Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4- Chambre 1
ARRÊT DU 13 MAI 2016
(no, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 06612
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mars 2014- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 12/ 01736
APPELANTS
Monsieur Gerardus Petrus Paulus X... né le 19 Juillet 1957 à TILBURG (PAYS-BAS)
demeurant ...
Représenté par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998
Assisté sur l'audience par Me Pascale DE LA ROBERTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0295
Madame Catharina Anna Maria X... née le 30 avril 1952 à TILBURG (PAYS-BAS)
demeurant ...
Représentée par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998
Assistée sur l'audience par Me Sandra DOS SANTOS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0988
SCI TIGER Société Civile Immobilière SCI TIGER immatriculée au RCS sous le numéro 520 807 256, dont le siège social est sis 45 rue Saint Honoré à 75001 PARIS agissant poursuites et diligences en la personne de son Gérant domicilié en cette qualité audit siège No SIRET : 520 80 7 2 56
ayant son siège au 45 rue Saint Honoré-75001 PARIS
Représentée par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998
Assistée sur l'audience par Me Sandra DOS SANTOS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0988
INTIMÉS
Monsieur Kevin Y... associé du cabinet Grant Thornton UK LLP, mandataire liquidateur judiciaire, agissant en qualité de liquidateur judiciaire ou syndic de Gerardus Petrus Paulus X...
demeurant ...
Représenté et assisté sur l'audience par Me Stéphane BONIFASSI de l'ASSOCIATION LEBRAY et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R189
SA BANQUE PATRIMOINE ET IMMOBILIER prise en la personne de ses représentants légaux No SIRET : 381 804 905
ayant son siège au 8 rue du général Foy-75008 PARIS
Représentée par Me Armand BOUKRIS de la SELEURL CABINET BOUKRIS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0274
Assistée sur l'audience par Me Marc DUCRAY, avocat au barreau de NICE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Mars 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Chantal SARDA, Présidente de chambre
Mme Christine BARBEROT, Conseillère
M. Fabrice VERT, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Christophe DECAIX
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
-rendu par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Chantal SARDA, Présidente, et par Monsieur Christophe DECAIX, greffier auquel la minute de la décision à été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Par acte du 12 décembre 2011, M. Kevin Y..., associé du cabinet Grant Z..., ès qualités de syndic du patrimoine de M. Gerardus X..., fonction à laquelle il a été nommé par ordonnance du 1er juillet 2011 du Tribunal du Comté de Croydon (Royaume-Uni), à la suite du jugement de cette même juridiction du 10 mai 2011 ayant déclaré l'intéressé en faillite, a assigné M. X..., sa soeur, Mme Catharina X... et la SCI Tiger que les consorts X... avaient constituée entre eux, pour que fussent déclarées inopposables à la masse de la faillite, deux hypothèques conventionnelles inscrites le 22 août 2008 par M. X... au profit de sa soeur sur les appartements de M. X..., sis..., 1er arrondissement, et 9 rue Henri Savornin à Lourmarin (84), ainsi que la vente de ces mêmes biens au profit de la société Tiger les 15 et 24 mars 2010 aux prix respectifs de 395 000 € et de 790 000 €. La Banque Patrimoine et immobilier (BPI), qui avait financé l'achat de ces biens par M. X..., est intervenue volontairement à l'instance.
C'est dans ces conditions que, par jugement du 18 mars 2014, le Tribunal de grande instance de Paris a :
- rejeté la demande tendant à écarter des débats les pièces no 6, 19, 28, 30 et 36 de M. Y..., ès qualités,
- déclaré recevable l'action de M. Y..., ès qualités,
- jugé que les deux hypothèques et les deux ventes étaient inopposables à M. Y..., ès qualités, dans la limite des sommes restant dues aux créanciers,
- débouté M. Y..., ès qualités, du surplus de ses demandes,
- débouté les consorts X... et la société Tiger de leurs demandes,
- condamné M. X... à payer à M. Y..., ès qualités, la somme de 10 000 € en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par dernières conclusions du 3 mars 2016, M. Gerardus X..., appelant, demande à la Cour de :
- vu les articles 6. 1 de la convention européenne des droits de l'homme, 15, 16, 566 du Code de Procédure Civile, juger irrecevables les conclusions no 3 de M. Y... en ce qu'elle comportent une demande additionnelle en expulsion, formée quelques jours ouvrables avant la clôture, après une instance d'appel ayant duré près de deux ans,
- constater sa contestation de l'usage par M. Y... de la fausse qualité de liquidateur judiciaire,
- constater sa contestation des certificats de coutume délivrés à M. Y... par M. David A..., solicitor,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
. déclaré recevable l'action de M. Y..., ès qualités,
. jugé que les deux hypothèques et les deux ventes étaient inopposables à M. Y..., ès qualités, dans la limite des sommes restant dues aux créanciers, avec toutes conséquences de droit en matière de publicité foncière, de frais irrépétibles et de dépens,
- statuant à nouveau :
- juger irrecevable la demande en inopposabilité des actes des 22 août 2008, 18 et 24 mars 2011, en ce qu'elle vise le droit anglais de l'Insolvency Act de 1986 et la fraude,
- juger irrecevable la demande subsidiaire en nullité de la société Tiger en ce qu'elle vise la " fictivité " ou la confusion des patrimoines,
- subsidiairement sur le fond :
- débouter M. Y... de ses demandes en inopposabilité des hypothèques et des ventes,
- dire mal fondée la demande de M. Y... en nullité de la société Tiger,
- très subsidiairement,
- confirmer le jugement en ce qu'il a limité l'inopposabilité aux sommes dues aux créanciers,
- débouter M. Y... de sa demande d'expulsion,
- ordonner l'annulation de l'inscription du jugement à la conservation des hypothèques,
- ordonner l'inscription de la présente décision à la conservation des hypothèques compétente,
- condamner M. Y... à lui payer la somme de 15 000 € de dommages-intérêts et celle de 15 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 9 mars 2016, Mme Catharina X... demande à la Cour de :
- écarter des débats les conclusions no 3 de M. Y..., ainsi que ses pièces no 63 et 64,
- écarter des débats les pièces no 6, 30, 39 et 63 produites par M. Y..., qui sont irrecevables,
- débouter M. Y... de l'intégralité de ses demandes irrecevables et non fondées,
- ordonner l'annulation des formalités de publication et ordonner l'inscription de la présente décision à la conservation des hypothèques compétente,
- rejeter l'ensemble des demandes de M. Y... formées contre elle,
- condamner M. Y... à lui payer la somme de 15 000 € en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 9 mars 2016, la SCI Tiger demande à la Cour de :
- écarter des débats les conclusions no 3 de M. Y..., ainsi que ses pièces no 63 et 64,
- écarter des débats les pièces no 6, 30, 39 et 63 produites par M. Y..., qui sont irrecevables,
- débouter M. Y... de l'intégralité de ses demandes irrecevables,
- enjoindre à la BPI de renoncer à se prévaloir contre elle de la déchéance du terme,
- l'autoriser à reprendre le règlement des échéances des deux prêts,
- à défaut l'autoriser à solder ses financements entre les mains de la BPI,
- constater que les demandes de M. Y... sont irrecevables faute d'intérêt à agir,
- débouter M. Y... de l'intégralité de ses demandes non fondées,
- ordonner l'annulation des formalités de publication et ordonner l'inscription de la présente décision à la conservation des hypothèques compétente,
- rejeter l'ensemble des demandes de M. Y... formées contre elle,
- condamner M. Y... à lui payer la somme de 15 000 € en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 24 février 2016, M. Y..., ès qualités, prie la Cour de :
- vu le règlement CE no 1346/ 2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d'insolvabilité, les articles 710-1, 1275, 1317, 1832 et suivants du Code civil, L. 643-1 et L. 670-1 et suivants du Code de commerce, les dispositions de la loi anglaise sur les faillites de 1986 (Insolvency Act 1986),
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il lui a déclaré inopposables les hypothèques consenties par M. X... sur les deux biens et les ventes de ces biens à la SCI Tiger,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité l'inopposabilité aux sommes restant dues aux créanciers,
- statuant à nouveau,
- in limine litis :
- dire recevables les pièces qu'il a communiquées,
- le dire recevable en son action et ses demandes,
- dire que les deux hypothèques et les deux ventes lui sont inopposables,
- dire qu'en conséquence M. X... est resté seul propriétaire des deux biens immobiliers
-dire qu'en vertu du droit anglais applicable aux faillites (Insolvency Act 1986), il est, lui, intimé, le propriétaire des biens immobiliers,
- en conséquence, constater l'occupation illégale des biens par M. X..., et ordonner son expulsion,
- à titre subsidiaire,
- constater la fictivité de la société Tiger, dire que les biens immobiliers n'ont jamais quitté le patrimoine de M. X..., dire que lui-même, intimé, est le propriétaire de ces biens,
- en tout état de cause,
- débouter la société Tiger et les consorts X... de l'intégralité de leurs demandes,
- ordonner la publication de l'arrêt au service de la publicité foncière compétent,
condamner la société Tiger et les consorts X... à lui payer solidairement la somme de 50 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, dépens en sus.
Par dernières conclusions du 3 mars 2016, la SA Banque patrimoine immobilier (BPI) demande à la Cour de :
- dire que l'action paulienne exercée par M. Y..., ès qualités, ne peut atteindre que l'auteur et les complices de la fraude et qu'elle est sans effet sur ses droits,
- dire que ses créances seront réglées en priorité selon le rang de ses inscriptions sur le prix de vente en cas de réalisation des biens immobiliers,
- sur le caractère fictif de la société Tiger,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Y..., ès qualités, de sa demande,
- subsidiairement,
- dire que l'action en simulation exercée par M. Y..., ès qualités, ne saurait nuire à ses droits acquis,
- condamner M. Y..., ès qualités, à lui payer la somme de 2 000 € en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile, dépens en sus.
SUR CE
LA COUR
Considérant que, la clôture ayant été prononcée le 10 mars 2016, les dernières conclusions de M. Y..., ès qualités, notifiées le 24 février 2016, sont recevables, les appelants ayant eu le temps d'en prendre connaissance et d'y répondre ;
Considérant, sur la recevabilité des pièces de M. Y..., ès qualités, numéros :
-6 (résumé, par M. Stuart B..., solicitor, appartenant au cabinet Osborne Clarke, de la décision de la High Court du 28 mai 2010),
-30 (consultation du 24 août 2012 du cabinet Osborne Clarke sur les " procès en deux temps ou split trials "),
-39 (premier affidavit de M. David A...),
-63 (second affidavit de M. David A...),
-64 (attestation de M. Hugh C..., barrister),
recevabilité qui est contestée par les appelants, qu'en tant que ces pièces ont été communiquées par cet intimé avant la clôture, elles sont recevables, des pièces nouvelles pouvant, de surcroît, être produites en cause d'appel ;
Que, toutefois, les appelants soutiennent que ces pièces seraient incomplètes et rédigées par " une partie intéressée à la cause ", s'agissant, notamment, des affidavits fournis par M. David Alexander A..., solicitor ayant appartenu au cabinet Osborne Clarke, relatifs au contenu du droit anglais applicable ; qu'il est constant que le cabinet de solicitors Osborne Clarke a représenté en justice la société Wirecard, créancière de M. X... ; que, dans ses deux attestations, M. A... ne se borne pas à expliquer le contenu du droit anglais, mais l'applique à la cause dans un sens favorable à la thèse soutenue par M. Y..., ès qualités ; que l'attestation de M. C... qui confirme que les déclarations de M. A..., sur le contenu du droit anglais, sont exactes, est insuffisante à établir l'objectivité de l'avis donné ;
Que les pièces précitées, qui ne comportent pas de garanties suffisantes pour emporter la conviction de la Cour, doivent être écartées des débats, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il a rejeté la demande en ce sens ;
Considérant, sur la preuve du droit anglais applicable, qu'il appartient au juge de vérifier le sens et la portée de la loi étrangère ; que les règles permettant de trouver une issue au litige se trouvent dans la loi anglaise sur les faillites de 1986 (Insolvency Act 1986) à laquelle cette Cour a accès, sur laquelle les parties s'appuient et qui est dans les débats, cette loi étant visée dans les conclusions des consorts X... et de M. Y..., ès qualités ;
Considérant, sur la recevabilité de l'action de M. Y..., ès qualités, que selon l'article 4 du règlement CE no 1346/ 2000 du 29 mai 2000, relatif aux procédures d'insolvabilité, la loi applicable à la procédure d'insolvabilité et à ses effets est celle de l'Etat membre sur le territoire duquel la procédure est ouverte, cette loi déterminant les conditions d'ouverture, le déroulement et la clôture de la procédure d'insolvabilité, notamment les pouvoirs respectifs du débiteur et du syndic ; que si, selon l'article 5. 1 de ce règlement, l'ouverture de la procédure d'insolvabilité n'affecte pas le droit réel d'un créancier ou d'un tiers sur des biens meubles ou immeubles et qui se trouvent, au moment de l'ouverture de la procédure, sur le territoire d'un autre Etat membre, cependant, cette règle ne fait pas obstacle à celles prévues par l'article 4. m) du règlement, " relatives à la nullité, à l'annulation ou à l'inopposabilité des actes préjudiciables à l'ensemble des créanciers " ;
Que la faillite de personne physique (bankruptcy) ayant été ouverte à l'encontre de M. X... par jugement du Tribunal du Comté de Croydon (Royaume-Uni) du 10 mai 2011, le droit anglais de la faillite des personnes physiques est applicable en la cause au sens du règlement précité ;
Que le jugement du 10 mai 2011 mentionne à l'attention du failli (Bankrupt) qu'un administrateur judiciaire (official receiver) inscrit auprès de la Cour est désigné pour administrer son patrimoine, que le failli a des obligations à son égard, ainsi qu'il est indiqué dans la section 291 de la loi sur la faillite de 1986 et qu'il doit, notamment, lui communiquer l'intégralité des actifs composant son patrimoine ;
Qu'il ressort d'un certificat du 1er juillet 2011 du secrétaire d'Etat de la Croydon country Court que M. Y... a été nommé, à compter du 6 juillet 2011, syndic dans la procédure de faillite (trustee of the bankruptcy) de M. X... ; que le 26 octobre 2011, le secrétaire d'Etat de la Croydon Country Court, agissant en vertu de la loi sur les faillites de 1986, a autorisé M. Y..., en qualité de syndic de M. X..., à obtenir une décision devant les juridictions françaises qui dise pour droit que les hypothèques et ventes litigieuses étaient constitutives de ventes sans contrepartie réelle ou significative conformément à la section 339 de la loi sur les faillites de 1986 et qui permette la réintégration de ces biens dans le patrimoine du débiteur puis leur réalisation ; que le 13 avril 2012, Mme Victoria Prime, en qualité d'administratrice judiciaire déléguée (deputy official receiver), considérant que M. X... n'avait pas fourni d'informations suffisantes sur l'existence d'actifs non révélés qui n'étaient pas localisés au Royaume-Uni, a requis de cette juridiction que, conformément à la section 279 de la loi sur l'insolvabilité de 1986, elle ordonnât la suspension du terme de la faillite aussi longtemps que le débiteur ne s'était pas conformé à ses obligations légales ; que, par décision du 3 juillet 2012, cette juridiction, estimant que M. X... avait manqué à ses obligations légales, a ordonné que le délai automatique de décharge de la procédure de faillite (bankrupt's automatic discharge period) serait suspendu aussi longtemps que le failli ne se conformerait pas à celle-ci ;
Qu'il résulte suffisamment du certificat précité du 1er juillet 2011, qui émane du secrétaire d'Etat de la Croydon Country Court, que M. Y... a la qualité de syndic de la faillite (trustee in bankruptcy) de M. X... ; qu'il ressort de l'analyse du statut juridique des syndics au Royaume-Uni du ministère de la justice français, versée aux débats par M. X..., que le syndic peut, sous réserve de l'approbation par le comité des créanciers ou le tribunal, lancer des poursuites judiciaires relatives à des biens inclus dans le patrimoine du failli ; que c'est en vertu d'une telle approbation, émanant de la Croydon Country Court aux termes de l'autorisation du 26 octobre 2011, que M. Y..., en qualité de syndic de M. X..., a introduit la présente instance par acte d'huissier de justice du 12 décembre 2011 ;
Que si, par décision du 19 novembre 2013, la Croydon Country Court a levé la suspension de la dispense automatique et prononcé une décision de dispense de faillite (discharge from Bankruptcy) au profit de M. X..., cependant, cette décision, qui a pour seul effet de libérer M. X... de ses dettes, n'a pas mis fin aux fonctions du trustee au sens de la section 281 de l'Insolvency Act de 1986, cet organe ayant pour mission, selon les sections 322 à 332 de cette loi, de désintéresser les créanciers de la faillite après réalisation des biens qui lui ont été transférés ;
Qu'il ressort de tous ces éléments que les opérations de faillite se poursuivent et que M. Y... a qualité et intérêt à agir à l'encontre des consorts X... et de la SCI Tiger, sur le fondement de l'article 4 du règlement CE no 1346/ 2000 du 29 mai 2000 et de la loi anglaise des faillites de 1986, cette procédure n'étant pas contraire à l'ordre public français ;
Considérant que Mme X... et la société Tiger, qui tirent leurs droits, relativement aux hypothèques et ventes litigieuses, de M. X..., peuvent se voir opposer le droit anglais de la faillite de leur auteur, par application des articles 4 et 5 précités du règlement CE no 1346/ 2000 du 29 mai 2000, dès lors que ces droits ont été constitués postérieurement à la décision de gel des avoirs de M. X... du 7 août 2008 et antérieurement à l'ouverture de la procédure collective le 10 mai 2011 ;
Considérant que le 26 octobre 2011, la Croydon Country Court, sur le fondement de la loi sur les faillites de 1986, a autorisé M. Y..., en qualité de trustee, à obtenir une décision des juridictions françaises qui dise pour droit que les hypothèques du 22 août 2008 sur les biens de Lourmarin et de Paris et les transferts du 18 mars 2010 de ces propriétés à la SCI Tiger étaient constitutifs de transactions sans contrepartie réelle ou significative, conformément aux dispositions de la section 339 de cette loi, et qui permette la réintégration de ces biens dans la patrimoine du débiteur puis leur réalisation ;
Que le guide sur les " Trustee and liquidators in bankruptcies and compulsory liquidations ", versé aux débats par M. X... (pièce no 32 de ce dernier), énumère, au nombre des fonctions du trustee, celle de demander à la juridiction d'annuler une vente d'un bien vendu à un prix inférieur et donc au détriment des créanciers « a trustee or liquidator may apply to court for an order restoring property which a bankrupt or company has disposed of in a way that is unfair to their creditors (for example if, before bankruptcy, a property had been transferred to a relative of the bankrupt for less than its full value) » ; que, dans ce cas, la loi sur les faillites de 1986 donne à la juridiction le pouvoir de prendre les mesures nécessaires pour rétablir la situation qui aurait prévalu si la transaction n'avait pas été conclue ;
Que le syndic agissant en inopposabilité sur le fondement de ces textes, les moyens de la BPI et de la société Tiger, fondés sur les règles de l'action paulienne et sur l'article 1167 du Code Civil français, sont inopérants, le droit anglais de la faillite pouvant leur être opposé, par application des articles 4 et 5 précités du règlement CE no 1346/ 2000 du 29 mai 2000 ;
Considérant qu'au cas d'espèce, les inscriptions d'hypothèques et les ventes litigieuses trouvent leur cause dans la reconnaissance de dette, suivant acte du 22 août 2008 reçu par M. Michel D..., notaire associé, aux termes de laquelle de M. X..., débiteur, a reconnu devoir la somme de 500 000 € à Mme X..., prêteur, " pour divers prêts du montant total de cette somme que ce dernier a consentis au débiteur, à diverses époques, en dehors de la comptabilité du notaire soussigné. Etant ici précisé que cette reconnaissance de dette a été arrêtée directement entre le débiteur et le prêteur, sans le concours ni la participation du notaire soussigné " ;
Que, bien que cette reconnaissance de dette ait été reçue en la forme authentique, cependant, les divers prêts qui en seraient la cause n'ont pas été passés en présence du notaire, ceux-ci résultant des seules énonciations des parties, simplement rapportées par l'officier ministériel, de sorte que cette reconnaissance ne fait pas pleine foi de l'existence des prêts qu'elle renferme et qu'il appartient au juge d'en apprécier le caractère probant, ainsi que l'a fait, à bon droit, le Tribunal ;
Que les consorts X... ne prouvent, par aucun adminicule extérieur à la reconnaissance, la réalité des prêts qui y sont évoqués ; que le Tribunal, par des motifs pertinents que la Cour adopte, après avoir relevé les circonstances ayant présidé à cette reconnaissance, en a exactement déduit que ni l'existence ni le montant de la créance de Mme X... sur son frère n'étaient établis par les consorts X..., de sorte que les hypothèques litigieuses étaient sans cause et que, la totalité du prix des immeubles n'ayant pas été payée, les ventes litigieuses étaient des transactions sans contrepartie réelle ou significative au sens de la loi anglaise précitée ;
Considérant que la juridiction ayant le pouvoir de prendre les mesures nécessaires pour rétablir la situation qui aurait prévalu si la transaction n'avait pas été conclue, c'est à bon droit que le jugement entrepris, faisant application de cette prérogative, a dit les hypothèques et les ventes inopposables au syndic de la faillite ; que, toutefois, il n'entre pas dans les pouvoirs de cette juridiction, qui n'est pas chargée de liquider la procédure collective, de limiter, comme l'a fait le tribunal, les effets de l'inopposabilité aux sommes restant dues aux créanciers, de sorte que le jugement entrepris sera réformé par voie de retranchement concernant les effets de l'inopposabilité ;
Que, concernant les demandes du syndic tendant à ce que cette Cour le déclare propriétaire des biens immobiliers et ordonne l'expulsion de M. X..., d'une part, le syndic a seulement été autorisé le 26 octobre 2011 à obtenir une décision devant les juridictions françaises qui dise pour droit que les hypothèques et ventes litigieuses étaient constitutives de ventes sans contrepartie réelle ou significative conformément à la section 339 de la loi sur les faillites de 1986, une telle décision permettant la réintégration des biens dans le patrimoine du débiteur puis leur réalisation, d'autre part, il vient d'être dit que la juridiction saisie par le syndic a seulement le pouvoir de prendre les mesures nécessaires pour rétablir la situation qui aurait prévalu si la transaction n'avait pas été conclue ;
Qu'ainsi, ni le syndic ni la Cour ne sont investis du pouvoir de dire le syndic propriétaire des biens litigieux ni d'ordonner l'expulsion de M. X... ; qu'en conséquence, ces demandes seront rejetées ;
Considérant que la demande du syndic, tendant à ce que la société Tiger soit déclarée fictive, qui ne se rattache pas directement au mandat ad litem confié à celui-ci, doit être rejetée, une telle décision ne pouvant être qualifiée de mesure nécessaire au rétablissement de la situation qui aurait prévalu si la transaction n'avait pas été conclue ;
Considérant que la BPI, qui avait financé l'acquisition par M. X... des deux biens immobiliers litigieux, et qui n'a pas déchargé ce dernier de sa dette du solde du prêt lors de la vente de ces biens à la société Tiger envers laquelle la banque dispose d'une délégation imparfaite, a déclaré sa créance au passif de la faillite de M. X... le 4 novembre 2011 ;
Qu'il n'entre pas dans les pouvoirs de cette Cour de statuer sur la demande de la BPI tendant à ce qu'il soit jugé que ses créances seront réglées en priorité selon le rang de ses inscriptions sur le prix de vente en cas de réalisation des biens immobiliers, alors que la procédure de faillite est pendante devant les juridictions anglaises, que la mission du trustee n'est pas achevée et qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que les ventes des immeubles au profit de la SCI Tiger étaient inopposables au syndic ; que cette demande doit donc être rejetée et qu'il n'y a pas lieu de donner acte au syndic de ce qu'il reconnaît la créance de la BPI et de ce qu'il s'engage à la régler en priorité sur le boni de liquidation ;
Considérant, sur les demandes de la société Tiger tendant à ce qu'il soit enjoint à la BPI de renoncer à se prévaloir contre elle de la déchéance du terme, à ce qu'elle soit autorisée à reprendre le règlement des échéances des deux prêts et, à défaut, à ce qu'elle soit autorisée à solder ses financements entre les mains de la BPI, que la banque indique que la procédure collective ayant entraîné la déchéance du terme de plein droit selon le contrat initial, elle a refusé les paiements effectués par le prélèvement initialement prévu ;
Que la société Tiger, déléguée, n'établit pas avoir remboursé les prêts en lieu et place du déléguant ; que, par suite, il ne peut être enjoint à la banque, délégataire, de renoncer à la déchéance du terme ; que, toutefois, le délégué, tiers à la procédure collective, conservant son droit d'éteindre sa dette à l'égard du délégataire, il convient de faire droit à la demande de la société Tiger tendant à ce qu'elle soit autorisée à payer le solde des prêts à la BPI, au besoin par la procédure d'offres réelles suivies de consignation ;
Considérant que la solution donnée au litige emporte le rejet de la demande, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, de M. X... ;
Considérant que l'équité ne commande pas qu'il soit fait droit aux demandes, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, de Mme X..., de la société Tiger et de la BPI ;
Considérant que l'équité commande qu'il soit fait droit, sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel, à la demande de M. Y..., ès qualités, comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevables les dernières conclusions de M. Kevin Y..., ès qualités de syndic de la faillite de M. Gerardus X..., notifiées le 24 février 2016 ;
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande tendant à écarter des débats les pièces no 6, 19, 28, 30 et 36 de M. Kevin Y..., ès qualités de syndic de la faillite de M. Gerardus X... et en ce qu'il a donné acte au syndic de ce qu'il reconnaissait la créance de la BPI et de ce qu'il s'engageait à la régler en priorité sur le boni de liquidation ;
Infirme le jugement entrepris, par voie de retranchement, en ce qu'il a limité l'inopposabilité aux sommes restant dues aux créanciers :
Statuant à nouveau de ces chefs :
Ecarte des débats les pièces de M. Kevin Y..., ès qualités de syndic de la faillite de M. Gerardus X..., numéros : 6 (résumé, par M. Stuart B..., solicitor, appartenant au cabinet Osborne Clarke, de la décision de la High Court du 28 mai 2010), 30 (consultation du 24 août 2012 du cabinet Osborne Clarke sur les " procès en deux temps ou split trials "), 39 (premier affidavit de M. David A...), 63 (second affidavit de M. David A...) et 64 (attestation de M. Hugh C..., barrister) ;
Dit que l'inopposabilité des deux hypothèques et les deux ventes à M. Y..., ès qualités de syndic de la faillite de M. Gerardus X..., n'est pas limitée aux sommes restant dues aux créanciers ;
Dit n'y avoir lieu à donner acte au syndic de ce qu'il reconnaît la créance de la SA Banque Patrimoine et immobilier (BPI) et de ce qu'il s'engage à la régler en priorité sur le boni de liquidation ;
Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;
Y ajoutant :
Rejette les demandes de M. Y..., ès qualités de syndic de la faillite de M. Gerardus X..., tendant à ce que :
- le syndic soit déclaré propriétaire des biens immobiliers litigieux et que l'expulsion de M. X... soit ordonnée,
- la SCI Tiger soit déclarée fictive ;
Rejette la demande de la SA Banque Patrimoine et immobilier (BPI) tendant à ce qu'il soit jugé que ses créances seront réglées en priorité selon le rang de ses inscriptions sur le prix de vente en cas de réalisation des biens immobiliers ;
Autorise la SCI Tiger à payer le solde des prêts à la SA Banque Patrimoine et immobilier (BPI,) au besoin par la procédure d'offres réelles suivies de consignation ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne M. Gerardus X... aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;
Condamne M. Gerardus X... à payer à M. Kevin Y..., ès qualités de syndic de la faillite de M. Gerardus X..., la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel.
Le Greffier, La Présidente,