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09/05/2016 | FRANCE | N°15/07987

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 09 mai 2016, 15/07987


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 09 Mai 2016

(n° 361 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/07987



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Juillet 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY RG n° 12/02177



APPELANTES

Mademoiselle [E] [N] ayant droit de Monsieur [V] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1987 à [Localit

é 1]

représentée par Me Michel ZANOTTO, avocat au barreau de PARIS, toque : G0647



Mademoiselle [B] [N] ayant droit de Monsieur [V] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

né...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 09 Mai 2016

(n° 361 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 15/07987

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Juillet 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY RG n° 12/02177

APPELANTES

Mademoiselle [E] [N] ayant droit de Monsieur [V] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 1]

représentée par Me Michel ZANOTTO, avocat au barreau de PARIS, toque : G0647

Mademoiselle [B] [N] ayant droit de Monsieur [V] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 2] 1992 à [Localité 1]

représentée par Me Michel ZANOTTO, avocat au barreau de PARIS, toque : G0647

INTIMEE

SAS ROTHELEC

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Jean-Christophe SCHWACH, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Février 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Patricia DUFOUR, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

- Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseillère faisant fonction de Présidente

- M. Mourad CHENAF, conseiller,

- Mme Patricia DUFOUR, Conseiller

Greffier : Mme Fanny MARTINEZ, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, conseillère faisant fonction de présidente, et par MadameCécile DUCHE-BALLU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Suivant contrat à durée indéterminée en date du 18 mars 2010, la SAS ROTHELEC a embauché Monsieur [V] [N] en qualité de voyageur représentant placier exclusif, ci-après VRP, sur la base d'une rémunération égale à une commission mensuelle comprenant une somme correspondant à 8% du CA HT mensuel net des remises et du coût du crédit éventuel des commandes réalisées sur tous les produits et services ainsi qu'une prime sur chiffres d'affaires variable en fonction du CA réalisé.

La SAS ROTHELEC garantit à son salarié pour chaque trimestre effectué une rémunération minimale.

La SAS ROTHELEC, dont l'activité est la fabrication et la vente d'appareils électroménagers, compte plus de onze salariés et la relation de travail est régie par la convention collective des voyageurs, représentants placiers du 3 octobre 1975.

Par lettre notifiée le 16 avril 2012, la SAS ROTHELEC a convoqué Monsieur [N] à un entretien préalable fixé au 3 mai 2012 et lui a confirmé la mise à pied à titre conservatoire notifiée oralement le 13 avril 2012.

Le salarié ne s'est pas présenté à cet entretien et par courrier notifié le 11 mai 2011, la SAS ROTHELEC a transmis à Monsieur [N] les griefs qui lui étaient reprochés.

Par lettre notifiée le 25 mai 2012, la SAS ROTHELEC a licencié son salarié pour faute grave.

Contestant son licenciement, Monsieur [N] a saisi le Conseil des Prud'Hommes de Bobigny, le 13 juin 2012 d'une demande tendant en dernier lieu à obtenir le paiement d'un rappel de commissions, des indemnités liés à son licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par décision en date du 24 juillet 2015, le conseil des prud'Hommes a considéré que le licenciement pour faute grave était bien fondé et justifié, a condamné la SAS ROTHELEC au paiement d'une somme au titre de rappel de commissions, a débouté Monsieur [N] du surplus de ses demandes et l'a condamné au paiement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le 31 juillet 2015, Mesdames [E] [N] et [B] [N], ayants droit de Monsieur [V] [N], ont fait appel de la décision.

Elles demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement de Monsieur [N] reposait sur une faute grave,

- de juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et de condamner la SAS ROTHELEC à leur payer les sommes suivantes :

** 8.674,32 € à titre de rappel de salaire fixe,

** 867,43 € au titre des congés payés afférents,

** 26.040 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

** 1126,51 € à titre de rappel sur les commissions,

** 112,65 € au titre des congés payés afférents,

** 6.510 € à titre de salaire afférent à la mise à pied,

** 651 € au titre des congés payés afférents,

** 13 .020€ à titre d'indemnité de préavis,

** 1.302 € à titre des congés payés y afférents,

** 140.160 € à titre d'indemnité de clientèle,

** 104.160 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

** 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- d'ordonner la remise des documents sociaux conformes, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir,

- dire et juger que les condamnations à intervenir seront assorties de l'intérêt au taux légal à compter de l'introduction de l'instance,

- confirmer pour le surplus la décision déférée,

- condamner la SAS ROTHELEC aux dépens.

La SAS ROTHELEC demande à la cour de confirmer le jugement déféré, subsidiairement de déclarer la demande d'indemnité de clientèle non fondée, de prendre acte de son versement des sommes mises à sa charge au titre du rappel de commissions et des congés payés afférents et condamner Mesdames [N], ès qualités, à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 8 février 2016, reprises et complétées à l'audience.

Motivation

Sur le rappel de salaire fixe et la demande pour travail dissimulé :

Il résulte de l'application de l'article L. 7311-2 du Code du travail que lorsqu'un salarié exerce de façon effective et habituelle des fonctions de représentant, il bénéficie d'un statut légal et que, lorsqu'en raison de sa compétence, la société ajoute accessoirement à ses fonctions une activité d'assistance technique, cette activité exercée pour le compte de son employeur est complémentaire de ses tâches de représentation et donne lieu à la signature d'un autre contrat de travail accessoire fixant la rémunération.

Mesdames [N], ès qualités, exposent qu'avant toute prestation commerciale le salarié était tenu de réaliser une prestation thermique du lieu à équiper, activité qui ne se confondait pas avec la vente de radiateurs alors que l'activité de VRP implique un exercice exclusif de constant de la profession de représentant.

Dès lors, elles considèrent que cette activité complémentaire exercée conjointement devait donner lieu à la signature d'une convention séparée et, en son absence, demandent la condamnation de l'employeur au paiement des heures ainsi effectuées sur la base, au moins, du SMIC.

Au soutien de la demande, elles versent aux débats un décompte des heures concernées.

La SAS ROTHELEC conteste le bien fondé de la demande au motif que l'activité concernée est incluse dans le contrat de travail.

Le contrat de travail versé aux débats dispose, effectivement, que le VRP doit, entre autres, réaliser une étude thermique. Toutefois, cette activité n'est pas une activité de représentation mais une activité complémentaire à caractère technique, qui aurait dû faire l'objet, en application du texte précité, d'un autre contrat de travail prévoyant le paiement d'un salaire.

Cette activité n'est pas contestée par l'employeur et les ayants droit de Monsieur [N] étayent leur demande à laquelle au vu des documents produits aux débats, il convient de faire droit à hauteur de 8.674,32 € à titre de rappel de salaire fixe, outre 867,43 € au titre des congés payés afférents, compte-tenu ce que l'employeur, qui ne conteste pas la réalité de ces interventions, n'apporte aucun élément à la Cour de les chiffrer. Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [N] de cette demande.

En revanche, faute de démontrer une intention frauduleuse de la part de la SAS ROTHELEC, Mesdames [N] sont déboutés de leur demande d'indemnité pour travail dissimulé. Le jugement déféré est confirmé en cette disposition.

Sur le rappel au titre des commissions :

Mesdames [N] sollicitent la somme de 1.126, 51 € au titre du rappel de commissions et celle de 112,65 € au titre des congés payés afférents.

La SAS ROTHELEC ne conteste pas les sommes réclamées dont il indique avoir effectué le paiement, ce que les ayants droit de Monsieur [N] ne contestent pas.

Le jugement déféré est confirmé en cette disposition. Il convient de prendre acte des versements effectués par la SAS ROTHELEC.

Sur le licenciement pour faute grave :

Selon les termes de l'article L. 1232-1 du Code du travail, tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse. La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit la prouver.

Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables. En outre, en application de l'article L. 1232-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Enfin, un même fait fautif ne peut donner lieu à double sanction.

En application de l'article L. 1232-6 du Code du travail, la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige.

En l'espèce, la lettre de licenciement notifiée à Monsieur [N] contient les griefs suivants :

- la tenue de propos déplacés concernant l'intégralité de la hiérarchie de l'entreprise,

- l'envoi d'un mail dénigrant le management de la société,

- l'octroi de congés sans l'accord de son supérieur hiérarchique.

Sur la tenue de propos déplacés concernant l'intégralité de la hiérarchie de l'entreprise :

La SAS ROTHELEC reproche à Monsieur [N] les termes qu'il a employés au cours d'une conversation téléphonique avec Monsieur [M], son responsable de secteur

Au soutien de ce grief, elle verse aux débats une attestation de Monsieur [U] [M], responsable commercial, qui relate une conversation téléphonique en date du 4 avril 2011 cours de laquelle, après lui avoir fait part de ses problèmes au quotidien, Monsieur [N] avait changé de ton pour s'en prendre à la hiérarchie de l'entreprise la qualifiant « d'incapable », avait déclaré que Monsieur [P], directeur du Développement et de la Coordination, 'qu'il n'avait pas à se soucier de son salaire et plie dans le sens du vent », avait dit de Madame [I], responsable du service client « pour qui se prend-elle celle là », avait déclaré que la comptabilité « faisait des erreurs tous les mois de quelques euros », avait traité Monsieur [E], président,' d'incapable' et s'était vanté de lui « avoir donné des pistes en matière de marketing' mais que ce dernier n'en aurait pas tenu compte n'étant épaulé que par des gens peu soucieux de faire progresser l'entreprise.

Monsieur [M] ajoute que, dans la suite de la conversation, Monsieur [N] a traité d'incapables toutes les strates de l'entreprise à commencer par la direction qui 'n'a aucune imagination pour faire rentrer des coupons et utilise toujours les mêmes moyens qui sont obsolètes, preuve de l'incompétence de ses dirigeants'.

Il précise avoir réagi aux propos et avoir demandé à Monsieur [N] de respecter la voie hiérarchique et de lui transmettre toute demande aux différents services du siège, ajoutant que le salarié était en conflit permanent avec ces derniers qu'il qualifiait de 'parasites inutiles'.

Pour contester les propos qui sont reprochés, est versé aux débats une main courante déposée par Monsieur [N] le 20 avril 2012 ainsi que des courriels qu'il a adressés tant à Monsieur [M], qu'à Monsieur [P].

Dans la main courante et les courriels, Monsieur [N] expose qu'il n'a pas tenu les propos prêtés et n'a fait que répondre à l'agressivité et aux menaces que Monsieur [M] avait proférées à son encontre sans toutefois verser aux débats d'éléments précis étayant les propos que lui aurait tenus le cadre commercial, étant précisé que les propos litigieux, tels que rapportés dans la main courante, traduisent plus de l'agacement que de l'agressivité et ne sauraient être assimilés à des menaces.

En revanche, les propos rapportées par Monsieur [M] dans son attestation sont précis et circonstanciés et que caractère probant ne peut être remis en cause par le fait que leur auteur était le responsable commercial de la SAS ROTHELEC et le supérieur hiérarchique direct de Monsieur [N].

D'ailleurs, les propos de Monsieur [M] sont corroborés par ceux de Monsieur [L] [O], cadre commercial. En effet, dans l'attestation versée aux débats, il évoque sa rencontre avec Monsieur [N],le 5 avril 2011, en présence de Monsieur [M], et le fait que le salarié avait confirmé la teneur de la conversation de la veille et le fait que les reproches formulés s'adressaient à l'ensemble de la hiérarchie.

Il ressort de ces éléments que la SAS ROTHELEC démontre que Monsieur [N] a tenu des propos de dénigrement à l'encontre de la hiérarchie de l'entreprise.

Le grief reproché est donc établi.

Sur l'envoi d'un mail dénigrant le management de la société :

Pour justifier de ce grief, la SAS ROTHELEC verse aux débats le courriel adressé par Monsieur [N] à Monsieur [M] le 4 avril 2012 qui mentionne:

'Je fais suite à notre entretien téléphonique de ce soir dans lequel tu me dis qu'il vaut mieux que je rentre dans le moule rothelec afin d'éviter qu'ils me pourrissent la vie. En partant de ce principe, dois-je te demander l'autorisation si je dois acheter un rouleau de PQ parce que ce management me donne la chiasse''.

Si tout salarié bénéficie d'une liberté de parole dont bénéficie tout salarié, il lui incombe, toutefois, de ne pas tenir de propos excessifs dénigrant l'employeur.

En l'espèce, les pièces versées aux débats démontrent que les relations entre Monsieur [M] et Monsieur [N] sont très fréquentes et empreintes de peu de formalisme.

Toutefois, le cadre commercial est le supérieur hiérarchique direct de Monsieur [N] et les propos écrits sont excessifs et traduisent un dénigrement de la hiérarchie qui est renforcé par la communication en pièce jointe de la couverture d'un livre intitulé 'L'oligarchie des incapables'.

Le grief est donc établi.

Sur l'octroi de congés sans l'accord de son supérieur hiérarchique :

La SAS ROTHELEC reproche à Monsieur [N] d'avoir posé des congés au cours du mois de mai 2012 sans respecter la procédure alors que le contrat de travail dispose que les congés payés doivent être déterminés par accord entre la direction et le salarié compte-tenu des nécessités du service et de la nature de l'activité de la société.

Pour justifier du bien fondé de ce grief, la SAS ROTHELEC verse aux débats un courriel adressé par Monsieur [N] à Monsieur [Z] responsable des ressources humaines, le 4 avril 2012 par lequel il transmet deux demandes de deux jours de congés.

Il apparaît que le salarié a bien formulé une demande de congés, que son supérieur hiérarchique direct, Monsieur [M], est en copie et que la SAS ROTHELEC de démontre pas en quoi la formulation de cette demande ne respectait pas la procédure imposée.

Le grief n'est donc pas établi.

Il ressort des éléments exposés ci-dessus que les faits de tenue de propos déplacés concernant l'intégralité de la hiérarchie de l'entreprise et de dénigrement à son égard sont établis et justifient le bien fondé du licenciement de Monsieur [N].

Toutefois, la SAS ROTHELEC ne démontre pas que le comportement du salarié justifiait qu'il ne puisse exécuter de préavis, d'autant qu'il n'avait fait l'objet d'aucune mesure disciplinaire préalablement et que sont versées aux débats des lettres de l'employeur le félicitant pour ses performances. Dès lors, il convient de considérer que le licenciement pour faute grave n'est pas justifié et qu'il convient de le requalifier en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a considéré comme fondé le licenciement pour faute grave.

Sur les conséquences du licenciement pour cause réelle et sérieuse,

Les ayants droit de Monsieur [N] retiennent un salaire mensuel brut moyen de 4.340 €, montant que la SAS ROTHELEC ne conteste pas.

Il ressort des pièces versées aux débats que Monsieur [N] a cessé de travailler à compter du 13 avril 2012 et a été licencié le 25 mai 2012.

Dès lors, et en application des dispositions de l'article L. 1232-2 du Code du travail, la SAS ROTHELEC est condamné à payer à Mesdames [E] [N] et [B] [N], ès qualités, la somme de 6.510 € à titre de rappel de salaires pendant la période de mise à pied à titre conservatoire et celle de 651 € au titre des congés payés afférents.

Les sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2012, date de réception par la SAS ROTHELEC de la convocation devant le bureau de conciliation.

Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [N] de cette demande.

Au moment de son licenciement, Monsieur [N] justifiait chez le même employeur d'une ancienneté de services continus supérieure à deux ans. En application des dispositions de l'article 1234-1, il avait droit à un préavis d'une durée de trois mois non contesté par la SAS ROTHELEC.

La société est donc condamnée à payer à ses ayants droit la somme de 13.020 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 1.302 € au titre des congés payés afférents.

Les sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2012.

Le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [N] de cette demande.

Selon les dispositions de l'article L. 7313-13 du Code du travail 'En cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l'employeur, en absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a doit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.

Le montant de cette indemnité de clientèle tient compte des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour le même objet ainsi que des diminutions constatées dans la clientèle préexistante et imputables au salarié'.

Il résulte de l'application de ce texte que l'indemnité légale de licenciement et l'indemnité de clientèle ne se cumulent pas. Toutefois, le rejet d'une demande portant sur une indemnité de clientèle entraîne pour les juges du fond l'obligation de statuer sur le droit à l'indemnité légale de licenciement qui constitue le minimum auquel le salarié peut prétendre et dont le montant est inclus dans la demande d'indemnité de clientèle.

Il n'existe pas de règle légale d'évaluation de cette indemnité dont le quantum relève de l'appréciation souveraine des juges sur la base du chiffrage de la part de clientèle apportée, créée ou développée personnellement par le VRP. Dès lors, les facilités accordées par l'employeur ou sa participation active peuvent constituer des facteurs de pondération, pondération dont l'employeur est tenu de rapporter la preuve.

L'indemnité peut aussi être minorée lorsque le VRP a perdu, de son fait, d'anciens clients.

En l'espèce, Mesdames [N], ès qualités, sollicitent la somme de 104.160 €.

Au soutien de leur demande, elles versent aux débats un état identifiant 213 nouveaux clients apportés à compter de 2010 par Monsieur [N] à la SAS ROTHELEC et indiquant, pour chacun d'entre eux, le montant de la vente réalisée.

Les ayants droit font valoir que leur père n'a bénéficié d'aucun fichier clients lors de sa prise de fonction et qu'il avait lui-même créé sa clientèle à partir de démarches personnelles associées aux demandes d'information qui émanaient de prospects potentiels.

La SAS ROTHLEC conteste le bien fondé de la demande et expose que le VRP a réalisé ses ventes à partir des coupons ou coordonnés de clients potentiels qu'elle lui a transmis et qu'il n'a pas personnellement développé de clientèle dans la mesure où elle lui a été fournie par le biais de ses investissements marketing, ajoutant que Monsieur [N] ne bénéficiait pas d'une exclusivité sur son secteur.

Au vu des pièces transmises, il apparaît que la SAS ROTHELEC ne verse aux débats aucun élément démontrant que Monsieur [N] n'a pas réalisé les ventes figurant sur le listing de ses clients exposé ci-dessus.

En outre, si l'employeur justifie de prospections effectuées par elle-même ou d'autres vendeurs ainsi que d'une campagne nationale d'économie d'énergie qu'elle a mise en place et d'un coupon client remis au VRP, elle ne rapporte pas la preuve que l'intégralité des ventes effectuées par Monsieur [N] résulte d'une démarche qu'elle a préalablement engagée.

Toutefois, il est incontestable qu'une partie des ventes effectuées résulte de démarches personnelles de Monsieur [N] mais que la somme réclamée doit être pondérée par la notoriété de la marque, la remise de coupons et la campagne nationale d'économie d'énergie.

Dès lors, l'indemnité de clientèle peut être fixée à la somme de 50.000 €.

La SAS ROTHELEC est donc condamnée au paiement de cette somme.

Le jugement déféré est infirmé en ce qu'l a débouté Monsieur [N] de cette demande.

Il convient d'ordonner à la SAS ROTHELEC de remettre aux ayants droit de Monsieur [N] les documents sociaux conformes à la présente décision.

Toutefois, il convient de débouter Mesdames [N], ès qualités, de leur demande de remise de documents sous astreinte, faute pour elles de rapporter la preuve d'un risque de non exécution, par la SAS ROTHELEC, de la présente décision.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé en cette disposition.

La SAS ROTHELEC est condamnée aux dépens.

Pour faire valoir leurs droits, Mesdames [N], ès qualités, ont dû engager des frais non compris dans les dépens. La SAS ROTHELEC est condamnée à leur payer la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

La SAS ROTHELEC est déboutée de cette demande.

Par ces motifs, la cour,

- confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS ROTHELEC à payer à Monsieur [V] [N] la somme de 1.126,51 € à titre de rappel de commissions et 112,65 € au titre des congés payés afférents et a débouté Monsieur [N] de ses demandes pour d'indemnité pour travail dissimulé, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de remise des documents sociaux sous astreinte,

- l'infirme en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau sur ces demandes et y ajoutant,

- condamne la SAS ROTHELEC à payer à Mesdames [E] [N] et [B] [N], ès qualités d'ayants droit de Monsieur [V] [N], les sommes suivantes:

** 8.674,32 € à titre de rappel de salaire fixe,

** 867,43 € au titre des congés payés afférents,

- prend acte du versement par la SAS ROTHELEC de la somme de 1.126,51 € au titre du rappel de commissions et de celle de 112,65 € au titre des congés payés y afférents,

- requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- condamne la SAS ROTHLEC à payer à Mesdames [E] [N] et [B] [N], ès qualités d'ayants droit de Monsieur [V] [N] les sommes suivantes:

** 6.510 € à titre de rappel de salaires durant la période de mise à pied conservatoire,

** 651 € au titre des congés payés afférents,

** 13.020 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

** 1.302 € au titre des congés payés afférents,

** 50.000 € au titre de l'indemnité de clientèle,

- dit que la somme due au titre de l'indemnité de clientèle portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision et les autres sommes à compter du 15 juin 2012, date de réception par la SAS ROTHELEC de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation,

- ordonne à la SAS ROTHELEC de remettre à Mesdames [E] [N] et [B] [N], ès qualités d'ayants droit de Monsieur [V] [N], les documents sociaux conformes à la présente décision,

- déboute Mesdames [E] [N] et [B] [N], ès qualités d'ayants droit de Monsieur [V] [N], pour le surplus,

- condamne la SAS ROTHELEC aux dépens,

Vu l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamne la SAS ROTHELEC à payer à Mesdames [E] [N] et [B] [N], ès qualités d'ayants droit de Monsieur [V] [N], la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- déboute la SAS ROTHELEC de cette demande.

Le greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 15/07987
Date de la décision : 09/05/2016

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°15/07987 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-09;15.07987 ?
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