Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2 - Chambre 2
ARRÊT DU 06 MAI 2016
(n° 2016- , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/24322
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2014 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 13/10060
APPELANTS
Monsieur [X] [W]
Né le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Assisté de Me Audrey BERGEL, avocat au barreau de PARIS, toque : R 049, substituant Me Renaud SEMERDJIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : R 049
Madame [K] [I] épouse [W]
Née le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 3]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Assistée de Me Audrey BERGEL, avocat au barreau de PARIS, toque : R 049, substituant Me Renaud SEMERDJIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : R 049
INTIMES
Monsieur [C] [T]
Né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 4]
Chez Madame [V] [S]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Assisté de Me Raymond DEHORS, avocat au barreau de PARIS, toque : P 375
Monsieur [H] [T]
Né le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représenté par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Assisté de Me Raymond DEHORS, avocat au barreau de PARIS, toque : P 375
Madame [V] [S]
Née le [Date naissance 4] 1945 à [Localité 8]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515
Assistée de Me Raymond DEHORS, avocat au barreau de PARIS, toque : P 375
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 février 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Annick HECQ CAUQUIL, conseillère, et Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente de chambre, chargée d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente de chambre
Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère
Madame Isabelle CHESNOT, conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Malika ARBOUCHE
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente de chambre et par Monsieur Guillaume LE FOERSTIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
******
Se prévalant de prêts de sommes d'argent, les époux [W] ont assigné [C] [T], [H] [T], et [V] [S] par actes des 12, 13 et 14 juin 2013 en remboursement sur la base de trois reconnaissances de dettes en date des 28 janvier et 28 mars 1991, et 7 décembre 2004. Ils demandent au surplus la réparation du préjudice résultant de la résistance abusive des défendeurs.
Par jugement contradictoire du 25 novembre 2014, le tribunal de grande instance de Paris a débouté l'ensemble des parties de leurs demandes en se fondant sur l'insuffisance des preuves rapportées à l'appui de leurs prétentions respectives. Il a condamné les demandeurs au paiement de 3'000 € au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.
Les époux [W] ont interjeté appel le 2 décembre 2014 et les consorts [T]-[S] ont formé un appel incident le 4 mai 2015.
Par dernières conclusions du 3 juillet 2015, [X] et [K] [W] au visa des articles 1132, 1134, 1326 et 1382 du code civil, et l'article L.512-1 du code de commerce, demandent à la Cour de':
- déclarer recevable et bien fondé l'appel interjeté des époux [W]';
- déclarer les époux [W] recevables et bien fondés sur l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions';
- débouter les débiteurs de leur appel incident.
Y faisant droit, à titre principal,
- dire et juger valides':
* les reconnaissances de dettes des 28 janvier et 28 mars 1991 signées et souscrites par les débiteurs auprès des époux [W]';
* la reconnaissance de dette du 7 décembre 2004 signée et souscrite personnellement par Monsieur [C] [T] auprès des époux [W]';
* les deux billets à ordre signés par les débiteurs le 28 mars 1991 attestant de la remise des sommes de 200'000 francs et 450'000 francs relatives aux reconnaissances de dettes des 28 janvier et 28 mars 1991.
En conséquence':
- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris en date du 25 novembre 2014 en ce qu'il a débouté les époux [W] de leurs demandes, et condamner les époux [W] à verser aux débiteurs la somme totale de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile';
- confirmer ledit jugement pour le surplus';
- condamner solidairement les débiteurs à payer aux époux [W] la somme de 99'091 € avec intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2013 et capitalisation des intérêts';
- condamner personnellement Monsieur [C] [T] à payer aux époux [W] la somme de 50'000 € a minima 20'000 €, avec intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2013 et capitalisation des intérêts ;
- condamner solidairement les débiteurs à payer aux époux [W] la somme de 10'000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de leur résistance abusive dans l'exécution de leurs obligations ;
A titre subsidiaire,
- désigner tel expert graphologue qu'il plaira à la cour de céans, avec la mission habituelle en la matière concernant les écritures et signatures portées sur les reconnaissances de dettes et billets à ordre produits par les époux [W] au soutien de leurs prétentions.
En tout état de cause,
- condamner les intimés à verser aux époux [W] la somme de 7'500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à parfaire';
- condamner les intimés en tous dépens de l'instance, lesquels pourraient être recouvrés par le conseil des appelants sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
Par des dernières conclusions du 4 mai 2015, [C] [T], [H] [T], et [V] [S], au visa des articles 1326, 1108 et 1131 du code civil demandent à la cour de':
* sur l'appel principal des époux [W], de dire et juger irrecevable eT mal fondé l'appel principal interjeté par les époux [W] et de confirmer le jugement du 25 novembre 2014 en ce qu'il a débouté les époux [W] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions';
* sur l'appel incident des consorts [T]-[S], d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts de leurs demandes reconventionnelles indemnitaires,
en statuant à nouveau de ce seul chef,
- condamner in solidum, les époux [W] au paiement de la somme de 2 500 € à titre de dommages et intérêts au profit de [H] [T]';
- condamner in solidum, les époux [W] au paiement de la somme de 2 500 € à titre de dommages et intérêts au profit de [C] [T]';
- condamner in solidum, les époux [W] au paiement de la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts au profit de [V] [S]';
- condamner in solidum, les époux [W] au paiement à Monsieur [C] [T], Monsieur [H] [T], et Madame [V] [S] d'une indemnité de 5'000 € à chacun par application de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamner in solidum les époux [W] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat aux offres de droits, qui pourra les recouvrer directement, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure civile.
L'ordonnance de clôture date du 20 janvier 2016.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions sus-visées.
Ceci étant exposé, la Cour :
Les époux [W] produisent pour justifier leurs demandes trois reconnaissances de dettes :
- dans la première du 28 janvier 1991, [C] [T], [H] [T], et [V] [S] reconnaissent devoir à Monsieur et Madame [W] la somme de 200'000 francs figurant en chiffres et en lettres dans le corps de la reconnaissance. En bas du document, plusieurs mentions d'écritures différentes indiquent pour la première ''Bon pour la somme de deux cent mille francs, pour la deuxième ' Bon pour la somme quatre (raturé avec une mention illisible en dessous) cent cinquante mille francs' et pour la troisième 'Bon pour la somme de quatre cent cinquante mille francs' suivent les signatures. Un billet à ordre émis le 28 mars 1991 par [C] [T], [H] [T], et [V] [S] pour un montant de 450 000 Francs est agrafé à la reconnaissance de dette.
- dans la seconde du 28 mars 1991, [C] [T], [H] [T], et [V] [S] reconnaissent devoir à Monsieur et Madame [W] [X] la somme de 450'000 Francs figurant en chiffres et en lettres. L'acte mentionne en bas de page trois mentions manuscrites d'écriture différente et sans ratures mentionnant 'Bon pour la somme de quatre cent cinquante mille francs', suivent les signatures. Un billet à ordre émis le 28 mars 1991 par [C] [T], [H] [T], et [V] [S] pour un montant de 200 000 Francs est agrafé à la reconnaissance de dette.
- dans la troisième du 7 décembre 2004, [C] [T] reconnaît devoir la somme de 50'000 euros à Monsieur et Madame [W] [X] mais au bas du document il est mentionné: 'Lu et approuvé Bon pour la reconnaissance de dette de la somme de 'illisible'mille euros plus les 'illisible' suit la signature de Monsieur [C] [T]. Deux chèques en original tirés sur le compte de la banque HSBC de Monsieur [T] sont joints à l'acte. La banque HSBC atteste le 2 novembre 2006 du rejet du chèque daté du 2 novembre 2006 pour insuffisance de provision. La photocopie d'un troisième chèque de 5000€ du 1er août 2006 est également joint à ces documents.
Les appelants expliquent l'ancienneté de leur créance et le manque de rigueur formelle de ces actes par les relations amicales entretenues depuis de nombreuses années et la réalité de leurs créances par l'absence de réaction suite à la mise en demeure de payer.
Les débiteurs qui évoquent l'ancienneté des créances, contestent principalement la régularité formelle des actes de reconnaissance de dette ne contestent pas les avoirs souscrites ou avoir remboursé leurs créanciers. Ils font grief aux demandeurs de ne pas rapporter la preuve de la cause de l'engagement, de la remise effective des fonds, et de l'obligation de restitution d'une somme précise et estiment que les billets à ordre et chèque ne caractérisent que des mouvements financiers basés sur l'entraide communautaire.
A titre préliminaire, il convient de relever que nonobstant l'ancienneté de ces actes, l'action en paiement n'est pas prescrite au regard de la loi du n°2008-561 portant réforme des prescriptions en matière civile.
Aux termes de l'article 1326 du code civil ''L'acte juridique par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible doit être constaté dans un titre qui comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous seing privé vaut pour la somme écrite en toutes lettres.''
La rature contenue dans la reconnaissance de dette du 28 janvier 1991 et le caractère illisible de la mention littérale de reconnaissance par Monsieur [T] dans celle du 7 décembre 2004 entachent la validité de ces deux actes. En revanche, la reconnaissance de dette datée du 28 mars 1991 est conforme aux exigences de l'article 1326 du code civil et les deux autres actes constituent des commencement de preuve par écrit.
L'engagement des débiteurs est conforté par :
- deux billets à ordre émis le 28 mars 1991, dont les originaux sont constatés par procès-verbal d'huissier en date du 18 février 2015, et dont ils affirment la régularité au vu des conditions de l'article 512-1 du Code de commerce.
- trois lettres de mise en demeure, la première du 3 avril 2013 à l'encontre des débiteurs, les autres du 3 avril et 28 mai 2013 à l'encontre de [C] [T].
- trois chèques de 5000 euros chacun tiré sur le compte HSBC de Monsieur [C] [T] du 1er septembre 2005 et 15 septembre 2005 et 1er août 2006 (photocopie uniquement). Le chèque du 1er septembre 2005 a été rejeté pour insuffisance de provision comme en témoigne l'attestation bancaire du 2 novembre 2006. Le chèque de 15 septembre 2006 ne semble pas avoir été présenté à l'encaissement.
Il n'est pas contesté que les parties, originaires du même village de l'Aveyron, ont entretenu des relations amicales et professionnelles ; qu'elles se sont entraidées durant des années.
Force est de constater que les engagements pris par [C] [T], [H] [T], et [V] [S] n'ont pas été respectés par eux et que dès lors, ils doivent être condamnés solidairement au remboursement de leurs créances soit à hauteur de 450 000 Francs et 200 000 Francs soit 99 091,86 € pour [C] [T], [H] [T], et [V] [S] et pour 50 000 € en sus pour Monsieur [C] [T] avec les intérets légaux à compter du 3 avril 2013,date de la mise en demeure étant relevé que l'anatocisme est de droit.
En conséquence, le jugement sera infirmé.
La résistance abusive injustifiée des débiteurs dans le cadre de cette instance, alors qu'ils bénéficiaient de prêts d'argent sans intérêts depuis de nombreuses années justifie qu'ils soient condamnés solidairement au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 8 000 €.
L'équité justifie qu'en outre ils supportent les frais irrépétibles exposés par les appelants à hauteur de 5 000€outre les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour:
Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 25 novembre 2014 ;
Condamne solidairement [C] [T], [H] [T], et [V] [S] à payer à Monsieur et Madame [X] [W] la somme de 99 091,86 € avec les intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2013 au titre des reconnaissances de dettes des 28 janvier et 28 mars 1991 avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
Condamne Monsieur [C] [T] à payer à Monsieur et Madame [X] [W] la somme de 50 000 € avec les intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2013 au titre de la reconnaissance de dette du 7 décembre 2004 avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
Condamne solidairement [C] [T], [H] [T], et [V] [S] à payer à Monsieur et Madame [X] [W] la somme de 8 000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et à la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement [C] [T], [H] [T], et [V] [S] aux entiers dépens de première instance et d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit du conseil des appelants ;
Déboute les parties de toutes autres demandes.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE