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24/05/2016 | FRANCE | N°13/14519

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 5, 24 mai 2016, 13/14519


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 5



ARRET DU 24 MAI 2016





(n° 2016/ 195 , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : 13/14519



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juillet 2013 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2011011544





APPELANTE



Société DUNMAS INC agissant poursuites et diligences de ses représentants lÃ

©gaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 1] (ILES CAIMANS)



Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assistée de Me Patrick SIMON d...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 5

ARRET DU 24 MAI 2016

(n° 2016/ 195 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 13/14519

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juillet 2013 -Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2011011544

APPELANTE

Société DUNMAS INC agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 1] (ILES CAIMANS)

Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151

Assistée de Me Patrick SIMON de la SCP VILLENEAU ROHART SIMON & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES

Société ACE EUROPEAN GROUP LIMITED société de droit britannique prise en la personne de sa direction pour l'Allemagne domiciliée [Adresse 2], ALLEMAGNE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux y domiciliés en cette qualité

[Adresse 3]

[Adresse 3] GRANDE BRETAGNE

N° SIRET : 450 327 374 00010

Société ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY AG société de droit allemand agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux y domiciliés en cette qualité

[Adresse 4]

[Adresse 4] ALLEMAGNE

N° SIRET : 487 424 608 00015

Société AIG EUROPE LIMITED venant aux droits de la société CHARTIS EUROPE et agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux y domiciliés en cette qualité

[Adresse 5]

[Localité 2] - GRANDE BRETAGNE

N° SIRET : 752 862 540 00016

Société HANSE MARINE VERSICHERUNG AG société de droit allemand agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux y domiciliés en cette qualité

Am Kaiserkai 2

[Localité 3] - ALLEMAGNE

Société HELVETIA INTERNATIONAL VERSICHERUNG AG société de droit allemand agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux y domiciliés en cette qualité

[Adresse 6]

[Localité 4] - ALLEMAGNE

Société KRAVAG LOGISTICS VERSICHERUNG AG société de droit allemand agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux y domiciliés en cette qualité

Heidenkampsweg 102

[Localité 3] - ALLEMAGNE

Société ZURICH INSURANCE PLC société de droit allemand agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux y domiciliés en cette qualité

[Adresse 7]

[Localité 3] - ALLEMAGNE

Représentées par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assistées de Me Gildas ROSTAIN du PARTNERSHIPS CLYDE & CO LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : P0429

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Avril 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine LE FRANCOIS, Présidente de chambre

Monsieur Christian BYK, Conseiller

Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère, entendue en son rapport

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Madame Catherine LE FRANCOIS, présidente et par Madame Catherine BAJAZET, greffier présent lors du prononcé.

'''''

M [K] [A], fondateur et président du groupe Optimum Inc. qui opère au Canada, aux Etats-Unis et en France a acquis, en 2002, au travers de sa société DUNMAS Inc (immatriculée aux Iles Caïman) un yatch de luxe le LYS d'O, construit en 1987, sur lequel il a fait procéder à des travaux d'aménagement et d'amélioration. En 2006, la société DUNMAS Inc a souscrit par l'intermédiaire d'un courtier, la société PANTAENIUS, trois polices d'assurances dont une assurance dommage, multirisque plaisance auprès des sociétés d'assurances intimées, les deux autres polices (qui ne sont pas en cause, garantissant sa responsabilité civile et sa responsabilité civile employeur). Par avenant en date du 4 juin 2008, la valeur agréée du navire a été portée à 3 500 000 USD, dont 20 000 USD pour les effets personnels.

Le 26 février 2010, le navire a appareillé pour une croisière à destination des Bahamas, avec comme passagers, M [K] [A] et son épouse, et comme équipage trois personnes, M [E] [E], capitaine, M [W], second, et Mme [U], hôtesse et en raison d'un gros temps, il a fait escale pour une journée sur l'île de Highborne Cay et a repris la mer, le 28 février, vers 12h30/12h45 à destination de l'Atlantis Marina à Nassau. Très rapidement, une entrée d'eau dans le compartiment moteur a été constatée par le second, le capitaine a envoyé des appels de détresse, a fait évacuer les passagers et le navire s'est échoué, vers quinze heures, dans une zone abyssale à une profondeur estimée à 1000 à 2000 mètres de fond.

La société DUNMAS Inc a déclaré le naufrage auprès de la société PANTAENIUS, le 2 mars 2010 et a présenté une réclamation relative à la perte totale du navire pour un montant de 3.480.000 USD, à la perte des effets personnels des passagers (20.000 USD) et du personnel (11.278,33 USD), ainsi qu'au titre des gages de l'équipage (25.183,33 USD), des frais de rapatriement (4.928,86USD) et des frais financiers (50.000 USD).

La société PANTAENIUS a dépêché deux enquêteurs, qui ont procédé à l'audition des personnes concernées sur les circonstances du naufrage, la transcription de ces auditions sous serment étant faite par Mme [N], rapporteur de la Cour et notaire public. Le procès-verbal dressé a été soumis à M [M], capitaine de la navigation maritime, désigné par la société sus-mentionnée en qualité d'expert avec pour mission notamment d'examiner les éléments de fait recueillis après le sinistre, celui-ci a déposé trois rapports puis a examiné, les conclusions et rapports adverses versés dans le cadre de la présente procédure, La société DUNMAS Inc ayant de ce côté, soumis le document, puis les rapports à son expert également capitaine de la marine marchande, M [M].

Sur la base des renseignements recueillis, les sociétés d'assurances ont refusé leur couverture au motif d'une faute intentionnelle ou, à tout le moins, une négligence grave, exclusive de garantie. Elles ont sollicité, devant le président du tribunal de commerce de Paris, la désignation d'un expert judiciaire pour établir contradictoirement les circonstances du naufrage et donner son avis sur la valeur vénale du navire, demande rejetée par ordonnance du 11 mars 2011.

Par actes des 14 et 27 janvier 2011, La société DUNMAS Inc a fait assigner les sociétés ACE, ALLIANZ, AIG, HANS, HELVETIA, KRAVAG, et ZURICH devant le tribunal de commerce de Paris, qui, par jugement du 4 juillet 2013, l'a déboutée de ses demandes, et l'a condamnée à verser à ces sociétés la somme totale de 10 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens, le tribunal rejetant également la demande des défenderesses tendant, à titre subsidiaire, de voir limiter leur engagement à la valeur vénale du bateau.

Pour écarter la garantie, le tribunal constatait que les mesures et dispositions prises par l'équipage, dont les témoignages faisaient apparaître un certain nombre de contradictions, avaient abouti à aggraver les conséquences du sinistre.

Le 16 juillet 2013, La société DUNMAS Inc a interjeté appel de cette décision. Dans ses conclusions notifiées le 9 février 2016, elle demande à la cour, infirmant le jugement déféré, de condamner les sociétés intimées au paiement de la contre-valeur, au jour de la décision à intervenir, de la somme de 3 500 000 USD avec intérêts au taux légal, qui seront capitalisés, à compter du 28 février 2010, outre une indemnité de procédure de 40 000€, la somme de 150000€ à titre de dommages et intérêts et les dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 15 février 2016, les sociétés ACE EUROPEAN GROUP Limited, ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY AG, CHARTIS EUROPE SA, HANSE MARINE VERSICHERUNG AG, HELVETIA INTERNATIONAL VERSICHERUNG AG, KRAVAG LOGISTIC VERSICHERUNG AG, ZURICH INSURANCE PLC soutiennent la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la société DUNMAS Inc de ses demandes et, à titre subsidiaire, son infirmation sur la limite de leur engagement, demandant à la cour de juger que la valeur du bateau constitue cette limite et qu'ils ne sauraient être tenus, sans solidarité l'un à l'égard de l'autre, pour un montant supérieur à la contre-valeur en euros de 750 000 USD, et de juger que la police d'assurance ne couvre pas les réclamations (pour un total de 87423,19 USD) du chef de la perte des effets personnels des marins, de leurs gages et vivres, de leur rapatriement et des pertes financières, sollicitant la condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 40 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 mars 2016.

SUR CE, LA COUR

Considérant que La société DUNMAS Inc rappelle que la croisière décidée en février 2010, à destination des Bahamas et les circonstances du naufrage, après une escale d'une journée sur l'île de Highborne Cay, en raison de conditions météorologiques défavorables, le navire a repris la mer vers 12h30/12h45, en direction de [Localité 5] (située plus au sud, à environ 40 milles marins) ; que le "LYS D'Ô" a franchi le chenal d'accès 20 à 30 minutes après le départ ; qu'il dit qu'au bout d'une vingtaine de minutes, une entrée d'eau dans le compartiment moteur a été constatée, lors d'une inspection de routine, par le second, qui a prévenu le capitaine, qui est alors allé lui-même constater l'entrée d'eau dans le compartiment moteur ; qu'il précise les différentes mesures et manoeuvres de sauvetage (envoi d'appels de détresse, arrêt du moteur tribord, tentatives de redisposer le système d'aspiration à la cale du moteur bâbord, de colmatage d'un des coffres à eaux et enfin de pompage de la cale à l'aide de pompes volantes, qui n'ont pu être mises en 'uvre, le groupe électrogène et le moteur bâbord étant noyés, évacuation des passagers puis de l'équipage et tentatives de remorquage) ;

Que La société DUNMAS Inc nie toute faute exclusive de la garantie due par les assureurs, dont ceux-ci doivent rapporter la preuve et prétend que l'exclusion conventionnelle de l'article 1.1 des conditions générales PANTAENIUS des 'pertes résultant (...) d'une négligence grave' ne répond pas aux exigences de l'article L113-1 du code des assurances, faute d'être limitée ajoutant qu'en l'espèce, à les supposer établie les négligences alléguées ne sont pas causales, puisqu'elles ont, selon le tribunal, aggravé les conséquences du sinistre ; qu'elle prétend, au visa des articles L 172-13 et L 172-14 du code des assurances, que la négligence grave ne peut être que celle de l'assuré, couvert en cas de faute du capitaine ou de l'équipage ;

Qu'elle conteste, eu égard à la définition donnée par une jurisprudence constante, qu'il puisse être retenu une faute intentionnelle au sens de l'article L 113-1 du code des assurances et elle écarte la faute dolosive, le dommage ayant été causé par l'envahissement soudain d'eau dans la cale, ce qui est un aléa couvert par la police ; qu'elle critique la procédure d'enquête menée à charge et conclut longuement sur les circonstances du sinistre, pour soutenir que les prétendues négligences ne sont pas démontrées ; qu'elle critique la décision déférée, qui pour les caractériser, a retenu un temps entre le constat de l'entrée d'eau et le naufrage, largement surévalué, la perte de propulsion et donc de toute capacité de gouverner étant survenue, moins de vingt minutes après la découverte de la voie d'eau ; qu'elle affirme que le navire a été dérouté, pour un retour au port de départ, écarte les prétendues imprécisions ou contradictions de l'équipage lors de son audition, relève que le capitaine s'est longuement expliqué sur sa décision d'arrêter le moteur tribord ainsi que sur la gestion des alarmes associées aux détecteurs de niveau d'eau ; qu'enfin, elle insiste sur la confusion qu'entretiennent les assureurs entre équipage et propriétaire du navire, celui-ci n'étant nullement le capitaine ;

Considérant que les sociétés intimées soutiennent que les déclarations de MM [A] et [E] se confirment être fausses sur les points suivants : le déclenchement rapporté de l'alarme après la visite du second, le fait que le bateau ait fait demi-tour avant l'arrêt ou le débrayage des moteurs ; qu'elles relèvent que le capitaine s'est privé d'une capacité de propulsion et de pompage en arrêtant un moteur, qu'il n'a pas utilisé les moyens d'assèchement dont il disposait, augmentant même le rythme d'envahissement de l'eau et qu'il n'a pas tenté d'échouer le navire (sur une plage à proximité) avant que les secours ne soient sur place ; qu'elles maintiennent également que la description du système d'assèchement en secours des moteurs par M [E] est fausse ; qu'enfin, elles procèdent à un certain nombre de remarques : la croisière a été organisée à la hâte, le capitaine aurait été présent, sans explication, la veille dans la salle des machines, pour la journée et enfin, elles s'étonnent de l'absence de cause objective à la voie d'eau, évoquant également de fausses déclarations du capitaine quand il décrit les manipulations qui ont été les siennes pour faire cesser l'entrée de l'eau ;

Qu'elles rappellent les dispositions conventionnelles, selon elles, exemptes de critiques et l'exclusion légale de garantie des fautes intentionnelles et dolosives de l'article L 113-1 du code des assurances et prétendent suffisamment caractériser des négligences graves constitutives d'une faute dolosive, demandant à la cour, dans le dispositif de leurs écritures, de dire que la société DUNMAS Inc a commis cette faute dolosive ;

Considérant que selon l'article 3.1. des conditions multirisques plaisance PANTAENIUS (CMPP)"l'assureur garantit les pertes et dommages subis par le navire assuré par suite de naufrage, échouement, abordage, heurt ou collision" ; que l'article 1.1. des conditions générales PANTAENIUS (CGP) stipule que "sont généralement exclus de l'assurance (') c) les pertes et dommages résultant d'une faute intentionnelle ou d'une négligence grave";

Considérant qu'en application de l'article L 113-1 du code des assurances, une exclusion de garantie doit être formelle et limitée ; qu'en l'espèce, la clause concernant la négligence grave doit être considérée comme formelle dans la mesure où elle figure sous la mention d'un 'titre 1" non ambigu puisqu'il s'intitule 'EXCLUSIONS' ;

Qu'en revanche, en l'absence de critères précis et d'hypothèses limitativement énumérées, la notion de négligence grave n'étant pas définie au contrat et la clause ne contient aucune limite venant en fixer les bornes, de telle sorte que l'assuré n'est pas en mesure de connaître très exactement les cas dans lesquels il ne sera pas garanti ; que la clause d'exclusion n'est pas limitée et, de ce fait elle est inopposable à la société DUNMAS Inc;

Considérant que les sociétés d'assurance invoque également les dispositions de l'article L 113-1 du code des assurances qui énonce, que les assureurs ne répondent pas "des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré"; l'auteur de la faute intentionnelle ou dolosive devant être lorsque l'assuré est une personne morale, son dirigeant de fait ou de droit, l'appelante ne déniant pas que M [A] à cette qualité;

Que dès lors, les sociétés intimées doivent rapporter la preuve, non comme elles l'évoquent que la faute est opposable à l'assuré, mais qu'elle est de son fait ;

Qu'en premier lieu, il est constant et non contesté, qu'ainsi qu'il l'a indiqué lors de son audition sous serment du 8 mars 2010, que M [A] a toujours employé un capitaine à plein temps, le fait qu'il soit un marin averti 'supervisant ses affaires à partir de son bateau' et qu'il ait une expérience pratique de la navigation voire soit en capacité d'apprécier les capacités du capitaine (la croisière ayant été organisée avec cet objectif), ne lui confère pas ipso facto, la direction des opérations ; que l'affirmation des intimées d'un usage en ce sens, n'est étayée par aucune pièce ; qu'est tout aussi indifférent le fait que M [A] ait décidé seul de cette croisière à destination des Bahamas puis qu'il ait modifié, alors que le bateau était au mouillage, la prochaine escale, ceci ne lui conférant nullement la conduite effective du bateau ;

Que les sociétés intimées ajoutent que 'l'appelante reconnaît que M [A] exerçaient 'la direction de la croisière' sans citer le passage incriminé, la cour ne pouvant que constater à la lecture des écritures déposées par l'appelante que celle-ci n'a jamais admis que M [A] avait pris la conduite du bateau ou des opérations de recherche de la voie d'eau, relevant toujours que les intimées imputent à celui-ci les mesures prises par l'équipage ;

Que la lecture tant du procès-verbal d'audition que des rapports de M [M] vient démentir cette allégation d'un pilotage des opérations de recherches de l'entrée d'eau comme l'implication de M [A] dans leur organisation puis dans les opérations de sauvetage, cet expert relevant tout au contraire 'le manque d'implication de M [A]' (page 12 de son rapport du 6/9/11 et 5 de son rapport du 14/3/14) ainsi que le transfert de celui-ci sur l'annexe, intervenu très tôt (page 4 de son rapport du 14/4/14) mars 2014), moins de 15 minutes après l'alerte donnée par le second selon la chronologie proposée par l'appelante et non contestée ; que d'ailleurs, si cet expert s'est astreint à démontrer que M [A] connaissait parfaitement les installations techniques de son bateau, il a toujours imputé à M [E], les actions qu'il qualifie de contraire au 'bon sens maritime' concluant en dernier lieu (page 4 de son rapport du 15 février 2016, que 'l'équipage professionnel (...) en présence de l'armateur, M [A] n'a réalisé aucune des mesures de sauvegarde logiques et connues', n'imputant nullement à ce dernier la conduite de la navigation ou l'initiative des mesures inappropriées qui ont rendu inéluctable le naufrage ;

Qu'enfin sur l'allégation selon laquelle 'il ressort des témoignages versés au débat et notamment de ceux du second, M [W] que M [A] et M [E] ont dirigé depuis le flybridge les opérations de recherche des causes de l'entrée et de l'évacuation du navire', la lecture de la retranscription de l'audition de M [A] (dont il ressort qu'il était manifestement désemparé), permet aussi de constater qu'il n'a pris aucune initiative et n'a nullement dirigé les opérations litigieuses, toutes décidées et exécutées d'abord par le capitaine seul puis après l'évacuation des passagers, avec l'aide du second, M [W] ; que le témoignage de celui-ci a été communiqué aux débats par les sociétés intimées, sans traduction et ces sociétés se dispensent de toute citation des passages qui viendraient conforter leurs allégations et contredire leur expert quant à la passivité (qu'il dénonce) de M [A] ;

Que dès lors, les appelantes échouent dans la preuve qui leur incombe que l'assurée aurait, au travers de M [A], commis des négligences graves constitutives d'une faute dolosive exclusive de toute garantie, la décision déférée devant être infirmée sur ce point;

Considérant enfin, que pour écarter une déchéance conventionnelle du droit à l'indemnité d'assurance pour fausse déclaration 'se rapportant à la gestion du sinistre', la société DUNMAS Inc rappelle que les sociétés intimées supportent la charge de la preuve et conteste que sa déclaration du 2 mars 2010, contienne des inexactitudes ; qu'elle fait valoir, que sa revendication du versement de la valeur agréée, ainsi que le prévoit le contrat ne peut être qualifiée de fausse déclaration ;

Qque les intimées se contentent à ce titre d'affirmer, en page 5 de leurs conclusions que 'la clause 4.5 qui sanctionne les fausses déclarations de l'assuré constitue une stipulation de la police librement consentie par les parties contractantes. En conséquence, elle doit être appliquée dans toute sa rigueur' puis en page 16 'force est de constater que les investigations de Monsieur [M] ont permis de relever la commission, par l'assuré, de fausses déclarations relatives notamment à la gestion du sinistre. Ces fausses déclarations sont sanctionnées contractuellement par la déchéance du droit à indemnité' ;

Considérant que la clause 4 des CGP relative à la conduite à tenir par l'assuré en cas de sinistre et qui prévoit une déchéance du droit à l'indemnité si 'l'assuré fait, de mauvaise foi, de fausses déclarations, exagère le montant des dommages, prétend détruits ou disparus des objets qui n'existaient pas lors du sinistre, utilise des moyens frauduleux pour justifier une réclamation' ;

Que l'expert, M [M], lorsqu'il évoque les contradictions entre les témoignages de M [A] et du second, M [W] retient, le demi-tour et la route suivie après la découverte de l'envahissement, concluant que le 4 janvier 2016 que le capitaine et M [A] ont affirmé avoir fait demi-tour avant l'arrêt ou le débrayage des moteurs, cela est faux' les autres mensonges (notamment la description du système de secours des moteurs) étant imputés au seul capitaine, M [E] ;

Que seule est traduite la phrase suivante de la déclaration de sinistre de la société DUNMAS Inc rédigée par M [A] : 'le second a rapporté au capitaine qu'il y avait de l'eau dans la machine. Le capitaine veut retourner à Chubb Cay. Je prends la barre pendant que le capitaine et le second essaient de trouver la source et de colmater' ce qui ne constitue que l'expression d'une volonté et non l'affirmation qu'y voient les appelantes d'une manoeuvre effective et réussie ;

Que lors de son audition, M [E] a relaté comme suit ce changement de bord 'l'alarme s'est mis à retentir donc j'ai dit à M [A] de s'occuper de la barre (...) Je suis revenu sur le pont et j'ai dit vire d'environ 180 et retourne à Chub Cay et on a viré', son rapport de mer du 3 mars 2010 n'évoquant nullement ce changement de cap ;

Que lors de son audition, M [A] a été dans un premier temps dans l'incapacité de dire si le bateau avait ou non tourné (page 40) et même de déterminer avec exactitude d'où venait le vent ; que s'il a ensuite dit, 'il (le capitaine) m'a dit je vais tourner le navire. OK, donc il a tourné le bateau pour revenir. J'ai dit OK et là il a dit, je retourne en bas, si vous voulez bien garder le gouvernail pour qu'on revienne à la marina à Chub' ...mais cela n'a pas pris longtemps avant que je n'ai plus de barre' (page 44) ;

Qu'il en ressort une difficulté évidente pour M [A] de se remémorer les circonstances du naufrage, le seul constat évident étant celui d'une perte quasi-immédiate de la propulsion après l'engagement de la manoeuvre, si celle-ci a eu lieu ;

Qu'enfin, l'analyse des positions du bateau sur le GPS personnel du capitaine réalisée au cours de la procédure d'appel a amené les experts, pourtant d'égale compétence, à des conclusions contradictoires, M [M] n'écartant nullement l'engagement de la manoeuvre de demi-tour, relevant dans sa note technique (annexe de la pièce 23) un décalage vers l'Est, qu'il visualise sur un tracé et qui pourrait correspondre à la fin d'une manoeuvre de demi-tour, M [M] estimant qu'il s'agit d'un infléchissement de la trajectoire sous l'effet du vent ;

Que dès lors, la déclaration de M [A] tant lors de la déclaration de sinistre qu'au cours de son audition ne peut être qualifiée de mensongère et encore moins considérée comme faite de mauvaise foi ;

Considérant sur les autres griefs évoqués par les sociétés intimées, la cour peut relever que le retentissement de l'alarme juste après le retour sur le pont du second, qu'elles contestent, est confirmé par les témoignages concordants, fait sous serment, de tout l'équipage et que pour les autres griefs, ceux-ci soit se rapportent aux déclarations, aux actions ou abstentions de M [E] soit relèvent de l'argutie ; qu'enfin, l'interprétation faite par la société DUNMAS Inc des clauses contractuelles fixant le montant de son indemnisation ne peut, à l'évidence, s'analyser même si elle est erronée, comme une fausse déclaration au sens du contrat ;

Considérant qu'appelantes incidentes, les sociétés d'assurance soutiennent que la valeur agréée du bateau assuré, ne constitue que le maximum de leur engagement, le principe indemnitaire de l'article L 121-1 du code des assurances excluant d'ailleurs, que la société DUNMAS Inc puisse prétendre obtenir une somme excédant la valeur vénale du bien assuré ; que la société DUNMAS Inc admet que la perte des effets personnels de l'équipage, le paiement de leurs salaires et de leurs frais de rapatriement relèvent d'une autre police d'assurance souscrite auprès de la société PANTAENIUS et, affirme que l'indemnité qui lui est due, doit correspondre à la valeur agréée ainsi que l'annonce le courtier, le prévoit la police et l'a retenu le tribunal ;

Considérant que la police multirisque plaisance PANTAENIUS est une assurance dommage couvrant un navire de plaisance qui est soumise au principe d'ordre public de l'article L 121-1 du code des assurances suivant lequel l'assuré ne peut jamais prétendre à une indemnité excédant la valeur de la chose au jour du sinistre ;

Que son article 9 énonce qu'en 'cas de perte totale (...) la valeur agréée est remboursée conformément à l'article 8, celui-ci précisant que la valeur assurée est la valeur à neuf, le montant maximum assuré stipulé dans la police d'assurance est la valeur agréée entre les parties' ;

Que le renvoi fait à l'article 9 aux dispositions de l'article précédent exclut l'analyse qu'en fait la société DUNMAS Inc, la valeur agréée apparaissant comme le maximum de l'engagement de l'assureur, étant entendu qu'en agréant une valeur, l'assureur accepte de ne pas la discuter au jour du sinistre, sauf s'il est en mesure d'apporter la preuve de l'importance du dommage, la dite clause ne pouvant s'analyser que comme une convention sur la charge de la preuve ;

Que l'argument selon lequel le courtier PANTAENIUS annonce sur son site internet que la valeur agréée sera remboursée en cas de sinistre total, sans abattement et qui lorsqu'il définit la valeur agréée, affirme que celle-ci sera intégralement remboursée, constitue pour la premier le rappel de l'absence de franchise figurant à l'article 7 et pour la seconde n'engage pas les assureurs ; qu'enfin, la référence aux notions de valeur de reconstruction, spécifique aux immeubles ou de valeur à neuf ou de ré-équipement à neuf, étrangers à la police souscrite est inopérante ;

Que la décision déférée sera infirmée en ce qu'elle a écarté la prétention des assureurs de voir limiter leur engagement à la valeur vénale du bien perdu ;

Considérant que les deux rapports produits, l'un établi au mois d'août 2011 et le second en janvier 2015, proposent une évaluation de la valeur vénale du bateau, sous forme de fourchette, à la date du naufrage et non comme le soutient la société DUNMAS Inc, en 2015 ; qu'elles sont étayées par des annonces de vente et se réfèrent au bon état d'entretien et de navigabilité du bateau au jour du naufrage et notamment à son âge, à la présence (non contestée) de systèmes et de moteurs d'origine ; que la société DUNMAS Inc ne contredit pas utilement ces évaluations, les dépenses dont elle allègue se rapportant essentiellement à l'entretien et à la gestion du bateau, ainsi qu'il ressort de sa pièce 28 et l'invocation du coût de sa reconstruction comme celle du prix payé lors d'une nouvelle acquisition (d'un bateau de modèle différent, de plus grande dimension - 115 pieds - et construit en 1996) n'étant nullement pertinente ;

Que les deux évaluations proposées retiennent pour la première réalisée en 2011 un plancher de 750 000$ (avec un plafond de 1 000 000$) et pour la seconde de 2015, cette même somme comme un plafond (avec une valeur minimale de 700 000$), la cour devant retenir cette valeur commune aux deux expertises, la seconde prenant en compte, l'orientation, à la baisse, du marché dès 2009 ; qu'il convient de condamner les intimées au paiement de la contre-valeur en euros de la somme de 750 000$ ;

Qu'en application des articles 1153 et 1154 du code civil, cette somme portera intérêts à compter du 14 janvier 2011 date de l'assignation, les intérêts dus pour année entière porteront eux-mêmes intérêts ; qu'elle sera mise à la charge des sociétés intimées, sans solidarité, aucune demande en ce sens n'étant formulée ;

Considérant enfin, que la société DUNMAS Inc présente une réclamation pour résistance abusive fondée sur un comportement malveillant et déloyal des assureurs, sans tenter de caractériser le préjudice qu'elle aurait subi et en lien avec les fautes qu'elle dénonce ; qu'elle sera en conséquence déboutée de ce chef de demande ;

Considérant que les sociétés intimées, qui succombent pour l'essentiel, supporteront les dépens de première instance et d'appel et devront rembourser les frais irrépétibles de la société DUNMAS Inc dans la limite de 8000€ ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,

Infirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris, le 4 juillet 2013 ;

Statuant à nouveau,

Condamne les sociétés ACE EUROPEAN GROUP Limited, ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY AG, CHARTIS EUROPE SA, HANSE MARINE VERSICHERUNG AG, HELVETIA INTERNATIONAL VERSICHERUNG AG, KRAVAG LOGISTIC VERSICHERUNG AG, ZURICH INSURANCE PLC à payer à la société DUNMAS Inc l'équivalent en euros, au jour du présent arrêt, de la somme de 750 000 USD avec intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2011, les intérêts dûs pour une année entière portant eux-mêmes intérêts ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne les sociétés ACE EUROPEAN GROUP Limited, ALLIANZ GLOBAL CORPORATE & SPECIALTY AG, CHARTIS EUROPE SA, HANSE MARINE VERSICHERUNG AG, HELVETIA INTERNATIONAL VERSICHERUNG AG, KRAVAG LOGISTIC VERSICHERUNG AG, ZURICH INSURANCE PLC à payer à la société DUNMAS Inc la somme de 8000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 13/14519
Date de la décision : 24/05/2016

Références :

Cour d'appel de Paris C5, arrêt n°13/14519 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-24;13.14519 ?
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