit à des maîtres de l'enseignement public, soit à des maîtres liés à l'Etat par contrat. Ces derniers, en leur qualité d'agent public, ne sont pas, au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l'Etat, liés par un établissement au sein duquel l'enseignement leur est confié, dans le cadre de l'organisation arrêtée par le chef d'établissement, dans le respect du caractère propre de l'établissement et de la liberté de conscience des maîtres'.
Il ressort, a contrario, de l'examen de ce texte que les maîtres des établissements d'enseignement privé sous contrat ne sont pas des agents publics et sont liés par un contrat de travail de droit privé au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés, non par l'Etat, mais par l'établissement d'enseignement qui constitue une personne morale de droit privé.
Il ressort des débats qu'à partir de l'année scolaire 2009/2010 et jusqu'au terme de la relation de travail, Mme [K] [T] a exercé ses fonctions de professeur pour partie en application de divers engagements conclus avec l'Etat, pour lesquels elle a reçu un traitement, ainsi que cela résulte des bulletins de paye établis par l'Etat, et pour partie en application d'un contrat de travail conclu avec l'Association libre [Établissement 1] , pour lequel elle a été rémunérée, selon ce qui résulte des bulletins de salaire établis par l'employeur produits aux débats.
Il résulte donc des termes stricts des dispositions de l'article L 442-5 du code de l'éducation, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 5 janvier 2005, ainsi que par la décision du Conseil constitutionnel n°2013-222 QPC du 14 juin 2013, que Mme [K] [T] est demeurée liée à l'Association libre [Établissement 1] par un contrat de travail de droit privé au titre des heures rémunérées par cet établissement.
Dans ces conditions, le licenciement prononcé par l'Association libre [Établissement 1], qui met un terme au contrat de travail complété par des avenants successifs, ressortit bien de la compétence des juridictions judiciaires et en particulier du Conseil des Prud'hommes de Longjumeau, territorialement compétent, la demande du salarié de voir renvoyer l'affaire devant le Conseil des Prud'hommes d'Evry n'étant juridiquement pas fondée.
Par ces motifs, la cour,
- infirme le jugement déféré
Statuant à nouveau et y ajoutant :
- déclare la juridiction judiciaire compétente
- renvoie l'affaire devant le conseil des Prud'Hommes de Longjumeau
- réserve les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente